Texte intégral
Ce que nous aurons à dire…
Par Bernard Stasi, député européen et maire d'Épernay
L'Allemagne a proposé, la France hésite… Les propositions de la CDU-CSU sur la constitution d'un "noyau dur" en Europe ont fait couler beaucoup d'encre. Si une maladresse a été commise, celle d'énumérer les participants à ce "noyau dur", le "fond" du texte mérite attention. Bernard Stasi, député européen, souligne que face à l'engagement européen de l'Allemagne, la France reste timorée. Or le texte de la CDU-CSU exige une réponse claire à la question : quelle Europe veut-on pour l'avenir ?
En septembre 1994, pendant la campagne électorale outre-Rhin, la CDU a publié un document dans lequel elle présentait, de façon claire et détaillée, sa vision de l'avenir européen. Ce texte reflétait-il la pensée du Chancelier Kohl et engage-t-il aujourd'hui le gouvernement issu de la victoire électorale remportée par ce dernier ? Le Chancelier ayant pris quelques distances vis-à-vis de ce document, il convient d'être réservé à cet égard.
Cette réserve n'enlève cependant rien à l'intérêt du texte. En proposant une vision cohérente du futur de notre continent, il invite les partenaires de l'Allemagne à faire connaître, eux aussi, leur conception.
Il faut retenir du document le choix en faveur de l'engagement européen de l'Allemagne, la volonté de voir ce pays poursuivre, avec détermination, dans la voie de l'Union Européenne. Et il faut se féliciter de ce qu'aucune voix en Allemagne, ni au sein de la majorité ni au sein de l'opposition social-démocrate, ne se soit élevée pour contester ce choix. L'Allemagne réunifiée, décomplexée, en possession de sa pleine souveraineté, sûre d'elle-même, aurait pu être tentée de faire un choix différent, de pratiquer un jeu solitaire, un jeu de bascule au cœur du continent européen, ce qui l'aurait amenée à distendre les liens qui l'unissent à ses partenaires de l'Union Européenne et à mettre fin, à terme, à l'aventure communautaire.
Ce choix, pour l'Allemagne, de faire cavalier seul, beaucoup de Français, et parmi les plus hauts dirigeants de notre pays, le redoutaient. Quelques responsables politiques aussi, sans doute, le souhaitaient, dans leur aversion de l'entreprise communautaire et dans leur désir, plus ou moins avoué, de la voir abandonnée.
Non seulement, les auteurs du document de la CDU rejettent ce choix, mais ils tendent la main à la France pour qu'elle accepte de continuer à assumer, avec l'Allemagne, le leadership de l'Europe. Loin de vouloir jouer une carte solidaire, l'Allemagne entend donc associer étroitement ses partenaires européens dans sa politique d'ouverture vers l'Est du continent.
Ce document insiste aussi sur la nécessité de mener de pair l'élargissement et l'approfondissement de l'Europe.
Certains observateurs et dirigeants politiques considèrent qu'il faut choisir entre l'élargissement et l'approfondissement. Pour eux, accueillir, au sein de l'Union, les nouvelles démocraties de l'Est de l'Europe, ce serait nécessairement, à terme, réduire la construction européenne à une simple zone de libre-échange. Par ailleurs, consolider, aujourd'hui, les institutions européennes, ce serait rendre impossible l'accueil de nouveaux partenaires.
L'intérêt du document de la CDU est de ne pas séparer ces deux objectifs. Au contraire, estiment les auteurs de ce texte, l'élargissement de l'Europe rend indispensable son approfondissement qui ne serait certainement pas réalisable dans un autre contexte.
Cela dit, et sur ce point, on peut qu'approuver le réalisme de l'analyse : les avancées dans le domaine européen ne peuvent être réalisées au même rythme par tous les membres, actuels et futurs, de l'Union. Aussi, est-il préconisé la constitution d'un "noyau dure" de pays capables de réaliser, dans un bref délai, une union beaucoup plus forte, autour de la monnaie unique et, éventuellement, de la politique de sécurité.
Si les rédacteurs du document ont eu le tort de citer les pays susceptibles de constituer cette avant-garde et d'exclure l'Italie et l'Espagne de cette liste, il est néanmoins évident que l'Union Européenne est condamnée à dépérir si les pays les plus faibles ou les plus réticents sont en mesure de s'opposer à toute avancée. Bien entendu, le noyau dur devra être ouvert à tous, l'Union devra se donner pour objectif d'aider tous les pays membres à rejoindre le plus rapidement possible le peloton de tête.
Sur ces différents points, la réponse française a été souvent évasive et les contraintes de la cohabitation n'ont pas toujours permis la cohérence des positions nationales. Cette situation est d'autant plus fâcheuse que la France assumant, jusqu'à la fin du mois de Juin, la Présidence de l'Union Européenne, il lui appartient, à ce titre, d'animer, d'orienter, et de faire avancer la discussion en vue de la conférence inter-gouvernementale prévue en 1996 pour la révision du Traité de l'Union Européenne.
On peut craindre aussi que la campagne électorale ne vienne brouiller davantage le message européen de la France et compromettre l'efficacité de sa présidence. Cette campagne, en effet, pousse les adversaires de l'Europe à redoubler de propos démagogiques contre une Europe, dénoncée comme bouc-émissaire de toutes nos difficultés… et risque aussi d'inciter certains candidats à d'excessives prudences.
Il appartiendra à l'UDF de rappeler sans cesse, dans les semaines et les mois qui viennent, que la France doit dire clairement si elle veut continuer à inspirer la construction européenne, à entraîner ses partenaires de l'Union, ou si, par fatigue, par manque d'imagination, par frilosité, elle préfère laisser à l'Allemagne seule la mission de conduire l'Europe.
