Interview de M. Jean de Boishue, secrétaire d'Etat chargé de l'enseignement supérieur, à France-Inter le 13 octobre 1995, dans "Le Journal du Dimanche" le 29 octobre et "Le Monde de l'éducation" de novembre 1995, sur le mouvement étudiant autour de la réforme des premiers cycles de l'enseignement supérieur, du statut de l'étudiant, et du financement des universités.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Grèves et manifestations d'étudiants pour protester contre le manque de moyens des universités, novembre 1995.

Média : France Inter - Emission Le Téléphone sonne - Le Journal du Dimanche - Le Monde de l'éducation

Texte intégral

France Inter : 13 octobre 1995

Au « téléphone sonne » ce soir, la rentrée universitaire 1995, est invité Jean de Boishue, secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur, avec Lise Joly, une émission dirigée par Alain Bédouet.

Véréna : Je m'appelle Véréna, j'ai 20 ans, Je suis étudiante en licence de droit à l'université de Saint-Quentin-en-Yvelines. Cette année, la rentrée s'est à peu près bien passée, sauf que nous avons eu notre emploi du temps deux jours avant de rentrer, ce qui n'a pas permis à ceux qui travaillent de communiquer leur emploi du temps à leur employeur, ceux qui avaient vraiment besoin d'argent, ont dû rater la rentrée universitaire, d'autre part, les emplois du temps sont très mal faits puisque, moi par exemple qui compte passer des concours à la fin de ma licence, comme Sciences-Po, des écoles de journalisme et tout cela, j'ai un emploi du temps très chargé au second semestre, ce qui m'oblige à faire un choix entre mes études et la préparation aux concours, ce qui n'est ni avantageux pour les étudiants, ni pour la fac qui est une faculté nouvelle, et qui veut se faire un renommée en ayant des étudiants qui réussissent des concours.

Sylvain : Je m'appelle Sylvain, j'ai 18 ans, je rentre en première année de DEUG A, maths, à Jussieu. Qu'est-ce que je peux dire de plus, avant j'étais au lycée, j'avais quelques petites appréhensions, mais en fait, tout était très bien organisé, ils avaient donné les emplois du temps et un plan du campus pendant les inscriptions avant la rentrée. Le restaurant universitaire, j'y suis allé une fois en deux semaines, et ça va. Finalement, en fait, je fais l'étudiant qui se sent bien dans sa fac, ce n'est peut-être pas l'image que tous les étudiants donnent, mais ça va, je suis heureux.

Alain Bédouet : Voilà, ils sont ainsi 2,2 millions d'étudiants qui ont repris ou vont reprendre le chemin des amphis pour la rentrée universitaire 95, et ce soir, c'est donc le secrétaire d'État à l'enseignement supérieur qui va répondre en direct aux questions des auditeurs du téléphone sonne. Bonsoir tout d'abord, et merci d'être avec nous, Jean de Bolshue, c'est d'ailleurs votre première rentrée à vous aussi, en tant que membre du gouvernement, comme il y a déjà, et vous pouvez le constater avec le nombre de fiches que vous voyez sur la table de ce studio, comme il y a du monde au standard, on va tout de suite prendre, en direct bien sûr, un premier appel. Voilà, c'est vous qui ouvrez le feu ou le rang, je ne sais pas comment je dois dire, bonsoir en tout cas, bienvenue sur France Inter, nous vous écoutons.

Pascal Hebert : Bonsoir, je m'appelle Pascal Hebert, je suis représentant étudiant à la faculté des sciences de l'université de Rouen, ma question est très simple et très grave à la fois, elle est la suivante, comment l'État peut se désengager à ce point de l'Université, puisqu'il reconnaît par exemple pour l'université de Rouen, un budget nécessaire de fonctionnement de 42 millions de francs, et qu'il ne nous accorde qu'un budget de 30 millions de francs.

Alain Bédouet : Alors je vais laisser, bien sûr, Jean Boishue vous répondre en direct, je précise simplement pour tous ceux qui nous écoutent et vraiment en deux mots de quoi il s'agit, on sait que la fac des sciences, à l'université de Rouen, est en grève depuis le début de la semaine parce que ça avait fermé, encore une fois je résume, faute de crédits, et Monsieur de Boishue a d'ailleurs demandé un audit sur ce point.

Jean de Boishue : Tout à fait, je remercie cet étudiant de poser cette question, je dois dire que je comprends tout à fait son émotion parce que commencer comme cela son année n'est pas encourageant, et je voudrai lui dire que le secrétaire d'État n'est pas du tout indifférent à, d'abord à son problème personnel, et à ce qui peut se passer à Rouen. Je voudrai simplement lui dire une chose, c'est qu'on ne peut pas dire que l'État se désintéresse de l'université de Rouen. Nous savons que l'université de Rouen est une université nouvelle, elle n'a que 30 ans, donc c'est une université qui est de fonctionnement relativement récent, je sais que les effectifs sont montés en puissance tout à fait régulièrement mais je peux dire que ces dotations, et je juge par rapport à d'autres universités, n'ont pas cessé de croître non plus, nous sommes passés, je crois, de 21 millions  de francs en 91, à 33 millions de francs en 95, c'est peut-être des chiffres qui ne vous disent pas grand-chose, mais c'est beaucoup d'argent. Je voudrais dire que nous y avons également pensé spécialement pour cette rentrée-là, puisque le collectif budgétaire, qui était de 30 millions, nous a permis de donner un million spécialement à l'université de Rouen, et que des emplois ont été créés, donc c'est: une université sur laquelle nous nous sommes beaucoup penchés. Je voudrais dire très simplement qu'il faut faire attention à des chiffres théoriques de fonctionnement des universités, il y a effectivement des normes, mais ces normes sont, comme je l'ai dit, théoriques et elles ne doivent pas être complètement du fait de l'État. Il manque d'après ces chiffres théoriques, 6 millions de francs à Rouen, et c'est intéressant pour l'ensemble de la France. En fait, ces 6 millions de francs, c'est par rapport à un plafond, un plafond théorique d'après des normes, excusez-moi ces termes barbares, des normes de San Remo, mais l'intégralité des sommes à combler n'appartient pas à l'État seulement, et j'ai proposé aux présidents d'université, je le dis à notre ami de Rouen, d'avoir une discussion sur la manière d'attribuer les sommes aux universités. C'est un sujet important, c'est un sujet indispensable et difficile, donc c'est à cela que je vais m'attacher, à l'image du problème que pose Rouen. Je souhaite que les choses s'arrangent à Rouen, je sais qu'une concertation est engagée, je voudrais dire à l'auditeur que je suis personnellement ces négociations, je sais que le président d'université, le recteur, le doyen, tout le monde sont très attachés à une reprise, en tout cas je ferai le maximum, et j'aiderai cet étudiant à réussir son année.

