Déclaration de M. François Léotard, ministre de la défense, sur l'évolution de la formation et des carrières professionnelles des personnels civils de la défense, Paris le 6 décembre 1994.

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Circonstance : Réunion de la Commission paritaire ouvrière de la défense le 6 décembre 1994

Texte intégral

Cette commission paritaire ouvrière se tient à un moment important. À un moment doublement important. Important, parce que nous sommes au lendemain d'un temps fort de la vie démocratique, au sein du ministère, pour l'ensemble des agents civils : les élections des représentants du personnel aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui servent également à déterminer la représentativité des organisations syndicales. Ces élections se sont déroulées, grâce à vous tous, dans de bonnes conditions ; le taux de participation le plus élevé depuis 1988, nous montrer l'intérêt que portent les personnels à ces élections ; il témoigne de votre représentativité, ce dont je me réjouis.

Important aussi, parce que nous sommes, au lendemain du vote de la loi de finances pour 1995, à la veille d'entrer dans la première année de mise en œuvre de la loi de programmation militaire 1995-2000.

Cette loi de programmation, qui s'inscrit dans la suite logique du Livre blanc sur la Défense, correspond à la nécessité d'inscrire dans la durée les dépenses du ministère de la Défense. Depuis le début de la Ve République, huit lois de programmation ont été votées par le Parlement ; elles ont été l'occasion d'un débat avec la représentation nationale ; elles ont permis, de cerner les enjeux de notre politique de défense.

Ma première préoccupation, dans ce débat, a été de donner à la défense des orientations nouvelles. Comme s'y était engagé le Premier ministre, le Livre blanc, publié en février 1994, et la loi de programmation, votée au mois de juin dernier, ont donné un horizon et un cap à notre Défense ; ils ont déterminé le montant des ressources devant lui être consenties, dans les six ans à venir ; ils permettent aux forces armées de s'adapter, progressivement, aux défis qui se présenteront à elles au cours des deux prochaines décennies.

La réapparition de la guerre, sur le sol même de l'Europe, menace l'équilibre de notre continent. Notre politique de défense intègre désormais largement cette situation nouvelle. Elle s'inscrit dans la perspective d'une défense européenne, en dehors de laquelle nous n'aurons qu'un épuisement continu de nos ressources, de nos volontés, de nos capacités. Ces orientations forment un ensemble d'objectifs clairs et cohérents entre eux, dont les conséquences sont souvent à la fois novatrices et considérables pour l'évolution de nos armées. Elles marquent le début d'une phase nouvelle de notre politique de défense.

C'est grâce au Livre blanc et à la loi de programmation que l'évolution des effectifs de la Défense a été inscrite dans un mouvement général de décroissance maîtrisée. Il est compatible avec les réalités sociales. Il ne néglige en rien, les besoins nouveaux. Il s'agit là d'une novation majeure. Avril 1993 a bel et bien marqué le début d'une politique globale de la ressource humaine, portant à la fois sur les personnels militaires et sur les personnels civils.

C'est le Livre blanc et la loi de programmation qui ont rendue possible une progression de 0,5 % par an en volume – des crédits d'équipement, permettant, à la fois, de moderniser nos forces à un rythme raisonnable et de tenir compte des défis auxquels se trouve confrontée notre industrie de défense. Sur le plan purement financier, les deux lois de finances rectificatives de 1993 et le budget de 1994 ont été l'occasion d'opérer un véritable redressement budgétaire qui a assuré aux armées les crédits nécessaires à leur modernisation. Le budget pour 1995 participe de la même démarche. C'est aussi sans doute l'un des principaux mérites du Livre blanc, que d'avoir souligné la nécessité d'accompagner la modernisation de nos armées d'une évolution en profondeur de notre appareil industriel.

Dans cet esprit, un tournant a été pris dans les rapports que la Défense entretient avec les entreprises placées sous sa tutelle. En contrepartie des garanties données par la programmation des dépenses d'équipement, les entreprises doivent participer à l'effort significatif de maîtrise des coûts, condition même de leur avenir, que rend nécessaire l 'évolution prévue des budgets des prochaines années.

Prenant en compte l'indispensable restructuration de l'industrie d'armement à l'échelle européenne, le ministère de la Défense encourage les projets susceptibles de faciliter les rapprochements entre industriels.

Enfin, le soutien apporté aux entreprises s'est manifesté dans les activités d'exportation. Ces contrats, comme vous le savez, sont de nature à garantir le maintien de milliers d'emplois, dans des secteurs en difficulté depuis plusieurs années.

Plus concrètement et revenant au budget 1995 je retiendrai trois caractéristiques de ce budget, quant à l'investissement.

Première caractéristique : la progression des crédits alloués à l'espace, aux études, aux développements.

Deuxième temps fort du budget pour 1995 : la permanence de la dissuasion. Les 21 milliards 806 millions qui lui sont réservés permettent à tous les programmes de se dérouler selon le calendrier de la programmation.

Troisième temps fort de ce budget : l'équipement des forces classiques continue d'être modernisé. J'en veux pour preuve le fait que le poste de fabrication sera le plus important du titre V.

L'évolution des effectifs prévue par la loi de programmation militaire montre, notamment en ce qui concerne les personnels civils, une déflation des effectifs, certes significative, puisque la décroissance sera de 11 703, mais largement inférieure à celle des six dernières années, puisque représentant une réduction globale sur les six ans à venir d'environ 11 % contre près de 14 % de 1989 à 1994. L'important – les chiffres du budget 1995 sont là pour témoigner de l'intérêt de cette formule – c'est d'avoir une perspective sur plusieurs années et de ne plus être livrés, comme ce fut trop souvent le cas dans le passé, aux injonctions du budget. Ces orientations se traduisent donc en 1995 par une évolution des effectifs de personnels civils de moins 2 070 dont moins 1756 pour les ouvriers.

