Texte intégral
La ville doit redevenir le lieu de progrès, de rencontre et d'ouverture qu'elle a été dans l'histoire moderne. Je ne me résigne pas à la vie dégradée que connaissent certains quartiers. Entrer dignement et tous ensemble dans le XXIe siècle suppose de réinventer une politique pour la ville et d'y consacrer tous les moyens nécessaires.
La droite, par une inertie coupable, a enterré la politique de la ville que la gauche avait impulsée notamment depuis 1988. C'est plutôt M. Pasqua, qui s'est chargé de ce dossier, avec l'approche que l'on devine, tandis que le silence de Mme Veil, qui avait compétence sur ce secteur, devenait assourdissant.
Il est urgent de réinventer une politique de la ville qui apporte aux 80 % de Françaises et de Français qui vivent en milieu urbain, de meilleures conditions de vie et le sentiment d'appartenir à une collectivité plus humaine et plus fraternelle.
Cette politique doit répondre à une grande ambition : relever l'un des plus grands défis de notre temps, qui s'applique partout sur la planète : concevoir et réaliser le modèle de la ville du XXIe siècle une ville ouverte, humaine, solidaire.
La politique que je propose est fondée sur quatre orientations générales, que complétant mes propositions générales pour l'emploi, la santé, l'éducation et le logement :
1) Pour l'ensemble des quartiers en difficulté, opérer une véritable mise à niveau des services publics.
2) Donner une véritable impulsion à l'action des associations et à la représentation des quartiers.
3) Pour les sites qui, par l'ampleur des difficultés rencontrées, nécessitent une action d'ampleur nationale, assurer une présence forte et active de l'État.
4) Réimplanter dans ces quartiers l'activité économique, qui seule peut garantir la réussite durable de ces réhabilitations ou de ces restructurations et restaurer la confiance et la dignité de leurs habitants.
I. – Sur l'ensemble des quartiers concernés par la politique de la ville, – ils sont plus de 500 –, c'est au maire de piloter les opérations. C'est lui qui connaît le terrain et qui, finalement, assume les difficultés rencontrées.
Il ne s'agit évidemment pas d'un désengagement de l'État : bien au contraire. Dans le cadre des contrats, l'État doit continuer à attribuer des concours particuliers et rendre sa propre action plus cohérente. Mais l'État doit répondre aux demandes émanant des populations concernées et formulées par les élus dont c'est la responsabilité.
Dans ce cadre, la première responsabilité de la puissance publique est la mise à niveau effective des services publics dans les quartiers. Un inventaire des situations devra être dressé et le déficit résorbé en quelques années. Cette mise à niveau doit être réalisée tant au plan quantitatif que qualitatif : l'implantation regroupée des services publics, leur capacité accrue d'accueil et de conseil aux usagers, l'aide effective à l'accomplissement des démarches, l'adaptation des plages horaires d'ouverture, doivent permettre de renforcer la présence, l'accessibilité et l'efficacité des services publics. L'État y mettra les moyens nécessaires.
Son effort devra porter sur l'installation des services publics de proximité (emploi, Poste, services de santé, sécurité sociale, commissariat de police, justice), sur l'école (en renforçant la politique des ZEP mise à mal par la droite) et sur les transports.
Ceci suppose un effort plus important en matière d'investissements, mais aussi de fonctionnement (formation des agents publics, reconnaissance de leur rôle spécifique). Les marges existant en matière de création d'emplois devront être affectées en priorité aux quartiers en difficulté.
Un exemple : pour des raisons d'équilibre de gestion à court terme, les organismes HLM ont limité souvent les recrutements de personnel de gardiennage et d'entretien ; cette tendance doit être révisée. La présence renforcée de gardiens d'immeubles dans les HLM et d'agents d'entretien contribuera à améliorer la tranquillité et la qualité de vie dans ces quartiers.
II. – Toujours pour l'ensemble des quartiers, l'action des associations doit être renforcée. Les associations constituent une des expressions les plus vivantes de la démocratie locale. Dans ces quartiers plus qu'ailleurs, leur contribution à la vie sociale est essentielle : elles offrent un cadre et des moyens irremplaçables pour développer les activités d'insertion et offrir des perspectives à la population de ces quartiers pour échapper au processus d'exclusion.