Alain Bédouet : Précisément, Monsieur de Boishue, j'ai une dépêche de l'agence de l'AFP sous les yeux, je lis, le conseil de gestion, cela est arrivé aujourd'hui, de la fac des sciences de Rouen se déclare favorable à une reprise des coûts. Le conseil de la faculté des sciences a décidé donc, aujourd'hui, d'ouvrir lundi l'établissement après avoir reçu une confirmation écrite de la part du ministère de l'éducation nationale qu'une dotation complémentaire serait assurée, en moyens et en postes, donc cela veut dire qu'il y a de fortes chances pour que ça se décrispe un peu.

Jean de Boishue : Écoutez, la concertation quand les gens veulent se concerter aboutit toujours à une bonne solution. La fermeture était une décision que je déplore un petit peu, et je suis heureux, pendant ces journées, que la raison l'ait emporté, je voudrais simplement ajouter quelque chose, j'ai envoyé une inspection, effectivement, pour voir sur place comment se passaient les choses, mais je voudrai ajouter également que l'université avait des ressources pour fonctionner à l'ouverture, donc la nouvelle est bonne, et je remercie tous ceux qui y ont contribué, y compris les étudiants bien sûr, car point de concertation sans étudiants.

Alain Bédouet : Retour au standard, un autre appel en direct toujours au téléphone sonne.

Annie : Bonsoir, Annie de Nevers. Ma question la voici, est-il normal que pratiquement, si on veut avoir une chance d'être reçu au concours de première année de médecine, il faille s'inscrire dans un cours privé ? Deuxièmement, l'efficacité de ces cours étant proportionnelle à leurs tarifs, les meilleurs et les plus chers sont ceux dans lesquels officient les enseignants de faculté. C'est-à-dire ceux-là même qui choisissent les sujets et corrigent les copies, toutes les magouilles sont donc possibles. Il y a eu d'ailleurs une grève d'étudiants à Toulouse, après les partiels de février, en 1995, est-il donc normal que les médecins de demain soient, non pas les meilleurs étudiants, mais ceux dont les parents étaient capables de payer, ils n'avaient pas de problèmes de conscience ?

Alain Bédouet : Alors, Madame, pendant que vous lisiez vôtre question, je me permettais gentiment de vous demander s'il fallait comprendre que vous étiez la maman d'un étudiant en médecine, c'est cela ?

Annie : C'est cela, exactement.

Alain Bédouet : Et quand vous parlez des cours privés, là encore, pour ceux qui nous écoutent, vous parlez de ces organismes genre IPESUP, auxquels les étudiants en première année s'inscrivent pour avoir un peu plus de chances de passer en seconde année, c'est bien cela ?

Annie : Voilà, tout à fait, c'est-à-dire des cours qui soit se déroulent durant l'année universitaire, certains commençant même avant l'année universitaire.

Alain Bédouet : Monsieur de Boishue sur ce point.

Jean de Boishue : Écoutez, je voudrai, excusez-moi Madame, de vous dire très franchement que je ne peux que démentir ce que vous appelez des magouilles, je crois que nous sommes une université où l'égalité des chances reste dans l'esprit des étudiants, des étudiants et des professeurs, une priorité, et vous ne me ferez jamais croire qu'il y a inégalité ou une magouille au niveau des examens, excusez-moi de contredire votre cas particulier, mais vous me donnez l'occasion de faire une chose importante, c'est de dire que l'égalité des chances est un objectif numéro 1. Deuxièmement, je comprends que vous avez l'impression qu''il y a des institutions payantes qui proposent des meilleures formations que d'autres, je voudrai dire que j'ai une conviction sur ce point, je suis sûr que l'argent public doit aller aux établissements publics, et c'est très important, et si ce n'est pas le cas, je crois que nous sommes également en-dehors de l'égalité des chances, et c'est aussi le sens de votre question. Je voudrai ajouter quelque chose, nous avons de bons étudiants en médecine, c'est vrai que le numerus clausus existe en médecine, c'est un des rares domaines où il s'applique, et nous avons en France, de très bons étudiants en médecine, et notre problème, ou plutôt le problème des étudiants en médecine, c'est que très nombreux sont ceux d'entre eux qui sont collés avec des notes très élevées. C'est vrai que la reconversion est plus facile que pour d'autres, mais la médecine reste chez nous d'un bon niveau, voilà, je ne peux qu'inviter votre fille à recommencer son examen, mais je voulais vous dire que l'égalité des chances est pour le secrétaire d'État à l'enseignement supérieur, l'objectif numéro 1, et je ne voudrais pas que les auditeurs pensent autre chose.

Alain Bédouet : Bonsoir, bienvenue, nous vous écoutons.

Michel Bataille : Bonsoir, Michel Bataille, je suis professeur des universités à l'université d'Artois. Monsieur la ministre, je voudrais vous demander ce que vous pensez des déclarations de Monsieur Sarkozy sur TF1, dimanche dernier, à l'émission « 7 sur 7 » d'Anne Sinclair. Interrogé sur les moyens de limiter le déficit budgétaire, l'ancien ministre a déclaré entre autres qu'il était irrationnel que les universités ne soient ouvertes que 5 mois par an, et que les enseignants n'aient, que 6 à 8 heures d'enseignement par semaine. N'oublie-t-il pas les autres missions de l'université telles qu'elles sont définies par la loi Savary de 1984, à savoir, premièrement la recherche, deuxièmement la diffusion des connaissances tant au plan national qu'au plan international, troisièmement, l'administration des établissements d'enseignement supérieur, et enfin, et j'en oublie sans doute, les missions de formation continue ? Monsieur le ministre, j'aimerais bien connaître votre point de vue, premièrement sur le fond, et deuxièmement sur la méthode qui consiste à présenter à l'opinion publique une image totalement fausse et déformée des universités et de leur personnel.

