Texte intégral
Le 28 février, les leaders des organisations patronales et syndicales ont acté leurs intentions de "négocier les conditions permettant de donner une impulsion nouvelle à l'emploi et à la lutte contre le chômage". En même temps, ils décidaient de se retrouver le 14 juin pour "évaluer les résultats des négociations". Un engagement solennel dont la CFE-CGC s'est félicitée car nous considérons que les partenaires sociaux ne peuvent pas continuer délibérément à se cantonner dans le rôle facile de la critique, de la contestation et de la revendication, s'excluant ainsi d'une contribution à l'emploi. Engagement solennel mais aussi défi à démontrer notre capacité à comprendre, notre détermination à proposer et à initier, notre volonté de prendre nos responsabilités sociales. En un mot, nous imposer intelligemment dans le champ des compétences qui est le nôtre. L'alternative est en effet claire : soit nous osons décider et faire appliquer – et alors la politique contractuelle retrouvera sa place par rapport à l'action législative –, soit nous optons pour l'immobilisme et alors les partenaires sociaux perdront encore un peu plus de leur crédibilité.
C'est pourquoi, consciente de l'enjeu de cette négociation pour l'emploi et pour elle-même, la CFE-CGC a choisi de s'impliquer pour aboutir. Estimant que les jeunes, en particulier les diplômés, sont l'avenir des entreprises, lesquelles les boudent pour leur manque d'expérience, nous proposons de faciliter l'accès au premier emploi par une aide de l'État, subordonnée à des engagements formels des entreprises. Sachant par ailleurs qu'une réduction du temps de travail générale serait de peu d'effets sur l'embauche car le gain potentiel en termes d'emplois serait immédiatement annulé par une augmentation de la productivité, nous prônons une autre approche de l'organisation du travail qui, sans desservir les intérêts des entreprises et des salariés, suscite un besoin d'embauche. Cela nécessite des arbitrages pour moraliser le recours aux heures supplémentaires et privilégier leur paiement par des congés, pour développer le temps partiel, tout comme elle induit un passage d'une notion de temps de travail hebdomadaire à celle d'une annualisation.
À 24 jours du 14 juin, que constatons-nous ? Le vide, puisqu'il a été décidé le 16 mai, malgré une réaction très vive de notre part, de ne plus nous réunir, les agendas des uns et des autres étant déjà extrêmement surchargés, d'autant que, selon FO, l'urgence du sujet mérite que l'on prenne son temps !
Quant à la CFDT, qui se vantait hier d'être le chantre de la politique contractuelle, son leader préfère battre le pavé le 14 juin en organisant des manifestations en faveur de l'emploi ! Ainsi s'explique sa présence virtuelle dans les réunions, sauf lorsqu'il s'agit de l'encadrement pour lequel elle revendique l'abolition de la spécificité et la remise en cause du principe de la "forfaitisation" du salaire.
Enfin, comment ne pas s'interroger sur les analyses du CNPF qui, à l'évidence, traduisent une vision essentiellement industrielle de l'entreprise et une conception du salariat restreinte au personnel peu ou pas qualifié ? Comment ne pas s'inquiéter également de son attitude car, à l'évidence, le patronat louvoie dans ses positions, partagé qu'il est entre ceux qui veulent décider par l'acte contractuel et les autres qui préfèrent se soumettre au pouvoir de la loi ? Tout ceci est frustrant, décevant, inquiétant. C'est surtout désolant pour les chômeurs et les salariés.
Nos partenaires sont-ils conscients qu'à trop vouloir revendiquer leur reconnaissance tout en refusant d'assumer leurs obligations, ils donnent ex mêmes une image de personnages d'un autre temps ? Sont-ils conscients qu'en rejetant l'initiative contractuelle, ils passent le témoin social aux parlementaires dont ils contestent en même temps le bien-fondé de l'intervention ? Sont-ils conscients que c'est leur avenir qui est en jeu ? Sont-ils enfin conscients qu'ils initient ainsi la montée en puissance des conflits.
D'ici au 14 juin, les partenaires sociaux ne se ressaisissent pas si le 14 juin ils ne concluent pas, il ne faudra pas y voir seulement l'expression d'un échec de la négociation. Ce sera surtout la manifestation d'une volonté de carence. Donc, l'aveu d'une impuissance.