Texte intégral
F.-O. Giesbert : Content ?
H. Emmanuelli : J'aurais préféré qu'on gagne, mais je considère tout de même que la performance de L. Jospin a été remarquable. Je constate que la gauche existe, contrairement aux pronostics pessimistes qui avaient été faits au début de l'année. Il y a là une bonne base réelle pour rebondir et pour assumer à la fois son rôle d'opposant et surtout pour préparer l'alternance, la prochaine !
F.-O. Giesbert : Avez-vous apprécié le fair-play de L. Jospin après sa défaite ?
H. Emmanuelli : J'ai également souhaité bonne chance à M. Chirac qui est président de la République française. Je pense que L. Jospin a eu parfaitement raison de le faire.
F.-O. Giesbert : Souhaitez-vous qu'il réussisse ?
H. Emmanuelli : Je souhaite que tous les présidents de la République française réussissent. Simplement, je sais d'où vient J. Chirac. Je connais ses antécédents. Je sais ce que sont les intérêts qu'il représente et la force des mandants qui le portent. Je serais tenté de dire ou bien M. Chirac fera ce qu'il a dit qu'il ferait, et il mécontentera beaucoup ses amis, ou bien il voudra faire plaisir à ses amis et ne fera pas ce qu'il a dit. Le problème ne change pas de ce point de vue-là.
F.-O. Giesbert : Le RPR ne fait-il pas preuve d'élégance en se gardant de tout triomphalisme ?
H. Emmanuelli : Attendez, là ! On est en train de regarder les choses côté mœurs.
F.-O. Giesbert : Mais ça compte, de temps en temps !
H. Emmanuelli : Ça compte, mais je n'ai pas le souvenir qu'en matière politique dans ce pays, nous ayons pratiqué la guerre civile, pas depuis un certain nombre d'années.
F.-O. Giesbert : C'a été plus violent.
H. Emmanuelli : Oui, quand M. Chirac disait en 1982 ou 1983 "les socialistes en ont pour deux ans !". Mais depuis, M. Chirac a beaucoup changé. Donc, ça a changé le climat.
F.-O. Giesbert : N'est-ce pas J. Chirac qui a réveillé la gauche en mettant le social au centre de la campagne ?
H. Emmanuelli : J'ai regardé le programme de J. Chirac et le déroulement de sa campagne. Il y a eu plusieurs campagnes de J. Chirac : il y a eu celle de l'automne, avant Séguin ; puis, il y a eu la campagne après Séguin. Je ne pense pas que J. Chirac ait réveillé la gauche. Je pense en revanche qu'il a perçu la difficulté de la situation sociale. Ne pas la percevoir, ce serait une marque de cécité assez grande, ce qui n'est quand même pas son cas.
F.-O. Giesbert : Vous lui accordez un bon point ?
H. Emmanuelli : Je ne donne ni mauvais ni bon point. Je jugerai M. Chirac sur ses actes après ses nombreuses promesses. Je lui souhaite bonne chance. J'espère qu'il ne se trompera pour l'intérêt du pays. Mais je suis déterminé, comme tous les gens de gauche et comme tous les socialistes, à regarder de très près ce qui se fera et à jouer mon rôle d'opposant.
F.-O. Giesbert : Quelle stratégie adopter pour les municipales et les législatives de 1998 ?
H. Emmanuelli : Nous allons adopter une stratégie de rassemblement qui n'est pas nouvelle : nous l'avons développée à l'automne, nous la poursuivrons. La campagne de L. Jospin a créé une dynamique incontestable, avant le premier tour qui s'est amplifiée entre les deux tours.
Maintenant, il faut qu'on prenne appui sur cette dynamique pour essayer de conserver les villes gérées par la gauche et essayer de gagner quelques autres.
F.-O. Giesbert : Le bureau national du PS se réunit aujourd'hui pour en parler en présence de L. Jospin ?
H. Emmanuelli : Oui, car L. Jospin est membre du bureau exécutif. Il y assistait avant d'être candidat. Il reprend sa place. C'est normal. Il a toute sa place dans les combats à venir de la gauche. Il a quand même réuni sur son nom plus de 14 millions de voix. C'est quelque chose qui compte.
F.-O. Giesbert : Vous avez un plan pour que l'élan du 7 mai continue ?
H. Emmanuelli : Je ferai des propositions au parti en temps utile, Nous avons le 11 et le 18 juin un chantier. Il faut retourner sur le pont immédiatement.
F.-O. Giesbert : Qu'allez-vous leur dire de plus ?
H. Emmanuelli : Je leur parlerai en temps utile.
F.-O. Giesbert : Vous allez définir les axes de combat contre J. Chirac ?
H. Emmanuelli : Mais nous allons parler de tout, de la nécessité… Pas forcément aujourd'hui ! Aujourd'hui, il faut qu'on se souvienne qu'il y a les 11 et 18 juin. En temps utile, on fera des propositions pour tout, la façon d'organiser la réflexion. Car quand on est dans l'opposition, c'est fait pour réfléchir. Je pense qu'on est au bout d'un certain nombre de processus. Contrairement à ce qu'on raconte, les propositions de M. Chirac ne sont pas, à mon humble avis, de cette situation. Il faut ensuite qu'on agisse et qu'on organise l'opposition.
F.-O. Giesbert : Quel sera le rôle de L. Jospin au sein du PS ?
H. Emmanuelli : À lui de définir son rôle.
F.-O. Giesbert : Il sera plus important qu'avant ?
H. Emmanuelli : Bien entendu. Je suis tout à fait disposé à ce que L. Jospin tienne toute sa place et à ce que toutes les femmes et tous les hommes de gauche qui veulent se battre aient la possibilité de le faire.
F.-O. Giesbert : Vous n'envisagez pas de céder votre place à L. Jospin ?
H. Emmanuelli : Il vous a dit qu'il la demandait ?
F.-O. Giesbert : Non !
H. Emmanuelli : Alors, vous voyez ! Ce sont des questions que certains se posent, mais pas les intéressés. C'est étrange ! Dans quel monde vivons-nous où le commentaire se fait sur le commentaire, non sur la réalité !.
F.-O. Giesbert : P. Moscovici voudrait que ça bouge au PS.
H. Emmanuelli : Oui. Tout le monde veut que ça bouge au PS.
F.-O. Giesbert : On dit que L. Jospin voudrait relancer le PS comme grande force social-démocrate ?
H. Emmanuelli : Je ne ferai pas de commentaire sur les on dit. Les assises de la transformation sociale L. Jospin les a menées avant d'être candidat à la présidence de la République. La volonté de rassemblement de toute la gauche de la part du PS, elle est intacte. C'est évident.
F.-O. Giesbert : L'élection de J. Chirac a soulevé un puissant espoir comme celle de F. Mitterrand en 1981. Quelles sont les premières mesures que devrait prendre le nouveau Président ?
H. Emmanuelli : Les Français l'attendent sur le terrain du chômage. Ils l'attendent aussi sur le terrain du social. Beaucoup de promesses ont été faites de ce point de vue-là. À lui d'agir.
F.-O. Giesbert : Rien d'autre ?
H. Emmanuelli : Vous voulez que je fasse le programme du prochain Premier ministre ?! J'attendrai que le futur Premier ministre présente son programme. Je lui répondrai, soit pour le féliciter, soit pour lui dire que c'est insuffisant. Ca dépendra de ce qu'il annonce.
F.-O. Giesbert : Vous pourriez le féliciter ?
H. Emmanuelli : Si ce qu'il annonce correspond à notre attente, pourquoi pas ?