Texte intégral
Il n'est pas banal que le ministre de la Fonction publique signe un protocole d'accord avec les représentants de l'industrie et du bâtiment.
Cela l'est d'autant moins que la formation des jeunes est un de ceux qui donnent lieu trop souvent dans notre pays à des incompréhensions préjudiciables à la qualité du débat.
Aussi, l'accord que nous avons signé le 15 septembre 1993 revêt-il à mes yeux une double symbolique.
Il montre que l'ensemble du pays se mobilise, en inventant des formes originales de coopération, pour résoudre son problème numéro un, celui de l'accès à l'emploi des jeunes.
Il illustre également que la formation, loin d'être un ferment de division, peut-être l'occasion de rapprochement fructueux entre acteurs publics et acteurs privés.
Nous sommes des partisans convaincus de l'apprentissage (1) qui est une des voies nobles d'accès à la formation professionnelle, du CAP du diplôme d'ingénieur, dans les métiers de l'artisanat (2) comme dans ceux de l'industrie (3).
C'est une formation qui offre un bon équilibre entre pédagogie pratique et théorique, et qui permet au jeune de bénéficier d'un enseignement personnalisé ainsi que de la présence d'un adulte de référence, et qui assure naturellement le passage de la vie scolaire au premier emploi, de la vie d'adolescent à celle d'adulte.
En introduisant l'apprentissage dans la fonction publique, nous mettons à la disposition des jeunes gens de notre pays le formidable potentiel humain et technique des services de l'État, des collectivités territoriales et des hôpitaux, c'est-à-dire une multitude de métiers, de savoir-faire et beaucoup de générosité, qu'il aurait été coupable de ne pas mobiliser, au moment où des milliers de jeunes sont à la recherche d'une formation qualifiante et d'un premier emploi.
Les apprentis du secteur public ne diffèrent en rien de ceux du privé ; ils ont le même statut fixé par le Code du travail, la même rémunération, ils préparent les mêmes diplômes dans les mêmes CFA, et, comme leurs camarades du secteur privé, sont destinés essentiellement à se présenter sur le marché du travail.
Il ne s'agit pas en effet d'instaurer une nouvelle formule de recrutement de fonctionnaires, mais d'inscrire durablement les trois fonctions publiques parmi les acteurs naturels de la formation des jeunes apprentis, conformément à une conception de l'apprentissage dans laquelle les entreprises, qu'elles soient privées ou publiques, au-delà même de leurs politiques de recrutement, se considèrent comme investies d'une mission générale de formation professionnelle des jeunes.
Introduire l'apprentissage dans le secteur public n'est pas une mince affaire. Il faut imprégner les responsables administratifs d'une problématique qui leur était jusqu'ici étrangère, mette en place des réseaux d'information, d'instruction, de décision, des circuits financiers, tisser des liens avec les professions et les CFA, débattre avec les collectivités régionales, responsables de l'organisation de l'apprentissage, bref, construire des procédures complexes dont chaque élément est indispensable au bon fonctionnement d'ensemble. Je dois dire qu'à ma grande satisfaction, cette initiative a reçu un accueil très favorable de la grande masse des fonctionnaires, qui ont vu là une occasion supplémentaire de jouer pleinement ce rôle de médiation sociale qui doit être plus que jamais au cœur de l'action de l'Administration.
Mais conscients de la nouveauté et de la difficulté de la tâche, nous nous sommes malgré tout fixé des objectifs quantitatifs modestes, notre priorité étant cette année de mettre en place un dispositif solide, garant de la qualité de la formation, qui montera en puissance régulièrement au cours des années à venir.
C'est dans cette démarche que s'inscrivent les deux conventions que nous avons signées.
Elles prévoient en premier lieu que les deux professions informeront précisément les employeurs publics des métiers dans lesquels il y a des besoins de main-d'œuvre, afin que les offres de stage d'apprentissage correspondent bien aux besoins du marché.
En second lieu, les deux professions s'engagent à facturer aux employeurs publics qui inscriront les apprentis dans les CFA relevant de l'UIMM ou dans les CFA du bâtiment et des travaux publics des coûts de formation particulièrement étudiés.
Enfin, et c'est là un aspect essentiel, l'UIMM et les fédérations du bâtiment et des travaux publics feront des efforts particuliers pour assurer l'embauche par les entreprises de leur secteur respectif des apprentis formés par le secteur public.
Cet engagement doit être apprécié à sa juste valeur : il est un acte de confiance des deux professions dans la compétence des fonctionnaires, dans leur capacité à former des professionnels pour les entreprises du secteur privé.
C'est un acte de confiance justifié mais qui n'allait pas de soi, et qui illustre les rapprochements fructueux que concrétisent ces conventions.
Le protocole d'accord avec l'UIMM comporte une quatrième initiative relative au développement du service national en entreprise.
C'est un aspect auquel, avec mon collègue et ami le ministre de l'Industrie et du Commerce extérieur, Gérard Longuet, nous attachons la plus grande importance.
Un des points faibles de notre politique d'exportation tient, en effet, à la difficulté de trouver, notamment pour les PME, des cadres rodés aux marchés extérieurs et prêts à séjourner à l'étranger pendant de longues périodes.
La formule « du coopérant du service national en entreprise » donne l'occasion à l'entreprise de bénéficier, à un prix raisonnable, de la présence d'un collaborateur sur le terrain pendant seize mois, et à un jeune de se former à la coopération industrielle.
Encore trop peu utilisée, cette formule doit être fortement encouragées et sera mobilisée pour des techniciens et des ingénieurs que nous allons former par l'apprentissage en collaboration avec l'UIMM, tout particulièrement sur les marchés asiatiques où nous devons consolider notre présence.
Voilà le contenu d'une initiative qui, je le crois, illustre à bien des égards l'objectif prioritaire et la méthode de ce Gouvernement.
Et je veux enfin remercier encore une fois nos partenaires des fédérations du bâtiment et de la métallurgie pour leur engagement dans cette opération, qui apporte une contribution décisive au développement de l'apprentissage dans notre pays, et dire ensuite ma très grande satisfaction aux quatre confédérations syndicales du secteur du bâtiment, membre des commissions paritaires nationales de l'emploi, organe compétent dans ce secteur, qui sont signataires de cette convention.
Leur signature donne, en effet, à cet accord sa pleine expression, d'une mobilisation de toutes les forces sociales pour relever le défi de la formation et de l'emploi des jeunes à laquelle appelait tout récemment le Premier ministre.
(1) Cf. l'entretien de M. André Rossinot dans le n° 21 de décembre 1993 de notre revue (p. 4).
(2) Voir l'éditorial de M. Alain Madelin (p. 2) et l'article de M. Daniel Perrin (p. 14).
(3) Voir notre article « Une campagne en faveur de l'apprentissage industriel » (p. 10).