Texte intégral
1 – Monsieur Mégret, en Haute-Savoie, à Thonon-les-Bains, le maire UDF Jean Denais a invité les habitants à « soutenir les valeurs de la République » en apposant leurs signatures dans des cahiers en réaction à votre venue dans la ville. À Périgueux, ce sont plusieurs milliers de personnes qui ont manifestés contre votre venue, à l'occasion de l'inauguration de la nouvelle permanence du FN. On peut dire que quand vous vous rendez quelque part, vous déplacez les foules…
– Ces foules d'opposants sont toutes relatives. Il s'agit de troupes de choc de la gauche et de l'extrême-gauche, permanents syndicaux, profs gauchistes et lycéens manipulés qui viennent souvent de fort loin pour manifester. En tentant d'empêcher un dirigeant politique de s'exprimer, un mouvement de se réunir ou un candidat de faire campagne, ces manifestants bafouent la démocratie, mettent en cause la liberté et les principes de la République dont ils ont pourtant plein la bouche. Ce faisant ils montrent leur vrai visage : celui de la haine et du totalitarisme.
2 – Comment expliquez-vous que le « harcèlement démocratique » dont vous êtes l'une des principales cibles semble avoir pris de l'ampleur ?
– L'ampleur de ces manifestations est à la hauteur de l'importance politique de notre Mouvement et de ses valeurs. Si les militants des partis de l'établissement ne se consacrent plus à la promotion de leurs idées mais au combat contre le Front national, c'est qu'ils nous craignent et nous savent beaucoup plus forts que nous croyons l'être nous-mêmes. La vigueur des oppositions que nous suscitons prouve que le Mouvement national est bien sur la route du pouvoir. Si nous n'avions aucune chance de victoire jamais ces gens-là ne se donneraient tant de mal pour s'opposer à nous.
3 – Les récentes élections régionales ont vu l'effondrement de la droite. Comment voyez-vous son évolution en général et celle de la Droite de Charles Millon, en particulier ?
– Le problème que rencontre la pseudo-droite RPR-UDF c'est qu'elle n'existe plus. Certes, elle conserve ses troupes et encore un certain nombre d'électeurs mais elle n'a plus d'existence politique, car elle est incapable de s'opposer au pouvoir socialo-communiste. M. Pasqua, l'homme réputé le plus à droite et le plus dur de « l'Alliance », s'est par exemple déclaré favorable à la régularisation générale de tous les clandestins, c'est dire si, sur une question aussi importante que l'immigration, le RPR et l'UDF ne s'opposent plus à la gauche. Pire encore pour eux, ces partis sont neutralisés politiquement car ils sont constitués de gens qui ne sont pas d'accord entre eux sur les questions les plus fondamentales. Certains sont pour l'Euro, pour le traité d'Amsterdam et l'Europe de Maastricht et d'autres sont contre. Certains sont pour des accords électoraux avec le Front et d'autres y sont opposés. Or, si un parti politique ne prend pas parti, il n'existe plus. Si le RPR et l'UDF, sur chaque grande question, se divisent en un tiers pour, un tiers d'abstention, ils ne comptent plus.
Quant à M. Millon, il doit, lui aussi, lever la terrible contradiction qui existe entre ses actes et ses paroles. Il a en effet accompli un acte fort en passant un accord électoral avec le Front national, ce qui lui a valu de nombreux ralliement d'électeurs RPR-UDF, mais ses propos sont régulièrement hostiles au Front national et comparables à ceux des dirigeants de l'Alliance. Sur cette ligne ambiguë, il ne pourra que décevoir ceux qui croient encore pouvoir lui faire confiance.
Je pense que la droite parlementaire est en pleine déliquescence. Elle est condamnée à exploser ou à imploser. C'est pourquoi le Front national est devenu la seule alternative à la gauche socialo-communiste.
4 – Qu'est-ce qui vous rend confiant en l'avenir du Front national ?
