Texte intégral
Olivier Mazerolles : Bonsoir, monsieur Balladur. Dans 4 jours, nous connaîtrons le verdict des Français et pour la première fois à ce niveau le plus élevé, celui de l'élection présidentielle, vous connaîtrez ce moment de forte humilité où un homme politique ne peut plus agir et changer le cours de son destin. Ou bien, les Français vous auront qualifié pour la deuxième partie de la compétition électorale ou bien de manière toute aussi souveraine, ils auront préféré d'autres candidats et d'autres projets. Cette campagne a été longue. Des propos acrimonieux ont été échangés mais des débats importants ont lieu également comme celui qui se développe actuellement entre Jacques Chirac et vous sur la conduite de la politique économique et sociale. Quels sont les meilleurs moyens pour soutenir l'activité, combattre le chômage, améliorer les salaires et préserver les acquis sociaux ? Nous voici revenus au cœur des sujets qui intéressent les électeurs. Nous allons en parler ce soir dans ce "Grand Jury", retransmis en direct à la télévision sur RTL 9. Les questions vous seront également posées par Thierry Braillet du Monde et Paul Joly de RTL mais pour commencer quelques questions sur la Bosnie et la présence des Casques bleus français à Sarajevo. Après la mort de deux d'entre eux, la France a demandé au Conseil de sécurité de l'ONU d'adopter une nouvelle résolution prévoyant le respect du cessez-le-feu, la libre circulation des Casques bleus et la reprise des négociations entre les belligérants. Mais, il y a déjà eu tellement de résolutions votées à l'ONU et des résolutions restées sans suite, est-il possible de croire encore à l'efficacité de ce genre de vote ?
Édouard Balladur : C'est à ma demande que la France a saisi le Conseil de sécurité. J'ai en effet tenu trois réunions depuis maintenant moins de 8 jours sur la Bosnie. Quelques mots très simples. La France y est depuis plus de trois ans. Elle y est le plus important contributeur de troupes de Nations Unies et partout dans le monde, la France fait son devoir moral au service des Droits de l'homme et de l'action humanitaire et de la paix. Nous l'avons fait au Rwanda, nous l'avons fait au Liban, il y a un certain temps, nous l'avons fait en Somalie. Je ne peux pas accepter et je n'accepterai pas que des soldats de la paix que sont les soldats français soient menacés par ceux mêmes qu'ils ont mission de protéger et si les habitants, les malheureux habitants de la Bosnie veulent continuer à se battre entre eux, eh bien, je ne vois pas ce que les soldats français ont encore à y faire. Alors, il s'agit dans mon esprit d'une dernière tentative. Vous avez raison de dire que les résolutions de Conseil de sécurité ne sont pas toujours respectées mais il n'y a pas que cela. Nous avons également demandé la réunion des pays qui contribuent à envoyer des troupes et nous avons également demandé la réunion à Londres de tous les pays qui essaient de renouer les fils du dialogue. Si nous avons le sentiment que tout cela n'aboutit pas et que personne ne veut de la paix, nous retirerons nos troupes. C'est parfaitement clair. Je l'ai redit ce matin au Conseil des ministres avec l'accord du président de la république.
Thierry Braillet : Monsieur le Premier ministre, est-ce que ce n'est pas une complication supplémentaire que la France soit représentée à l'ONU, à New York, au moins pour faire passer son message, par un ministre des Affaires étrangères qui juge la campagne de son chef de gouvernement "haineuse" ?
Édouard Balladur : Non, écoutez, je vous en prie, ne mélangeons pas les problèmes. Il y a les affaires de la France et j'ai dit que je privilégierai en toute circonstance mon rôle de Premier ministre, dans mon emploi du temps comme dans mes préoccupations. C'est cela qui compte, d'abord et avant tout. J'ai accepté cette responsabilité, je l'exercerai jusqu'au dernier jour pleinement et je prendrai les décisions qui me paraîtront les plus opportunes. En la matière, la décision dépend du président de la République et de moi-même. C'est une décision que nous devons prendre ensemble. Sur le principe, notre position est la même. Nous verrons, au vu des résultats des discussions, la position que doit prendre la France.
Paul Joly : Est-ce que vous pensez que la voix de la France est tout aussi crédible en cette période électorale, face à nos alliés ?
Édouard Balladur : Je le pense dès lors qu'il y a véritablement une cohésion au sein de l'Exécutif, ce qui est le cas.
Paul Joly : Monsieur Balladur, tout de même, les soldats français se trouvent dans une cuvette à Sarajevo. Pour en sortir, tous les experts militaires disent : "Il faut mettre en œuvre une logistique extrêmement importante".
Édouard Balladur : Et il faut plusieurs semaines.
Paul Joly : 20 000 ou 30 000 hommes.
Édouard Balladur : Non.
Paul Joly : Dès lors, est-ce que véritablement il est possible d'envisager un retrait des soldats français ? Est-ce qu'ils ne sont pas dans un piège dont il est impossible de sortir ?
Édouard Balladur : Oui, il faudra en effet plusieurs semaines mais il est évident que si nous prenons cette décision, elle devra être exécutée car je n'accepterai pas, je le répète, qu'on assassine des soldats français et qu'on les assassine dans des conditions qui nous conduisent à avoir des doutes – et quand je dis des doutes, je devrais même dire certaines certitudes – sur les origines des assassinats. Nos soldats ne sont pas là pour cela. Ils sont là pour défendre la paix et pour défendre les populations civiles menacées.
Paul Joly : Ces certitudes, on peut les connaître ?
Édouard Balladur : Je préfère ne pas en parler.
Olivier Mazerolles : Venons-en à ce qui constitue le cœur de la campagne électorale et du débat à l'heure actuelle sur la politique économique et sociale. Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy, qui est votre porte-parole, a reproché à Jacques Chirac d'avoir provoqué la baisse du franc par ses critiques adressées au gouverneur de la Banque de France, est-ce qu'il s'agit d'un débat de fond ou bien d'un débat qui est là pour distraire un peu les électeurs en fin de campagne ?
Édouard Balladur : Ce n'est peut-être pas à moi qu'il faudrait que vous posiez la question, ce n'est pas moi qui l'ai lancé ce débat. Première observation. On va refaire un petit calendrier si vous le voulez bien. Chaque année, le gouverneur de la Banque de France fait un rapport au président de la République, à la même date, au mois d'avril et il lui fait connaître son sentiment sur la politique monétaire et économique du pays. Il l'a fait cette année comme les années comme les années précédentes. Qu'a-t-il dit dans ce rapport cette année ? Ce qu'il a dit l'année dernière. À savoir que la meilleure façon de lutter pour l'emploi, c'est de lutter contre l'inflation, de lutter contre les déficits et d'avoir une monnaie stable. C'est tout. Il l'a dit l'an dernier, il le répète cette année. Moi, cela ne me pose aucun problème. Je suis partisan de lutter contre l'inflation, de lutter contre les déficits et de lutter pour avoir une monnaie stable et j'ai même lutter pour avoir une monnaie stable avec parfois un sentiment de solitude au mois d'août 1993. Bon, là-dessus, protestations. Pourquoi des protestations ? Est-ce que ceux qui ont protesté sont partisans de l'inflation ? Est-ce qu'ils sont partisans des déficits accrus ? Et est-ce qu'ils sont partisans d'un franc instable ? Pourquoi protester ? Moi, je n'ai pas protesté.