Alain Bédouet : Jean de Boishue vous répond, Monsieur.

Jean de Boishue : Mais écoutez, Monsieur, je vais vous répondre très simplement que je ne partage le sentiment de Monsieur Sarkozy, d'abord parce que les locaux sont utilisés à plus de 90 % de nos universités, donc je ne vois pas ce qu'on pourrait faire de mieux. Deuxièmement, je crois que la philosophie qui consiste à dire que quand on a besoin d'argent, on va le chercher dans l'université, est un très mauvais principe. La France est un des pays au monde, ou en tout cas en Europe, qui consacre le moins d'argent à son enseignement supérieur, ce n'est pas le fait de la gauche ou de la droite, c'est un fait historique chez nous, donc je suis de ceux qui pensent qu'il faut d'abord sauvegarder les moyens et si possible les augmenter, et je pense également que l'université a pour mission essentielle de former des gens et développer la recherche. Pour toutes ces raisons, je pense que l'université française est une université adulte qui travaille dans des conditions qui lui conviennent. Si on peut l'améliorer, il faut le faire, c'est une occasion pour vous le dire, et je vous remercie de m'avoir posé la question.

Alain Bédouet : Bonsoir, une autre question ?

Pourria Nircheie : Pourria Nircheie à l'appareil, président de l'UNEF-ID, je vous ai entendu parler ce soir, et répondre à une mère d'étudiant sur l'égalité des chances, à la veille du débat annoncé sur le statut social d'étudiant, comment expliquez-vous que deux mesures successives, l'une appliquée depuis le 1er juillet 94 qui baisse de 30 % l'ALS pour les colocataires, et l'amendement proposé par Monsieur Auberger à l'Assemblée ? Deux mesures qui vont dans le sens d'une restriction de l'aide sociale et de l'aide au logement aux étudiants, comment expliquez-vous ces mesures alors que vous lancez un grand débat et que vous parlez d'égalité, de la nécessaire égalité des chances à l'université ? Le deuxième élément...

Alain Bédouet : Attendez, nous allons nous arrêter là-dessus parce qu'il y a beaucoup d'appels en ce sens, et là encore, si Jean de Boishue me le permet, et vous aussi Monsieur, je vais me permettre moi-même de rappeler de quoi il s'agit de façon très simple, on a parlé d'amendement Auberger. Bon, Philippe Auberger c'est le rapporteur général du budget, et effectivement, il a fait passer un amendement qui prévoit que cette ALS ne serait plus cumulable avec le rattachement de l'étudiant au foyer fiscal des parents, sauf s'il est boursier, voilà, encore une fois, j'explique cela parce que je sais qu'il y a beaucoup de parents d'étudiants qui nous écoutent ce soir.

Jean de Boishue : Eh bien, je vais répondre au président, et ma réponse rejoint la fin de la question précédente, je crois que l'objectif n'est pas du tout pour le gouvernement, de limiter tout ce qui contribue à l'aide sociale et au confort des étudiants, donc l'amendement de Monsieur Aubergé, François Bayrou est très clair sur cette affaire et moi aussi, et bien le gouvernement le combattra. Je crois que le principe consistant à faire des économies sur l'enseignement supérieur, est un mauvais principe, alors je vous le dis président, la commission parlementaire est souveraine, elle décide ce qu'elle veut, et je le dis d'autant plus volontiers que j'étais moi-même parlementaire, mais: dans cette affaire, je tiens à vous le dire, je suis du côté des étudiants, je le dis d'autant plus volontiers que vous le savez, vous avez soulevé le problème, la semaine prochaine nous commençons une concertation sur ce sujet.

Alain Bédouet : Alors je vous ai coupé la parole, vous restez en ligne, mais je crois que sur le même thème, Lise Joly veut intervenir.

Lise Joly : Oui, je crois d'ailleurs que vous étiez en train de devancer ma question, Jacques Chirac pendant sa campagne, a promis de se pencher sur le statut étudiant, alors où est-ce qu'on en est de ce statut étudiant, quels sont les ministères qui sont impliqués, qui pilote le projet, où en est-on de la réflexion ?

Jean de Boishue : Et bien écoutez, d'abord une information importante qui est quand même nouvelle et je crois qu'il faut que les étudiants le sachent, la semaine prochaine et pour quelques semaines, nous commençons une concertation avec les étudiants, les organisations syndicales, avec les responsables syndicaux en général, les enseignants, une large concertation sur l'état social, le statut, la vie, la qualité de vie des étudiants. C'est un engagement qu'avait pris le gouvernement. Au cours de ces dernières semaines, il faudrait dire au cours de ces derniers mois, nous avons mis à plat l'ensemble de ces questions, et on s'est rendu compte de trois volets importants à cette négociation. Le premier volet, il faut que les auditeurs le sachent, les étudiants aussi, il y a 16 milliards qui sont globalement consacrés à la vie des étudiants, c'est beaucoup d'argent, l'ALS dont on parlait, c'est déjà 4 milliards, donc il y a dans le cadre de cette enveloppe, des redéploiements, des discussions, des ajustements à mener, je ne dis pas des suppressions, il faut que cela soit clair, et je sais que sur cette enveloppe-là très importante, les étudiants ont des idées, des propositions importantes. Il y a un second volet, il y a celui des mesures nouvelles, je peux en citer une qui a été proposée par les étudiants, qui est par exemple le guichet social unique, mais il y a comme cela un certain nombre de mesures que l'on peut également introduire et sur lesquelles nous voulons consulter les étudiants. Il y a un troisième volet, qui m'est cher, celui de la vie dans les universités au titre de la participation des étudiants à la vie universitaire. Votre étudiante, la première qui avait posé la question, en début d'émission parlait de ses emplois du temps, je lui aurais répondu que l'affaire relève de l'autonomie des universités, mais la vie des étudiants est une chose, et ils doivent eux-aussi introduire le système participatif dans les universités.

Lise Joly : Oui, Jean de Boishue vous êtes en train de nous expliquer que les étudiants participent peu à la vie de leur université.