– En premier lieu, la nature même de notre Mouvement. Ne l'oublions jamais, le Front national, c'est d'abord et avant tout une communauté de militants. Les Français qui nous rejoignent constituent une élite car, contrairement à beaucoup de nos compatriotes, ils sont de ceux qui choisissent, malgré tous les obstacles, de consacrer une partie de leur vie aux autres, à leur peuple, à leur nation ! Et cette réalité, si exceptionnelle par les temps qui courent, fait toute la différence entre notre Mouvement et la classe politicienne. Elle fait que le Front national est d'une tout autre nature que les partis de l'établissement.
Eux sont forts des pouvoirs institutionnels qu'ils contrôlent : le gouvernement, les médias, les lobbies, les syndicats, le patronat. Mais ces pouvoirs sont institutionnels et factices car ils sont aujourd'hui totalement coupés du peuple. Nous, nous n'existons que par ces Françaises et ces Français qui se reconnaissent en nous, qui nous font confiance, qui s'engagent à nos côtés pour constituer la chair du Front national. Là est sans doute le plus grand atout du Mouvement social : quand nos adversaires s'appuient sur des institutions vermoulues et désincarnées, nous puisons notre force dans le peuple et dans son instinct vital.
C'est pourquoi nous l'emporterons. Car il n'est pas d'exemple dans l'histoire où un établissement sclérosé, décadent, corrompu et impuissant n'ait pas fini par céder face à une force jeune, issue du peuple, emplie d'idéal, déterminée et convaincue. Aussi sommes-nous voués à réussir à la seule condition que nous conservions cet esprit militant. Restons des militants authentiques tournés vers la victoire, dévoués à la cause, prêts au sacrifice. Des militants aussi éloignés des prébendes et du népotisme que du carriérisme et de l'affairisme.
Et tel doit être notre idéal et notre discipline de vie. Quelle que soit notre position dans la hiérarchie du Mouvement, nous devons nous imposer une seule règle : servir. Non pas servir des individus ou des intérêts, mais servir une cause, un idéal, des valeurs, un projet. Notre Mouvement c'est la communauté des militants, c'est le peuple en marche. Et à ce titre, personne bien sûr n'est propriétaire du Front national car notre Mouvement appartient aux militants, aux électeurs, il appartient aux Français, il appartient à la France. Nous sommes portés par le souffle d'un peuple, nous sommes l'expression de cette grande nation qui ne veut pas mourir et qui se redresse.
5 – Quel est, selon vous, l'objectif que doit poursuivre le Front national ?
– Le pouvoir ! Pour appliquer intégralement notre programme et assurer ainsi la renaissance de la France. À cet égard, le Front national n'est pas un but en soi mais un instrument. Le Front national n'est pas une institution qui permettrait d'abriter les idées non conformistes, d'assurer des positions plus ou moins confortables aux personnalités du Mouvement national et d'organiser ainsi une contre-société où nous pourrions être bien au chaud, entre nous, protégés du monde extérieur et de sa pensée unique. Non ! Le Front national est une arme de combat. Il n'a de sens que pour faire triompher nos idées et notre idéal. En clair, le Front national n'est lui-même que s'il nous permet de conquérir le pouvoir pour y appliquer notre projet.
Car ne l'oublions pas : on peut trahir ces idées de deux manières. En les abandonnant pour se compromettre avec l'adversaire et accéder à des fonctions aussi prestigieuses qu'inutiles. Et je regrette totalement cette conception prébendière de l'engagement qui ne voit le combat politique que dans l'accession à des postes et à des prébendes. C'est d'ailleurs cela notre force : nous sommes libres car nous n'attendons rien pour nous-mêmes et personne ne nous tient, car nous ne sommes tenus que par les engagements que nous prenons à l'égard de notre peuple.
Il y a cependant une autre façon de trahir ses idées que l'on oublie parfois. C'est de se complaire dans l'opposition sans chercher les voies d'accès au pouvoir. Car il est plus facile de rester dans l'opposition, dans le simple témoignage. Je partage le point de vue exprimé par Jean-Marie Le Pen : « La seule finalité noble de la République, c'est la conquête du pouvoir ». Et ceux qui affirment que « le pouvoir n'est pas de ce monde » n'ont rien compris au Front national. Car affirmer cela c'est aller contre la politique au sens noble du terme. On n'obtiendra jamais de moi que je trahisse notre combat en abandonnant l'objectif de la conquête du pouvoir. J'entends servir le Front national en faisant tout ce qui est possible pour arriver au pouvoir et le moment venu pour y appliquer tout notre programme.
