Interviews de M. Charles Pasqua, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, à TF1 le 20, à RTL et à France 2 le 29 novembre 1994, sur la nécessité des élections primaires pour la majorité et l'appel à créer des comités pour l'organisation des primaires.

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Média : TF1 - RTL - France 2

Texte intégral

TF1 : dimanche 20 novembre 1994

Claire Chazal : vous soutenez P. de Villiers ?

Charles Pasqua : Je soutiens P. de Villiers. Je suis pour le rassemblement de tous ceux qui se réclament de la majorité…

Claire Chazal : Il est apparu comme un diviseur de la majorité !

Charles Pasqua : Disons que les gens qui ont voté pour lui n'auraient pas voté pour les autres. Il faut donc rassembler, il ne faut pas exclure, pas lancer d'anathèmes. Ce n'est pas de cette manière que l'on crée un grand courant majoritaire. Tous les efforts sont accomplis dès lors que l'on accepte des règles simples. J'ai entendu P. de Villiers, concernant les élections présidentielles, dire : j'accepte le principe des primaires.

Claire Chazal : Il serait un candidat éventuel à ses primaires ?

Charles Pasqua : C'est à lui qu'il faut poser la question.

Claire Chazal : Les primaires, cela vous préoccupe beaucoup ?

Charles Pasqua : Je n'ai pas qu'une idée fixe dans ma vie : les primaires. Mais, il faut bien comprendre que les électeurs de la majorité ne se reconnaissent pas forcément tous dans le RPR ou l'UDF. Les primaires ont deux objectifs : 1/ Élargir le champ et de permettre à ceux qui pensent avoir les qualités voulues de se présenter sans que leur candidature soit barrée par les partis. 2/ À l'issue d'un certain nombre de scrutins, cela permet de ne plus avoir qu'un seul candidat. Et donc de ne pas épuiser ses forces dans un combat fratricide au premier tour. On consacre toutes ses forces à lutter contre le véritable adversaire. Les primaires ont aussi pour but de rendre la parole aux Français. C'est leur dire : vous allez choisir le candidat qui portera vos couleurs. Les Français, désormais, veulent être consultés. Ils veulent décider par eux-mêmes. C'est cela la démocratie.

Claire Chazal : Avez-vous concrètement, aujourd'hui, l'accord du RPR et de l'UDF pour organiser ces primaires ?

Charles Pasqua : Ce n'est pas mon problème. Je ne suis pas ici en tant que ministre de l'Intérieur. Ce n'est pas le ministère qui va organiser les primaires, je suis ici en ma qualité de président de l'Association pour les primaires. Je ne me résoudrai jamais, après tous les succès que nous avons eus en 93, par notre bêtise et par notre incapacité à faire prévaloir l'intérêt général. Je me réjouis de ce que les partis politiques, les dirigeants, y compris le mien, comprennent que c'est l'intérêt général qui doit l'emporter, et qu'ils se résolvent à l'organisation des primaires. Mais je n'y crois qu'à moitié. C'est la raison pour laquelle, ce soir, je dis à tous ceux qui m'écoutent : le moment est venu, dans tous les départements – je m'adresse à tous les élus qui se réclament de la majorité – de prendre les choses en mains. Que partout, dans l'ensemble du pays, se créent des comités pour l'organisation des primaires. Ensuite, une fois ces comités installés, nous verrons bien ce que répondront les partis politiques. Les primaires sont faciles à organiser dès lors que nous disposons de 470 députés, de centaines de milliers d'élus locaux. Il suffit d'en avoir la volonté. Du 15 janvier au 15 février, nous pouvons parfaitement organiser quatre scrutins au cours desquels tous les Français, qui le voudront, iront voter pour choisir le candidat qui leur paraît le mieux correspondre à ceux dont ils ont le sentiment que la France a besoin.

Claire Chazal : Ne faudra-t-il pas une loi ?

