Texte intégral
Mesdames, messieurs les parlementaires
Messieurs les Présidents des Conseils généraux,
Mesdames, messieurs les maires et les élus,
Messieurs les Président, monsieur le Préfet,
Mesdames, messieurs,
Permettez-moi tout d'abord d'exprimer mes remerciements à la SNCF et à RFF, à leurs présidents pour leur accueil et pour nous permettre de marquer de manière significative le lancement de la semaine des transports publics organisée par le Comité de promotion des transports publics.
Comme vous l'avez dit, monsieur Gallois, monsieur Auxiette, la visite de cette « tangentielle » illustre parfaitement les efforts qu'il convient de conduire pour "changer la donne" en matière d'équipements, de réponses aux besoins des populations notamment en terme de rocade et de desserte des périphéries urbaines et périurbaines. J'y reviendrai dans mon propos.
Mais avant d'aller plus au fond des problèmes et des choix nouveaux qu'il apparaît indispensable de traiter, je voudrais saluer les efforts menés par les ministères de l'Aménagement du Territoire et de l'Équipement, avec l'excellente initiative : « En ville, sans ma voiture » ou encore celle de la ministre de la Culture : « Culture et Transports publics », sans parler de toutes celles organisées par de nombreuses villes et par vous-même, Monsieur le Président du GART, Jacques Auxiette.
Tout cela participe, comme vous l'avez voulu, à convaincre les Françaises et les Français de l'intérêt des transports publics. Bien sûr, nous savons tous qu'il nous faudra poursuivre nos efforts. Avec d'autant plus de détermination que, non seulement des choix nouveaux sont à faire en matière d'investissements, mais aussi parce que nous nous heurtons à des habitudes, à des comportements, à un héritage façonné bien souvent par l'adaptation exclusive de la ville à la voiture, symbole s'il en fut et s'il en est de liberté, de souplesse et de confort !
Pourtant de premiers signes réels, positifs, dans l'opinion et dans des attitudes nouvelles, montrent que cela devient possible. Le comportement citoyen lors des pics de pollution, la fréquentation un peu plus grande des transports collectifs contrairement aux tendances lourdes enregistrées jusqu'ici, l'accueil fait à notre appel d'utiliser les transports en commun pour se rendre au Grand Stade lors de la coupe du monde, le gain de part de marchés certes très modéré encore (1 %) sur le transport routier par le rail etc., etc. sont autant d'hirondelles qui, sans faire le printemps, peuvent en constituer de premiers signes annonciateurs !
C'est, je le crois profondément, une nécessité. C'est l'intérêt de tous. L'absence de priorité vis-à-vis des transports publics devient de moins en moins soutenable. Pour les automobilistes eux-mêmes confrontés aux embouteillages quotidiens, au temps gâché, au stress des trajets répétitifs et contraints, pour les citoyens plus largement victimes des nuisances que le volume et la croissance du trafic automobile génèrent : pollution atmosphérique, bruit, utilisation de plus en plus grande de l'espace etc...
Ces questions, tout le monde se les pose aujourd'hui parce qu'elles se posent dans toutes les agglomérations. Pas seulement chez nous d'ailleurs.
A ce constat général il nous faut en ajouter d'autres qui ont marqué les décennies écoulées.
D'abord la tendance, qui a prévalu pratiquement partout, a privilégié la desserte du centre des villes par rapport aux dessertes de périphérie. Ainsi en Île-de-France 80% des déplacements motorisés entre banlieues sont effectués en voiture.
Là où la crise a frappé et frappe le plus fort on a trop souvent limité les équipements et les services les plus nécessaires - c'est vrai des transports collectifs - aggravant encore les fractures et les inégalités et le sentiment d'être ignoré, rejeté.
Le processus de péri-urbanisation que l'on observe dans toutes les grandes villes a conduit à faire des transports collectifs un mode de transport secondaire et de moins en moins utilisé. L'offre de transport elle-même a été réservée aux zones les plus denses : le coeur des agglomérations, sans se soucier de savoir si pour certaines catégories de gens ce n'était pourtant que le seul moyen d'accéder au droit à se déplacer.
Dans les départements concernés par la « tangentielle nord », ceux du Val d'Oise et de Seine-Saint-Denis, il n'est pas besoin ici de développer longtemps ce propos pour comprendre combien, les efforts indispensables à conduire en matière d'offre de transport collectif en rocade, contribueront à répondre à des besoins majeurs.
Ceci étant, je ne vous cacherai pas que si le développement de l'offre de transports collectifs est une condition nécessaire elle n'est pas suffisante.
Dans certaines villes européennes, pour une offre de transports collectifs comparable, avec un taux de possession d'automobiles comparable, l'usage des transports collectifs est deux fois plus élevé que ce que nous constatons dans certaines de nos agglomérations.