6 – Mais quand et comment comptez-vous réussir cette conquête du pouvoir ?
– La victoire est au bout du chemin. Elle viendra d'abord de l'élargissement de l'audience électorale du Font national. Nous avons dépassé le seuil des 15 %. Nous devons maintenant franchir une nouvelle étape, atteindre et dépasser les 20 %. Et c'est possible, car toutes les études le montrent, il y a dans l'opinion au moins 30 % des Français qui partagent nos convictions et notre programme, 30 % des Français qui sont d'accord avec nous, mais dont la moitié ne vote pas encore pour nous. Ceux-là nous avons le devoir de les convaincre. Et pour cela il nous faut être crédible dans notre démarche et notre projet politique, être rassurant dans notre attitude et notre discours et être constructif, dans notre tactique et notre combat.
C'est d'ailleurs cette stratégie qui a été mise en oeuvre pour conquérir les villes actuellement dirigées par le Front national. Et c'est cette méthode qu'ils nous faut développer à l'échelle du pays tout entier. Ce qui ne signifie aucunement qu'il faille affadir notre discours, amputer notre programme ou atténuer nos attaques. Bien au contraire, Vitrolles, la seule ville que nous ayons conquise à la majorité absolue, nous l'avons prise de haute lutte à la suite d'une bataille sans merci et sans concession.
Il faut donc séduire, ouvrir, rassembler. Si nous devons demain atteindre les 30 % des voix, il faut que les 15 % de l'électorat qui nous manquent encore puissent se sentir bien chez nous et nous sentent prêts à les accueillir. Ce qui n'implique aucune compromission bien au contraire, car les hommes de coeur le savent, on ne rassemble pas sur des compromis, on rassemble sur des convictions fortes.
7 – Mais envisagez-vous des accords avec la droite ? Quand, comment, lesquels ?
– Si le Front national atteint le seuil des 20-25 %, alors tout sera possible. Car ce jour-là, nous serons en position de passer des accords électoraux de second tour avec ce qu'il restera de la droite. Et n'ayons aucun état d'âme : de tels accords seraient totalement bénéfiques pour le Front national. D'abord parce qu'ils permettraient de faire élire des cadres du mouvement et donc de faire entrer le Front national en masse dans les institutions élues de notre pays en renforçant ainsi sa légitimité et son poids politique. Ensuite parce qu'ils contribueraient à déstabiliser et à détruire les parties de la fausse droite, comme cela a commencé à se produire avec les quelques accords passés pour l'élection des présidents de Conseils régionaux. Enfin parce qu'ils produiraient un phénomène de dédiabolisation accélérée. La diabolisation n'est efficace en effet que dans la mesure où elle semble faire l'unanimité. Mais il suffit que certains rompent ce mauvais consensus et reconnaissent le Front national comme un mouvement avec qui on peut traiter pour la diabolisation dont nous sommes victimes s'estompe progressivement et nous fasse apparaître tels que nous sommes, ce qui ferait faire à notre Mouvement un nouveau bond en avant.
Ces accords ne sont que des moyens de la bataille politique et non une fin en soi. Bien évidemment. À cet égard, il n'est pas question de passer des accords nationaux de gouvernement avec les partis actuels de la fausse droite. On ne peut s'entendre avec des gens que nous combattons. Avec des gens hostiles à la préférence nationale et partisans de l'Europe de Maastricht. Et il n'est bien sûr pas question de servir de béquille à ces gens-là. La bonne stratégie est donc une stratégie de conquête de l'opinion et de subversion de l'adversaire. La stratégie que je préconise n'a rien à voir avec celle de Gianfranco Fini qui, en Italie, a renoncé à son programme et a totalement affadi son mouvement pour le faire passer sous les fourches caudines de l'établissement. Moi qui ai mis en oeuvre la préférence nationale à Vitrolles, fait sans précédent dans une ville de France, je n'accepterai jamais que le mouvement se compromette et abandonne quoi que ce soit de ses valeurs et de son projet. Car mon ambition pour le Front national c'est qu'il soit porteur d'une grande alternative telle que je l'ai explicitée à travers les divers ouvrages que j'ai écrits pour le mouvement.