Charles Pasqua : Il n'y aura pas besoin de loi, et cela ne coûtera pas grand-chose. Il faudra que chaque député dans sa circonscription, ou pour chaque conseil général dans son canton, rassemble des listes électorales et trouve un endroit pour que les gens votent : mairie, école, gymnase, bibliothèque. Les listes électorales sont des listes officielles. On les prend, on crée des bureaux de vote. On met des assesseurs. Les gens votent. Il n'y a rien de plus simple. J'ajoute que si cela coûtait un peu d'argent, il faut bien que les parties politiques – qui sont subventionnés sur fonds publics – les consacrent à permettre aux électeurs de s'exprimer. C'est donc un problème de volonté politique : ou l'on considère qu'il faut un seul candidat au premier tour – et je me réjouis de voir que l'on y vient… J'écoute Millon qui dit : assez d'hypocrisie. J'ai le regret de le lui dire – je l'aime bien –, mais en matière d'hypocrisie, c'est un champion. Tout le monde sait qu'il a envie d'être candidat. Eh bien qu'il accepte les primaires ! C'est le seul moyen pour lui d'être candidat.

Claire Chazal : Ces primaires ne seraient valables que si suffisamment de candidats s'y présentent ?

Charles Pasqua : Pour que cela ait un sens, il faut qu'il y ait au moins 10 % des gens qui vont voter, au-dessous ce ne serait pas raisonnable. On me dira que les primaires n'empêcheront jamais quelqu'un d'isolé de se présenter, ou quelqu'un qui fera preuve de mauvaise humeur, c'est possible. Il n'y a pas de sanction, la sanction c'est celle du corps électoral. Celui qui sortirait de ce système avec le soutien de tous ceux qui se sont opposés dans une compétition loyale et qui aurait déjà derrière lui trois ou quatre millions de Français, il aurait un atout extraordinaire, c'est évident. Dans la vie, si on est un démocrate il ne faut pas avoir peur du suffrage universel, il ne faut pas avoir peur des Français.


RTL  : mardi 29 novembre 1994

M. Cotta : C'est vrai que vous deviez 700 millions à France Télécom ?

Charles Pasqua : C'est d'autant plus vrai que je l'ai annoncé moi-même en présentant le budget du ministère de l'Intérieur. J'ai rappelé qu'en arrivant à ce poste, j'avais découvert 1,5 milliard de dettes, entre celle de téléphone et celles dues à la SNCF. Ce sont des dettes accumulées depuis de nombreuses années. J'ai pris les mesures nécessaires pour qu'il n'y ait pas de dettes nouvelles et pour commencer à rembourser. Il est vrai que c'est une très mauvaise chose de voir l'État donner le mauvais exemple. N'importe qui se comportait comme cela, ou en aurait tiré les conséquences. Imaginez la tête des Français si on suspendait le téléphone à tous les commissariats de police : on aurait bonne mine !

M. Cotta : Vous avez enregistré deux défections dimanche sur les primaires, une de poids…

Charles Pasqua : « … une de grand poids, et celle de P. Séguin. »

M. Cotta : Comment reprendre les choses ?

Charles Pasqua : Ce n'est pas une surprise, parce que V. Giscard d'Estaing, bien qu'il ait signé l'engagement pour les primaires, de même que P. Séguin…

M. Cotta : Ils ne s'en défendent pas.

Charles Pasqua : Il vaudrait mieux avant de signer un document de le lire et mesurer les conséquences de ce que l'on signe. Je constate en plus qu'ils ont eu plus de trois ans pour examiner les choses et en tirer les conséquences. À la limite, le problème n'est pas là : lorsque nous avons choisi cette procédure des primaires – je ne suis pas un maniaque des primaires – nous l'avons fait pour deux raisons : parce que c'était un moyen de réconcilier les citoyens et la politique en leur demandant de participer directement aux choix des candidats ; ça permettrait dès le premier tour d'avoir un candidat d'union de la majorité.

M. Cotta : C'était pour régler les problèmes entre l'UDF et le RPR.

Charles Pasqua : Quand on a réfléchi à ce système en 1988, nous allions bien au-delà des problèmes entre le RPR et l'UDF. Nous tirions les leçons des deux scrutins survenus en 1981 et 1988, qui montrent bien que, contrairement à ce qu'on nous raconte, entre le premier et le second tour, on n'a pas le temps suffisant pour panser les plaies. Naturellement, les hommes politiques sont capables du jour au lendemain de retourner leur veste ou après s'être combattus, de dire aux Français médusés combien ils s'aiment.

M. Cotta : Ce n'est pas le cas des électeurs ?

Charles Pasqua : Les électeurs, c'est différent. Ils ne font pas forcément ce qu'on leur demande.

