Texte intégral
Être entré au gouvernement depuis cinq mois, après l'avoir soutenu comme parlementaire et responsable d'un parti de la majorité pendant vingt mois confère peut-être l'une des meilleures positions qui soit pour évaluer son bilan. L'action gouvernementale ne se dissocie en effet pas de celle de la majorité qui lui a conféré sa légitimité initiale, puis l'a soutenue sans faillir. Les deux points de vue permettent donc d'apprécier à sa juste valeur le travail accompli.
Souvenons-nous un instant de l'état du pays quand Edouard Balladur fut appelé à Matignon après la victoire de notre majorité : économie en récession, citoyens doutant de la capacité de leur pays à résoudre ses problèmes, autorité internationale de la France amoindrie. Aujourd'hui, quelles que soient d'ailleurs leurs préférences pour la présidentielle, nos concitoyens ont le sentiment que les choses vont mieux que la situation du pays comme celle de chacun d'entre eux peut s'améliorer.
* Trois grandes réformes réussies
Ce retour de l'espoir est à mes yeux le résultat le plus marquant du travail du gouvernement qui a su démontrer aux Français qu'un gouvernement français pouvait faire ce qu'ils attendent de lui : réformes réussies sans conflit intérieure, l'affrontement des crises extérieures dans le respect de nos intérêts et de notre tradition, la restauration des équilibres majeurs de notre prospérité.
Dans chacun de ces domaines, je voudrais me borner à citer trois exemples, les trois succès qui me paraissent avoir montré aux Français qu'à nouveau, comme nous leur proposons de le faire avec Edouard Balladur, ils peuvent croire en la France.
Elles ont permis de garantir un acquis social essentiel, de renforcer la liberté des citoyens d'asseoir la stabilité de la monnaie.
Les retraites, mises en danger parce que les gouvernements d'avant mars 1993 n'avaient rien fait, ont été sauvegardées et remises sur ses rails pour un quart de siècle.
L'indépendance de la justice, toujours promise, est désormais garantie dans les textes par la réforme constitutionnelle du Conseil Supérieur de la magistrature, et respectée comme elle ne l'a jamais été dans l'histoire par le pouvoir exécutif.
L'indépendance de la Banque de France, condition indispensable de la crédibilité internationale de notre monnaie, et signe de notre arrivée effective dans l'économie de marché, est entrée sans aucune secousse dans nos moeurs économiques. Comme Ministre du Commerce extérieur, je suis en mesure de constater l'importance accordée par les milieux économiques internationaux à cette réforme…
* Trois crises internationales affrontées
Le gouvernement a repris en main la négociation mal engagée du GATT, surmonté une tempête monétaire et assumé sa responsabilité au Rwanda.
La phase finale de la négociation du GATT, fut finalement conclue sans aucun abandon et mieux encore en améliorant les conditions faites à notre agriculture. La France y a joué le rôle clé dans la définition d'une position européenne courageuse et réaliste. C'est un succès collectif, bien sûr, mais auquel Gérard Longuet a apporté un concours que tous les interlocuteurs d'alors, qui sont aujourd'hui les miens, s'accordent à juger décisif.
La crise monétaire de l'été 1993, à l'issue de laquelle les états membres de l'Union Européenne ont triomphé d'une offensive sans précédent de la spéculation internationale, après un combat même autour d'un couple franco-allemand plus soudé que jamais, et grâce à des solutions de conception française.
Face au drame Rwandais, enfin la France a assumé sa double responsabilité de principale puissance présente en Afrique, et de porteuse du message universel des Droits de l'Homme.
* Trois équilibres restaurés
En ce début de 1995, il est clair que la France a reculé avec la croissance et repris le chemin de l'emploi, grâce notamment aux résultats remarquables du commerce extérieur.
La croissance économique, négative en 1993 pour la première fois depuis la crise du pétrole, a été significative en 1994 ; elle sera plus forte encore en 1995.
L'emploi recommence à croître en 1994 (+ 218 000) après trois années de chute totalisent plus de 560 000 emplois détruits dans notre économie, permettant au chômage de cesser de croître inexorablement, et de commencer en 1995 à diminuer. L'objectif de 200 000 chômeurs en moins par an est réaliste, comme le montrent les résultats de janvier (- 17 000 chômeurs).
Le commerce extérieur connaît en 1993 et en 1994 des excédents records, celui de 94 résultant essentiellement de la hausse des exportations. 1995 s'annonce bien et est d'ores et déjà marquée par la signature de gros contrats à l'étranger, comme les centrales nucléaires en Chine.
A cet actif considérable, il faut ajouter les voies d'avenir qui ont été ouvertes, et que d'autres gouvernements emprunteront : les lois sur l'aménagement du territoire et sur l'emploi, le livre blanc et la loi de programmation militaire sont des textes dont nos successeurs, et il est bien qu'il en soit ainsi, toucheront les bénéfices. Bien d'autres action sont été menées dont certaines concernent mon propre département ministériel : les privatisations, la poursuite d'un effort de soutien à la recherche industrielle et à l'investissement, le développement des aides à l'emploi et aux plus défavorisés de nos concitoyens, et un effort important de remise en ordre du secteur public français qui s'est traduit par des contrats passés entre les grands établissements comme la Poste ou Gaz de France et l'Etat.
Au bout du compte, c'est son inscription dans la longue durée, alors même que les institutions bornaient la sienne, qui me paraît caractériser l'action de ce gouvernement. Je n'y vois aucune contradiction, mais le signe de la volonté du Premier ministre de privilégier par rapport à toute autre considération, le redressement du pays, qui, après tant d'années de socialisme, ne pouvait et ne peut s'effectuer qu'au prix d'un effort constant.