Je donnerai aux associations plus de sécurité financière pour la réalisation de leurs projets et j'inciterai à un partenariat durable entre l'État, les collectivités locales et les associations. Pour y parvenir, je propose de mettre en œuvre des conventions pluriannuelles, de garantir le financement des actions de moyen terme, d'instaurer un guichet unique pour les relations État-associations, de favoriser et de reconnaître le bénévolat, de financer tes expérimentations puis de les évaluer et de diffuser les expériences réussies.
Il faut enfin, et cela n'est pas contradictoire, bien au contraire, avec la responsabilité réaffirmée des élus, améliorer la représentation des quartiers en difficulté : il faut mettre en place effectivement les conseils élus de quartiers en appliquant les dispositions de la loi sur la ville de 1992.
III. – Il existe aussi, en moins grand nombre, quelques sites urbains dont l'ampleur des problèmes dépasse les moyens des communes concernées. Pour ceux-là, il s'agira d'engager de véritables opérations de restructuration urbaine avec l'impulsion et l'engagement fort de l'État.
Il faudra mettre en place rapidement des structures opérationnelles, (établissements publics, sociétés d'économie mixte), assurant une forte présence de l'État et de l'ensemble de ses services, en partenariat avec les collectivités locales et d'autres opérateurs. Ce dispositif permettra de mobiliser des moyens financiers importants et d'assurer un pilotage efficace des opérations.
Une vingtaine de quartiers bénéficieront de cette intervention plus lourde.
Ils seront sélectionnés en fonction de deux séries de critères :
1) Critères résultant d'une évaluation économique, sociale et urbanistique : urgence des problèmes rencontrés ; poids des quartiers dans la ou les communes concernées et donc enjeu urbain représenté par ces quartiers ; possibilités de construction sur ces quartiers ou à proximité, dans l'optique d'une recomposition urbaine et de l'établissement d'une continuité urbaine entre ces quartiers et le reste du tissu urbain ; importance des investissements en transport et en équipements à réaliser.
2) Critères résultant d'une attente de la population, d'une demande des élus et de leur volonté de participer à une grande opération d'urbanisme.
L'esprit dans lequel ces opérations seront conduites doit être innovant et tranchera avec l'esprit d'abandon de la droite: alors que la mise en œuvre des actuels « grands projets urbains » sur une dizaine de sites « patine » en fait depuis quatre ans, notamment sur la mise en place des outils opérationnels, la vingtaine d'opérations constitueront une priorité nationale, menée au rythme et avec le souci qualitatif des grands travaux.
Je souhaite que les meilleurs urbanistes et architectes soient mobilisés : plusieurs d'entre eux, parmi les plus grands, viennent d'adresser des propositions aux candidats à la présidence de la République : se référant aux cités-jardins et aux programmes de logements sociaux réalisés voici soixante ans, ils proposent de « reconstruire la ville sur la ville ».
C'est exactement dans cet esprit que je situe mes propositions notre société est capable de réaménager et de construire des quartiers beaux et agréables à habiter. C'est un défi comparable à celui lancé lors de la création des villes nouvelles. J'ai la conviction que nous pouvons le relever.
Ces programmes seront bien sûr définis au cas par cas, en fonction de chaque situation. Ils pourront combiner plusieurs types d'opérations :
Opérations de réhabilitation, en veillant à l'équilibre social ces opérations ne doivent pas avoir pour effet, comme cela a été trop souvent le cas, de faire partir les habitants.
Opération de destruction lorsque c'est indispensable à contrario, aucun bâtiment ne doit être démoli tant qu'un projet d'ensemble n'a pas été arrêté.
Opérations de constructions visant notamment à rétablir une continuité entre les quartiers et le tissu urbain environnant.
Actions sur les transports : désenclavement (infrastructures routières ou de transport en commun) ; amélioration des dessertes (parité avec les autres quartiers).
Réalisation d'équipements publics « structurants » soit au niveau de l'agglomération, soit de proximité (services publics).
Réalisation de zones d'activité avec créations d'emplois, en appliquant des exonérations fiscales: l'objectif est d'apporter à ces quartiers les chances du développement économique sans y introduire des nuisances.
