Interview de Mme Colette Codaccioni, ministre de la solidarité entre les générations, dans "Le Parisien" du 5 juillet 1995, sur les projets d'allocation dépendance et d'allocation de libre choix et le financement de ces aides.

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Média : Le Parisien

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Le Parisien : Où en est le projet d'allocation dépendance* ? Comment assurer son financement alors que rien n'est prévu dans le collectif budgétaire ?

Colette Codaccioni : Le projet de loi sera fin juillet, début août, à l'occasion du dernier Conseil des ministres, afin d'être présenté au Parlement dès le début de la session d'automne. Si la mise en pratique intervient avant la fin de l'année, il faudra dégager 1 milliard à 1,5 milliards de francs dans le collectif de fin d'année. Pour 1996, il faudra prévoir entre 12 et 15 milliards pour financer la mesure, la moitié étant prise en compte par l'Etat et l'autre par les départements.

Le Parisien : Ces derniers ne sont-ils pas récalcitrants ?

Colette Codaccioni : On a beaucoup vu les principaux intervenants dont les représentants des douze départements où des expériences sont menées. On s'oriente de fait vers la création d'un fond départemental autonomie.

Le Parisien : Quelles leçons avez-vous tirées de ces expériences sur le terrain ?

Colette Codaccioni : On s'est rendu compte qu'au-delà des handicaps physiques il faudra aussi prendre en compte ceux d'ordre psychologique. Les personnes âgées « désorientées », qui n'ont plus toute leur tête, ont aussi besoin d'aide. La loi poursuit deux objectifs : épauler les personnes âgées dépendantes et leur famille et créer des emplois. Un rôle difficile que tout le monde n'est pas apte à remplir. On prévoit donc la création d'un agrément accordé après contrôle aux personnes désirant assumer cette tâche.

Le Parisien : Les membres de la famille pourront-ils le recevoir ?

Colette Codaccioni : La mesure s'adressera aussi aux proches désirant se charger d'une personne âgée dépendante. Comme, par exemple, une femme de cinquante ans au chômage qui voudrait s'occuper à plein temps de sa mère. D'un montant maximal de 4 000 à 4 500 F, l'allocation dépendance concernera dans un premier temps ceux qui souhaitent vieillir à leur domicile. Un deuxième volet hébergement viendra ensuite, afin d'apporter un complément de ressources aux personnes âgées optant pour la maison de retraite.

Le Parisien : Qui bénéficiera précisément de l'allocation dépendance ?

Colette Codaccioni : Elle sera attribuée et modulée en fonction du handicap et des ressources. Pour n'en exclure que les plus aisés, on pourrait retenir comme plafond de ressources celui de la Sécurité sociale, c'est-à-dire 13 000 F par mois. L'expérience sur le terrain nous montre aussi qu'il ne faut pas fixer de limite d'âge minimale. Entre soixante et soixante-dix ans, certaines personnes peuvent être dépendantes. Mais elles ne sont que quelques centaines. La commission d'attribution devra être très souple afin de prendre des décisions rapides.

Le Parisien : L'allocation parentale versée dès le second enfant, mise en place par Simone Veil, a un an. Le bilan est-il positif ?

Colette Codaccioni : Elle a bien fonctionné, à l'exception du mi-temps. Par manque d'information, les parents ont très peu utilisé la possibilité qui leur était offerte de percevoir la moitié de cette allocation tout en travaillant à mi-temps. Il s'agit pourtant d'une bonne formule si on veut conserver un pied dans l'entreprise. Nous allons donc lancer une campagne d'information.

Le Parisien : Très critiquée, l'allocation de libre choix verra-t-elle le jour ?

Colette Codaccioni : L'année prochaine. C'est le deuxième chantier après l'allocation dépendance. Elle concerne tout le monde, mère ou père, ayant ou non un emploi. Elle aura aussi le mérite de simplifier les choses et de donner un vrai choix. Dans un premier temps, elle sera accordée à terme au premier enfant. Le but est de l'inscrire dans une loi-cadre pour la famille visant à faciliter la naissance du premier bébé. La loi-cadre devrait traiter le problème en transversal en mettant en place tout un mécanisme d'aide aux jeunes couples, des grandes de ressources pour accéder à un premier logement et une amélioration de la fiscalité.

Le Parisien : Tout cela coûte cher. Or les déficits sociaux reviennent sur le devant de la scène. Comment comptez-vous y mettre de l'ordre ?

Colette Codaccioni : Une première mesure consiste en la suppression de la remise forfaitaire de 42 francs. Elle sera effective sur les feuilles de paye du mois de septembre. Les 6,5 milliards de francs qu'elle rapportera seront affecté à la branche vieillesse, dont le déficit devrait avoisiner les 20 milliards. Je réunis la Commission des comptes de la Sécurité sociale de 25 juillet, on fera l'état des lieux.

Le Parisien : On parle également d'une réforme de la CSG…

Colette Codaccioni : Une seconde piste envisagée concerne effectivement l'élargissement de l'assiette de la CDG aux produits financiers, à l'exception du livret A de la Caisse d'épargne, trop symbolique. Je ne suis pas défavorable au fait qu'on s'en prenne à l'argent qui dort. Enfin, la troisième piste vise à séparer les dépenses incombant à la solidarité nationale (comme la prestation autonomie, par exemple) de celles relevant de l'assurance (l'ensemble des soins nécessitant une présence médicale). Les premières pourraient être financées par l'impôt.


* L'allocation dépendance est destinée à favoriser le maintien à domicile des personnes âgées ne pouvant plus assumer seules les tâches de la vie quotidienne (courses, ménage mais aussi toilette ou soins). Quelques 500 000 personnes sont susceptibles de toucher cette prestation, versée sous forme de chèque autonomie conçu sur le modèle du chèque services.