M. Cotta : Les primaires sont un élément de division de plus.

Charles Pasqua : J'espère bien que ce ne sera pas un élément de division de plus. Le problème essentiel pour la majorité – il suffit de regarder les sondages semaines après semaine – c'est de définir une démarche qui permette l'union dès le premier tour. Il faut répondre à cette question. M. Giscard d'Estaing, M. Séguin ont répondu. Ils ne sont pas pour l'union dès le premier tour. Ils considèrent que ce n'est pas nécessaire. On sait très bien quel sera le résultat. Je ne suis pas de ceux qui accepteront une troisième présidence socialiste.

M. Cotta : Tout deux, ainsi que B. Pons, proposent un code de bonne conduite ou un comité de surveillance…

Charles Pasqua : … mais on a déjà vu tout ça, les comités Théodule, les accords en bonne et due forme, et la décision de ne pas s'agresser et de se soutenir au second tour. On a déjà vu tout ça. Seulement, malheureusement, quand vous êtes candidat, vous commencez par dire « le candidat voisin a des idées proches des miennes. Il n'est pas mauvais ». Ensuite, vous dites « il n'est pas très bon ». Ensuite, « il est franchement mauvais ». Ensuite vous terminez par reconnaître qu'il ne vaut rien ! C'est le processus logique. Autrement, vous n'êtes pas candidat.

M. Cotta : Peut-on encore organiser des primaires ?

Charles Pasqua : Je ne suis pas entêté, je ne fais pas une fixation. Ce n'est pas un brevet et je n'attends pas les droits d'auteurs. Je fais une fixation sur un point : il faut un candidat d'union dès le premier tour. Si on connaît une autre procédure, qu'on me l'indique. S'il n'y en a pas, alors il faut mettre en place celle-là. J'entends bien que trois ou quatre personnes de la majorité n'y sont pas favorables, voire cinq ou six, mais il y a une dizaine de milliers d'élus locaux.

M. Cotta : J. Chirac vient de dire qu'il ne se prononcerait pas dans la mesure où il est candidat. Quelles seront les conclusions du groupe parlementaire de travail sur ce sujet ?

Charles Pasqua : Comment voulez-vous que je sache quelque chose ? Les parlementaires sont des gens habitués à garder le secret.

M. Cotta : Peuvent-ils garder les primaires et un code de bonne conduite ?

Charles Pasqua : Si nous décidons de mettre en place les primaires, le code de bonne conduite va de soi, puisque chacun s'engage à l'issue des primaires derrière un seul candidat. Nous avons deux mois pour faire campagne. Ça n'a rien à voir avec 15 jours. C'est parfaitement réalisable. Je rappelle simplement ceci : la majorité absolue du groupe RPR, la majorité absolue du groupe UDF et des dizaines de milliers d'élus locaux et des milliers de maires se sont engagés pour les primaires. Nous verrons bien ce que dira aujourd'hui ce comité des groupes de la majorité. Ensuite, ce sera aux députés et aux dirigeants de la majorité de prendre leurs responsabilités.

M. Cotta : Si primaires il y avait, ne pourriez-vous pas être désigné comme le champion de ces primaires ?

Charles Pasqua : Ce n'est pas du tout comme cela que les choses se passent aujourd'hui. Je viens de dire que j'étais pour un candidat d'union. Je ferai tout pour qu'il y en ait un.

M. Cotta : Et si vous étiez celui qui sortait des primaires ?

Charles Pasqua : Si M. Giscard d'Estaing, M. Chirac, M. Balladur, M. de Villiers se retiraient en ma faveur, je serai « interpellé », comme on dit !

M. Cotta : Les militants ?

Charles Pasqua : Ce n'est pas un problème de militants, c'est un problème d'électeurs. Il faut être sérieux : nous voyons bien semaine après semaine que la présence éventuelle de deux candidats conduit à l'échec.

M. Cotta : Le fait que les sondages montrent que J. Delors battrait J. Chirac et E. Balladur ?

Charles Pasqua : Ça ne m'incite pas à la réflexion, mais à la résolution et au combat. Je suis sûr que Delors peut être battu à condition que nous ayons une démarche claire et que nous ne nous étripions pas entre nous.

M. Cotta : Delors bénéficie-t-il d'une prime d'éloignement ?

Charles Pasqua : Oui. Si la majorité continue à se déchirer, elle fait le lit de Delors.