On pourrait faire la même remarque en ce qui concerne le développement d'autres modes de déplacements, plus apaisés, que ce soit l'utilisation du vélo, des rollers pour les jeunes, ou plus simplement encore de la marche à pied. Bref si « la semaine du transport public » contribue à une modification des comportements vis à vis de l'utilisation de l'automobile, elle aura franchement contribué à nous attaquer à un véritable enjeu de société !
Évidemment il convient pour cela que les pouvoirs publics, les collectivités territoriales, les partenaires et les décideurs concourent ensemble vers ces objectifs.
C'est vrai de la politique de stationnement et de gestion de l'espace qui devrait être plus favorable aux transports collectifs.
L'objectif des plans de déplacements urbains (PDU) devraient être d'optimiser la chaîne de transport en favorisant la complémentarité entre les modes notamment celle entre transports collectifs et automobiles. Je pense en particulier au parking de rabattement. Il ne s'agit pas à mes yeux de diaboliser la voiture, mais de réduire son usage notamment dans les centres quand il s'agit d'un usage contraint forcé, faute de transports en commun accessibles et de qualité.
On a adapté je l'ai dit, la ville aux voitures. Le résultat est que l'on risque aujourd'hui, sans changement, d'aboutir à l'asphyxie, à la congestion qui est, on en conviendra, la pire des régulations.
C'est d'autant plus nécessaire de changer la donne que la poursuite des évolutions à l'oeuvre conduirait à d'immenses gâchis humains et économiques aussi.
Toutes les études économiques montrent qu'en milieu urbain dense, le coût d'usage de l'automobile est très supérieur à celui des transports collectifs.
A ce coût il convient d'ajouter qu'en milieu urbain aussi, le coût de l'espace voirie est très élevé. Il convient donc de rechercher à optimiser son usage. Cela permettrait d'augmenter la vitesse de circulation des transports collectifs de surface (bus et tramway) par la priorité aux feux, les voies réservées, les sites propres par exemple.
On ne sait pas assez que les conséquences de la saturation automobile se traduit par 120 millions d'heures perdues par an en France pour les voyageurs de bus en milieu urbain. Les surcoûts d'exploitation pour les réseaux de bus sont estimés à plus de 2 milliards de francs ! De quoi créer deux lignes de tramways supplémentaires chaque année !
De plus tous les exemples récents le prouvent (en région parisienne ou en province) : Le meilleur partage de la voirie plus favorable aux transports collectifs sont souvent l'occasion d'une requalification urbaine. Il est donc un élément de la modernité urbaine du XXIe siècle.
Comme vous le voyez le projet d'ouverture aux voyageurs de la tangentielle nord, sur laquelle le train que nous avons emprunté à circulé, est à mes yeux le symbole d’une nouvelle étape pour les transports publics. Elle reliera Sartrouville à Noisy-le-Sec, mais à terme, la liaison Pontoise-Roissy sera également assurée.
Pourquoi la réalisation de ces tangentielles constitue-t-elle un enjeu ?
Tout simplement parce qu'il y a en Île-de-France un décalage de plus en plus important entre les demandes de déplacement et l'offre du réseau de transport en commun, en particulier en moyenne couronne. En l'espace de cent ans, l'agglomération parisienne s'est considérablement modifiée. En 1900, elle comptait trois millions d'habitants dans ce qui correspond au périmètre actuel de Paris intra-muros. Actuellement, elle compte plus de dix millions d'habitants et s'étend bien au-delà de la petite couronne.
Le réseau ferré régional est resté figé en étoile et centré sur Paris. L'agglomération actuelle, hors Paris, ne possède pas pour l'instant de réseau maillé de transports collectifs à sa mesure.
Il convient donc de passer d'une organisation centralisée à une organisation multipolaire grâce à la création de rocades ferroviaires. Ce sont des priorités du Gouvernement. Je m'attacherai à ce qu'elles soient inscrites dès le prochain contrat de plan État-Région Île-de-France en insistant sur les projets de transports collectifs de banlieue à banlieue, et si possible pour des projets en surface.
L'enjeu de cette orientation est très important car nous savons qu'à l'horizon 2015, les déplacements en banlieue vont augmenter de 47 % alors qu'ils resteront stables dans Paris infra muros. Dans le même temps, il convient de rattraper les retards et réparer les injustices. Le déséquilibre entre l'Est et l'Ouest est connu. Il a contribué à ajouter des difficultés aux difficultés des banlieues déjà frappées par la crise économique et la désindustrialisation. Il faut inverser cette logique et s'appuyer sur tous les atouts dont bénéficie notre région.
La corrélation, accessibilité et développement économique est largement démontrée. Les conséquences positives sur l'emploi et la vie sociale sont considérables.
