Interview de M. Pierre Zarka, membre du secrétariat du Comité national du PCF et directeur de l'Humanité, à RTL le 23 janvier, et article dans "L'Humanité" du 13 février 1995, sur l'évolution de "L'Humanité" et le PCF dans l'élection présidentielle de 1995.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Pierre Zarka - PCF, membre du secrétariat du Comité national

Média : RTL - L'Humanité

Texte intégral

J.-M. Lefebvre : Évolution plutôt que révolution. La faucille et le marteau sont toujours là ?

P. Zarka : Oui. Nous sommes un journal communiste, nous l'affichons clairement.

J.-M. Lefebvre : Est-ce que les journaux d'opinions ont encore un avenir en France ?

P. Zarka : J'en suis persuadé. Les gens attendent de la presse écrite autre chose que de l'eau tiède, un consensus mou, ils ne veulent pas trouver partout la même chose, ils ont besoin de commentaires, d'analyses.

J.-M. Lefebvre : Le PC n'est pas au mieux. Est-ce que L'Humanité suit la même pente ?

P. Zarka : L'Humanité a connu une perle de lecteurs dans les dernières années, mais il n'y pas que L'Humanité comme journal qui se trouve avoir un problème de lectorat et justement nous cherchons à regagner du terrain, notamment en nous adressant très largement à des gens mêmes qui ne sont pas communistes, des gens qui aspirent à une société plus humaine, des gens qui refusent l'ambiance du béni oui-oui. Nous sommes communistes, mais nous donnons des faits et ils peuvent juger et réfléchir à partir de ces faits et nous donnons des commentaires et ils peuvent nous juger ou juger la validité de nos commentaires au regard de ces faits.

J.-M. Lefebvre : Vous espérez qu'après vous avoir lu dans la nouvelle formule de L'Huma, on votera R. Hue ?

P. Zarka : Bien évidemment, nous menons campagne pour le candidat R. Hue . Nous avons la volonté d'aider les gens à y voir clair. Je suis extrêmement frappé quand on discute politique avec beaucoup de gens que le premier mol qui vient souvent c'est que "nous ne sommes pas assez informés". C'est quand même extraordinaire que, dans une société aussi médiatisée que la nôtre, il y ait tant d'hommes et tant de femmes qui se jugent mal informés. Eh bien, nous cherchons à donner le maximum de faits et des réflexions autour de ces faits.

J.-M. Lefebvre : Vous voulez participer au grand débat actuel ?

P. Zarka : Absolument, parce qu'il n'y a pas de démocratie, il n'y a pas de choix possible sans débat. La démocratie est un débat permanent et nous sommes maintenant à trois mois des élections, il semblerait difficile d'appeler les citoyens à se prononcer sur quelque chose d'aussi important qu'une élection présidentielle sans savoir si la France a de l'argent, sans savoir ce qui a été fait ou ce qui n'a pas été fait pour l'emploi, sans savoir ce qu'on pourrait faire autrement ou pas. Et L'Humanité cherche à donner des éléments et il faire part de son opinion par rapport à ces éléments. Ce n'est pas la même chose par exemple de parler du chômage en sachant que la France produit chaque année 1 270 milliards de francs de profits et que la moitié n’est pas réinjectée dans l'économie ou de ne pas le savoir.

J.-M. Lefebvre : Il y a un profond malaise au PS. Est-ce que vous voulez en profiter ?

P. Zarka : Non, pas du tout, ce sont les affaires intérieures du PS. Pour nous, la campagne électorale consiste à nous adresser essentiellement aux Français et voir ensemble comment on ne se retrouve pas comme dans le passé avec des espoirs déçus.

J.-M. Lefebvre : On a l'impression qu'au PS on est plus préoccupé de l'attitude de Radical que des relations vis-à-vis du PC ?

P. Zarka : Le problème qui est posé au PS, il a été posé au PC, c'est de tirer les leçons du passé et de savoir qu'est-ce qui n'a pas été fait pour que les gens aient été si déçus et lâchés.

 

Date : 13 février 1995
Source : L’Humanité

Éditorial par Pierre Zarka

Question de méthode ou de société ?

"La méthode Balladur à l'épreuve", titrait, hier, "le Journal du Dimanche". Et bien des déclarations d'hommes politiques se résument ce week-end à des appréciations sur la démarche du Premier ministre candidat.

L'expérience le montre, la ligne de partage ne se résume pas à une question de méthode mais au fonctionnement de la société. Il s'agit de savoir si l'on va continuer – comme l'ont fait les gouvernements successifs depuis vingt ans – à faire payer au monde du travail l'envolée des profits et des fortunes avec son cortège de chômage, de misère et d'exclusion, à enfermer la France dans l'engrenage de Maastricht, ou si, au contraire, pour affronter l'avenir, maîtriser les conséquences du développement des technologies, nous allons enfin mettre l'argent au service des hommes. N'est-il pas temps de rompre avec les conceptions du passé, de faire admettre aux dirigeants du pays que ce sont le travail des hommes, leur qualification, leur formation professionnelle, leur consommation et leur santé qui font le niveau d'une économie.

C'est à ce débat qu’aspirent toutes celles et tous ceux qui veulent que ça change. On comprend que M. Balladur – qui dit écouter pour mieux ne pas entendre – veut l'éviter et souhaite que rien ne se passe lors de cette élection présidentielle.

Le candidat communiste prend à contre-pied les dogmes de la haute finance dont la nocivité est maintenant vérifiée. Ainsi, lorsqu'il propose, très concrètement et très précisément, d'augmenter de 1 000 francs les salaires inférieurs à 15 000 francs, il utilise 200 milliards de capitaux, aujourd’hui gâchés dans la spéculation, qu’il réinjecte dans l’économie par l’intermédiaire de la consommation. Lorsqu’il propose que 500 000 emplois précaires de jeunes deviennent stables, il agit aussi pour que la France se dote d'entreprises plus efficaces capables de se développer.

Pour les communistes, rien de bon ne peut se faire sans le peuple, et là réside le sens même de la candidature et de la campagne de Robert Hue. Cette volonté de permettre que ceux qui n'ont jamais la parole la prennent enfin se retrouve tout à la fois dans la campagne de terrain des communistes – qui permet dans tout le pays à des centaines de milliers d'hommes et de femmes de participer comme ils le souhaitent –, comme dans le caractère de proximité et de véritable porte-parole qui est celui du candidat communiste.

II s'agit d'entendre les aspirations les plus fortes et de leur donner une audience au cœur du débat politique, et cela de telle sorte qu'elles deviennent incontournables. C'est le moyen que le monde du travail soit plus influent. C'est pourquoi le résultat du candidat communiste sera apprécié par tous comme traduisant la détermination de celles et de ceux qui réclament justice.

Quelque chose de nouveau est en train de naître dans la vie politique ; une progression du candidat communiste l'amplifierait, cela modifierait bien des données.