Texte intégral
Q - Comment seront élaborés les contrats territoriaux d'exploitation prévus par le projet de loi d'orientation agricole en cours de discussion au Parlement ?
- « Il serait contraire à l'esprit de cette loi d'imaginer de les mettre en oeuvre à partir de Paris. C'est une démarche partenariale, dont les objectifs sont arrêtés par la loi, mais dont les méthodes seront élaborées sur le terrain d'une manière décentralisée. Je ne suis pas idéologue, mais pragmatique : je veux que ça marche. J'ai inscrit, dans le budget de 1999, 300 millions de francs, qui seront abondés par 150 millions de francs de crédits communautaires et, je l'espère, par des apports des collectivités locales. Ce n'est qu'un début, mais il va de soi que ce dispositif doit entrer dans le cadre général de la politique agricole commune que nous renégocions. »
Q - Comment, pratiquement va fonctionner le futur système de biovigilance sur les OGM ?
- « Je considère que les préoccupations que provoque l'introduction des OGM chez nos concitoyens sont légitimes. Je trouve plutôt sain que l'opinion exprime la volonté de maîtriser les progrès de la science ! Quant à la responsabilité des politiques, je veux être encore plus clair : s'il fallait prendre un risque, je prendrais celui de la trop grande précaution plutôt que de l'aveuglement ou de l'insouciance.
Le Comité de biovigilance prévu dans la loi précisera les paramètres d'évaluation qui lui paraîtront nécessaires pour chaque type d'OGM. Composé pour l'essentiel d'agents de la protection des végétaux, ce comité sera largement ouvert aux membres de la société civile ; consommateurs, associations de protection de l'environnement. Il transmettra ses conclusions aux ministres concernés qui, si nécessaire, remettront en question les autorisations accordées. Dans un souci de transparence, un rapport annuel sera communiqué au Parlement. »
Q - Pensez-vous que la nouvelle équipe au pouvoir en Allemagne va se montrer plus souple, ou plus rigide, pour aboutir à un compromis, notamment, dans le dossier de la viande bovine ?
- « Les Quinze et, en particulier, la France et l'Allemagne, se situent désormais clairement dans la perspective d'un accord sur l'ensemble de l'Agenda 2000 sous présidence allemande, au premier semestre 1999. J'ai rencontré à Bonn mon homologue allemand, Karl-Heinz Funke, homme chaleureux, sympathique et, surtout, pragmatique. Nous avons tous deux la volonté d'aboutir rapidement et partageons la conviction que cela passe par un large accord franco-allemand. Nous nous situons clairement dans le cadre de l'impulsion donnée aux relations bilatérales comme à la construction européenne par Lionel Jospin et Gerhard Schröder.
Nous sommes d'accord pour estimer que des réformes sont nécessaires notamment dans les secteurs comme les céréales ou la viande bovine, où des excédents sont déjà prévisibles, mais que ces réformes doivent intégrer la contrainte budgétaire qui s'impose à tous les États membres. C'est une donnée fondamentale de la négociation, que je souhaite aborder à travers chaque organisation commune de marché, plutôt que de mettre en péril l'avenir même de la PAC si l'on avait accepté le poison mortel du cofinancement.
Pour le lait, le réalisme recommande de renoncer à une réforme dont l'utilité est contestable et le coût disproportionné. Nos amis allemands ne sont pas insensibles à cela, comme d'ailleurs dans le secteur de la viande bovine, pour lequel la baisse des prix ne saurait être déconnectée du problème budgétaire, dès lors que le niveau de la compensation, en particulier pour l'élevage allaitant, est une question centrale. »
Q - Dans plusieurs domaines, des conflits surgissent entre l'agriculture et l'environnement. Comment traiter ces questions sans nuire à la cohésion de la majorité « plurielle » ?
- « Franchement, cela ne m'inquiète pas ! Il suffit de se référer à la mission fondamentale des gouvernants : faire prévaloir l'intérêt général… Je suis un élu rural et comme tous les élus ruraux, je suis bien placé pour savoir combien l'intérêt général recommande de concilier ces deux contraintes : produire et protéger l'environnement. La circulaire Voynet-Le Pensec sur la maîtrise des pollutions d'origine animale est un excellent exemple de la convergence entre la gestion de la question environnementale et la politique agricole dans la mesure même où les impératifs de gestion de l'environnement sont clairement en phase avec les impératifs de maîtrise de la production agricole. »
Q - Les organisations professionnelles agricoles appréciaient beaucoup, dans le passé, la réunion à Matignon de la Conférence annuelle agricole. Êtes-vous favorable à ce type de rencontre solennelle ?
- « Non. Je préfère l'esprit de concertation, c'est-à-dire le dialogue social permanent, à ces grandes messes solennelles qui relèvent d'un rituel dépassé et qui d'ailleurs, étaient contre-productives : comme si l'on pouvait s'y débarrasser, une fois par an, de l'obligation de concertation. »
Q - Quelle est votre position vis-à-vis des États-Unis à propos du conflit de la banane ?
- « Cette manière unilatérale qu'ont les Américains de traiter les problèmes est insupportable. L'union européenne a tiré les conséquences des conclusions de l'OMC. La nouvelle réglementation européenne entrera en vigueur le 1er janvier conformément aux déclarations fixées par l'OMC. Si les États-Unis veulent contester le droit de l'Union européenne à accorder une préférence à ses propres productions et à celles des pays en développement d'Afrique et de la zone caraïbe qui comptent parmi les plus défavorisés, qu'ils le contestent ! Mais il existe pour cela des procédures multilatérales à l'OMC, Il n'est pas acceptable que les Américains en reviennent à des pratiques unilatérales révolues. »