Jean de Boishue : Et bien écoutez, assez curieusement, je me suis aperçu que notre système éducatif était très largement participatif. Bon, je suis main, je sais, dans les écoles maternelles les parents, dans les écoles primaires, dans les collèges, dans les lycées, le système participatif marche très bien. Dans les universités, il marche moins bien, et la meilleure preuve en est, le peu d'intérêt que les étudiants portent aux élections, il est important de voter, il est important de distribuer de l'argent qui est à la disposition de l'université, bon alors, il y a un conseil d'université, il ne s'agit pas de combattre l'autorité des présidents et des conseils d'université, mais il s'agit de faire des étudiants, des interlocuteurs au sein même de l'établissement dans lequel ils vivent car c'est aussi l'un des volets importants, et je termine là-dessus, excusez-moi, de l'autonomie des universités.

Alain Bédouet : Notre correspondant est toujours en ligne je crois, il a été gentil, il a écouté la réponse, moi je vous avais proposé de reprendre la parole, bon, c'est la règle du jeu, alors vous vouliez aborder un autre point.

Pourria Nircheie : Simplement, à la veille du débat sur le statut social, il y aura une concertation, l'UNEF-ID fera ses propositions, simplement est-ce que d'ors et déjà, Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes prêt à rendre les 30 % supprimés pour les colocataires, à revenir sur le dernier mois d'allocutions logements à caractère social qui lui aussi a été supprimé, et enfin dernière question, est-ce que vous êtes prêt à vraiment cette fois-ci mettre en œuvre l'année joker, puisqu'aujourd'hui, tous les boursiers qui redoublent n'ont plus droit à leur bourse ?

Jean de Boishue : Monsieur le Président, je peux dire que vous êtes un excellent négociateur donc je vous fais confiance pour que cette question soit débattue entre nous la semaine prochaine, l'idée du préalable ne me convenant pas ce soir. Sur l'année joker, je voudrais dire ce que vous savez, l'année joker n'a pas été supprimée, c'est cela qui est important, elle n'a pas pu être appliquée en 1995 parce qu'elle n'était pas inscrite au budget, mais je répète personne n'a dit que cette année serait supprimée, j'ajoute qu'il me semble que c'est une mesure de justice et d'égalité des chances, car c'est une chance supplémentaire pour ceux qui auraient échoué une fois, donc notamment dans les premiers cycles, c'est une avancée, donc ça aussi, monsieur le Président, nous en discuterons la semaine prochaine, et }e ne serai pas étonné que nous tombions sur un certain nombre de points d'accord.

Alain Bédouet : Bonsoir, nous vous écoutons.

Christelle Durvique : Bonsoir, je m'appelle Christelle Durvique, et suis étudiante en DESS de commerce international à Nantes, bien qu'originaire du Nord. Alors, ma question aussi une remarque, comment se fait-il que le contenu d'un même diplôme universitaire varie en fonction de la région et de l'université dans laquelle on le prépare, soit en termes de matières ou de volumes horaires ? J'ai constaté cela cette année aussi pour le DESS en commerce international et cela m'a obligé à quitter ma région.

Alain Bédouet : Alors, le fait qu'on parlait tout à l'heure incidemment d'autonomie des universités, c'est peut-être en partie lié à ça. Jean de Boishue vous répond.

Jean de Boishue : Écoutez, les diplômes en France sont nationaux, c'est une règle de base de notre organisation universitaire, car le jour où nos diplômes ne seront plus nationaux, nous risquerions d'introduire une grande inégalité. Alors il y a des diplômes qui sont développés par les universités elles-mêmes, c'est important, et c'est le ministère qui habilite les diplômes que lui proposent les universités, donc il faut que votre université, ou une autre université, si elle veut que son diplôme soif reconnu, s'adresse au ministère et nous l'habiliterons si nous le considérons comme un diplôme que nous pouvons accepter, mais mademoiselle, vous m'écoutez, il est très important de conserver l'Idée des diplômes nationaux, vous voyez si je combats les facultés privées, si je suis contre la sélection par l'argent, c'est parce que je crois que l'égalité des chances passe à travers des diplômes nationaux. Et ça, c'est très important. Et il faut que vous soyez très attachés à cette idée de l'école républicaine car le jour où les diplômes ne seront plus nationaux, toutes les injustices seront permises dans notre système d'enseignement supérieur.

Alain Bedouet : Retour au standard, beaucoup de questions ce soir et je l'ai dit, 2,2 millions jeunes gens, plus les parents, plus les enseignants, cela fait du monde. Bonsoir.

Un auditeur : Oui, bonsoir, ma question est brève. Pourquoi, n'instaure-t-on pas une sélection à l'entrée des facultés non pas basée sur l'argent, sur la facilité des gens à payer des prépas à leurs enfants mais sur le bac et sur les études poursuivies en lycée. Cela se fait déjà, le CELSA est un institut très sélectif, les gens qui travaillent le réussissent. Alors moi j'estime qu'il est inadmissible que 50 à 60 % des étudiants fassent leur cursus sans rien obtenir tout simplement parce qu'ils sont mal orientés ou parce qu'ils ont des désidératas qui dépassent leurs possibilités.

Alain Bedouet : Je précise qu'il y a beaucoup d'appels dans ce sens de parents, d'étudiants qui disent mais effectivement est-ce qu'il n'y a pas quelque chose qui ne va pas quand même dans un système dans lequel par rapport au moment où on sort de l'enseignement secondaire, on a une déperdition énorme.

Jean de Boishue : Je voudrai répondre à cette personne que je suis très hostile à la sélection à l'entrée de l'université. Je le suis par conviction, je me permets de le dire et je le suis bien entendu parce que le loi l'interdit. Donc, tout étudiant – et nous parlerons peut-être tout à l'heure des STAPS qui se présentent aux portes de l'université – doit trouver une place à l'université. Mais Madame, et c'est là où votre question est importante, le mot, non sélection si je puis dire, va de pair avec orientation. Et c'est vrai que nos étudiants rentrent librement dans les universités mais ils sont parfois un peu perdus. Ils sont, permettez-moi de le souligner, ils sont désorientés. Il est important de mettre en place des filières d'orientation très bien organisées ce qui aujourd'hui nous manque cruellement. Je peux dire si je ne suis pas trop long que cette année, pour la première année, les recteurs, les présidents d'université et les syndicats étudiants, je tiens à le dire, ont contribué à l'orientation et que si cette année nous avons 19 000 bacheliers de plus que l'année dernière, 13 000 d'entre eux ont pu trouver des places dans des classes comme les BTS, des IUT autrement dit dans des secteurs d'enseignement qui étaient en passe de se vider alors que paradoxalement, les autres secteurs se remplissaient. Donc nous avons fait pour la première fois une orientation fine. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles, je termine que la rentrée se passe dans des conditions plus sereines qu'on ne le pensait compte tenu du succès au bac.

