Article de M. Brice Lalonde, président de Génération écologie, dans "Le Figaro" du 2 mai 1995, intitulé "À propos d'écologie", sur ses propositions en matière d'écologie et son soutien à M. Jacques Chirac pour l'élection présidentielle de 1995.

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Média : Le Figaro

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À propos d'écologie

"J'ai choisi Chirac au premier tour parce qu'il représentait la réforme contre l'immobilisme. Il continue. Je persiste."

La présence des écologistes en politique a un sens précis : il s'agit d'introduire dans les décisions des responsables, depuis le chef de l'État jusqu'aux maires des plus modestes communes, des dimensions que le temps et la logique politique évacuent ; les droits des générations futures ; la protection de la nature, la gestion écologique de la planète, la démocratie des choix techniques.

Pour faire avancer ces principes, nous considérons de notre devoir de discuter avec toutes les forces politiques, pourvu qu'elles s'inscrivent dans la tradition républicaine, et de respecter le vote des électeurs. C'est ainsi que, dans les régions où, très majoritairement, l'électorat a donné une avance à l'UPF, nous apportons aux exécutifs régionaux un concours proportionné aux pas qu'ils opèrent en faveur d'un développement respectueux de l'écologie.

Le 23 avril, 45 % des Français ont voté pour l'ensemble des candidats représentant les diverses familles du centre, du gaullisme et de la droite, 37 % des voix sont allées à la gauche et à l'extrême gauche. Ces résultats confirment les élections législatives de 1993. Seul un déplacement substantiel des voix du Front national en direction du Parti socialiste pourrait changer les données du scrutin.

Nous tiendrons compte de cette réalité en soulignant à nouveau que nous ne nous situons pas dans le clivage droite-gauche et que nous ne voulons pas y être enrôlés. En revanche, nous souhaitons vivement l'émergence d'une volonté réformatrice forte pour réduire la fracture sociale tout en assumant l'exigence écologique. Nous comprenons la coexistence dans une majorité, ou derrière un candidat d'un courant d'ouverture au monde avec une résistance de souveraineté et d'identité. Le pacte républicain nous est aussi précieux que la puissance de l'Europe unie.

Nous avons noté les résultats de Le Pen et ses réticences à l'égard de Chirac. Les socialistes s'intéressent désormais aux électeurs du Front national. Ils prétendent découvrir la proportionnelle pour faire plaisir à 3 % d'écologistes, non à 15 % d'électeurs lepénistes. Que n'ont-ils institué la proportionnelle quand les écologistes étaient à 15 %.

Je conserve le souvenir de cette nuit du conseil régional Nord Pas-de-Calais où les socialistes ont brutalement renversé leurs alliances en choisissant d'élire à la présidence la candidate des Verts contre le candidat de Génération écologie. J'ai donc quitté le gouvernement.

Le Parti socialiste s'est employé, dès lors, à casser la dynamique écologiste tandis que l'aventure Tapie a fait perdre dix ans à la renaissance d'un centre gauche. Tout le terrain était laissé à l'extrême droite. Je considère donc que le Parti socialiste ne veut vraiment pas d'alliés et je ne vois pas qu'il se soit réformé.

Mais faut-il regarder en arrière ? Ce serait un exercice vin de noter le passé environnemental des uns ou des autres.

Prenons donc la situation politique telle qu'elle se présente. Voynet a cassé l'entente des écologistes pour se placer à gauche de la gauche. Les socialistes ont choisi de coopéré. J'ai choisi de ma rapprocher du centre. Je demande donc à Jacques Chirac de montrer qu'il est prêt à prendre en compte la sensibilité écologiste, à respecter ce courant d'opinion et à ouvrir nos institutions et nos politiques aux valeurs qu'il porte.