Paul Joly : Vous visez Jacques Chirac et ses amis ?
Édouard Balladur : Exactement. Moi je n'ai pas protesté. II n'y a pas que lui. Monsieur Emmanuelli a également protesté.
Paul Joly : Tout à l'heure, monsieur Delors a dit qu'il partageait l'analyse de monsieur Trichet, qu'il était parfaitement dans son rôle.
Édouard Balladur : C'est possible mais enfin, monsieur Emmanuelli n'a pas dit la même chose. Et jusqu'à nouvel ordre, c'est lui le premier secrétaire du Parti socialiste.
Olivier Mazerolles : Vous parlez de ceux qui critiquent. Vous avez rappelé à l'instant que vous aviez été un peu solitaire en août 1993.
Édouard Balladur : Attendez, ne m'interrompez pas, j'étais en train de…
Olivier Mazerolles : D'accord, allez-y…
Édouard Balladur : Et puis, après vous me poserez toutes les questions que vous voudrez. Bien, protestations. Ces protestations font naître des doutes, dans l'esprit d'un certain nombre de personnes. Parce que si on proteste contre quelque chose qui paraît acquis, c'est qu'on y est hostile. Bon, et à ce moment-là, il y a eu un certain nombre de mouvements sur les marchés qui ont affaibli le franc. Je souhaite que la monnaie de la France ne soit pas l'enjeu du débat électoral. Je le souhaite et je fais tout pour cela. Pourquoi ? Parce qu'affaiblir la monnaie de la France, c'est affaiblir le pouvoir d'achat de la France, et c'est notamment prendre I e risque de relancer l'inflation, ce qui est le meilleur moyen de menacer le niveau de vie et notamment le niveau de vie non seulement des salariés mais des retraités. Alors je souhaite que l'on s'en tienne là. C'est tout ce que j'ai à dire. Maintenant, je réponds à vos questions.
Thierry Braillet : Alors, la solitude d'août 93 ?
Édouard Balladur : Je ne vais pas faire (?) une rétrospective historique.
Thierry Braillet : Oui mais quand même c'était Jacques Chirac déjà à l'époque.
Édouard Balladur : Absolument.
Thierry Braillet : Et Philippe Séguin.
Édouard Balladur : Oui.
Thierry Braillet : Alors est-ce que vous tirez la conclusion des comportements que vous avez observés en août 93 de Jacques Chirac et ses critiques adressés au gouverneur de la Banque de France qui pourrait être tenté parce qu'on a appelé "l'autre politique" ?
Édouard Balladur : Je n'en sais rien franchement et c'est à lui qu'il faut poser la question, pas à moi.
Olivier Mazerolles : Oui.
Édouard Balladur : Tout ce que je constate qu'il y a un certain nombre zigzags dans les raisonnements.
Olivier Mazerolles : Mais, tout de même, vous mettez en garde. Vous dites attention : "Si on fait ceci ou cela, ce sera la culbute".
Édouard Balladur : Mais écoutez je vous demande pardon, Olivier Mazerolles, mais vous avez constaté comme moi ce qui s'est passé sur le marché des changes depuis deux ou trois jours. Ce n'est pas une invention de ma part. Je pense que vous en avez parlé dans vos émissions. Vous avez dû en parler dans votre journal, monsieur Braillet. Bien. Ce n'est pas moi qui l'ai inventé C'est tout. Je dis : "Attention, ne mettons pas le statut de la Banque de France ni la monnaie de la France dans le débat électoral. Faisons tout pour les préserver". C'est tout ce que je dis. Et si on change d'avis, si on dit aujourd'hui : "Ah mais non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, je suis partisan d'un franc tout à fait stable", parfait. Je constate simplement que tout cela n'est pas très cohérent à quelques jours d'intervalle. C'est tout.
Thierry Braillet : Est-ce que derrière cette polémique sur le rôle de la Banque de France, vous voyez une remise en cause des choix européens faits par la France depuis quelques années. L'indépendance de la Banque de France, c'est directement une conséquence du traité de Maastricht ?
Édouard Balladur : Thierry Braillet oui, et dans mon esprit non. Je vous jure que j'aurais voulu le faire même sans le traité de Maastricht et d'ailleurs, je ne l'ai pas fait quand j'étais ministre des Finances de 80 à 88 et je l'ai regretté. Je crois qu'il est bon que la Banque de France soit indépendante pour garantir la valeur de la monnaie et lutter contre l'inflation qui est le meilleur moyen de ramener la croissance, ce qui est l'objet de notre discussion, n'est-ce pas. On va sans doute y venir, je crois. Alors, je pense que personne n'a l'intention de remettre en cause le statut de la Banque de France puisqu'il a été voté par l'ensemble de la majorité et puis je crois aussi par une partie du…, peut-être que le parti socialiste l'a voté aussi si ma mémoire est bonne. Non, je me trompe ?
Thierry Braillet : Il s'est abstenu, il s'est abstenu.
Édouard Balladur : Oui, il s'est abstenu, voilà.
Thierry Braillet : Il s'est abstenu sur la première partie.
Édouard Balladur : Enfin, il n'a pas voté contre, c'est déjà quelque chose.
Thierry Braillet : Non. Mais tout de même, ce statut a été adopté avec une ambiguïté parce que la Banque de France est chargée de veiller à la stabilité de la monnaie. Or, s'il se trouve qu'un gouvernement en place décide que finalement l'urgence, c'est de donner des coups de pouces au SMIC, de faire en sorte que les salaires montent et peu importe si finalement il y a une dévaluation à la clef, qui doit décider ? Qui doit l'emporter ? Le pouvoir politique ? Qui doit trancher ? Le pouvoir politique ou le pouvoir monétaire ?
Édouard Balladur : Mais les choses ne se passent pas comme cela. C'est ni l'un ni l'autre qui tranchent. C'est la réalité, c'est la vie. Quand on a une politique économique inconsidérée, Banque de France ou pas, c'est toujours la réalité qui l'emporte. Et la monnaie est affaiblie ou alors il faudrait envisager des taux d'intérêt qui montent à des niveaux astronomiques. Je rappelle que grâce à la politique que j'ai mise en œuvre, ils avaient diminué de moitié les taux d'intérêt, de 50 %, et que c'est un des facteurs non négligeables de la reprise de la croissance. Que donc la stabilité monétaire depuis deux ans a été un facteur de relance de la croissance. Alors, vous pesez le problème en termes que je comprends d'ailleurs qui sont des termes un peu théoriques et politiques. Finalement qui doit décider ?
Thierry Braillet : C'est un des arguments de Jacques Chirac, d'ailleurs.
Édouard Balladur : Oui, mais alors il ne fallait pas voter le statut de la Banque de France, si c'est un argument.
Thierry Braillet : Et donc refuser le traité de Maastricht.
