Interview de M. Philippe Douste-Blazy, secrétaire général de Force Démocrate et président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale, à RMC le 6 octobre 1998, sur l'union de l'opposition, la stratégie de l'Alliance, notamment pour l'élection du président du Sénat, la préparation des élections européennes de 1999 et les relations entre le RPR et l'UDF.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Q - Votre formation a échoué au Sénat ou au moins votre candidat. Quelques jours après, la fièvre étant retombée, est-ce qu'on peut encore parler ce matin d'un coup sérieux porté au principe de L'Alliance ?

- « L'opposition plus que jamais doit comprendre que la désunion ne fait pas la force et que nous devons devenir une opposition pluri-active : qu'il y ait d'un côté des représentants de droite qui parlent à des électeurs de droite et qui seront persuadés qu'une fois au pouvoir nous ferons une politique de droite ; et à coté, qu'il y ait des représentants du centre et du centre-droit, cet espace géographique de la vie politique qu'il ne faut pas laisser aujourd'hui à la gauche. Et donc c'est avec une opposition pluri-active - vous voyez, je ne dis pas plurielle comme pour la gauche - que nous pourrons développer ce que j'appellerais peut-être un projet crédible au socialisme. »

Q - Est-ce un coup sérieux porté à L'Alliance, ce qui a lieu au Sénat ?

- « Il est évident que si nous voulons revenir au pouvoir, il faut que les différents partis qui forment l'opposition aujourd'hui se respectent. Et pour qu'ils se respectent, il faut qu'il y ait des règles du jeu communes qui soient respectées. »

Q - Est-ce que cet accroc du Sénat nécessite une révision du mode de fonctionnement de L'Alliance ou une clarification de son mode de fonctionnement ?

- « Il est nécessaire, comme je vous le dis, de mettre en avant ce que j'appellerais les règles du jeu. »

Q - C'est quoi les règles du jeu ?

- « C'est d'être toujours ensemble pour présenter un candidat. »

Q - Pas ce qui s'est passé alors ?

- « Eh bien non ! Puisque nous sommes souvent aux élections législatives, aux élections cantonales, aux élections régionales, aux élections municipales, avec un candidat unique - et c'est même l'intérêt aujourd'hui d'une opposition unie - il est donc important de ne pas multiplier les candidatures dissidentes. Je crois que l'opposition doit avoir une règle, c'est d'être unie, ça ne veut pas dire unicité, tous derrière le même, ça veut dire tout simplement peut-être un effet pluriel, complémentaire avec des électeurs qui sont différents, mais des règles du jeu respectées. C'est avec une discipline comme cela que nous reviendrons au pouvoir. Et Surtout un projet, parce que ça qui est le plus important. »

Q - Mais M. Sarkozy et d'autres personnes du RPR ont dit : mais c'est pas grave ce qui s'est passé au Sénat, finalement c'est une compétition normale.

- « Mais il est normal que N. Sarkozy le dise puisqu'il est au RPR. Revenons sur le projet, car nos auditeurs peuvent penser qu'on ne s'intéresse qu'à  la cuisine si je ne réponds qu'à  vos questions. Regardez ce qui se passe aujourd'hui. Vous avez une croissance qui est retrouvée, j'espère pour longtemps, je n'en suis pas sûr, et 55 milliards de francs sont arrivés comme ça sur la France pour la première fois depuis dix ans. Qu'est-ce qu'on en fait ? On en donne 35 à la Fonction publique, c'est-à-dire qu'on oublie toute la France qui travaille, qui mérite une récompense à  son effort ; toute la France de l'innovation, celle de l'entreprise, celle des salariés privés, celle des classes moyennes, on l'oublie. Et en plus, on oublie de faire des grandes réformes, Comme par exemple la réforme des retraites. »

Q - Sur l'Europe est-ce qu il faut une liste commune ?

- « Il faut là  aussi définir ce que nous souhaitons pour l'Europe. Pour moi, l'Europe évidemment, ça respecte les nations en particulier la France qui est une vieille nation. Mais sur certains sujets, comme par exemple la défense, diplomatie, comme la recherche, il est important que nous nous mettions ensemble. L'Europe est devenue une puissance économique, on le voit aujourd'hui avec l'euro, merci, mais elle doit devenir une puissance politique. Or quand les Américains disent quelque chose, nous, on n'arrive pas à  le dire de manière groupée sur le plan international. Donc il n'y a pas un homme ou une femme qui caractérise, qui symbolise la force politique de cette Europe sur le plan diplomatique ou sur le plan de la défense. Donc nous sommes un nain politique, il faut devenir maintenant à  maturité politique. »

Q - Est-ce qu'il faut une de l'opposition pour les européennes ?

- « Pour répondre à  cela, une fois que ce projet est déterminé, si nos partenaires de l'opposition, le RPR, sont d'accord nos positions, nous serons très heureux d'avoir la liste le plus large possible. Sinon, non. Deuxièmement, voudrais vous dire que tous les députes qui sont sur les listes européennes ou qui seront sur les listes européennes doivent siéger au parlement de Strasbourg. J'ai siégé pendant quatre ans au parlement de Strasbourg. Il est tout à fait anormal que quelqu'un qui se présenterait devant les électeurs n'aille pas ensuite siéger. Et deuxièmement, qu'il aille, ce qu'on appelle, au Parti populaire européen, c'est-à -dire un parti qui est le parti par définition européen. Il doit y avoir une entente entre nous pour que tous les gens de la liste aillent à  ce parti pour jouer groupé, une fois à  Strasbourg. »

Q - Est-ce qu'il est acceptable pour les Européens convaincus que M. Séguin, comme le demande le RPR, dirige une liste de l'opposition, lui qui a été quand même signalé à  tous les français par son combat brillant à  l'époque contre le Traité de Maastricht ?

- « Ce qui est important, c'est qu'aujourd'hui même il y a des assises du RPR concernant le projet européen. A la sortie de ces assises, nous aurons le projet européen du RPR. Et c'est sur ce projet, sur le fond, que nous pourrons alors voir qui peut être dans une liste européenne. »

Q - Le Pacs est approuvé par les français, à 67 %

- « Oui parce qu'on n'a pas expliqué aux Français que le Pacs ce n'est pas un pacte de solidarité. Savez-vous que lorsqu'il y a rupture entre deux personnes dans le Pacs, il n'y a pas de présomption de paternité, qu'il n'y a pas d'obligation pour le père d'avoir une charge financière et qu'il n'y a pas d'obligation pour l'homme de donner une pension de famille à  la femme abandonnée et qui ne travaille pas. Et donc, ceux qui sont le plus faibles, les enfants et les femmes abandonnés sont laissés dans la précarité. Pour moi, n'est pas un pacte de solidarité. Par contre, vis-à-vis des homosexuels, si on avait voulu simplement améliorer les droits fiscaux, il suffisait de la loi de finances pour cela. Donc, pas de sous-mariage. »

Q - Vous venez de signer chez Plon, un livre qui s'appelle : « Pour sauver nos retraites », c'est le sujet numéro un en ce moment ?

- « C'est le gros sujet car avec le cap démographique que nous allons passer en 2005, nous savons que tous ceux qui ont moins de 50 ans aujourd'hui n'auront pas de retraite. Il faut donc aujourd'hui faire la grande réforme des retraites et ajouter un troisième échelon au système des retraites actuelles. C'est ce que je propose. »