Interview de M. Jacques Toubon, ministre de la culture et de la francophonie et membre du RPR, à RMC le 8 novembre 1994, sur son soutien à la candidature de Jacques Chirac à l'élection présidentielle de 1995 et la question de l'organisation d'élection primaire dans le RPR.

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Circonstance : Annonce de la candidature de Jacques Chirac à l'élection présidentielle de 1995 le 6 novembre 1994 dans "La Voix du Nord"

Média : RMC

Texte intégral

P. Lapousterle : Êtes-vous satisfait de la candidature de J. Chirac ?

J. Toubon : Oui, parce que je pense qu'elle ouvre une phase utile, même indispensable, de la préparation de ces élections de 1995. Paradoxalement, tant qu'il n'y avait pas de candidat déclaré, on ne parlait que des questions de personnes, et je pense qu'aujourd'hui, où J. Chirac a éclairé le chemin en annonçant officiellement sa candidature, en la confirmant, on va vraiment se mettre à parler du fond des choses, des idées. Et je crois qu'il y a donc dans cette annonce, quelque chose de très positif, d'une part bien entendu, pour sa propre candidature mais surtout pour le choix que les Français vont faire l'année prochaine pour le prochain septennat.

P. Lapousterle : Vous pensez que c'est le meilleur candidat pour la majorité ?

J. Toubon : Je pense, et je l'ai dit depuis le début, que dans la mesure où J. Chirac sera candidat, je le suivrai par fidélité et aussi parce que je pense que c'est le bon président de la République. J'ai pris cette position, je la confirme.

P. Lapousterle : On peut être ministre d'E. Balladur et dire ça ?

J. Toubon : Non, il faut bien clarifier les choses. Nous avons un gouvernement qui depuis avril 1993 travaille très bien sous la houlette d'E. Balladur et avec une équipe qui, sous une assez longue expérience de toutes ces choses, me paraît être une des plus homogènes qui ait existé depuis très longtemps. Donc, nous travaillons et nous avons, je crois quand même, fait avancer considérablement les affaires de la France et surtout des Français. Mais quel est l'enjeu ? C'est de mettre fin, en 1995, à l'élection présidentielle, à 14 années de septennat et de direction socialiste. Pour cet enjeu, je crois que J. Chirac a pris le bon départ.

P. Lapousterle : Vous parlez de cohérence du gouvernement, le sera-t-il encore après l'annonce de J. Chirac ?

J. Toubon : Je pense que nous pouvons, et c'est mon cas, gouverner, agir, faire ce que j'ai fait jusqu'à maintenant, c'est-à-dire travailler avec loyauté et, je l'espère, avec efficacité jusqu'au bout, et nous le ferons. Et je crois que c'est tout à fait l'idée qui est celle du Premier ministre et je pense que c'est comme ça qu'il faut faire et que c'est ce que les Français attendent. Par ailleurs, nous aurons nos choix comme les Français auront les leurs, je crois que c'est ça qui est important.

P. Lapousterle : Comme on gouvernera ensemble au Conseil des ministres le mercredi matin et on se battra le soir dans les meetings ?

J. Toubon : Je ne pense pas parce que je ne crois pas que la campagne consiste à se battre. Je pense que ça consiste à expliquer ce que nous voulons faire pour effectivement tourner la page des deux septennats socialistes. Et ça ne consiste pas à attaquer qui que ce soit, ça consiste à dire aux Français ce qu'on a envie de faire pendant les sept prochaines années.

P. Lapousterle : Quelques mots des primaires ?

J. Toubon : Les primaires, à l'exception d'une minorité, tout le monde est d'accord d'abord parce c'est l'engagement que nous avons pris il y a déjà quelques années. Reste à savoir, comment et deuxièmement, quel est leur effet ? Plus les primaires sont faits près du scrutin, plus le problème qu'elles doivent résoudre, l'unité de candidature, elles ont peu de chances de le résoudre parce que tout simplement quand on sera trop loin dans la campagne et trop proche du scrutin, on risque avec la primaire, non pas de cicatriser des plaies mais de les ouvrir. Deuxièmement, sur le plan du comment, la question qui se pose est la suivante : fait-on dans les deux mois qui nous restent en gros devant nous, et comme le disait E. Balladur hier, en janvier, de vraies primaires, celles qui permettent au peuple de la majorité de choisir son candidat ou fait-on des primaires croupions, réunion de quelques milliers d'élus, etc. Ça c'est pratiquement possible, mais alors ce ne sont plus des primaires, ce qui permet de faire en sorte que le peuple de la majorité choisisse son candidat. Voilà pourquoi je dis que tout le monde est d'accord et qu'en même temps, je crains que nous soyons dans une situation où, à la fois, le caractère pratique de cette opération et, d'autre part, son effet sur l'élection, ne soient pas assurés.

P. Lapousterle : Vous pensez qu'il n'y aura qu'un candidat RPR ?

J. Toubon : Je le crois tout à fait. J'espère même qu'il n'y aura qu'un candidat de notre majorité aujourd'hui.

P. Lapousterle : Personne d'autre ne le croit ?

J. Toubon : Je vais vous dire qui le croit en dehors de nous, les Français et en particulier les électeurs de la majorité. Et c'est ça qui me parait plus important.

P. Lapousterle : Et ce sera qui ?

J. Toubon : J'ai un champion, je l'ai depuis toujours, ce n'est pas à moi de régler ces questions. Pour l'instant, je suis un ministre qui s'efforce de faire en sorte que dans la vie de tous les jours, les choses s'améliorent pour les Français. Et je pense qu'ensuite, nous aurons une période dans laquelle on pourra changer fondamentalement un certain nombre de choses qui ont été aliénées, qui ont été mises en cause ou qui n'ont pas été faites pendant les deux septennats socialistes. Je crois qu'il faut se mettre dans cette double perspective. Il faut gérer les affaires, il faut améliorer la situation d'aujourd'hui. Il y a un projet, une vision sur l'an 2000. Je crois honnêtement que nous sommes capables de faire les deux. Ou alors, si nous ne sommes pas capables, je crois que ça met en cause tout simplement ce qui s'appelle, la démocratie.

P. Lapousterle : Quand vous avez vu le livre de Delors sortir, vous avez pensé quoi ?

J. Toubon : J'ai pensé qu'il avait besoin de s'exprimer. Mais là aussi, je me pose quelques questions. Si l'année prochaine, on voit surgir, à deux mois de l'élection, un homme dit providentiel, arrivant des brumes bruxelloises, je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit, pour les Français, un choix exactement conforme à l'idée que je me fais de la démocratie parce que pour moi, la démocratie, c'est d'abord la connaissance. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de choix démocratique s'il n'est pas éclairé. Et je ne pense pas que dans ces conditions, ce soit véritablement éclairant.