Édouard Balladur : Il faut être un peu cohérent et un peu continu dans les raisonnements que l'on tient. Il ne faut pas tout le temps changer d'avis non plus. Moi, j'ai une position parfaitement cohérente et continue. Je suis partisan de la construction de l'Europe. Je suis partisan de la stabilité de la monnaie française, voilà. Et je pense que c'est le meilleur moyen de revenir à la croissance et à l'emploi, nous l'avons démontré depuis deux ans. Donc, je ne change pas d'avis sur ce point-là. Il m'arrive de m'adapter quand je m'aperçois que je me suis trompé. Là-dessus, tout ce qui se passe me renforce dans ma conviction.
Olivier Mazerolles : Donc, vous savez bien que votre politique fait l'objet de fortes critiques, non seulement de monsieur Chirac…
Édouard Balladur : Non, je ne le sais pas justement.
Olivier Mazerolles : Mais de certains industriels aussi…
Édouard Balladur : Mais, non.
Olivier Mazerolles : … qui disent tout autour de nous.
Édouard Balladur : Mais non.
Olivier Mazerolles : … Certains pays se livrent à des dévaluation compétitives…
Édouard Balladur : Eh oui.
Olivier Mazerolles : … bien mon dieu, si le franc valait un peu moins, ce ne serait pas trop grave, l'essentiel est de mettre du charbon dans la machine.
Édouard Balladur : Eh bien, moi, je constate une chose, c'est qu'il y a de moins en moins de sens pour dire cela parce que campagne électorale aidant je rencontre beaucoup de monde. J'en rencontrais avant aussi, je m'empresse de rassurer ceux qui s'inquiétaient de savoir si j'allais suffisamment… Parce que j'étais hier à une émission de télévision, où on me disait : "Mais enfin, est-ce que vous connaissez quand même bien les préoccupations de nos compatriotes etc… ?". Passons, qu'est-ce que je constate ? J'ai reçu des pêcheurs cet après-midi j'étais à Brest. Et j'ai reçu une association de pêcheurs. Il y a quelques jours, il y a deux jours, je me suis rendu ou un peu plus comme tous s les candidats à la FNSEA, j'ai rencontré les agriculteurs. Quelques semaines plus tôt, je me suis rendu devant les industriels du textile que j'ai rencontré. Tous tiennent le même discours : "Nous avons intérêt à la monnaie européenne, le désordre monétaire introduit le désordre général en Europe et menace notre prospérité et notre emploi". Tous disent la même chose.
Thierry Braillet : Donc la monnaie unique, ce n'est pas une obsession technocratique ?
Édouard Balladur : Non, sûrement pas, c'est une nécessité vitale. Mais le vrai problème n'est pas là. C'est que la monnaie européenne au départ ne pourra se faire qu'entre un groupe restreint de pays. Et oui, et que certains pays qui sont ceux dont les dévaluations sont justement dangereuses pour les autres ne pourront pas y entrer tout de suite. Mais cela introduit tellement de désordre dans le marché européen que je prends date aujourd'hui. Si nous ne trouvons pas le moyen de stabiliser les relations monétaires à l'intérieur de l'Europe, c'est le grand marché européen lui-même qui va être menacé. Et c'est pourquoi j'ai demandé un rapport, j'ai réuni un comité sur l'Europe depuis une dizaine de jours et j'ai demandé qu'on me fasse un rapport avec des propositions précises sur les moyens de faire face à ce désordre en attendant qu'on arrive à la monnaie européenne. Et ce n'est pas une affaire facile, croyez-moi.
Olivier Mazerolles : Alors cette monnaie européenne, vous souhaitez la voir instaurer si c'est possible dès 1997…
Édouard Balladur : Et tout le monde me critique.
Olivier Mazerolles : Et tout le monde vous critique, et en particulier, il y a quelques jours, l'ancien président de la République, Valéry Giscard d'Estaing s'adressait à vous en vous disant : "Mais comment cette marche accélérée vers la monnaie européenne pour 97 peut-elle être compatible avec de vraie mesures de relance pour l'emploi ? Ce n'est pas compatible l'État n'aura pas suffisamment d'argent".
Édouard Balladur : Je vous signale qu'il me disait la même chose en 1993.
Olivier Mazerolles : Il a réitéré.
Édouard Balladur : Oui, mais attendez, entre temps il s'est passé quelque chose, c'est que la relance de l'économie s'est produite et que la relance de l'emploi s'est produite aussi. Ce qui prouve que la politique que j'ai menée depuis 93 de résorption des déficits et de stabilité monétaire et de lutte contre l'inflation a produit de bons résultats. Alors maintenant, je veux m'exprimer sur cette affaire de 1997 parce que je vois que tout le monde dit : "Mais comment, vous allez faire perdre de la croissance en vous fixant cet objectif". Soyons tout à fait clair. Nous avons signé un traité. Nous avons dit dans ce traité qu'il faudrait instituer la monnaie commune européenne ou unique comme vous voudrez dès 97 et sinon en 99. Pour cela, il faut résorber un certain nombre de déficits pour y parvenir. Je vous rappelle qu'en 93, j'ai trouvé des déficits publics égaux à 6 % de notre production. Actuellement, ils sont de 4,5 % et la croissance est de retour. Et si la croissance continue, on peut espérer que nous y arriverons pour 1997. Si on n'y arrive pas, Olivier Mazerolles, je n'ai pas du tout l'intention de casser la croissance, je n'ai pas attendu les conseils des uns et des autres pour relancer l'économie française et la sortir de la crise la plus grave qu'elle avait connue depuis, la Guerre, ce n'est pas du tout dans mes intentions. Si nous n'y arrivons pas, nous le verrons, mais je constate qu'un certain nombre de pays européens ont fait cet effort et que si nous disons dès maintenant : « Nous c'est pas ça, cela va être ça", ce sera interprété comme un signe de relâchement de l'effort par tous nos partenaires et ce sera un affaiblissement, y compris économique et psychologique, pour notre pays. Alors, ma position est claire, on fait tout ce qu'on peut pour y parvenir, la croissance et la relance de l'économie qui existent déjà aidant, les rentrées fiscales pourront être plus importantes et nous verrons ce qu'il y a lieu de faire. N'en faisons pas un débat idéologique là aussi.
Paul Joly : Alors, là, vous nous avez donné un exemple selon d'incohérence dans le programme de Jacques Chirac, alors est-ce que vous pourriez nous dresser un catalogue des incohérences principales du programme de Jacques Chirac ? Parce que c'est quand même important.
Édouard Balladur : Écoutez, après vous irez dire après que je ne suis pas aimable. Hein ? (Rires).
Paul Joly : Pas du tout.
Édouard Balladur : Non, non non, mais si ou d'autres le diront pour vous et vous les citerez.
Paul Joly : On peut noter des désaccords tout en restant aimable.
Édouard Balladur : Oui, et c'est mon cas en général. Je suis rarement excessif.
Paul Joly : Aimablement alors.
Édouard Balladur : Non mais je l'ai fait là-dessus, c'est tout. C'est suffisamment, vous savez, important tout de même.
Paul Joly : Il y a tout de même quelque chose qui nous intrigue, cette différence avec Jacques Chirac vous tient à cœur parce que vous considérez qu'il s'agit d'un débat de fond sur la manière de mener la politique économique et monétaire de la France…
Édouard Balladur : Oui. Oui.
Paul Joly : … et avec tout ce que cela peut entraîner. Comment dans ces conditions si – hypothèse – les Français ne vous plaçaient pas dans les deux premières places dimanche soir, pourriez-vous recommander de voter pour Jacques Chirac ?
