Texte intégral
CONFERENCE DE PRESSE CONJOINTE DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES, M. HUBERT VEDRINE, ET DU MINISTRE BELGE DES AFFAIRES ETRANGERES, M. ERYK DERYCKE
- PROPOS DU MINISTRE - Courtrai, 23 octobre 1998
Je dois vous dire d'abord que j'étais très heureux de me rendre aujourd'hui, à Courtrai, à l'invitation de mon collège, M. Derycke. Nous avons poursuivi ici une collaboration qui est excellente, je crois, dans toutes les enceintes européennes dans lesquelles nous travaillons ensemble. Je trouve sympathique de le rencontrer ici dans ce cadre, en dehors des capitales où nous nous voyons si souvent.
Nous avons effectivement parlé de la région et des relations très fécondes qui se développent de part et d'autre de ce que l'on hésite même à appeler une frontière, tellement nos relations sont étroites. Nous avons parlé des relations bilatérales. Naturellement, dans ce type de rencontre, nous les passons en revue, pour pouvoir faire progresser les choses. Nous avons eu une conversation que j'ai trouvée très intéressante, très utile en plus, compte tenu de la date à laquelle elle intervient, à propos de l'ensemble des questions européennes qui se posent à nous. Vous savez que nous avons devant nous des mois et des mois de discussions, de négociations compliquées. C'est très important, à un tel moment que la France et la Belgique confirment leurs convergences de vues sur tous les points clés.
Nous avons parlé d'autres sujets, de l'actualité d'aujourd'hui, dans le monde : nous avons parlé de l'Afrique, nous avons parlé du Kossovo, du Proche-Orient... Nous avons donc bien utilisé le temps que nous avons passé ensemble. Encore une fois, c'était très utile et très important.
RADIO FRANCE INTERNATIONALE - 23 octobre 1998
Q - Que pensez-vous de l'accord de Wye Plantation ?
R - L'accord annoncé à Wye Plantation est une bonne nouvelle. Je voudrais d'abord saluer l'opiniâtreté de Madeleine Allbright, l'engagement personnel du Président Clinton, celui du Roi Hussein de Jordanie et le courage - n'hésitons pas à le dire - ainsi que le sens des responsabilités dont ont fait preuve Yasser Arafat et Benjamin Netanyahu.
Au terme de l'accord annoncé, c'est 40 % de la Cisjordanie qui devrait être sous l'autorité de l'Autorité palestinienne. J'espère que cet accord permettra la relance du processus de paix, une relance véritable qui permettra d'aborder ensuite, dans un climat de confiance retrouvée, les problèmes qui se posent encore. Je pense à cet instant à tous les Israéliens, à tous les Palestiniens, à tous les peuples de la région qui veulent tout simplement vive en paix.
Je rappellerai que la France n'a cessé d'oeuvrer à cette relance, n'a cessé d'accompagner les efforts qui ont été menés dans la région et ailleurs pour que ce processus redémarre. Elle continuera. Le processus de paix relancé aura encore plus qu'aujourd'hui besoin de l'Europe.
Q - L'accord est à la signature, il reste à l'appliquer. Quel sera le rôle réservé aux Européens qui, pour l'instant, ont été tenus à l'écart ?
R - Les Européens ont joué depuis des années un rôle qui, s'il n'est pas aujourd'hui le plus spectaculaire, n'en est pas moins réel, puisque les Européens, notamment la France, n'ont cessé d'encourager les uns et les autres, et ceux qui, dans chaque camp, ne perdaient pas complètement espoir et voulaient quand même relancer le processus de paix. Pour discuter, faire avancer les idées, préparer les esprits à un compromis nécessaire, pour faire redémarrer les choses, proposer des garanties, être ingénieux, être inventif. Il y a un travail considérable auquel il faut quand même penser aujourd'hui, même si les projecteurs sont dirigés sur Wye Plantation, ce qui est normal, et sur Washington. Il y a eu un envoyé spécial de l'Union Européenne, M. Moratinos, qui a fait un travail inlassable, une sorte de travail de bénédictin dans l'ombre mais qui, certainement, a contribué au fait que le fil ne soit pas complètement coupé et que les discussions puissent reprendre un jour.
Si maintenant on tourne le regard vers l'avenir, il faut penser que cet accord aura besoin de beaucoup de soutien et beaucoup d'accompagnement d'ordre économique. On sait que l'Union européenne est déjà le rassemblement de puissances qui apporte le plus au Proche Orient sur le plan économique et sur le plan de l'aide. Il y aura certainement d'autres besoins, plus politiques, ceux-là.
Q - Est-ce que vous allez recommander de nouvelles aides pour le Proche Orient, et notamment pour les Palestiniens ?
R - Je répète que l'Union européenne aide, plus que n'importe qui d'autre, le Proche Orient et notamment les Palestiniens, que sans cette aide, jamais les habitants de la Cisjordanie et de Gaza n'auraient pu supporter la situation dans laquelle ils étaient depuis quelques années. Il ne faut donc pas en parler comme d'un projet d'avenir, c'est déjà une politique très forte.
