Article de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture et secrétaire général du CDS, dans "Démocratie moderne" du 26 octobre 1995, sur l'attitude des maires Front national par rapport à la politique culturelle de leurs prédécesseurs, intitulé "La culture contre l'exclusion".

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Média : DEMOCRATIE MODERNE

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La politique culturelle menée par le gouvernement devient une des cibles privilégiées du Front national. Non seulement dans les discours, mais aussi dans les actes. Cette agressivité du Front national vis-à-vis de notre politique culturelle s'explique aisément.

En premier lieu, cette politique culturelle est, dès l'origine et constamment, conçue sur le mode de l'ouverture, de la démarche vers l'autre, de l'enrichissement de soi par l'expérience des autres cultures. Il s'agit, d'emblée, d'élargir l'espace culturel français à celui de l'humanité, et de lier patrimoine et création.

En second lieu, le gouvernement a décidé de faire de la culture un instrument privilégié de lutte contre l'exclusion et de mettre l'action culturelle au service du lien social. Sous ce double aspect, la culture mobilise des valeurs d'ouverture, de tolérance, de liberté qui s'opposent, point par point, au repli sur soi et à l'exclusion de l'autre que prône l'idéologie du Front national.

Que reste-t-il, dès lors, de la culture à vocation universelle et humaniste ? Où est la République, dont la vocation même est l'intégration ? Que devient la conception française de la citoyenneté, dont les membres sont portés par un projet collectif, auquel ils adhèrent consciemment ? Les thèses du Front national reflétaient, dès les années quatre-vingts, le visage d'une société française dont on devine les traits : une majorité tétanisée par ses angoisses identitaires, des minorités repliées sur elles-mêmes, vivant dans la crainte.

Quatre mois après les élections municipales, ce ne sont plus de déclarations dont il s'agit mais des actes. Ce n'est plus un programme, c'est une politique. En tant que telle, elle vise explicitement celle du gouvernement, fondée sur la culture comme instrument essentiel de l'insertion et de la reconstitution du lien social.

Le premier signe tangible, de la nouvelle logique incarnée par une décision d'un maire, c'est celle du premier magistrat d'Orange qui supprime d'un geste les aides de sa ville aux Chorégies, menace d’agir de la même façon pour l'association qui gère le centre culturel Mosaïques, s'attaque aux associations de quartiers chargées de l’animation culturelle.

Voilà qui nous permet, en passant de la théorie aux faits, de prendre la mesure du problème. D'imaginer une France « Front national », forcée à devenir conforme aux critères de ce parti. De penser au rayonnement disparu d'une culture ouverte, offerte et généreuse à laquelle se serait substituée la réclusion culturelle et l'uniformité.

La culture vivra. Nos valeurs sont bien plus fortes que celles du Front national « rien de ce qui est humain ne m'est étranger », disait Montaigne. La solidarité l'emportera sur l'exclusion.

L’issue de ce combat est entre nos mains. Il passe, de la part de l'État, par deux démarches. D'abord, résister : c’est-à-dire prendre la relève matérielle des municipalités qui occupent ou couperaient des subventions au seul motif politique, mais aussi intensifier, au niveau national, une politique effective de démocratisation de l’accès à la culture. Quel symbole, à ce-titre, que l'ouverture, à tous et gratuitement du Louvre le dimanche ?

Ensuite, défendre une culture démocratique, citoyenne, moderne. Réhabiliter l'idée que le citoyen et sa culture prennent le pas sur l'individu et ses intérêts.

Enfin, inscrire le respect de la liberté, de la vérité, c’est-à-dire de la culture au premier rang d'une discipline morale de la conscience même des citoyens de ce pays.