Interview de M. Philippe Douste-Blazy, président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale et secrétaire général de Force démocrate, à RTL le 27 novembre 1998, sur la nécessité de mettre en place une Cour pénale internationale et sur le projet de l'UDF en faveur d'une Europe politique pour les élections européennes de 1999.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - Avant d'évacuer les problèmes de politique française, une réaction, peut-être, à la décision du parquet de Paris de ne pas engager de poursuites judiciaires à l'encontre du Président congolais, L.-D. Kabila ?

- « Le sujet de fond, c'est qu'il faut un nouvel Ordre international. Si il y avait des plaintes contre M. Kabila - y compris, d'ailleurs, contre M. Castro ou M. Milosevic... »

Q - Il y en a...

- « Oui, mais sachez aujourd'hui, qu'il n'y a qu'un seul système : c'est le système de l'ONU. Le Conseil de sécurité de l'ONU, qui crée des cours spécifiques - il y en a une pour le Rwanda, une pour la Yougoslavie. Et le problème, c'est que ceux qui sont considérés comme responsables, dans ces cours, ce sont des exécutants, des criminels, ceux qui font le crime. Mais ceux qui ont décidé - les instigateurs des crimes -, ceux-là passent à travers le crime de ces cours. C'est pour cela qu'il faut vraiment mettre en place, le plus vite possible, cette Cour pénale internationale, pour juger les personnes qui ont commis des crimes contre l'humanité. Il faut que les 60 Etats puissent signer, le plus vite possible, ce traité, pour que cette Cour rentre en vigueur. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, les Chefs d'Etat, et c'est scandaleux, les chefs d'Etat et les chefs de gouvernement ont une immunité ; on ne peut rien contre eux. »

Q - Est-ce que M. J. Chirac, lorsqu'il va rencontrer M. Kabila, doit être ferme dans ses propos ?

- « Bien sûr, mais il le sera. Il est évident qu'il est important d'être ferme surtout avec M. Kabila, comme d'ailleurs avec d'autres. Je voudrais revenir un instant sur ce sujet. Il est capital que, cette Cour pénale internationale puisse se saisir elle-même. Aujourd'hui, il n'y a que les Etats qui ont été victimes qui peuvent saisir la justice. Il est évident qu'un dictateur dans son Etat, ne va pas lui-même s'attaquer. Le Conseil de sécurité de l'ONU souvent ne le fait pas. Donc il faut que cette Cour pénale internationale puisse, d'elle-même, aller voir de plus près ce qui se passe chez les dictateurs ; c'est capital. »

Q - Venons-en à la politique intérieure. Est-ce que, avant cette réunion de l'UDF, à Lille, vous allez tenir compte de la mise en garde d'A. Madelin, qui estime que vous avez fait le choix de la division en rechignant à vous engager sur une liste unique de l'opposition pour les prochaines européennes ?

- « Je n'ai pas pris cela comme un ultimatum, mais comme des réflexions à haute voix. M. Bayrou, le président de l'UDF, a écrit à tous les militants de notre formation, pour leur dire qu'il prendra sa décision sur les listes européennes, en fonction de leur choix. Donc je pars, après cette émission, au Congrès de l'UDF, et si vous voulez, lundi matin, nous en reparlerons. »

Q - Oui mais enfin, vous vous préparez à unifier la confédération de ce week-end à Lille et puis pan ! M. Madelin estime que vous allez faire le choix des divisions...

- « C'est trop vite dit. Nous, nous allons débattre du fond. L'année 1999 sera l'année européenne, puisque c'est l'année de la ratification du Traité d'Amsterdam ; on révise la Constitution pour cela, mardi, à l'Assemblée nationale. Et ça sera l'année de l'élection européenne. Nous, nous souhaitons qu'il y ait définitivement une Europe politique. Et nous irons dans une liste avec un projet. Ce projet c'est l'Europe politique. Nous avons l'Europe économique, maintenant il nous faut une politique étrangère ; une politique de sécurité commune ; une politique de recherche commune. C'est cela. En définitive nous, ce que l'on fait c'est le fond, ce n'est pas la forme qui nous intéresse. »

Q - Mais précisément, puisqu'on en est aux Européennes, certains disent chez vous : si F. Bayrou fait une liste centriste autonome, il risque de faire un mauvais score ; s'il accepte une liste unique, conduite par P. Séguin, il sera accusé d'avoir vendu son âme européenne. C'est ainsi qu'il faut voir les choses ?

- « Non. Je crois qu'il faut franchement, voir les choses sur le fond. Que voulons-nous ? Nous, on veut qu'une seule chose : c'est que l'Europe, après avoir été la première puissance économique du monde - elle l'est -, il faut qu'elle ne soit pas un nain face aux Etats-Unis. On l'a vu en Irak, il y a quelques jours ; on le voit, aujourd'hui au Kosovo ; on attend les généraux américains pour nous dire ce qu'il faut faire sur le plan de la politique étrangère, sur la politique de la défense commune. On le voit, aujourd'hui, avec les grands réseaux de télévisions numériques. Il n'y a que les Américains qui comptent ; il n'y a que les millions d'images de télévision américaine qui sont déversées sur tous les continents. Est-ce que, oui ou non, nous voulons que cette Europe puisse avoir les moyens de son ambition ? Mais pas de son ambition uniquement économique - c'est bien l'euro -, mais c'est, aussi, de son ambition politique. Je dirais que c'est la grande question que ma génération d'hommes politiques se posent. Et ce n'est pas en remettant en cause l'Europe politique que nous pourrons travailler avec nos concurrents ou nos partenaires. Nous, nous voulons... Ecoutez, nous sommes, à l'UDF, les héritiers de l'Europe politique. Si R. Schuman n'avait pas existé, le fils de cette Europe déchirée, qui est devenu le père de l'Europe réconciliée, ce sont les démocrates-chrétiens ; ce sont les centristes. Aujourd'hui, voua ne pouvez pas nous demander, évidemment, d'être des anti-européens. Nous sommes des pro-européens. Et si la liste d'union est conduite par un UDF, alors c'est encore plus facile pour nous tous. »

Q - Quelles sont vos relations avec F. Bayrou ? On parle beaucoup de rivalité. C'est fini, c'est entre parenthèses ?

- « Si chaque fois qu'on pose des problèmes de méthode, cela est identifié comme des problèmes d'hommes, on se trompe. C'était un problème de méthode. »

Q - Vous-même, vous avez déclaré que : « La politique c'est comme la Formule 1 : une fois entré dans son circuit on ne peut plus s'en sortir, sinon être le plus rapide »...

- « Non, mais c'est vrai qu'il y a toujours une concurrence. Je crois qu'on a trop de querelles de personnes ; trop de querelles de chefs. C'est pas la peine d'en ajouter une autre. Ce qui est important, c'est que le Centre, aujourd'hui, ait évidemment une capitale pour la vie politique française, entre un socialisme - qui ne propose qu'une culture d’assistance ; pour seule espérance -, et un libéralisme - qui n'a que des lois du marché à nous proposer comme solution. Je crois qu'il y a un autre discours politique, pour une société plus responsable, plus juste, plus équitable. C'est ce que nous allons faire, ce week-end, à l'UDF, à Lille. »