Édouard Balladur : D'abord, j'espère que vous lui poserez la même question.
Paul Joly : Oui. Nous lui poserons.
Édouard Balladur : Vous la lui poserez parce que les hypothèses sont multiples pour dimanche soir.
Paul Joly : Oui, oui. Nous lui poserons la même question mais c'est une hypothèse, comment pourriez-vous recommander de voter pour Jacques Chirac.
Édouard Balladur : Je ne veux pas envisager celle-là, je pense que vous m'avez compris.
Paul Joly : Bien entendu. J'ai bien compris que vous ne souhaitiez pas la privilégier mais quand même.
Édouard Balladur : Très bien. Alors, je vais vous répondre. De toute façon, celui qui sera élu président de la République, que ce soit Lionel Jospin, Jacques Chirac ou moi – qui sait, peut-être un autre, enfin prenons ces trois là – qui sont ceux dont vous parlez le plus, inégalement d'ailleurs. De toute façon, il aura eu moins de 25 % des voix au premier tour. De toute façon, cela me parait quasi évident. Il y aura donc pour lui une obligation à la fois morale et politique de rassembler le plus de monde possible et de faire en sorte que son projet et son action reçoive la plus large adhésion possible. Je me permets de vous faire observer que c'est ce que j'ai fait moi-même comme Premier ministre pendant deux ans, j'avais une majorité assez diverse, je l'ai toujours d'ailleurs et aussi longtemps que je suis Premier ministre, cela va maintenant durer encore trois semaines, oui trois semaines, un peu plus peut-être. J'avais une majorité, j'ai une majorité qui n'est pas unie sur tous les sujets. Sujet européen, elle n'est pas unanime, sujet monétaire, sujet sociaux, sujets de sécurité, il y a des divergences. C'est comme ça d'ailleurs, dans toutes les majorités et les majorités de gauche n'ont pas échappé à la même règle. Je me suis en toutes circonstances employé à l'unir et à maintenir sa cohésion en définissant une position commune acceptable pour tous. Cela devra être l'action du futur président de la République quel qu'il soit. Si c'est moi, ce sera le mienne en tout cas. À partir de là, je reviens à votre question.
Paul Joly : Ah oui, parce qu'il y a un désaccord de fond.
Édouard Balladur : Attendez, j'y ai déjà répondu pour les trois quarts à votre question, vous l'avez certainement compris.
Paul Joly : Parce que vous entreriez dans l'opposition au président de la République futur s'il ne menait pas la politique…
Édouard Balladur : Non, j'étais en train de dire le contraire, j'étais en train de dire que le futur président de la République, quel qu'il soit sera bien obligé de tenir compte de l'ensemble des forces qui le soutiendront pour le second tour. Voilà. Et c'est tout ce que je peux vous dire. Cela étant, si j'étais, cette politique qui était conduite, prenait des formes que je trouverais pas bonnes pour la France, je m'exprimerais là-dessus mais je ne le souhaite pas.
Paul Joly : La question porte plus sur l'avant 7 mai que sur l'après 7 mai, c'est-à-dire comment pouvez-vous appeler les électeurs à voter Jacques Chirac au cas où vous ne seriez pas vous même présent le 7 mai après tout ce que vous venez de nous dire sur l'effet plus que néfaste que pourrait avoir la politique que mènerait Jacques Chirac ?
Édouard Balladur : Oui, mais je me permets de vous dire que vous pourriez poser les mêmes questions à d'autres candidats.
Olivier Mazerolles : Nous n'y manquerons pas.
Édouard Balladur : Je le sais, et vous auriez pu les poser à propos de toutes les élections présidentielles. Chacun est porteur d'un projet, moi j'ai le mien. Si je le défends c'est que je le crois meilleur que les autres. Sans quoi je ne le défendrais pas. À partir de là, ou bien tes Français me font confiance, ou bien ils ne le font pas. S'ils me font confiance, le problème est réglé. Ce qui ne m'interdit pas au contraire n'avoir l'esprit suffisamment ouvert et un esprit de tolérance notamment pour être accueillant pour toutes les idées et vérifier que l'adhésion est assez large. S'ils ne me font pas confiance, il est bien évident que je soutiendrais celui qui par les conceptions générales sur la société est le plus proche de moi.
Paul Joly : Et c'est Jacques Chirac plutôt que Lionel Jospin ?
Édouard Balladur : Bien entendu, vous ne me voyez pas soutenir Lionel Jospin, tout de même ?
Paul Joly : Vous parliez de la majorité tout à l'heure, est-ce que vous pensez que la majorité qui vous a soutenus pendant deux ans peut être la même que celle qui soutiendra éventuellement une autre politique si Jacques Chirac était élu ?
Édouard Balladur : D'abord il faudrait que ce soit une autre politique, ce qu'on ne sait pas très bien encore jusqu'à présent parce qu'il y a quand même un certain nombre d'allers et retours dans les propos, hein, jusqu'à présent on ne le sait pas.
Paul Joly : Vous ne vouliez pas souligner le trou tout à l'heure, apparemment.
Édouard Balladur : Oui, mais enfin il y a quand même un certain nombre de contradictions, ce qui met l'occasion de dire en passant que ce qui est très important en matière de conduite de la politique économique comme de la politique générale, d'ailleurs et de politique extérieure également et de défense, c'est la continuité, c'est une chose très importante. C'est tout ce que je peux vous répondre, Paul Joly, on verra bien en fonction de ce que sera cette politique.
Paul Joly : Alors, parlons justement de la politique, pour beaucoup de Français, vous êtes en quelque sorte le sortant, parce que, durant ces deux dernières années, pour énormément de raisons qu'on ne va pas détailler ici, le Premier ministre a peut-être eu plus de liberté d'action que ce n'était le cas lors des périodes précédentes, vous êtes donc pour beaucoup de Français en quelque sorte le sortant, comment pouvez-vous leur dire que vous allez incarner le changement et la nouveauté, si vous étiez élu ?
Édouard Balladur : Je pense que s'il y a beaucoup de projets qui foisonnent en ce moment, c'est que la croissance est revenue, et que si nous étions en 1993, les projets présidentiels seraient tout différent, à l'époque, il y avait la récession, et l'augmentation constante du chômage. Vous me pardonnez de le dire, mais s'il y a de l'espoir aujourd'hui en France j'y suis sans doute pour quelque chose, et l'action de mon gouvernement aussi. Alors cela étant, vous me posez une véritable question, c'est vrai, mais il y a deux temps dans l'action, le premier temps était celui de toutes les réformes innombrables, je ne veux pas vous en énumérer la litanie, qui ont concouru au redressement de notre pays, et qui ont permis de stopper la dérive du chômage, et d'amorcer sa décrue. Une fois ces… et je vous rappelle qu'en 93 il n'y avait aucune marche de manœuvre, il y avait des déficits qui avaient explosé dans toutes les directions, sociaux, publics, de l'État, etc., et il n'y avait aucune marche de manœuvre. Une fois la croissance retrouvée, autre chose devient possible, mais il fallait commencer par retrouver la croissance, et c'est pourquoi je propose un certain nombre de changements fondamentaux en matière de libertés en matière d'égalité des chances et en matière d'emploi, pour ne parler que de cela, on peut les détailler si vous le voulez, et je m'engage – je m'engage – à faire en sorte que dans tous ces domaines des lois ou des décisions importantes soient rapidement prises dans les premiers mois, dès les premiers mois, en matière d'emploi, comme en matière d'égalité des chances, comme en matière de libertés.