M. Cotta : Vous êtes un déçu de J. Chirac.

Charles Pasqua : Pas du tout. Pourquoi le serais-je ?

M. Cotta : Cela veut-il dire qu'E. Balladur est votre champion ?

Charles Pasqua : S'il y avait des primaires demain et que J. Chirac soit désigné par les électeurs, je le soutiendrais. Il n'y a aucun problème. Mais ce qui compte, c'est qu'il y ait un seul candidat.

M. Cotta : Vous y croyez encore ?

Charles Pasqua : Si je n'y croyais pas, serais-je ici ce matin, en dehors du plaisir de vous voir ?


France 2  : mardi 29 novembre 1994

E. Leenhardt : Êtes-vous satisfait par le non norvégien ?

Charles Pasqua : Je n'ai pas à être satisfait, ni mécontent. Le peuple norvégien est un peuple indépendant, libre, et fier et de surcroît. Il a les moyens de son indépendance, il a donc choisi. Je crois que c'est clair, ce qui lui a fait peur c'est cette espèce d'organisation bureaucratique. Tout le monde sait que l'Europe souffre d'un déficit démocratique. C'est un problème auquel nous aurons à faire face si nous voulons réellement qu'en dehors des administrations et des gouvernements, les peuples s'associent à la construction européenne qui est de toute façon une nécessité. Mais pas n'importe laquelle.

E. Leenhardt : Votre réaction à l'initiative de Monsieur Roatta dans sa circonscription de Marseille.

Charles Pasqua : Ça n'a rien à voir avec les primaires. Les primaires ça s'adresse à l'ensemble du corps électoral qui est appelé à se prononcer. Il ne s'agit pas de faire un test avec des militants dans un coin de France. Je connais bien Roatta. C'est un garçon dynamique. Mais ce n'est pas ça du tous les primaires. Au-delà des primaires qui sont un moyen de sortir un peu de ce débat, il faut répondre à une question simple. Est-ce qu'il faut un seul candidat dès le premier tour ou pas ? M. V. Giscard d'Estaing répond non, M. J. Chirac considère qu'il vaut mieux qu'il y en ait plusieurs, M. Séguin croit que même qu'il y en a plusieurs, au RPR de surcroît, c'est bien, M. Millon est candidat, M. Le Pen le sera de son côté, M. de Villiers aussi. Je veux dire par là – en mettant Le Pen de côté – on aura déjà quatre ou cinq candidats. Dans ces conditions, l'objectif numéro 1 est d'abord de rassembler son camp. C'est cela les élections présidentielles ! Si on veut être élu au second tour, il faut rassembler les Français. Comment peut-on rassembler les Français si on ne rassemble pas son camp ? Et pour rassembler son camp, ce n'est pas avec quatre ou cinq candidats qu'on y arrivera. Aujourd'hui, il y a eu un déjeuner de la majorité et on a parlé des primaires ; qu'est-ce qui a été décidé ? M. Juppé et M. Bayrou vont mettre en place le comité national pour les primaires. Il y a un groupe qui travaille et qui dira si c'est possible ou pas.

E. Leenhardt : Les premières informations laissent penser que la faisabilité ne serait pas…

Charles Pasqua : Vous ne pouvez pas dire aujourd'hui quel sera le verdict de cette commission tel qu'il tombera vendredi. Mais de toute façon, ce qui est clair, c'est qu'à partir d'aujourd'hui, dès lors que la décision est prise d'installer un comité national, et dès lors qu'il y a un comité qui est dirigé par les partis qui est chargé d'étudier ce système, ce sont eux qui l'assument. Et ce sont donc eux qui devront dire au corps électoral : oui nous étions pour un candidat d'union, ou non nous n'étions pas pour un candidat d'union.

E. Leenhardt : Vous y croyez encore à l'organisation de primaires ?

Charles Pasqua : Les primaires, c'est un moyen. Ce n'est pas une statue que l'on va bâtir, c'est un moyen. Ce dont je suis sûr, c'est qu'il faut un seul candidat pour le premier tour, primaires ou pas. Si on veut faire les primaires pour qu'il y ait un candidat d'union on peut les faire.

