Interview de M. Jean-Claude Gayssot, membre du secrétariat du comité national du PCF, dans "L'Humanité" du 9 novembre 1995, sur les enjeux des forums nationaux organisés à l'initiative du PCF et notamment la construction d'un Pacte unitaire pour le progrès avec d'autres forces de gauche.

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Média : L'Humanité

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L’Humanité : Un mois après le Comité national qui a lancé concrètement le Forum national, peut-on faire un premier bilan ?

Jean-Claude Gayssot : Il ne s’agit pas d’un « coup », d’une tâche ponctuelle. La démarche s’inscrit dans la durée parce qu’elle correspond à notre objectif politique : la construction du Pacte unitaire pour le progrès. Le Forum national en est en quelque sorte le moteur.

Ceci étant, le Comité national a lancé les choses. Jean-François Gau dans son rapport a traité toute une série de thèmes pour souligner le caractère très diversifié du champ ouvert aux initiatives politiques des communistes. Aujourd’hui plusieurs centaines sont en cours ou programmés.

L’Humanité : C’est donc bien parti ?

Jean-Claude Gayssot : Pour être juste, je dirai que c’est bien parti, mais que nous n’en sommes encore qu’au démarrage. Il reste une majorité d’organisations qui n’a pas encore projeté d’initiatives concrètes. La volonté de bien s’approprier la démarche et la richesse des travaux du Comité national conduit certaines directions à privilégier, pour l’instant, des réunions de travail. Cela traduit une envie de faire et de bien faire. Mais j’ajouterai que c’est aussi et surtout « en faisant » qu’on avancera.

L’Humanité : Tu es en train de dire : ne cherchez pas la perfection, allez-y ! et tant pis si ici où là tout n’est pas parfait ?

Jean-Claude Gayssot : Oui, c’est cela même. Les communistes et les responsables élus à tous les niveaux de direction ne partent pas de rien. Ils ont décidé et commencé à mettre en œuvre la politique et les renouvellements de leur congrès. Et le 28e congrès a donné un élan nouveau à leur démarche que la campagne de l’élection présidentielle menée avec Robert Hue a fait toucher du doigt.

Le progrès des « bonnes opinions » à l’égard du Parti communiste et ceux enregistrés par ses candidats lors des élections partielles confirment cette appréciation : dès lors qu’on prend une initiative, dès lors qu’on y va avec notre démarche et nos propositions, ça marché ! C’est en tout cas ce que montrent la plupart des expériences en cours.

L’Humanité : Après avoir dit publiquement qu’il choisissait l’austérité, qu’il se ralliait aux critères de Maastricht, Jacques Chirac vient en conséquence de décider un remaniement ministériel. Cela modifie-t-il notre manière de prendre le Forum ? Pour être plus précis, est-ce qu’avec « ce qui tombe et va tomber », l’heure n’est pas plutôt à la riposte qu’au débat ?

Jean-Claude Gayssot : L’heure est plus que jamais à la riposte et plus que jamais au débat. Pourquoi séparer et opposer ce qui est indissociable dans la vie ? Faire de la politique de bonne manière avec le Forum national, c’est à la fois créer sur chaque question préoccupante les conditions du rassemblement pour l’action et pour la confrontation d’idées.

La riposte est indispensable. Et elle a elle-même besoin, pour être plus puissante, plus efficace, d’être en permanence nourrie par le sentiment qu’on peut faire autrement, qu’une autre politique est possible.

Quand Jacques Chirac et Alain Juppé capitulent ouvertement devant les dogmes de l’argent-roi, de la monnaie unique, des marchés spéculatifs, ils alimentent l’idée qu’on ne peut pas faire autre chose. Lionel Jospin aussi quand il se réclame d’un « réalisme de gauche » et reproche surtout au président de la République le caractère « démagogique » de ses promesses.

Pour se résumer, si l’avenir se construit au présent, le présent se nourrit de l’opinion qu’on se fait de l’avenir. Donc pas d’opposition de l’avenir. Donc pas d’opposition artificielle entre riposte et débat mais bien voir que l’une et l’autre s’alimentent positivement.