Paul Joly : Ça ira très vite ?
Édouard Balladur : Tout ne sera pas fait en quelques mois, mais il y aurait en quelques mois quelques dédisions très importantes pour bien marquer le changement, et ensuite il y aurait une action qui devrait être continue, l'objectif quel est-il ? Il est qu'aux environs de l'an 2000, la France soit une grande puissance économique, avec une monnaie solide, qui soit une monnaie européenne, avec un emploi qui ait permis de diminuer d'au moins un tiers le chômage, avec une égalité des chances qui ait répondu à l'attente de la jeunesse, notamment pour sa formation, et qui ait répondu aussi à l'attente des familles, ou des femmes, et avec des libertés plus grandes, notamment la décentralisation, je souhaite une société plus souple, une société où l'on n'est pas engagé dans une voie sans pouvoir en sortir, une société où chacun se sente un peu plus responsable de lui-même, aussi bien sur le plan local que sur le plan individuel.
Olivier Mazerolles : Bien, monsieur Balladur, nous allons marquer une pause pour les informations de 19 h, et puis ensuite on va voir avec vous comment vous pourriez mettre cela en œuvre parce que peut être les Français se disent : "Mais dans le fond, qui est le vrai Balladur ? C'est le Premier ministre qu'on a connu pendant deux ans ou celui qui nous annonce ce que vous venez de nous dire ?"
Édouard Balladur : Mais pourquoi ? Ils ne sont pas satisfaits du Premier ministre qu'ils ont connu pendant deux ans ?
Olivier Mazerolles : Mais je ne le sais pas ça, mais peut-être ont-ils envie d'un peu de nouveauté ? Non, vous ne croyez pas ?
Paul Joly : Apparemment d'après les enquêtes, l'opinion a un petit peu évolué depuis quelques semaines.
Édouard Balladur : Oui, oui, mais enfin elle évolue encore.
Olivier Mazerolles : Bien. Alors, nous en parlons après cette pause.
(Pause)
Olivier Mazerolles : Oui, monsieur Balladur, parlons de votre profil politique si vous le voulez bien, en 1981 et en 1988, déjà, Valéry Giscard d'Estaing et Raymond Barre avaient misé sur la rationalité, sur la logique, sur le raisonnement pour tenter de convaincre les électeurs et ils ont été battus, est-ce que vous n'avez pas tiré la conclusion de ces expériences que finalement les Français avaient envie de voir à l'œuvre des hommes politiques très volontaires, capables à leurs yeux de bousculer les événements ?
Édouard Balladur : Mais, est-ce que je n'ai pas bousculé les événements ? Je vous pose la question, de 86 à 88, comme ministre de l'Économie et des Finances, n'ai-je pas procédé à des changements tellement profonds que la France a retrouvé la croissance ? N'ai-je pas fait la même chose depuis 1993 ? Qui a réformé le Code de la nationalité ? Qui a changé le statut de la Banque de France ? Qui a fait une loi quinquennale sur l'emploi dont tout le monde reconnaît aujourd'hui que c'est une très bonne loi qui permet de développer l'emploi ? Je pourrais continuer l'énumération, qui a fait ta loi de programmation militaire qui définit notre défense pour les années qui viennent ? Qui a gagné la bataille du GATT, hein ? "Bousculer les événements" ? On me disait : "Il ne faut pas signer le GATT, sans quoi vous aurez la motion de censure, et tous les agriculteurs sur les routes", et bien j'ai négocié, et j'ai convaincu les partenaires européens et aujourd'hui les agriculteurs reconnaissent que cette négociation leur a apporté des avantages substantiels, alors qu'est-ce que ça veut dire "bousculer les événements" ? Je vous pose la question. Qu'est-ce qui a changé en France, depuis deux ans, et qu'est-ce qui a changé dans le bon sens ? Alors, il y a le discours, il y a l'attitude générale croyez-moi Olivier Mazerolles, ce qui compte c'est d'abord et avant tout la fermeté intérieure et la certitude intérieure.
Paul Joly : Comment expliquez-vous justement que les Français ne soient pas plus, ne semblent pas plus sensibles à ce bilan ?
Édouard Balladur : Mais parce que je ne me présente pas sur un bilan, on ne vote pas pour un bilan, on vote pour l'avenir, il s'agit de·7 ans, c'est long 7 ans.
Paul Joly : On vote pour un homme, on l'a vu à l'œuvre.
Édouard Balladur : Bien sûr, mais attendez le vote, Paul Joly, attendez le vote et nous verrons bien, je me présente devant les Français avec un projet qui est un projet de changement profond, j'espère que nous aurons l'occasion d'y revenir, mais qui est assis, si je puis dire, sur l'acquis de ce qui s'est passé pendant deux ans. La France a changé et elle a changé en mieux, et personne ne le nie, est-ce que vous avez entendu quelqu'un le nier que ça aille mieux qu'il y a deux ans ? Personne, bien. À partir de là beaucoup de choses deviennent possibles, et je me présente devant eux avec ma méthode dont je suis fier qu'on lui ait donné mon nom, fier, et que je n'ai pas l'intention de changer, qui est une méthode qui est bâtie sur le dialogue, sur la recherche de l'accord, et puis quand l'accord n'est pas possible, chacun prend ses responsabilités, je reviens au GATT. J'avais dit à nos partenaires européens : "Je n'accepterai pas le pré-accord de Blair House, et je n'accepterai pas les accords du GATT tels qu'ils se présentent, il y aura le veto de la France au sein de l'Europe". Bien, j'ai réussi à les convaincre, je ne les aurais pas convaincus, il y aurait eu le veto de la France. Voilà, on essaie j'ai mis 6 mois, 8 mois même, cela a duré 8 mois la négociation, on essaie tous les moyens, mais lorsqu'on est sûr de soi et que les autres qui sont en faire de vous savent que l'on ne transigera pas, on finit par l'emporter.
Thierry Braillet : Comment expliquez-vous si vous pensez que les Français estiment que la situation est meilleure qu'il y a deux ans que votre côté, dans toutes les enquêtes d'opinion, ait chuté du jour ou le Premier ministre est devenu candidat ?
Édouard Balladur : Pas tout à fait de ce jour-là, il a fallu attendre quelques semaines, le gouvernement a rencontré quelques difficultés, quelques difficultés, comme vous le savez.
Thierry Braillet : Il en avait rencontré d'autres qu'il avait surmontées et pas celle-là.
Édouard Balladur : Oui, mais enfin, oui c'était la mauvaise date sans doute. Et puis les choses sont en train de se rétablir, voilà.
Thierry Braillet : La force intérieure dont vous parliez tout à l'heure, Nicolas Sarkozy a fait un livre dernièrement dans lequel il parle un peu de vous.
Édouard Balladur : Ah ?
Thierry Braillet : Oui, oui, il parle de vous, il dit : "Édouard Balladur est complexe, secret, pudique, subtil, mais en fait il est en tempête intérieure permanente, il doute beaucoup, ça vous ressemble ?