Cette politique doit continuer et doit s'inscrire dans le cadre nouveau qui est, on peut l'espérer enfin, aujourd'hui, après 18 ou 19 mois de blocage, une relance du processus de paix, ce qui veut dire relance de l'espoir pour la région. Naturellement, tous les problèmes ne sont pas réglés, même si l'accord est important. Il faut donc encore de l'espoir, encore du courage, encore de la persévérance, de l'invention, de l'ingéniosité diplomatique et politique. Et là, cette région aura certainement besoin de l'Europe.
Q - Sur Pörtschach, qu'est-ce qu'on peut attendre de la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement ?
R. A Cardiff, le Conseil européen avait ressenti le besoin d'une rencontre spéciale en dehors des conseils européens habituels pour une véritable réflexion sur l'avenir de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne son fonctionnement. On sait que la réforme des institutions est à l'ordre du jour. Pour nous, Français et Belges - puisque je parle aujourd'hui depuis Courtrai -, la réforme des institutions est un préalable à tout nouvel élargissement. Faute de quoi, il serait tout à fait impossible pour l'Europe de continuer à fonctionner.
Mais il y a toutes sortes d'autres choses qui relèvent de l'amélioration pragmatique des institutions, sans parler de la question de la subsidiarité qui est importante pour l'opinion publique de grands pays d'Europe. Bref, il avait été décidé à Cardiff une réunion informelle, ce qui veut dire sans conclusions précises, sans communiqué négocié mot à mot, avec plus de liberté dans la réflexion, pour se projeter dans l'avenir, c'est-à-dire savoir ce que sera l'Union européenne demain. C'est en réponse à cette demande que la présidence autrichienne a organisé cette réunion, qui se tiendra donc à Pörtschach le week-end prochain. Durant cette réunion, les chefs d'état et de gouvernement vont librement réfléchir ensemble à ce que doit être l'Union Européenne demain, sur tous les plans, aussi bien sur le plan économique, politique étrangère, justice et police, que sur les négociations. Mais ce n'est pas une session de négociations.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'il ne faut pas être déçu si cette réunion, comme c'est échu d'avance, ne conclut pas sur l'Agenda 2000 ou sur tel ou tel point des discussions. Cette réunion n'est pas destinée à se substituer à des négociations qui vont se poursuivre pendant les semaines et les mois qui viennent. C'est une réflexion prospective et c'est bon que de temps en temps. L'Union européenne est prise par des problèmes tellement lourds qu'il est bon qu'elle se retrouve comme cela.
Q - Il y a de nouvelles têtes à ce sommet informel ; est-ce-que vous vous attendez à de nouvelles idées ?
R. Il y aura des idées venant de tous les participants. Il y a souvent des changements, vous savez dans l'Union européenne. Là, M. Schröder fera un passage, il y aura le nouveau président du Conseil italien. Il y des changements de ce type, mais c'est un ensemble : il y a quinze pays représentés, plus la Commission.
Ce qui est intéressant dans cette réunion, encore une fois, c'est une réflexion libre indépendamment des négociations en cours et des échéances à très court terme, pour voir ce que nous attendons de l'Union européenne de demain. Une discussion, si elle est bien ordonnée et bien conduite, peut lui être extrêmement utile sur ce plan et vous savez que nous, Français, nous en attendons beaucoup.
TELEVISION FLAMANDE « WTV » - 23 octobre 1998
Q - Bonjour Monsieur le Ministre. Comment s'est passée votre journée aujourd'hui ?
R - D'abord et avant tout très sympathique. Je suis content de venir ici à Courtrai et je trouve que M. Derycke a eu une très bonne idée. J'étais déjà passé ici en simple touriste, je suis très content d'y revenir. J'ai été très amicalement reçu par le bourgmestre.
Nous avens eu ensuite une discussion sympathique dans une bonne ambiance. Dans un excellent restaurant, nous avons pu parler de tout, de toutes les questions bilatérales, franco-belges comme on dit régulièrement quand on se rencontre. On a beaucoup parlé des questions européennes. C'est important, car nous sommes à la veille d'une période chargée de négociations très importantes pour l'avenir de l'Union européenne, sur le plan financier, sur le plan agricole, sur le plan des fonds structurels, sur le plan institutionnel. Beaucoup de choses seront à traiter. Ce n'est pas compliqué entre nous, parce que la France et la Belgique ont des positions très proches, mais c'est toujours intéressant de confronter notre analyse.
Nous l'avons fait d'ailleurs sur d'autres grands sujets, puisque nous avons parlé, actualité oblige, de la situation dans les Balkans, de la perspective de solutions qui existent enfin à propos du Kosovo, même s'il faut rester très vigilants, très exigeants, et du Proche Orient, puisque nous avons eu pendant le déjeuner, la bonne nouvelle d'un accord entre les Israéliens et les Palestiniens. Bref, nous avons eu une conversation très large.