1. Aujourd'hui une grande faiblesse est ressentie dans l'urbanisme. Nos concitoyens ont le sentiment de subir leur cadre de vie, non de le choisir ; les agglomérations s'étaient en flaques, les vallées sont taillées en pièces, les zones inondables sont oubliées, les paysages menacent d'être mités. Les procédures de participation sont insatisfaisantes. Je demande que la fonction urbanisme soit transférée au ministère de l'Environnement, avec les 500 emplois correspondants, et que ce ministère dispose enfin de son propre corps d'inspecteurs de l'environnement.

Il faudra vraisemblablement conformer les POS à des documents intercommunaux ou des prescriptions régionales d'urbanisme ; et rendre transparent le contrôle de légalité des permis de construire et des opérations d'aménagement par la publication et la motivation des actes s'y rapportant. À commencer par l'abstention. Enfin le gouvernement doit appliquer les lois de protection de la montagne et du littoral en ouvrant à la sauvegarde de l'environnement les critères de la dotation touristique aux communes, en acceptant le paiement des droits de succession par la donation de propriétés au conservatoire du littoral.

2. Les écologistes ont toujours mis l'accent sur la politique de l'énergie. Il est temps de la mettre à jour. Une relance des économies d'énergie et de développement des énergies renouvelables serait bienvenue, de même qu'un plan de fiscalité écologique pour respecter nos engagements dans la lutte contre l'effet de serre. L'accroissement de la pollution par le gaz carbonique provient essentiellement des transports. Je demande la création d'un fonds d'intervention pour les transports urbains au sein du ministère de l'Équipement pour doubler le volume des travaux, ainsi que l'engagement immédiat d'une concertation européenne pour définir les inflexions nécessaires du transport de marchandises à l'échelle du continent.

Un effort particulier est attendu dans le domaine nucléaire. La France doit se doter d'une loi clarifiant les procédures et les responsabilités, tout en préparant l'avenir en matière de filières, de normes, des déchets. Je propose davantage de coopération internationale. Le temps du nationalisme nucléaire est révolu.

Une doctrine claire doit établir la France souhaite réduire au minimum la production, l'extraction et les mouvements de plutonium. Je demande que la sécurité nucléaire relève du ministère de l'Environnement, au même titre que la sécurité industrielle.

3. La dimension internationale est significative de notre temps. La France a su prendre par le passé des initiatives pour la défense de l'environnement dans le monde. Elle s'est assoupie à nouveau. Seul un pays d'influence, à forte tradition diplomatique, peut devenir un champion de la planète.

Je crains peu une forte détérioration de l'environnement dans notre pays. Je redoute en revanche la brutalisé des pollutions et des destructions imputables, au sous-développement ou au mal-développement. Une part croissante des problèmes d'environnement se déplace hors des frontières. Nous avons à inventer les mécanismes d'une régulation internationale.

Évitons de réduire la politique de l'environnement à quelques manifestations symboliques : telle route, telle usine, tel tunnel. Chaque bataille a son importance, mais on attend de son pays des avancées autrement plus décisives vers le développement soutenable que l'annulation d'un ou deux projets en signe de joyeux avènement.

Je suggère qu'un second plan national pour l'environnement soit adopté en 1996. Il faut évidemment ajouter que nous tenons à notre dose de proportionnelle dans notre mode de scrutin.

L'influence électorale des écologistes au plan national s'apparente au zeste. C'est donc au président de la République de veiller spontanément à l'importance de l'écologie et à l'existence des écologistes. La participation de ceux-ci aux affaires publiques relève de la volonté d'ouverture, non de l'établissement d'une majorité. Le principe de réalité conduit à reconnaître les progrès de la France en matière d'environnement et l'éclatement des mouvements d'écologie politique. Ceux qui parlent le plus d'écologie ne sont pas toujours les plus actifs dans le domaine de l'environnement. Cela vaut pour les écologistes. Cela vaut aussi, par exemple, pour Clinton, qui fit moins bien que Bush. J'ai choisi Chirac au premier tour parce qu'il représentait la réforme contre le conformisme. Il continue. Je persiste.