Texte intégral
Monsieur le président de la république,
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale du Sénégal,
Messieurs les Ministre,
Chers Collègues,
C'est un honneur pour notre Assemblée de vous accueillir. Chef d'un État ami, militant de la francophonie, citoyen du premier des continents, l'Afrique : cette relation triple, nous voulons la souligner et la renforcer.
D'autant plus que notre histoire commune fût longtemps déchirée de souffrances. Beaucoup ici connaissent Gorée est ses rues paisibles bordées de bougainvillées. Mais, en cette année 1998 qui nous a vu commémorer le 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage, il faut rappeler et nous rappeler que pour des dizaines de milliers de femmes et d'hommes, la porte de la maison des esclaves à Gorée ne s'ouvrit longtemps que sur la mer, la captivité et la mort.
Il y eut aussi entre nous de grandes lumières : en 1789, un même esprit fraternel traversait la France de la Révolution et un Sénégale dont les cahiers de doléances faisaient enfin entendre la voix. Plus tard, Dakar, Rufisque, Gorée, Saint-Louis furent reconnues « libres communes » par la IIIe république et, depuis, plusieurs de vos concitoyens ont siégé ici même, dont en 1914 Blaise Diagne, qui appuya la participation de soldats sénégalais à la Grande Guerre afin de marquer par le tribut du sang l'égalité des droits et des devoirs avec les français. En cet instant, je songe aussi au Président Senghor, ministre de la République, puis chef d'État du Sénégal, présent par la pensée et la poésie dans l'esprit de tous.
Notre relation est à ce point étroite que, soulignent malicieusement les observateurs, la saison des pluies dans votre pays attend en général pour se déclencher... le 14 juillet fin d'après midi.
Quand vint le temps des indépendances, celle du Sénégal fut pacifique. En instaurant le pluralisme a été indiqué le chemin de la laïcité et du droit à tous ceux qui pratiquent encore l'intolérance politique, ethnique, religieuse, le parti unique et la dictature. Non, il n'y a pas de démocratie de deuxième classe. Elle n'est pas affaire de couleur de peau ou de montant du PNB : c'est une exigence universelle.
Aujourd'hui, malgré le poids de la dette, dans le contexte d'un rééquilibrage encore insuffisant des termes de l'échange pour les matières premières, nous mesurons les efforts entrepris par votre pays. Les espérances sont immenses. Les oppositions existent comme dans toutes démocraties. Les obstacles et les inquiétudes ne manquent pas. Mais vous vous attachez à avancer. Pour tous les progrès, de nature économique, éducatif ou social, nous sommes aux Côté de votre peuple. Notre politique africaine, y compris monétaire, est celle du codéveloppement. Harmonie et estime mutuelle régissent la présence de nos communautés nationales dans chacun de nos deux pays.
Monsieur le président, vous militez pour la francophonie. Nous pensons comme vous qu'il faut mettre le français dans sa diversité inventive à la disposition de tous. Les rimes de vos poètes, les films de vos cinéastes, le chant de Youssou N'dour prêtant il y a quelques mois sa voix à un hymne porteur d'une magnifique victoire multicolore : nous savons ce que le Sénégal apporte à notre patrimoine linguistique. Plus qu'un hasard de l'histoire, notre identité culturelle partagée est un moyen de mieux nous comprendre et de partager des valeurs. Le globe n'est pas unipolaire. Ne baissons pas le pavillon commun de notre langue. Elle a quelque chose à dire au monde.
Nous accueillons enfin en vous l'Africain, soucieux du dialogue avec l'Europe et avec la France. Les spectaculaires bouleversements internationaux ne doivent pas faire oublier les transformations propres de votre continent. Oui, il y a la dramatique persistance de conflits. Un génocide, la famine et la pauvreté, des demandes sociales pressantes, une maladie qui, pour être mieux soignée chez nous, ne s'est pas arrêtée chez vous : face à cela, la tentation pourrait exister chez certains de prendre des distances avec l'Afrique. Une telle attitude n'est pas et ne peut pas être celle de la France ! Nous sommes, nous devons être les avocats d'une relation forte, tournée vers l'avenir, avec un continent dont nous voyons aussi les avancées et les espoirs, ces jeunes qui ne demandent que leur chance, ces femmes dont l'éducation et le rôle s'amplifient et qui maîtrisent progressivement la fécondité. Cependant que, dans son domaine, la diplomatie sénégalaise s'attache à montrer qu'il est possible de réduire les conflits en prenant un part active dans la mise en place, sur base régionale, d'une capacité africaine de gestion des crises et de maintien de la paix.
Monsieur le président, la France, comme l'Europe, a « besoin d'Afrique ». L'Afrique, à son tour, doit pouvoir compter sur nous pour que nos deux continents occupent leur pleine place dans une économie désormais mondialisée et – nous l’espérons – mieux régulée. Afin de parvenir, car là, est le seul objectif qui vaille, à mieux servir la personne humaine. C'est une utopie, diront certains . Non, c'est un idéal.
Mesdames et messieurs, j'invite à s'adresser à vous Monsieur Abbou Diouf, Président de la République du Sénégal.