E. Leenhardt : P. Séguin propose un code de bonne conduite entre les différents candidats de la majorité. Vous étiez plutôt proche de lui. Cela ne vous paraît pas une bonne idée ?

Charles Pasqua : Je peux être très proche de P. Séguin et avoir des idées tout à fait différentes des siennes. Le code de bonne conduite, ça me fait penser au combat de catch. Un matche de catch à quatre. On ne se fera pas de misère ! Et puis le match commence et il y en a un qui reçoit un mauvais coup, il oublie ce qu'il a dit au départ et cela tourne à l'empoignade générale. Les codes de bonne conduite, on a vu cela en 81, et 88. Si je me présente à une élection et si à côté de moi, j'ai monsieur Pierre Perret (Le chanteur est présent sur le plateau à côté de monsieur C. Pasqua, ndlr) qui est dans une famille politique proche, je vais commencer par dire : il n'est pas mal ce candidat. Lui, il va dire la même chose. Puis, ensuite, je vais dire : mais je suis meilleur. Après je dirai : il est mauvais. Après je dirai : il ne vaut rien. Ça se terminera comme cela.

E. Leenhardt : Delors est au plus haut dans les sondages, E. Balladur perd encore des points. Est-ce que cela vous inquiète ?

Charles Pasqua : Pour Delors ? Plus grande sera la chute ! Ce qui m'inquiète, c'est notre incapacité à choisir un candidat d'union. Vous allez dire que je suis têtu, borné, mais je répéterai cela jusqu'à ce qu'on en ait un.

E. Leenhardt : Est-ce que vous jugez que les politiques préconisées par J. Chirac et E. Balladur sont très différentes l'une de l'autre ?

Charles Pasqua : Attendons qu'elles se soient exprimées. Mais de toute façon, ce n'est pas seulement ça. Un candidat à la présidence de la République, ce n'est pas seulement un programme. Chacun sait que ce n'est pas le programme qui compte. C'est l'impression que l'on aura. Est-ce que la personne que j'ai en face de moi et qui est candidate me donne le sentiment d'être sincère ? Est-ce que j'ai le sentiment qu'elle veut le bien des Français et aussi celui de la France ? Est-ce que je la crois capable et compétente ? Est-ce que je la crois honnête ? C'est comme cela que ça va se faire, et pas autrement. C'est le contact entre un homme et le peuple. Tout le reste, les programmes, moi je vous en fais trois avant demain soir si vous voulez !

E. Leenhardt : Et s'il n'y a pas d'élections primaires ?

Charles Pasqua : Il faudra quand même qu'il y ait un candidat d'union. Alors à un moment donné, il faudra essayer de faire en sorte que la sagesse l'emporte. Ça c'est un programme, un grand programme.

E. Leenhardt : Vous pensez qu'il faut couper les liens entre les hommes politiques et les entreprises ?

Charles Pasqua : Le projet de loi auquel fait référence P. Méhaignerie, ce sont les services du ministère de l'Intérieur qui le préparent. Alors, je sais bien ce qu'il y a dedans, ce que j'ai souhaité qu'il y ait dedans : qu'il n'y ait plus de financement par les entreprises. Mais ne nous trompons pas de débat. Ce n'est pas parce qu'on fera de belles lois que le problème sera résolu. Le vol est interdit, le crime aussi. Il y a pourtant des voleurs et des criminels. C'est avant tout un problème d'éthique, de morale, et chacun doit savoir qu'à partir du moment où on décide d'entrer dans le monde politique, on n'y va pas pour faire fortune. Si on veut faire fortune, on est dans les affaires, on se débrouille, on y va pour servir l'intérêt général.

E. Leenhardt : Pensez-vous qu'il faille oublier et enterrer l'amendement Marsaud ?

Charles Pasqua : Je crois que l'amendement Marsaud correspond à un vrai problème. Est-ce que l'on peut traiter ce problème isolément de l'ensemble des autres problèmes de la justice ? Je ne le crois pas. Il n'y a pas que le secret de l'instruction. Je ne dis pas du tout qu'il faille l'oublier, mais je dis qu'il faut le traiter dans un ensemble. Il n'y a pas que le secret de l'instruction, il y a la détention provisoire. Nous avons le record des détentions provisoires en France. Or que dit la loi ? La loi dit que la liberté provisoire est la règle, et la détention l'exception. Il faut revenir à l'inspiration des lois.