Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
C'est un honneur pour notre Assemblée de recevoir une délégation de la Knesset conduite par son président Dan Tikhon. D'autant plus que cela fait treize ans qu'une telle circonstance ne s'était pas produite et que cette visite intervient l'année où Israël fête ses cinquante ans.
Nous nous rappelons que c'est depuis la ville de Sète, sur notre littoral de Méditerranée, que partit le fameux Exodus pour un lointain rivage. Cinq décennies ont passé depuis que David Ben Gourion réalisa le rêve de Théodore Hertzl en ramenant après la Shoah un pays à la vie, en rassemblant un peuple, en bâtissant un État. C'est d'abord à ce courage, à la mémoire des pionniers, à tous ceux qui aujourd'hui forment votre Nation moderne et démocratique que je veux rendre hommage en vous saluant.
Votre visite est précieuse, car les contacts politiques ont été plutôt rares au cours des derniers mois entre votre pays et Paris. On sait qu'entre Israël et les États-Unis un dialogue actif se poursuit ; cela est bon. Il serait dommage qu'il soit nettement moins intense avec les quinze Européens. D'ailleurs, hégémonie unipolaire ou équilibre multipolaire, qui sait ce que nous réservera, au cours du siècle qui vient, la dimension désormais globale des problèmes diplomatiques, économiques, environnementaux ? Pour ma part, je pense que l'Europe et la France, qui est votre amie, y trouveront leur pleine place.
Nous n'avons pas caché nos inquiétudes au cours de la dernière période. Après l'espoir né à Madrid et à Oslo, après la poignée de mains dans le jardin de la Maison Blanche, l'assassinat d'Yitzhak Rabin semblait avoir sonné le glas d'un règlement pacifique et négocié dans la région. Chacun constatait avec angoisse le blocage de la discussion et la reprise d'attentats meurtriers. Nous n'en avons accueilli qu'avec plus de satisfaction la conclusion du mémorandum de Wye River et nous espérons fortement qu'il pourra être respecté dans ses délais.
Oui, Israël doit vivre en paix, dans des frontières sûres, garanties, reconnues. Le terrorisme doit cesser, ceux qui l'arment être punis sans faiblesse. Ce sont des conditions premières. Le redéploiement de Tsahal doit également se poursuivre. Les difficultés des populations palestiniennes, allégées à Gaza. Il faut aller vers un statut des territoires acceptable pour ceux qui en sont légitimement l'expression. Bref, il faut qu'une paix durable s'installe dans le respect des droits des uns et des autres.
Voici à peine deux heures, par le hasard de nos calendriers, je recevais le président du Bundestag allemand. Nous parlions amicalement de notre couple qui, unissant Bonn et Paris, a contribué à construire l'Europe et en quatre décennies en est devenu l'axe central. La logique est incontournable : on ne peut faire la paix qu'avec ses ennemis, il faut un partenaire pour négocier. C'est également ce que je disais au président Arafat qu'un autre hasard heureux me faisait rencontrer ce matin même.
C'est ensuite, c'est ainsi, que pourra sans doute se créer, pour le partage de l'eau, pour l'essor de l'industrie, pour les progrès de l'agriculture, pour l'éducation et la recherche, pour ce qui sépare aujourd'hui et devra rassembler demain, un marché commun régional. Nous voulons croire qu'il conduira là aussi à l'amitié et à la paix.
Monsieur le président, il est dans votre pays beaucoup de magnifiques légendes. L'une des plus belles raconte que lorsque le monde était très jeune, trois fleuves coulaient dans la plaine et rivalisaient pour la fertiliser. Un jour, ils se disputèrent les eaux du ciel et, pour s'affronter, quittèrent leur lit. La terre devint marécage. Alors Dieu se mit en colère et leur ordonna de cesser leurs querelles. Les trois rivières s'unirent dans une même cascade, dans un même lac, dans une même vallée, et elles se réconcilièrent. Le Jourdain coule aujourd'hui en paix. Pourquoi les hommes ne seraient-ils pas aussi généreux que les fleuves ?
Vive Israël, vive la France, vive l'amitié entre Israël et la France.