Édouard Balladur : Non, je ne suis pas en tempête intérieure permanente.
Olivier Mazerolles : Votre porte-parole vous trahirait-il quelque part ?
Édouard Balladur : Non, non. Je ne l'avais pas chargé de porter ma parole sur ce point-là. Je dis cela très gentiment parce que je l'aime beaucoup. Non, non, non, je ne doute pas, je me remets an cause régulièrement, c'est une habitude que j'ai, à peu près toutes les semaines, je réfléchis à ce que j'ai fait, à ce que je dois faire, je me demande si j'ai bien fait et j'essaie de voir les erreurs que j'ai faites. Je crois que c'est un exercice utile, il faut dire que lorsqu'on est au pouvoir c'est plus difficile quand même, d'abord parce qu'on fait beaucoup plus de choses, qu'on a beaucoup moins de temps, et qu'ensuite on est porté à penser quand même que ce que l'on fait n'est pas tellement mal, et c'est là la tentation du pouvoir, il faut y résister, et en même temps, il ne faut donner le sentiment qu'on est une sorte de Hamlet qui hésite.
Thierry Braillet : Mais précisément, si vous êtes élu président de la République, en quoi Édouard Balladur sera-t-il moins impartial que ne le serait par exemple Jacques Chirac ?
Édouard Balladur : Moins impartial ou plus impartial ?
Thierry Braillet : Plus impartial, pardon.
Édouard Balladur : Qu'est-ce qui a parlé là ? C'est votre inconscient ?
(Rires)
Olivier Mazerolles : Non, pas du tout, c'est une erreur, je ne suis pas adepte de Freud. Alors, en quoi Édouard Balladur, président de la République serait-il plus impartial que ne le serait Jacques Chirac, puisqu'on a parlé beaucoup de retour de l'état RPR en cas d'élection de Jacques Chirac.
Édouard Balladur : Enfin c'est vous qui en avez parlé.
Olivier Mazerolles : J'ai cru entendre que de votre côté on…
Édouard Balladur : Je me suis élevé contre certains propos sur le thème "on pardonnera ou on ne pardonnera pas à ceux qui se seront bien, entre guillemets, conduits".
Olivier Mazerolles : Vous étiez très en colère à ce moment-là.
Édouard Balladur : Oui et je n'aime pas beaucoup ça. Je suis quelqu'un de très tolérant de nature, très tolérant, moi j'accepte que les gens aient une opinion différente de moi, et je ne me suis pas livré à la chasse aux sorcières, on me l'a d'ailleurs reproché, sur toute une série de cas précis, je ne citerai pas…
Olivier Mazerolles : Qui est "on" ?
Édouard Balladur : Dans des secteurs divers de la majorité. Divers, c'était également réparti, presque également réparti, et je ne citerai pas les hommes, je veux dire les fonctions dans lesquels j'ai maintenu ou nommé des hommes dont on estimait que politiquement ils n'offraient pas toutes les garanties, je vais en citer un, le président d'Air France, monsieur Blanc, que j'ai choisi, dont on m'a dit : "Mais comment, c'était un ami personnel de Monsieur Rocard", et alors ?
Olivier Mazerolles : On peut savoir qui est "on" en l'occurrence ?
Édouard Balladur : Non. (Rires). Et alors ? On n'a pas le droit d'être un ami personnel d'untel ou d'untel et d'être un bon président d'entreprise publique ? C'est une chose que je n'aime pas du tout ça, je suis un esprit libre et je respecte la liberté des autres, alors ce qui se passera c'est que si je suis élu président de la République, je serais évidemment plus libre dans mon attitude que je ne l'ai été pendant deux années où j'avais deux contraintes qui pesaient sur moi. D'abord la contrainte de la Cohabitation, qui en est une, et qui est normale, ce sont les institutions qui le veulent, mais je tenais à ce que la Cohabitation se passe bien et elle s'est bien passée et j'en suis fier.
Thierry Braillet : Il ne vous a pas beaucoup gêné.
Édouard Balladur : Je n'ai pas fait tout ce que j'ai voulu, toujours, sur tous les sujets, c'est normal d'ailleurs.
Thierry Braillet : Vous avez des exemples ou là encore, vous resterez dans le flou ?
Édouard Balladur : Je resterai dans le flou, mais je n'ai pas fait toujours tout ce que je voulais, et c'est normal, je n'ai pas à m'en plaindre, de la même manière le président de la République n'a pas non plus fait toujours tout ce qu'il voulait, et il ne s'en plaint pas non plus, c'est la règle du jeu. Première contrainte. La deuxième c'est que j'étais très attaché à maintenir l'unité de la majorité, très attaché, et cette majorité m'a soutenu dans ses votes, mais pas toujours dans ses propos, convenez-en, notamment chaque fois que j'ai rencontré des difficultés, je n'ai pas manqué d'avoir à faire face à des critiques nombreuses, ce qui est normal.
Olivier Mazerolles : En particulier, Jacques Chirac sur le franc.
Édouard Balladur : Ce qui est normal, les critiques.
Olivier Mazerolle : Et sur les essais nucléaires.
Édouard Balladur : Oui, mais j'observe qu'il n'a pas dit des choses très précises là-dessus dans son projet, pas plus précises que moi, bien. Donc, il y aura après cette période de deux années une période de plus grandes libertés mais attention, la présidence de la république ce n'est pas le pouvoir absolu, et ça ne doit pas l'être, un président de la République c'est quelqu'un qui doit prendre des décisions importantes pour le pays ou éventuellement inviter le pays à les prendre, je suis partisan d'une extension du référendum comme vous le savez, mais en même temps, il doit à tout moment être très soucieux de l'unité nationale, il ne faut pas que ça paraisse être le gouvernement des uns contre les autres, d'une catégorie contre l'autre, d'un groupe contre l'autre et cela doit se manifester dans les nominations, dans l'exercice de la justice. J'ai une fierté quand même, est-ce que vous avez le souvenir d'un gouvernement qui soit si peu intervenu dans les affaires judiciaires depuis, je pourrais presque dire, depuis que la République existe. Cela n'a pas été toujours agréable non plus pour moi parce que cela a eu des conséquences sur la vie politique. Vous ne pourriez pas citer un cas dans lequel, véritablement, j'ai pesé sur le déroulement de la justice. C'est ma conception de l'État républicain, voilà, c'est tout ce que j'ai à vous dire. Et ne me comparez pas sans cesse à ce que dit l'un ou à ce que ferait l'autre, n'est-ce pas, ce n'est pas mon problème à la limite. Moi, je me présente devant les Français, je ne dirais pas par différence. Je souhaite qu'ils apprécient ce que je leur dis, je l'espère, et qu'ils me jugent, mais je n'ai pas besoin pour autant qu'ils me comparent nécessairement comme vous le faites parfois.
Olivier Mazerolles : Vous venez de dire qu'une de vos qualités était la tolérance. Justement, vos adversaires, chiraquiens, moi, je les cite, vous accusent d'avoir un peu trop de tolérance pour l'extrême droite et de ne jamais critiquer Jean-Marie Le Pen, tout cela pour espérer récupérer les voix du Front national au second tour. Que pensez-vous de ces accusations ?