Au-delà de ces chiffres, j'entends d'abord mettre en œuvre une politique globale du personnel, civil et militaire, de la défense. Vous retrouverez donc dans le titre III du budget 1995 les créations d'emplois qui renforcent la professionnalisation, l'encadrement et les capacités prioritaires : projection des forces, renseignement, sécurité. Vous y lirez l'amélioration des conditions de vie et de travail des militaires et des civils.

Je rappelle par ailleurs que la réduction des effectifs s'accompagne, pour les personnels civils, d'un dispositif social, « formation et mobilité », sans équivalent ailleurs et auquel 270 millions seront consacrés en 1995.

Concernant les personnels ouvriers, ce projet de loi de finances permet d'ajouter aux 14,3 MF prévus par la loi de finances pour 1994, 8,7 MF supplémentaires, destinés à prendre en compte les effets des travaux sur la nomenclature des professions ouvrières. Nous sommes ici au cœur du principal thème de votre réunion, que je considère comme essentiel, sur lequel je souhaite m'arrêter un instant.

Ce dossier que vous allez examiner aujourd'hui est le résultat d'une démarche longue, mais nécessaire et courageuse. On peut, toujours, estimer qu'il faudrait aller plus loin ; il est vrai que certains aspects de la nomenclature des professions ouvrières devront encore donner lieu à des travaux complémentaires ; en l'état, c'est déjà un beau résultat, dont vous pouvez être légitimement fiers. L'évolution des métiers et des techniques, le développement de la formation imposaient en effet de se pencher sur la nomenclature de nos professions ouvrières. Partant d'une analyse aussi complète et objective que possible, il fallait réfléchir à une évolution de cette nomenclature, en fonction de quelques principes essentiels. J'en verrai six.

D'abord, mieux prendre en compte la professionnalisation accrue des métiers, tant dans le recrutement qu'en ce qui concerne le déroulement de carrière.

Créer, ensuite, une meilleure adéquation entre la qualification des emplois et les niveaux de formation, tout en fixant un cadre d'ensemble, s'agissant de cette correspondance, au lieu de l'émiettement constaté jusqu'à présent.

Regrouper les professions voisines et supprimer les professions devenues obsolètes. Je me félicite, à cet égard, que vous ayez pu regrouper en seulement 54 fiches nouvelles les 110 fiches professionnelles examinées.

Mieux tenir compte de la nécessité de mettre en œuvre des connaissances complexes et relevant de métiers de base différents.

Faciliter les passages, en cours de carrière, d'une profession à l'autre, en étant moins étroitement spécialisé, et donc davantage polyvalent, en un mot décloisonner.

Enfin, simplifier et clarifier les essais, et introduire la possibilité de prendre en compte la formation continue pour les avancements.

Sur la base de ces principes, un travail lourd et dont je mesure la complexité a été conduit, pendant près de deux ans, au sein de groupes de travail organisés dans le cadre arrêté en commission paritaire permanente de la nomenclature des professions ouvrières et qui ont réuni des experts, tant de l'administration que de vos fédérations chargées d'examiner un nombre significatif de professions.

Je mesure également le chemin parcouru par les esprits, de part et d'autre, depuis le milieu des années quatre-vingt ou une première tentative de réflexion et de réforme n'avait pu aboutir, malgré la somme de travail accomplie notamment par certaines organisations syndicales. L'ensemble de ces travaux débouche aujourd'hui sur des projets que vous aurez à examiner et sur lesquels vous allez émettre un avis définitif ; ils me paraissent de nature à répondre tant aux besoins des établissements qu'aux légitimes aspirations des personnels en matière de déroulement de carrière. Ils doteront nos professions ouvrières d'un outil de gestion moderne et adapté à l'environnement professionnel et technique qui est le nôtre ; leur mise en œuvre sera facilitée par les dotations budgétaires qui vont permettre de l'accompagner par des mesures destinées à prendre en compte les évolutions de carrière induite par cette nouvelle nomenclature.

Enfin, les évolutions salariales des ouvriers, pour lesquelles nous avions conçu quelques inquiétudes il y a dix-huit mois, restent d'un niveau satisfaisant puisque les évolutions en masse constatées en 1993 et 1994 représentent + 4,6 % hors mesures catégorielles à comparer aux + 3,86 % appliqués aux fonctionnaires sur la même période de deux ans.

Je voudrais évoquer un autre sujet que vous allez aborder au cours de vos travaux. Il s'agit de l'expérimentation de gestion de proximité en région Centre. Je tiens beaucoup à cette expérience, que j'ai souhaitée, car elle est tout à fait novatrice et bénéfique pour le personnel.

Cette démarche, dont j'ai confié l'animation à un ingénieur général de l'armement, M. Roman, vise à déconcentrer, dans les établissements, les choix d'organisation du travail et à régler les problèmes de gestion au plus près du terrain. Elle repose sur une approche horizontale de ces questions, destinées à rompre le cloisonnement entre les différentes directions gestionnaires de personnels, de manière à conforter la solidarité locale des employeurs de défense dans la mise en œuvre d'actions concrètes. Ce décloisonnement et cette déconcentration, fondés sur une connaissance précise des réalités du terrain, me paraissent être un gage de rapidité et d'efficacité. Je vous laisse maintenant la parole pour vos déclarations liminaires.