De ce point de vue, et vous ne m'en voudrez pas si en tant qu'élu de Seine -Saint-Denis, j'insiste sur l'apport pour ce département que constitue l'ouverture de la gare de Villetaneuse-Université, celle de Bobigny-Drancy ainsi que Noisy-le-Sec, cette dernière devant constituer un pôle d'importance multimodale avec la gare SNCF banlieue, la future ligne EOLE, le tramway et bien sûr cette tangentielle.
Enfin je ne veux pas terminer sans parler du développement du transport de fret ferroviaire qui permet de soulager les infrastructures routières. Vous savez que des trains de marchandises circulent actuellement sur la grande ceinture. Je serais attentif à ce que ce projet marie le transport de voyageurs et le développement du fret.
En effet, la grande ceinture ferroviaire est un axe national majeur du trafic de fret, puisqu'il établit le lien entre le Sud et l'Est de la France avec le Nord-Ouest. L'organisation du fret en France en dépend en grande partie. Notre souhait est de ne pas imposer des contraintes fortes aux circulations de trains de fret, mais plutôt de profiter du projet pour proposer des améliorations.
Mesdames et Messieurs, il n'y a pas d'ambition qui ne se nourrisse de moyens, sinon les actes ne suivent pas les paroles. C'est pourquoi, le budget 1998 et plus encore celui de 1999 montre que l'effort de l'État en faveur des transports collectifs s'accroît.
Pour le "site propre" en province, il est, de nouveau en augmentation de 10 % en 1999.
Au total, ce sont 58 km de lignes de tramway dont 10 km de lignes en sites propres qui auront été décidées en 1998 et que nous accompagnerons.
Les tarifs des transports collectifs en Île-de-France ont quant à eux fait l'objet de plusieurs mesures importantes depuis le début de l'année.
• Il s'agit du chèque mobilité, mis en place en mars dernier pour favoriser les déplacements de certains demandeurs d'emplois et certains allocataires du RMI. Au premier septembre, 163 000 personnes avaient bénéficié du chèque mobilité, soit un peu plus de 2 millions de titres de transport ;
• Pour réduire la dépense de transport des familles et encourager les jeunes à utiliser les transports collectifs, nous avons décidé avec la Région Île-de-France et le ministère de l'Éducation Nationale, de la Recherche et de la Technologie de mettre en place la carte « IMAGINE R », une carte jeune en faveur des scolaires, des lycéens, des apprentis et des étudiants pour la rentrée scolaire ; environ 450 000 jeunes pourraient bénéficier à terme de cette mesure.
L'effort important envers les transports en commun doit être accompagné par des mesures que je qualifierais de qualité de service rendu à l'usager. Il s'agit bien entendu de l'information au voyageur, qui se développe à Paris avec le système ALTAÏR sur les bus de la RATP, mais aussi à Perpignan ou à Lyon ; des transports plus accessibles, à la fois aux personnes à mobilité réduite, handicapées, âgées ou avec de jeunes enfants ; de la pollution des bus, que nous combattons en promouvant des énergies moins polluantes ; de la sécurité, thème auquel j'attache une grande priorité. Je ferai prochainement le point sur les mesures que nous avons prises en début d'année a ce sujet.
Mesdames et Messieurs, chacun le sent bien, on ne peut envisager l'avenir en se contentant de poursuivre la trajectoire précédente.
On en connaît aujourd'hui les conséquences : les citadins multiplient les déplacements entre des lieux cloisonnés qui renforcent souvent les ségrégations sociales, les inégalités, elles-mêmes aggravées par les voies de communications surchargées.
Ou bien on entreprend de penser autrement la grande mutation urbaine du siècle qui s'annonce, en privilégiant, la mixité et la convivialité, en inventant une meilleure répartition de l'espace permettant de se déplacer mieux, en multipliant l'offre des transports publics qui doivent devenir synonymes de qualité, de rapidité, de sécurité, d'accessibilité.
Pour toutes ces raisons, j'ai lancé l'idée d'un débat national sur les thèmes des déplacements et de l'urbanisme qui sont, comme chacun le sait intimement liés.
Nous ne pouvons plus mettre en place de politique des déplacements sans penser à ses répercussions sur les formes urbaines et réciproquement, nous ne pouvons plus penser les formes urbaines sans une nécessaire réflexion sur les déplacements et le cadre de vie.
Ce débat aboutira au printemps prochain. Il sera l'occasion à la fois de faire le point sur les connaissances en matière de politique des déplacements, de mobilité et d'urbanisme, et de dessiner une vision stratégique et politique sur ce sujet, qui va au-delà du clivage simpliste entre urbanisme et transport.
Cette contribution à l'information démocratique des citoyens permettra en même temps d'accélérer la prise de conscience quant aux modifications de comportements indispensables. Elle ne peut être que le résultat d'une réorientation de l'intervention de tous les acteurs qui forgeront les villes de demain, l'État, les collectivités locales, les élus, les organisations sociales, les citoyens eux-mêmes.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention.