Interview de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, dans "Ouest-France" du 19 novembre 1998, sur l'aide française et internationale après le passage du cyclone "Mitch" en Amérique centrale.

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Média : Ouest France

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Ouest-France : Quelle impression dominante rapportez-vous d'Amérique centrale ?

Charles Josselin : « Un sentiment d'espérance et non pas une image d'abattement. Ces pays, bien que durement touchés, font preuve d'un ressort extraordinaire. Notre solidarité les y aide. Ils étaient KO debout après une succession de drames. La présence des sauveteurs leur a redonné confiance. »

Ouest-France : En quoi consiste l'aide française ?

- « L'aide d'urgence, c'est, pour les quatre pays, 300 hommes et femmes : sapeurs-pompiers, logisticiens, médecins, militaires, représentant l'armée, la Sécurité civile, le Samu mondial. Une équipe importante de logisticiens se charge, sur l'aéroport de Managua, de réceptionner le matériel et de le redistribuer dans les diverses régions sinistrées. Au Honduras, de loin le plus touché, les 60 hommes de la Sécurité civile sont déployés sur le terrain. Partout, il y a une présence médicale : mille consultations par jour au Honduras. »

Ouest-France : Pouvez-vous chiffrer le montant global de l'aide ?

- « Au 15 novembre, l'aide publique française a consommé 70 millions de francs, dont une part non négligeable en location de moyens de transports. Dans nos dépenses, nous comptons la contribution militaire : le porte-hélicoptères Jeanne d'Arc, dont les appareils jouent un rôle capital, le bâtiment de transport Francis Garnier, les Transal. Par ailleurs, les entreprises privées apportent une aide de 70 millions de francs sous forme de promesses de dons. Quant à l'Union européenne, elle a déjà mobilisé une cinquantaine de millions de francs. »

Ouest-France : A quand la conférence internationale de reconstruction ?

- « En principe avant la fin de cette année. Au plus tard dans la première quinzaine de janvier. J'entreprends des démarches pour que, le 30 novembre, le conseil des ministres du développement des Quinze puisse acter la participation de l'Europe à cette conférence internationale. On peut imaginer qu'au moins Emma Bonino, commissaire européen en charge de ces affaires, y siège. »

Ouest-France : Quelle devrait être l'ampleur du plan international pour la reconstruction ?

- « Les dégâts sont estimés à un peu plus de 20 milliards de francs : 11 milliards au Honduras, 5,5 milliards au Nicaragua, 2,8 milliards au Guatemala et au Salvador réunis. On compte 1,4 million de sinistrés au Honduras, 800 000 au Nicaragua (un habitant sur cinq), 84 000 au Salvador. Les gens qui ont souffert le plus sont ceux qui vivaient dans les bidonvilles et dans les zones de grande pauvreté. Les maisons sont construites n'importe où, n'importe comment. Règles d'urbanisme, aménagement du territoire, étude des sols, développement durable doivent faire partie du plan. Ces pays sont engagés pour très longtemps dans la bataille du développement. Ils restent politiquement fragiles. Ils sortent de la guerre. En termes de droits de l'homme, des progrès considérables ont été accomplis : mais les Indiens sont encore traités, chez eux, comme des immigrés. Il serait normal que l'aide internationale serve aussi à faire progresser la démocratie et le respect des peuples. Une manière d'aider les populations indiennes serait de demander aux gouvernements des États concernés qu'une partie significative de l'aide que nous allons accorder aille directement aux villes dont les responsables sont indiens. »

Ouest-France : Pourrait-on mieux se préparer à affronter les catastrophes naturelles ?

- « Le Gouvernement envisage une mise en place préalable, permanente de matériel d'intervention, dans un département français aux Antilles et à la Réunion. Cela serait d'abord au bénéfice des populations françaises souvent victimes de cyclones. Mais il y aurait là matière à cette coopération régionale que nous souhaitons plus soutenue par le biais de nos départements d'Amérique et de l'Océan Indien.