Édouard Balladur : Je vais répondre par une question, si je peux ? En 1988, il y a eu un deuxième tour à l'élection présidentielle qui laissait face-à-face monsieur Mitterrand et monsieur Chirac. Les voix des Français se sont réparties entre eux, et parfois de façon inattendue, je dois dire qu'on est surpris, il y a des gens qui ont voté par exemple Mitterrand au premier tour qui ne votent pas au second tour. Pas beaucoup : 3 %, 4 %. Bien. Les voix qui s'étaient portées sur le Front national se sont réparties à proportion de deux tiers - un tiers, je crois entre les deux candidats il me semble que ce sont les ordres de grandeur. Je n'ai entendu aucun des deux les récuser. Ce sont des voix de Français, personne n'est propriétaire de ces voix, personne. Personne. On n'est pas étiqueté pour toujours comme ceci ou comme cela. Le problème, c'est de ne pas faire de concession aux dépens de ses propres convictions. Est-ce que vous pourriez citer l'une de mes convictions qui aille dans le sens, du racisme, de l'antisémitisme, de l'intolérance ? Est-ce que vous pouvez en citer une ? Ou une de mes actions, ce qui est bien mieux que des convictions affichées ? J'ai développé la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, j'ai créé une commission par département pour lutter contre le racisme et l'antisémitisme. Il y a une commission nationale. Nous avons déposé un projet de loi pour accroître les peines en matière de racisme, pour les accroître. L'autre jour, j'ai réuni la Commission des Droits de l'Homme, et le président m'a donné acte que jamais un gouvernement n'avait coopéré comme cela avec sa commission pour l'aider. Qu'est-ce que je vais dire d'autre ? Me, justifier de quoi et devant qui ? Et qui se permet de donner les donneurs de leçon ? Moi, je n'ai de leçon à recevoir de personne. Je n'ai jamais passé d'accord avec qui que ce soit.
Thierry Braillet : Il y a des organisations qui vous reprochent les lois Pasqua, par exemple.
Édouard Balladur : Cela, c'est un autre problème. Enfin, écoutez, les lois Pasqua, qu'est-ce que vous appelez les lois Pasqua ? Les lois sur les contrôles d'identité ? Elles ont été votées par toute la majorité.
Thierry Braillet : Et la réforme du Code de la nationalité ?
Édouard Balladur : Elle a également été votée par toute la majorité, et elle a été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, c'est tout. Parce que nous sommes arrivés au pouvoir alors qu'il y avait un sentiment profond d'insécurité et de doute dans notre pays, et que nous avons estimé de notre devoir, comme nous nous y étions engagés, c'est ce que vous appelez les lois Pasqua que Charles Pasqua a mises en œuvre avec Pierre Méhaignerie d'ailleurs, je le note en passant.
Thierry Braillet : On sent quelques frictions entre l'un et l'autre.
Édouard Balladur : Bien entendu. Mas je les ai arbitrées comme c'était mon rôle, et, dès lors, il n'y a plus eu de friction. Il y a eu des projets de loi et ils ont été votés. Nous avons accompli notre devoir envers les promesses que nous avions faites, c'est tout.
Paul Joly : Vous disiez il y a quelques instants que vous portiez volontiers un regard critique sur votre action, et…
Édouard Balladur : Pas volontiers, n'exagérons rien, je m'y astreins par devoir. C'est une sorte…
(Rires).
Paul Joly : Et donc, en ce qui concerne votre campagne, est-ce que vous portez un regard critique sur cette campagne, est-ce que vous pensez qu'il vous a manqué certaines choses ? Par exemple un appareil politique fort certains soutiens solides, disons aucun soutien défaillant, je pense à Charles Pasqua qui, à certains moments, a peut-être été un soutien un petit peu moins solide que celui que vous pouviez espérer ?
Édouard Balladur : Ah, je ne suis pas du tout de votre avis.
Paul Joly : Quand même, il y a eu…
Olivier Mazerolles : Il quand même été une des causes des erreurs, des difficultés imposées par le gouvernement que vous accusiez tout à l'heure.
Paul Joly : Et il vous met volontiers sur un plan d'égalité avec Jacques Chirac, ces derniers temps, quand même. Et donc, également peut-être la pratique des campagnes électorales ?
Édouard Balladur : Alors, qu'elle est la question ?
Paul Joly : La question, tout simplement, d'après vous, qu'est-ce qui a pu vous manquer dans cette campagne ?
Édouard Balladur : Écoutez, je vais vous dire. D'abord, je ne suis pas un homme d'appareil, c'est vrai, j'ai des convictions politiques qui sont les miennes, j'appartiens au mouvement gaulliste, et j'ai servi le général de Gaulle et Georges Pompidou de mon mieux, mais je ne suis pas un homme d'appareil, et il est bien vrai que je n'ai pas à ma disposition un grand appareil performant, mobilisé et ayant du savoir-faire, c'est vrai. Mais cela, je le savais. Je le savais. Je pense que ce qui est en cause dans cette élection présidentielle, c'est la conception même que l'on a de nos institutions. Moi je me suis présenté comme un homme qui n'était pas l'émanation d'un groupe, qui avait pris sa décision seule, qui n'avait fait de promesse à personne, et qui était très heureux des soutiens qu'il a recueillis, je vous signale que la majorité des parlementaires de la majorité me soutiennent, mais qui, pour autant, n'était pas le mandataire d'un groupe. Bien, cela ne se passe pas comme au Parti socialiste autrement dit. C'est tout à fait différent. Alors, cela a des avantages et des inconvénients. Cela a des avantages parce que cela donne une grande une liberté d'allure et de propos personnels. On n'est pas tenu par une doctrine de parti qui vous impose de faire ceci ou de faire cela. Cela a des inconvénients parce qu'effectivement un certain nombre de relais qui sont souvent des relais efficaces peuvent ne pas jouer. Mais cela, je le savais au départ. Première remarque. Deuxième remarque. J'ai sans doute tardé à me mettre en campagne. J'ai sans doute tardé à me mettre en campagne et j'aurais dû le faire plus tôt. Mais j'étais Premier ministre en même temps, et j'ai toujours le souci de privilégier ma tâche de Premier ministre. Voyez, l'autre jour, j'étais dans les Vosges, chez Christian Poncet, je suis rentré beaucoup plus tôt pour tenir une réunion sur la Bosnie à la suite de l'assassinat d'un soldat français, et je considère toujours que c'est mon premier devoir. Mon premier devoir, cette contrainte-là, je la connaissais également. Alors, c'est tout ce que je peux vous dire. Les inconvénients que vous relevez, je les ai découverts peu à peu, je les imaginais bien mais je les ai découvert peu à peu. Mais il y a aussi beaucoup d'avantages, beaucoup d'avantages dans la liberté d'allure et dans la liberté de propos. Finalement, c'est un homme ou une femme que les Français choisissent. Ils choisissent une personne avec ce qu'elle est et ce qu'elle représente, ou l'idée qu'ils s'en font, à tort ou à raison, on peut toujours en discuter.
Thierry Braillet : Monsieur Balladur, sur des points très concrets et très précis, tout à l'heure, vous nous avez dit : "Voilà, il fallait remettre les choses en ordre, désormais, des choses sont possibles, qui ne l'étaient pas auparavant". Est-ce que vous croyez, puisqu'il y a un fort débat sur les salaires, que le moment est venu où on pourrait donner un coup de pouce au SMIC ?