Il nous appartiendra, aussi de rappeler que la France doit rapidement décider si elle veut contribuer à sauver l'Europe communautaire, l'Europe solidaire, menacée par l'inévitable élargissement de l'Union si cet élargissement n'est pas accompagné par un renforcement des institutions, ou si elle préfère laisser la belle aventure européenne s'échouer lamentablement dans le marécage d'un grand espace de commerce et de consommation.
Nous aurons à dire que ce sont de bien étranges patriotes, des patriotes qui ont perdu leur foi dans notre pays, que ceux qui doutent de la cohésion, de la solidarité, de la vitalité du plus vieil État-nation de notre continent, ceux qui craignent de voir la France se couper de ses racines, affaiblir son identité, perdre son âme ; si elle s'engage plus avant au sein de l'Union Européenne.
Nous aurons à dire, également, qu'être Européen, c'est être patriote, parce que dans les années et les décennies à venir, l'influence et le rayonnement de la France dans le monde dépendront de plus en plus étroitement de la détermination de son engagement au sein de l'Union Européenne.
Nous aurons à dire, enfin, que si nous voulons construire l'Europe, c'est, bien sûr, parce que c'est l'intérêt de la France et l'intérêt des Français. Mais c'est aussi parce que, nous ne devons jamais l'oublier, en cette redoutable fin de siècle, le monde a plus que jamais besoin d'une Europe unie, comme référence pour un certain nombre de valeurs, comme modèle de société, comme force au service de la solidarité et de la paix. C'est à travers cette Europe que doit s'accomplir l'éternelle vocation de la France qui n'est véritablement elle-même que lorsqu'elle est utile au monde.
L'Europe au cœur du débat présidentiel par Dominique Baudis, maire de Toulouse, député Européen, vice-président du CDS
Tout contribue à placer l'Europe au centre de la campagne électorale : le calendrier, tout d'abord, puisque la Présidence française de l'Union qui a commencé le 1er janvier ne permettra pas d'esquiver les questions européennes. Pas plus que la personnalité du candidat du Parti socialiste.
Tant mieux, car le pire serait évidemment d'étouffer le débat et de ne pas opérer les choix que nous imposent les rendez-vous des prochaines années.
La compétition présidentielle ne peut pas se réduire à une rivalité de personne et à des logiques d'appareils.
Quel président ? La question est partout posée et tout a été dit ou le sera sur le sujet.
Un président pour quoi faire ? L'interrogation est plus rare. Sans doute parce que depuis une dizaine d'années, les "marges" qui séparent les options gouvernementales des uns et des autres se sont considérablement réduites sous la pression des réalités. Les incantations des années 70 sont archaïques et malgré les nostalgies exprimées à Liévin, chacun sait que notre société n'est pas une matière malléable que les politiques pourraient former ou déformer au gré d'une idéologie. Ceux qui croyaient s'affranchir de la force des contraintes ont dû mesurer les limites de leur pouvoir.
Faut-il en conclure que la vie publique n'aurait plus d'autre choix à offrir que celui des différents profils des candidats – déclarés ou potentiels – à l'élection présidentielle. Serons-nous condamnés à voter "à l'intuition" en fonction des sympathies ou des réserves suscitées par le parcours, le ton ou le tempérament des compétiteurs. Certainement pas. Car il reste, heureusement, un domaine où la volonté politique peut librement s'exercer, où les choix sont largement ouverts, où la force des idées peut se conjuguer avec la puissance des faits pour "changer le monde".
Ce domaine où la politique n'a pas perdu ses droits et dans lequel la liberté du citoyen reste entière, c'est l'Europe. L'Europe que nous pouvons construire (ou détruire), faire avancer (ou régresser), ouvrir (ou verrouiller). L'Europe que nous pouvons engager sur la voie d'une édification politique ou laisser glisser vers un libre échangisme dépourvu de toute finalité ; l'Europe qui redonne du sens au choix que les Français vont opérer et qui confère un véritable pouvoir à leur citoyenneté. Le calendrier des prochaines années est là pour nous rappeler notre droit – mais aussi notre devoir – de décision.
1996 : Conférence intergouvernementale pour réviser le traité de Maastricht.
1997-1999 : Décision de passage à la monnaie unique.
Avant l'an 2000 : élaboration des procédures et des étapes de l'élargissement de l'Union Européenne aux anciens pays communistes.
Qu'on le veuille ou non, ces échéances s'imposent.
La France devra, à chaque rendez-vous, apporter sa réponse qui pèsera sur le cours des événements.
À l'occasion des élections législatives en Allemagne, la CDU-CSU a publié un texte clair, tonique, et délibérément Européen.
Il nous revient, au seuil de nos propres débats électoraux, de déterminer clairement nos options pour pouvoir fermement les défendre.
Le Congrès du CDS a produit un texte de référence fixant notre position pour les années à venir et qui détermine notre position dans la campagne électorale.
À l'intérieur de la Majorité, beaucoup de forces et des hommes militent ouvertement contre le projet Européen, nationalisme, protectionnisme et anti-germanisme alimentent leur discours et les mises en demeure qu'ils adressent aux candidats.
À nous de nous faire entendre collectivement, avec la force que nous confère notre unité sur cette question, conscients d'être la seule formation politique de la majorité unanimement mobilisée sur cet objectif. La seule par conséquent qui puisse placer l'Europe en tête de ses exigences les plus fermes.
Aucune autre formation politique ne le fera pour cause de division ou d'indécision sur l'avenir de l'Europe qui pourtant conditionne largement tout le reste. Alors que tout porte à douter de la politique et que le scepticisme pourrait gagner les plus ardents, retrouvons ensemble notre utilité politique par la défense d'un engagement qui fonde notre conviction de toujours.
Le CDS doit être la conscience Européenne du candidat qu'il soutiendra.