Lise Joly : Oui, vous venez d'évoquer en filigrane l'échec important que connaissent les étudiants durant les années de 1er cycle, on sait qu'il y a à peu près la moitié d'entre eux du moins on estimait qu'il y a à peu près la moitié d'entre eux qui échouaient, qui redoublaient etc. et qui d'une certaine manière encombraient un peu les bancs de l'université en traînant...

Jean de Boishue : Aucun étudiant n'encombre les bancs de l'université, vous ne pouvez pas dire ça.

Lise Joly : On voit aujourd'hui qu'il y a quand même un afflux d'étudiants dans les seconds cycles, donc il doit y avoir quelque part une réussite de ces étudiants. Est-ce qu'on a des instruments pour mesurer la réussite des jeunes qui entrent à l'université, est-ce qu'on réfléchit à nouveau à ce problème des premiers cycles ?

Jean de Boishue : Le problème des premiers cycles est un sujet auquel je suis très attaché car je suis convaincu que c'est là où se passe la déchirure sociale pour employer un terme qu'on emploie beaucoup.

Lise Joly : On dit fracture.

Jean de Boishue : On dit fracture si vous voulez mais je pense que nous nous vivons une intense démocratisation de notre système d'enseignement supérieur. Lorsque j'étais étudiant, il y avait 500 000 étudiants, il y en a maintenant 2 millions, et que cette progression s'est faite très rapidement. Et que nous avons appelé cette progression d'un mot horrible qui s'appelle massification. Notre objectif, votre objectif, je le dis aux auditeurs, c'est de passer d'un stade de massification au stade de démocratisation. Autrement dit, nous n'avons pas maîtrisé la démocratisation. Il faut le faire aujourd'hui. Aujourd'hui, dans les premiers cycles, des efforts sont faits, considérables pour mieux accueillir les étudiants. Pour leur faciliter le travail, la qualité de vie et notre réflexion, notre concertation sur le statut de l'étudiant sera très largement concernée par cette question. Donc, aujourd'hui, le premier cycle est un cycle initial où les étudiants doivent se sentir à l'aise, trouver des raisons d'y rester et de réussir. C'est bon pour l'enseignement, c'est bon pour l'étudiant et c'est peut-être aussi une politique d'aménagement du territoire.

Un auditeur : Bonsoir, je vous téléphone en tant que parent d'une future étudiante. De nombreux problèmes se sont posés cette année au sujet de l'admission des étudiants dans les facs du sport et de l'éducation physique. L'accroissement très important des inscriptions, les modalités d'entrée qui diffèrent selon les régions et qui changent même au dernier moment juste avant la rentrée d'octobre posent le problème de l'entrée dans ces tacs déjà surchargées et qui manquent déjà de moyens d'encadrement et de matériel. Que pensez-vous faire pour améliorer cette situation très anarchique ?

Jean de Boishue : Je souhaite d'abord de tout cœur que votre fille puisse trouver la filière qui lui convient et si je comprends bien, elle veut faire elle veut être professeur d'éducation physique et sportive. C'est vrai que cette année nous avons eu un très large afflux de nouveaux bacheliers dans les filaires dites Staps. C'est un des points chauds de fa rentrée. Il y a un autre point chaud, c'est l'enseignement artistique et la sociologie et un peu la médecine. Donc, nous avons été confrontés et quand je dis nous, c'est surtout les étudiants car c'est à eux que je pense, à des files d'attente interminables, à des conditions de recrutement plus ou moins officielles qui a été parfois choquant, et je pense notamment à Grenoble.

Lise Joly : Vous voulez parler de tirages au sort ou de choses comme ça qui se sont produites ?

Jean de Boishue : Je ne veux citer aucun cas particulier ni aucune forme particulière parce que dans cette affaire, et le processus continue, chacun a essayé de faire au mieux. Et je peux dire ce soir que ces candidats là pour la plupart ont été réorientés ou ont trouvé une place. Et dans le cas du collectif budgétaire, nous avons mis beaucoup d'argent pour essayer d'aider à la résorption de ces candidatures qui étaient parfaitement justifiées. Je voudrais juste dire qu'il y a des solutions. C'est vrai que c'est la deuxième année que nous sommes surpris. Donc il ne faut pas trop nous faire de compliments non plus. Mais je voudrais dire que, nous, nous avons, et François Bayrou l'a décidé ainsi, mené une concertation avec le ministère de la jeunesse et des sports. Autrement dit, les moyens et les hommes quand il s'agit de sport, ils sont au ministère des sports et à l'éducation nationale. Et c'est bien normal, puisque le métier qui est appris dans les Staps, ne sert pas seulement au sport mais à toutes les professions du sport. Donc c'est sur cette logique là que nous partons cette année et j'espère que la candidate, votre fille Monsieur, l'année prochaine, pourra trouver une place qui lui convient. En tout cas, je veux rassurer tous les étudiants candidats en Staps que nous faisons le maximum pour résorber effectivement ce qui a été un afflux important cette année.

Lise Joly : On voit, puisque vous venez de dire qu'on a dû trouver des places supplémentaires, ouvrir des mètres carrés supplémentaires, on voit que le plan université ne suffit pas à absorber l'augmentation du nombre d'étudiants. Vous dites que vous avez été surpris par l'afflux massif d'étudiants, pour confirmer ce que vous avez dit d'ailleurs, cité des chiffres de la direction départementale de l'évaluation et de la prospective, on dit qu'en 20 ans, les étudiants ont augmenté de 83 % environ, et que la dépense moyenne par étudiant n'a augmenté que 10 % à peine. Alors est-ce que ce n'est pas une question d'argent tout simplement et de moyens financiers mis à la disposition de l'université ?