Édouard Balladur : Bon, alors, je vais répondre sur cette affaire des salaires, parce que c'est une affaire importante et significative de ma conception de la politique, vous me disiez tout à l'heure "trop rationnelle", je ne sais pas lequel de vous trois m'a dit cela, gentiment.
Olivier Mazerolles : J'ai dit "miser sur la rationalité", je ne porte pas d'appréciation.
Édouard Balladur : Mais qu'est-ce qui vous permet de dire que je mise sur la rationalité ? Pourquoi considérez-vous que les Français sont irrationnels et que c'est faire un mauvais calcul que de miser sur la rationalité ? C'était implicite dans ce que vous me disiez.
Olivier Mazerolles : Bah, oui, je pose la question.
Édouard Balladur : Alors, je réponds maintenant. La croissance est de retour. Bien. Espérons que c'est durable et qu'on ne va pas la mettre à mal par une série de…
Olivier Mazerolles : Toujours le "on".
Édouard Balladur : Toujours le "on", mais comme tout le monde comprend, pourquoi changer ? (Rires). La croissance est de retour. J'ai toujours dit qu'il fallait en partager plus justement les fruits et que le problème du partage de la croissance serait l'un des grands problèmes des années qui viennent. Je vous rappelle que j'ai été le premier dans l'opposition, il y a 4 ans à faire tout un rapport mettant en valeur la trop grande faiblesse des salaires réels des plus modestes dans notre pays et proposant un transfert des charges, déjà, pour dégager une marge permettant, attendez d'augmenter les salaires.
Thierry Braillet : Et on vous dit : "C'était il y a 4 ans et…"
[MANQUE TEXTE SUR LA VUE] sont réunies qui permettraient au premier juillet prochain de donner un coup de pouce au SMIC ?
Édouard Balladur : Je ne le dirai pas aujourd'hui, ce sera à voir le moment venu. Ce sera à voir le moment venu, mais tout ce que je constate, c'est qu'à force de faire des promesses aux uns et aux autres, de quoi parle-ton ? On dit aujourd'hui : "Bah ça y est, le troisième tour social, il est commencé avant même qu'ai eu lieu le premier tour politique". Est-ce que vous trouvez que la France s'en portera mieux ? Est-ce que vous trouvez que faire naître tellement d'espoirs, cela n'est pas s'exposer à faire naître beaucoup de désillusions ? Et est-ce que vous pensez que c'est là un bon moyen de renforcer le crédit de la politique auprès des citoyens ? Moi, je fais une campagne de vérité. Qu'est-ce que je dis ? Je dis il est normal qu'on pense à l'augmentation des salaires, mais ne comptez pas sur moi pour dire : "Élisez-moi président de la République, et vous aurez 4 %, 5 %, 10 % de salaire de plus". Je ne le ferai jamais, de la même manière que je ne suis pas comme ceux qui disent, cette fois-ci c'est monsieur Jospin, monsieur Braillet, comme cela vous ne me poserez pas la question qui disent dans deux ans…
Thierry Braillet : C'est plus clair. On sait au moins que le "on" n'est pas Lionel Jospin ?
Édouard Balladur : … dans ce cas-là précis, il ne faut pas généraliser. (Rires). Il ne faut pas généraliser – "Élisez-moi président de la République, il n'y aura pas un SDF dans 2 ans". Enfin, de qui se moque-t-on ? Moi je crois au bon sens et au jugement des Français, voilà. Et je crois qu'ils ont assez de maturité pour juger au bout d'un certain temps dans une campagne électorale courte peut-être qu'effectivement cet afflux de promesses peut avoir de l'efficacité, peut-être, mais dans une campagne qui commence à être un peu longue, moi, je ne la trouve pas trop longue personnellement, mais enfin elle dure quand même depuis plusieurs semaines, eh bien je pense que les yeux des uns et des autres vont s'ouvrir.
Olivier Mazerolles : Il nous reste deux minutes, monsieur Balladur. Quelles sont les mesures concrètes que vous feriez prendre au gouvernement si vous étiez élu ? Vous nous avez dit tout à l'heure : "Il y aura des mesures prises très rapidement".
Édouard Balladur : Dans les 3 à 4 mois eh bien je vais les énumérer très vite : baisse de 4 000 francs des cotisations d'assurance-maladie pour relancer l'emploi. Allocations aux entreprises pour qu'elles recrutent des chômeurs en fin de droit, et non pas dispersion de l'effort dans toutes les directions. De tout cela, j'attends une réduction d'au moins 200 000 du nombre de chômeurs en 1995, et la même chose les années suivantes. En ce qui concerne l'égalité des chances, mise en place de la deuxième chance, je n'ai pas le temps de développer puisque vous ne me donnez que deux minutes, mais c'est une réforme fondamentale, pour faire en sorte qu'on ne soit pas engagé dans un rail pour le restant de ses jours, qu'on puisse changer, qu'on puisse trouver de la liberté. Extension de l'allocation parentale d'éducation pour le premier enfant. Institution d'un prime de 60 000 francs, ce qui égale grosso-modo 10 % du coût d'un logement pour quiconque acquiert un logement. Et exonération totale des petites successions en ligne directe au-dessous de 500 000 francs. Pour les libertés, extension du référendum et du champ du référendum, et institution, puisque la société ne bouge pas, voyez que je ne suis pas aussi consensuel qu'on le dit, il faut qu'elle bouge de force, institution d'un quota pour prévoir qu'il y ait au moins un tiers de femmes dans tous les scrutins de liste. Et enfin saisine du Conseil constitutionnel par les citoyens. Et en matière européenne, au sommet de Cannes, la France devrait prendre une série d'initiatives pour préciser le calendrier de la monnaie européenne, et surtout pour faire que les pays européens qui font flotter leur monnaie prennent des engagements précis pour ne pas désorganiser complètement la prospérité de l'Europe. Création rapide d'une Europe de la défense, qui est indispensable. Prise de décision que j'ai mise à l'ordre du jour de la présidence française, pour que l'Europe ait un contenu social et qu'il y ait un minimum d'identité sociale entre les diverses législations. Voilà toute une série de mesures qui peuvent être prises en quelques mois, et dont j'attends un changement profond de climat dans notre pays.
Olivier Mazerolles : Monsieur Balladur, je vous remercie. Une dernière question tout de même. Il y a un peu plus d'un mois, vous étiez venu à RTL un matin et vous nous aviez dit : "Quelle que soit l'issue de cette campagne, je serai un homme apaisé". Vous diriez encore la même chose aujourd'hui ?
Édouard Balladur : Mais bien entendu, plus que jamais. Je fais mon devoir. Je dis ce que je pense et pas le contraire de ce que je pense. Et tout ce que je pense et tout ce à quoi je m'engage, je le réaliserais si les Français me font confiance. J'en suis certain parce que je le pèse avec précision. Et je fais un pari sur le jugement de nos concitoyens. Quoi qu'il advienne, je serai un homme apaisé et je serai un homme présent.
Olivier Mazerolles : Merci monsieur Balladur. C'était votre "Grand Jury". Bonne soirée à tous.