8 – Peut-on mener une telle stratégie sans « se compromettre » et n'est-il pas trop tard pour notre pays ?
– Il faut avoir confiance en nous-mêmes, en nos militants, en nos chefs. Je suis convaincu que nous allons réussir. Il y a un chemin qui peut nous conduire au pouvoir. Et nous ne devons pas craindre de l'emprunter. Oh, sans doute est-il parsemé d'embûches, mais je sais que nous sommes assez forts pour l'emprunter sans nous détruire, en restant fidèles à nous-mêmes.
Il ne faut pas écouter le chant mauvais des sirènes inspirées par nos adversaires qui ne souhaitent qu'une chose : que nous restions dans le bunker et que nous ne sortions pas du ghetto. Ces chants nous disent que ceux qui veulent lutter contre la diabolisation du Front national et qui veulent son arrivée au pouvoir sont des traîtres ! Ne nous laissons pas prendre par les mauvais démons qui voudraient nous faire croire que la victoire serait une trahison et qu'il n'y aurait pas de pureté et de fidélité que dans la défaite. Notre mission est historique, elle n'est pas une cause perdue et nous devons nous battre pour l'emporter. Nous devons le faire pour gagner aujourd'hui ; et si ce n'est pas possible, pour gagner demain ; et sinon pour gagner après-demain. Car il n'est jamais trop tard. Il est des peuples qui ont survécu à cinq siècles d'occupation. Le nôtre survivra quoi qu'il arrive et se relèvera, j'en suis convaincu, beaucoup plus tôt et beaucoup plus sûrement que nous le pensons. Notre combat ne s'arrêtera pas sans la victoire, car c'est notre devoir de gagner, tôt ou tard, quoi qu'il en coûte et nous y arriverons !
9 – Et comment voyez-vous cette « victoire », pour « aujourd'hui » ou pour « demain », ou pour « après-demain » ?
– Je ne me bats pas pour des petits changements à la marge mais pour une vraie rupture avec l'établissement. Pour une profonde alternative qui donne un coup d'arrêt à la décadence de notre pays et qui permette la renaissance de la France. Rompre avec l'Europe de Maastricht et d'Amsterdam pour reconstruire une véritable Europe des nations qui permette à notre pays de reconquérir sa souveraineté. Rompre avec le mondialisme et l'immigration pour instaurer la préférence nationale et défendre notre identité. Rompre avec le laxisme pour rétablir l'ordre et la sécurité dans notre pays. Rompre avec l'avachissement des moeurs pour réhabiliter les valeurs de notre civilisation et restaurer la prééminence de la vie dans toute sa plénitude. Rompre avec l'étatisme et le socialisme pour la liberté aux Français et libérer notre pays de la bureaucratie et du fiscalisme. Et je crois ce grand changement possible parce qu'il nécessite que du courage politique pour être mis en oeuvre. Or ce courage nous l'avons, comme nous l'avons montré notamment dans les villes dirigées par le Front national. À Vitrolles-en-Provence par exemple, où après avoir vampirisé le RPR et l'UDF, nous avons conquis la ville et pratiqué un grand changement malgré toutes les attaques subies. Ce changement, je me bats aux côtés de Jean-Marie Le Pen pour que nous puissions de la même manière l'entreprendre à l'échelle du pays.
C'est pourquoi, jamais on ne me fera dévier d'un pouce de la ligne qui est la nôtre. Pour ma part, je mettrai tout en oeuvre pour assurer la victoire du Front, pour appliquer son programme et pour provoquer ainsi la renaissance historique de la France.