Interview de M. Philippe Douste-Blazy, secrétaire général de Force Démocrate et président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale, dans "Le Figaro" du 2 octobre 1998, sur le fonctionnement de l'intergroupe parlementaire de l'opposition à l'Assemblée nationale, les relations de l'UDF et du RPR, notamment dans le cadre de la préparation des élections européennes de 1999.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Philippe Douste-Blazy - secrétaire général de Force Démocrate et président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationa ;
  • Sophie Huet - Journaliste

Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

Texte intégral

Le Figaro. – Le Premier ministre Lionel Jospin ne manque pas une occasion de rappeler la « volonté de réformes » du gouvernement. N'est-ce pas ce que souhaite l'opposition ?

Philippe Douste-Blazy. – Après seize mois de pouvoir, les Français n'attendent pas d'un Premier ministre qu'il répète son discours de politique générale, mais qu'il donne les premiers résultats de ses choix politiques. Dans son discours de Tours, Lionel Jospin a répété 25 fois le mot « réforme »... pour n'annoncer aucune réforme de fond : pas de réforme sur les retraites, pas de réforme sur la fiscalité ni sur la restructuration hospitalière…

En ce qui concerne les deux mesures-phares de 1998, le bilan est clair : les 35 heures ne créeront pas d'emploi. Il n'y a eu que 171 négociations achevées, et seulement 1 400 emplois créés au titre de la loi Aubry. A ce rythme, il faudrait 91 ans pour que les Français salariés passent aux 35 heures ! En comparaison, je rappelle que la baisse des charges sociales patronales avant permis à Jacques Barrot de créer 40 000 emplois en 1997. Quant aux emplois-jeunes, qui bénéficient essentiellement aux jeunes diplômés, ils manquent ainsi leur cible, celle des jeunes non qualifiés.

A se fixer sur son propre avenir, Lionel Jospin oublie de préparer celui du pays.

Le Figaro. – Comment va fonctionner l'intergroupe RPR-UDF-DL à l'Assemblée, après les ratés de la session précédente ?

– Il n'y a qu'une seule question à se poser : comment faire de cet intergroupe une réalité ? Nous avons proposé plusieurs pistes de réflexion aux députés de l'opposition. Nous tiendrons des réunions régulières sur l'actualité législative : la semaine dernière, l'intergroupe de l'Alliance a débattu du Pacs, et mercredi, des projets de budget et de financement de la Sécurité sociale, que l'opposition dans son ensemble sera déterminée à combattre. Ces réunions nous permettront de mieux coordonner notre action au Parlement et de présenter quand cela sera possible des amendements communs à nos trois groupes, voire des propositions de loi communes, dans le cadre des « fenêtres » parlementaires qui nous sont réservées une fois par mois.

Mais réagir ne suffit pas. Il faut aussi que nous puissions présenter un projet alternatif crédible. Pour cela, nous créons les « mardis de l'Alliance » qui auront lieu chaque trimestre, en présence d'experts. Le premier « mardi », le 13 octobre, portera sur la politique agricole commune.

Le Figaro. – Comment éviter que le groupe UDF que vous présidez ne soit catalogué comme un groupe centriste ?

– Ne croyez pas que le qualificatif de centriste nous conduira à être une force d'appoint pour le Gouvernement. Si nous sommes centristes, c'est que nous sommes attachés à une idée très simple : nous voulons concilier les exigences nécessaires du marché avec le principe d'une solidarité active. Nous avons une seule priorité : l'emploi. Pour cela, une mesure est efficace : la baisse des charges sociales, qui aurait un autre impact que la petite réforme de la taxe professionnelle proposée par le gouvernement, qui aidera plus les entreprises de services que les industries de main d'oeuvre peu qualifiée.

Le projet de budget pour 1999, que nous combattrons, s'appuie en outre sur une prévision de croissance de 2,7 %, alors qu'elle sera plus faible. Car les premiers signes d'essoufflement économique sont là. Ce gouvernement est celui de l'imitation : comme en 1981, les fruits de la croissance servent à payer l'emballement des dépenses, et comme en 1992, c'est la fonction publique qui va profiter de plus de la moitié des 55 milliards de francs de recettes fiscales supplémentaires. Ce budget creuse l'écart entre les Français. C'est le budget de l'inégalité.

Le Figaro. – Dans les récentes élections partielles, on constate un bon report des voix de l'électorat FN vers des candidats de l'Alliance...

– Ces résultats montrent clairement que nous pouvons lutter contre le FN sans faire le jeu de la gauche, et que nous pouvons lutter contre la gauche sans faire pour autant le jeu du FN. Le piège qui nous a été tendu plusieurs fois pourrait bien se refermer sur ceux qui se sont entendus implicitement pour nous le préparer.

Le Figaro. – Avez-vous évolué vers la constitution d'une liste unique aux élections européennes ?

– Au-delà du projet politique, l'Europe est pour nous une référence. Dans une période de mobilité des convictions, c'est à nous de fixer le cap. Nous ne laisserons à personne le soin de fixer les termes du débat. Nos convictions européennes se sont imposées depuis 40 ans. Elles se sont maintenues de Valéry Giscard d'Estaing à Jacques Chirac. Si nos partenaires de l'opposition partagent nos convictions, il faudra une liste unique.