Jean de Boishue : J'ai dit tout à l'heure que la France était parmi les pays européens, celui qui semble-t-il dépense le moins pour l'enseignement supérieur. Mais c'est un choix de société. Autrement dit, il faut savoir que nous avons, entre la société et l'université il y a effectivement des relations qu'il faut sans cesse améliorer. Des efforts considérables ont été faits depuis des années et le plan université 2000, je le dis d'autant plus volontiers que je n'en étais pas l'initiateur et son initiateur n'appartient pas à mon bord politique, était une très bonne mesure. Je prends l'année 95 par exemple, cette année on a fait 400 000 mètres carrés de surface d'étude. C'est énorme. L'avenir ? Il se situe dans une nouvelle réflexion, sans doute avec les collectivités locales, je ne voudrais pas qu'on oublie que les collectivités locales concourent très largement maintenant à la vie des universités et qu'il faut trouver une règle du jeu pour que les collectivités locales aient leur place dans une nouvelle réflexion sur la responsabilité et nous pensons que les schémas que sont en train de se mettre en place, des schémas régionaux universitaires qui sont discutés entre les responsables locaux et les présidents d'université, sont, pour nous, un fil conducteur pour les financements à venir. Donc, je pense que nous avons des solutions de substitution à université 2000 et nous sommes en train de l'élaborer puisque maintenant, c'est une affaire de semaines.

Un auditeur : Je suis étudiant en fac de sciences à Rouen et j'aimerais savoir si le secrétaire d'État a un projet pour normaliser les études au niveau européen, à avoir si un diplôme français pourra avoir son équivalent dans les autres pays ? En effet, je m'occupe d'étudiants ERASMUS et il y a souvent des problèmes avec des équivalences entre pays.

Jean de Boishue : Je vais vous répondre, Monsieur. Harmoniser les programmes pour l'instant, c'est compliqué. Ce que nous essayons dans un premier temps, c'est de multiplier le plus possible les échanges et si vous vous occupez du programme ERASMUS, vous savez que 36 000 étudiants français ont déjà profité de ce formidable système de circulation et d'échanges au sein de l'Europe. Il y a un certain nombre d'autres projets qui visent effectivement à une reconnaissance d'unités de valeurs ou de diplômes, je ne sais pas comment dire, entre les universités européennes. Je pense au système ECTS ou bien au projet COMETE, eh bien ce sont des projets qui sont en train de s'élaborer. Mais je crois, monsieur, vous êtes étudiant...vous êtes étudiant en quoi ?

L'auditeur : En physique à l'université de Rouen.

Jean de Boishue : Je voudrais vous dire que les accords entre universités sont une des solutions à la reconnaissance mutuelle des diplômes. Il y a des échanges entre les universités qui sont de plus en plus forts et je ne crois pas que ce, soit le rôle de l'État de réguler ces relations entre les universités. Donc, prenez des initiatives et bonne rentrée, je vous la souhaite.

Un auditeur : Bonsoir, je suis Claude Lescaille, secrétaire général du SNESU le principal syndicat d'universitaires. Bonsoir Monsieur le ministre. Vous avez parlé d'orientation à l'instant et nous partageons vos préoccupations mais vous n'êtes pas sans savoir que les courbes de taux d'échec à l'université suivent, fonctionnent en raison à peu près inverse de l'évolution du taux de l'encadrement et il est clair que, on le voit par exemple après la réforme de 1984, lorsqu'un effort est fait pour encadrer les étudiants, c'est-à-dire pour mettre un peu plus d'enseignants, eh bien Je taux d'échec est réduit considérablement. Alors voilà, depuis deux ou trois ans, les budgets régressent à toute allure, les créations d'emplois d'enseignants diminuent de façon très très importantes, le projet de budget 96 prévoit 450 enseignants chercheurs, j'insiste sur enseignants chercheurs parce que ·l'enseignement supérieur est un enseignement qui doit être intimement lié à la recherche et on a dit tout à l'heure, il y a 2,2 millions d'étudiants, donc fa croissance des effectifs continue, il y a une forte poussée en deuxième et troisième cycle cette année, on va avoir 7 à 8 % d'augmentation d'étudiants. Alors il est évident que nous sommes tout à fait d'accord avec Monsieur de Boishue pour dire qu'on est placé devant un choix de société. Et ma question elfe est tout simplement celle­-ci : est-ce que vous allez faire le choix de société de répondre aux exigences de notre époque, à l'aube de l'an 2000 de donner aux jeunes la formation ce haut niveau ...

Alain Bedouet : Je me permets de vous couper la parole mais vous voulez parler des créations de postes au niveau des enseignants, parce qu'il est vraiment 56, alors si vous voulez une réponse, il faut abréger un petit peu.

L'auditeur : Oui, j'abrège, mais ma question elle est simple : les créations, il y a 7 à 8 % d'augmentation d'étudiants cette année à peu près, il y a à peine 1 % d'augmentation des créations de postes au budget, est-ce que lors du débat budgétaire qui va venir le mois prochain, vous êtes décidé justement à faire le choix de société ?

Jean de Boishue : Eh bien monsieur, j'ai fait le choix de société car je crois que le budget répond d'abord et avant tout à un choix de société .et je constate avec satisfaction que le budget que nous avons à l'enseignement supérieur est sans doute l'un des meilleurs budgets de l'État pour l'année 96. Et je crois que lorsqu'un État déclare que l'enseignement supérieur est l'une de ses priorités, ça été le combat de François Bayrou, eh bien on veut légitimement satisfaire, même si ça et là on ·ne répond pas aux problèmes ponctuels. Mais nous avons fait le choix du meneur budget possible dans un État qui fait un effort de: redressement financier. Et puis, je voudrais vous rappeler quand: même que pour 95 il y a eu 2 000 postes de créés ce qui est beaucoup, et cette année, nous créons 1 700 postes et je crois que nous sommes le ministère le plus créateur d'emplois. Qu'on puisse faire mieux, je n'en doute pas mais moi je suis chargé de défendre les sujets avec réalisme. C'est le choix qu'a fait François Bayrou cette année également et mon budget prouve que malgré toutes les difficultés que nous connaissons, eh bien l'enseignement supérieur reste pour nous une absolue priorité.

Lise Joly : On voit que même si la rentrée se passe disons, il...

Jean de Boishue : Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?