Réintroduction d'activités commerciales : l'État doit être cohérent dans l'autorisation des implantations de grandes surfaces qui, dans le passé, ont contribué à faire disparaître le commerce dans les quartiers d'habitat social. La politique d'urbanisme commercial devra donc être mise au service du développement des quartiers.
Globalement, le succès de ces opérations reposera sur trois préalables :
– la qualité du projet urbain, pour lequel les meilleurs professionnels doivent être mobilisés comme ce fut le cas pour les grands travaux ;
– une élaboration démocratique de ces projets avec les élus et les habitants ;
– une fois les projets débattus et adoptés, la garantie de réalisation apportée par l'État grâce à des outils opérationnels et à des moyens financiers adaptés.
IV. – C'est par un véritable développement économique, par l'implantation d'activités durables et valorisantes que la politique de la ville redonnera aux habitants des perspectives d'avenir et des raisons de retrouver confiance.
L'insertion par l'économique est l'un des atouts essentiels de la lutte contre l'exclusion dans les quartiers défavorisés. Son maintien et son renforcement, condition de pérennité, sont des facteurs déterminants du décollage économique des quartiers et permettront de créer des emplois adaptés au niveau actuel de qualification de ces populations. Je soutiendrai les structures d'insertion, en favorisant les entreprises de main-d'œuvre créatrices d'emplois.
Un partenariat étroit sera établi entre ces entreprises et les entreprises du secteur économique traditionnel, s'implantant dans les quartiers. Ce partenariat permettra :
– de définir des activités de proximité non couvertes par le secteur marchand, apportant une valeur ajoutée aux prestations de services des entreprises (boutiques de services, points info usagers...) ;
– de faire émerger des activités complémentaires répondant à des besoins propres à une ou plusieurs entreprises (gardiennage, traitement des déchets industriels banaux...) ;
– de réfléchir à la création d'activités nouvelles pour lesquelles les structures d'insertion rempliraient un rôle de formation à des métiers de demain, favorisant ainsi le redéploiement de l'économie locale.
Cette liaison entre les structures d'insertion et les entreprises traditionnelles favorisera la réussite de trajectoires d'insertion et permettra, outre la formation qualifiante et l'élévation du niveau de compétences, l'embauche sur des emplois permanents, pour des activités solvables. J'appelle à une mobilisation de tous les acteurs économiques (commerçants, artisans, PME-PMI, grandes entreprises, organismes de formation). Leur engagement aux côtés des collectivités publiques est un facteur essentiel de notre cohésion sociale, mais il correspond aussi à leur Intérêt économique bien compris.
En outre, j'ai proposé un grand programme de création d'emplois dans le secteur des services de proximité (aide aux personnes, entretien de l'environnement, nouvelles activités, loisirs...) : il s'appliquera en particulier dans ces quartiers, avec l'aide financière de l'État, renforcée par les collectivités locales et avec le concours actif des associations et des structures d'insertion. Il permettra de créer des emplois et d'apporter une réponse aux besoins en matière de services nouveaux.
L'ampleur de l'action de l'État ne saurait être sous-estimée : j'ai prévu dans le chiffrage de mes propositions d'apporter 2 milliards de francs supplémentaires chaque année pendant 5 ans à la réalisation de cette grande politique de la ville, qui s'ajoutent aux 5 milliards supplémentaires consacrés au plan pour le logement.
Conclusion
Les quartiers populaires sont divers mais ils rassemblent tous de grandes potentialités: leurs habitants, majoritairement des jeunes, de nationalité française et fiers de l'être, appartiennent aux forces vives de la France de demain. Souvent en attente de reconnaissance, ils souhaitent devenir les acteurs dynamiques du développement social et économique de leurs quartiers. La plupart d'entre eux veulent continuer à y vivre et cherchent à en faire des lieux de vie comme les autres, où il est possible d'apprendre, de travailler, d'y avoir ses loisirs, de construire un avenir.
C'est donc un nouveau regard qu'il faut porter sur ces quartiers et leurs habitants : refusons le défaitisme, le renoncement ou le mépris qui caractérisent l'attitude de la droite. Je veux, par la mobilisation de tous, redonner confiance à leurs habitants en leur apportant la force de la solidarité nationale et la reconnaissance de leur dignité.