Lise Joly : Il y a encore dans le domaine de l'université française un certain nombre de problèmes qui se posent ou de questions qui se posent, on a parié des POS, du statut étudiant, on a parlé de mètres carrés supplémentaires nécessaires de l'orientation, des premiers cycles. Quelles seront vos priorités cette année Jean de Boishue ?

Jean De Boishue : La rentrée se passe, c'est vrai mais je voudrai dire que tout le monde l'a préparé. C'est important la rentrée, ce n'est pas quelque chose qui se fait tout seul. Depuis des mois, je tiens à vous dire que les universités sont autonomes, je tiens à redire que les universités ont très largement contribué à la réussite de cette rentrée. C'est extrêmement important. Mes priorités, ce sera incontestablement le statut étudiant, c'est un objectif à court terme que je crois essentiel pour toutes les questions qu'on vient d'évoquer. Je veux dire le premier cycle, enfin, tout ça est très solidaire des problèmes que nous aurons à évoquer avec les étudiants. C'est la première chose. Et puis, j'ai un autre objectif à plus long terme que Je commence à labourer, c'est l'autonomie des universités.

Lise Joly : Cela veut dire revenir sur la loi Savary ?

Jean de Boishue : Je ne veux revenir sur rien du tout, je dis que l'autonomie est un excellent objectif et qu'il faut donner aux universités toutes leurs chances en matière d'autonomie, c'est-à-dire leur donner ta possibilité de faire de la recherche, de passer des contrats et d'avoir avec l'État des relations contractuelles. Tout le monde y sera gagnant et quand j'ai parlé de participation dans les universités, par les étudiants, j'ai parlé aussi de cette forme accomplie que j'espère aux universités françaises, de l'autonomie.

Alain Bedouet : Ce sera le mot de la fin, merci Jean de Boishue.


Le Journal du Dimanche : 29 octobre 1995

Journal du Dimanche : Pourquoi n'avez-vous pas reçu les étudiants de Rouen plus tôt ?

Jean de Boishue : J'ai toujours été prêt à les recevoir. Mais un certain nombre de missions étaient déjà sur place. Le recteur, le président de l'université, tout le monde a œuvré. Donc ma contribution personnelle est venue à son heure. L'élément nouveau a été que le conseil d'administration n'a pas voté la décision budgétaire modificative. Un nouveau conseil d'administration est convoqué le 2 novembre.

Journal du Dimanche :  : En quoi cette crise est-elle, selon vous, représentative du monde universitaire ?

Jean de Boishue : Elle est représentative d'une université en croissance qui se trouve dans un secteur où manifestement les besoins sociaux sont forts. Elle est représentative également d'une politique contractuelle qui n'est pas assez développée et qui laisse aux étudiants la dotation théorique pour seule référence. Nous devons donc, comme le souhaitent étudiants et enseignants, développer le système contractuel et regarder avec les universités leurs réalités. Troisième facteur exceptionnel et attaché à Rouen : Rouen est en déficit chronique.

Journal du Dimanche :  : Qu'avez-vous proposé à la délégation ?

Jean de Boishue : Elle m'a bien expliqué la spécificité de Rouen mais elle est venue avec l'idée de repartir avec un engagement de douze millions de francs. Or je leur ai proposé mieux : résorber le déficit de l'université de Rouen pour l'année 1995 ce qui doit faciliter la rentrée. Et ainsi l'université de Rouen repartira-t-elle sur des bases saines. Par ailleurs, les universités étant régies par les plans quadriennaux, les étudiants de Rouen seront associés à cette discussion qui doit débuter d'ici quelques jours pour qu'ils y voient clair en matière de progression de dotation et de personnel à plus long terme. Engin une nomination à laquelle a procédé François Bayrou, celle d'un médiateur qui fera l'interface entre les différentes parties. Il sera à Rouen dès demain et à toutes les compétences et autorités pour résoudre le problème de la rentrée. L'objectif n'est pas de noyer le poisson mais d'agir rapidement.


Le Monde de l'éducation : novembre 1995

Le Monde : La rentrée universitaire, qui est désormais terminée, a été émaillée par divers incidents, notamment dans la filière de sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) et dans certaines universités (Rouen, par exemple). Considérez-vous cependant avoir effectué une « bonne » rentrée ?

Jean de Boishue : Nous escomptions avoir moins d'étudiants, mais le bac a été bon. Tant mieux ! Mais je crois que nous avons su répartir de façon judicieuse les nouveaux effectifs. De plus, nous avons eu un bon collectif budgétaire (30 millions de francs) qui nous a permis un pilotage fin de la rentrée, avec comme priorité les universités nouvelles et les secteurs engorgés.

Les Staps ont en effet attiré de nombreux arrivants à l'université, mais les recteurs et les présidents ont su d'une part réorienter un certain nombre d'étudiants, d'autre part trouver des sites supplémentaires. Il y aura, pour cette rentrée, 32 UFR de STAPS. Nous avons donc réussi un pilotage au plus près qui a permis de régler les difficultés. Quant au cas de l'université de Rouen auquel vous faites allusion, il faut savoir que cet établissement dispose de 190 jours de fonctionnement en réserve, et a reçu 1,3 millions de francs au titre du collectif, ainsi que des moyens supplémentaires en personnel. Elle pouvait donc réaliser la rentrée tout à fait correctement. Plus généralement, les problèmes posés par la rentrée obligent à réfléchir à l'orientation des étudiants, corollaire évident de l'absence de sélection à l'entrée dans l'université.

Le Monde : La question de la réforme des premiers cycles universitaires est posée depuis longtemps. Elle fait partie des tâches assignées à la commission Fauroux qui devra y réfléchir. Avez-vous, de votre côté, des pistes pour la résoudre ?

Jean de Boishue : La réflexion sur la réforme des premiers cycles entre en effet dans les attributions de la commission Fauroux et j'écouterai avec attention ce qu'elle me proposera. La démocratisation de l'université passe par une amélioration des premiers cycles, qui ne vont pas bien du tout. Les étudiants sont trop souvent désorientés, l'échec est trop important. Il faut donc absolument s'occuper de ce dossier. Ainsi, le statut étudiant, dont nous avons commencé à discuter avec les intéressés, devra en tenir compte. Par ailleurs, le principe selon lequel le premier cycle doit fournir des formations déjà qualifiantes fait son chemin. L'objectif est très compliqué, dans la mesure où, fondamentalement, la première tâche de l'université est d'offrir du savoir et non pas servir l'économie. Mais cette problématique doit être au cœur des préoccupations de ceux qui veulent établir les liens entre l'université et la société.

Le Monde : Les premiers cycles constituent aussi un élément d'aménagement du territoire. Où en sont les schémas régionaux de développement universitaire ?

Jean de Boishue : Les premiers cycles sont-ils un outils d'aménagement du territoire ? Je me demande surtout si les collectivités locales n'ont pas intérêt à prêter particulièrement attention à ceux qui sont nés sur place et qu'elles veulent « garder au pays ». Des expériences intéressantes de premiers cycles délocalisés existent d'ailleurs (comme à Épinal). Mais ces sites délocalisés ne doivent l'être qu'avec l'accord des universités. Il n'est pas question de régionaliser les premiers cycles, ni de les « secondariser », ni d'en faire le prolongement des lycées. L'excellence pour tous, qui est l'objectif de notre enseignement supérieur, doit être cultivée dès les premières années universitaires : voilà l'objectif.

Pour ce qui est des schémas régionaux, je constate qu'ils s'élaborent plutôt bien et que les universités y participent. Le plan Université 2000 s'achève et il faudra bien une nouvelle logique pour les politiques contractuelles. Les schémas ont le mérite de garantir un cadre dans la durée – cinq ans –, ce qui est très important.

Le Monde : L'effort d'aménagement du territoire passe-t-il par le développement d'universités thématiques ?

Jean de Boishue : La délégation à l'aménagement du territoire a réfléchi à la façon dont les universités peuvent constituer des outils pour le développement du territoire. Elle a élaboré plusieurs hypothèses : faut-il une université pour chaque ville moyenne ? Faut-il des universités organisées autour d'un thème ? Pour l'instant, la définition de l'université thématique n'est pas très précise. Elle oscille entre l'idée d'une université de très haut niveau et celle d'instituts conçus en fonction de la demande scientifique industrielle ou généraliste locale. S l'idée peut être bonne, encore faut-il que les thèmes retenus le soient aussi. La loi nous oblige à faire deux universités thématiques. Nous sommes sur ce dossier.

Le Monde : Le statut des universités nouvelles, dérogatoire à la loi Savary de 1984, arrive à échéance le 30 juin 1996. Que comptez-vous faire ?

Jean de Boishue : C'est un sujet important pour lequel rien n'a encore été décidé. J'ai demandé aux présidents d'université de me faire des propositions, et j'étudierai avec eux, avec la plus grande attention, a question du statut des universités.

Le Monde : Des syndicats étudiants réclament la réquisition de la « fac Pasqua » et l'on sait que vous-même êtes en discussion avec la direction de cet établissement. Que pensez-vous faire ?

Jean de Boishue : je ne connais qu'un intérêt, celui de l'université Paris-X. Si l'université de droit privé Léonard de Vinci me propose des services pour Paris-X, je dirai « oui ». Si des gens de Paris-X veulent discuter d'un certain nombre de projets, je répondrai « oui ». Des échanges de vues, comme vous dites, sont bien en cours, il est prématuré d'en parler. Ma doctrine est simple, l'argent public doit être attribué aux universités publiques. Et l'argent du conseil général des Hauts-de-Seine est de l'argent public.

Le Monde : Votre dossier le plus important cette année, celui qui constitue la priorité de l'action gouvernementale en matière d'enseignement supérieur, est le statut de l'étudiant. Après avoir pensé annoncer un premier train de mesures, vous avez préféré organiser une grande négociation avec les étudiants.

Jean de Boishue : L'aide sociale aux étudiants est actuellement de 16 milliards. Il est donc normal d'engager une discussion afin de savoir comment perfectionner sa distribution, comment mieux gérer ce qui existe. Plutôt que d'annoncer ex cathedra des mesures, sans recueillir l'avis des étudiants, ce qui me paraît curieux lorsque l'on veut négocier, François Bayrou et moi avons donc préféré ouvrir un débat, le plus large possible.

Je ne crois pas me tromper en disant que cette formule est celle qui a la préférence des organisations étudiants.

Le Monde : Comment allez-vous faire ?

Jean de Boishue : Nous envisageons bien sûr de discuter avec les organisations étudiantes (syndicats et mutuelles) mais aussi, de façon plus directe avec l'ensemble des intéressés, afin de parvenir à un éventail d'idées le plus large possible. Le but est de parvenir à un maillage un peu analogue à celui qui a présidé à la mise au point du nouveau contrat pour l'école par François Bayrou.

Le Monde : L'annonce de la suspension de l'année Joker (permettant le maintien des bourses aux doublants), la réduction du montant de l'allocation de logement à caractère social (ALS) pour les étudiants cohabitants, le dépôt d'un amendement de la commission des finances de l'Assemblée nationale proposant de supprimer la demi-part fiscale pour les familles dont l'enfant perçoit l'ALS (amendement Auberger) ne sont-ils pas autant de mesures malvenues, alors que cette négociation débute ?

Jean de Boishue : Ne mêlons pas tout. Rien ne nous dit que l'année Joker n'est pas un élément du statut étudiant. Concernant cette année Joker, en 1995 nous avions buté sur un problème budgétaire. La réduction du montant de l'ALS pour les étudiants cohabitants est une mesure ancienne, datant de 1994, insuffisamment a heureusement retiré « l'amendement Auberger ». La sagesse l'a emporté. Comme François Bayrou, j'ai combattu ce texte pour deux raisons : ce n'est en effet pas lorsque l'on discute du statut étudiant qu'il convient de prendre une telle mesure ; je crois, d'autre part, que les étudiants ont des positions tout à fait raisonnables concernant l'ALS. Pourquoi ne pas leur demander leur avis ?

Il est possible d'avancer sur la question de l'aide sociale. C'est probablement fondamental pour la démocratisation de l'enseignement supérieur. Les syndicats étudiants, la Conférence des présidents d'université, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche sont des partenaires qui ont pris la mesure des dossiers et des problèmes. Il y a aussi d'autres partenaires qui ont pris la mesure des dossiers et des problèmes. Il y a aussi d'autres partenaires. Nous voyagerons, nous écouterons. Cela ne s'est jamais fait en France à cette échelle pour l'enseignement supérieur.