L’Humanité : Le Forum, c’est à la fois l’action et la confrontation d’idées pour faire bouger mais il y a tant de choses à changer ?

Jean-Claude Gayssot : La deuxième partie du rapport de Jean-François Gau traite de graves problèmes qui préoccupent nos concitoyens. Elle nous permet d’être offensifs et de partir de ce qui correspond le mieux à chaque situation.

C’est en prenant dans la vie les questions, en choisissant d’aider, d’écouter ceux qui nous entourent afin d’élaborer ensemble des réponses progressistes que nous avancerons.

L’Humanité : Oui, mais avancer c’est aussi ne pas s’arrêter au milieu du gué ! Ne faut-il pas aller jusqu’à la question politique, y compris celle de l’union nouvelle et de la place de notre parti ?

Jean-Claude Gayssot : Évidemment ! Le Forum national est une initiative politique, prise par un parti politique – le nôtre – pour un débouché politique, le changement.

Déjà faire débattre de solutions neuves par rapport à la politique actuelle et à celle menée depuis plus de dix ans n’est-ce pas montrer qu’une autre politique est possible et qu’il ne faut pas recommencer celle qui a échoué ? Et puis rien n’interdit de traiter en elle-même, si je puis dire, la question des rapports de forces et du pourquoi notre peuple a un besoin impérieux de se doter d’une force politique communiste plus influente à son service.

En quelque sorte, sans attendre les futures échéances électorales, on peut faire progresser la conscience que des millions de citoyens ont pour eux-mêmes intérêt à ce que notre parti soit plus fort et plus influent. Tu le vois, nous ne nous situons ni dans la continuité ni dans un retour en arrière où d’aucuns voudraient enfermer le choix pour 1998.

L’Humanité : D’accord, mais d’autres forces sont également invitées lors de ces rencontres ?

Jean-Claude Gayssot : Bien entendu. Nous ne prétendons pas au rassemblement autour du seul Parti communiste. C’est d’ailleurs pourquoi, je le répète, nous avons choisi une stratégie pour que se construise dans l’action et le débat un Pacte unitaire entre les citoyens eux-mêmes, et, du même pas, entre les citoyens et les forces politiques de gauche, de progrès.

Cela implique la confrontation d’idées et que chacun y participe avec son identité, sa personnalité, sa vision. Nous aussi bien entendu. Penser Forum national, c’est penser confrontation de points de vue. Donc, là encore, pas d’hésitation à avoir.

L’Humanité : Tu utilises toujours l’expression : Forum national, est-ce que cette dimension nationale est aussi importante ?

Jean-Claude Gayssot : Je le crois tout à fait. Toutes les questions présentes posent plus largement des choix de société, de civilisation même. En prenant les problèmes tels que les citoyens se les posent, notre ambition n’est pas d’en rester là, mais de voir avec eux quelles transformations il faudrait pour les résoudre. C’est donc d’une nouvelle politique nationale et internationale de la France dont nous parlons en même temps.

Cette dimension nationale a aussi une autre vertu, celle de faire converger, d’associer toutes les rencontres où qu’elles se situent et quel que soit le thème mis en débat. De l’initiative prise dans un quartier, dans une entreprise, un département, par une cellule, par un ou des communistes à l’initiative nationale, toutes participent de la même volonté, toutes concourent et appuient la riposte et la construction d’une perspective neuve.

Le rôle de notre presse, de « l’Humanité », de « Regards »… est très important de ce point de vue aussi pour nourrir cette dimension.

L’Humanité : Pour terminer cette interview que peut-on dire aux militants ?

Jean-Claude Gayssot : « Allons-y ! » En examinant tout ce qui se fait déjà et les questions qui surgissent, nous constatons que beaucoup, vraiment beaucoup, vraiment beaucoup, dépend des organismes de directions. Pour être précis, le rôle des fédérations et des sections est essentiel. Essentiel pour décider des rencontres, pour aider celles qui sont prises par les cellules et par les communistes. Essentiel pour faire et pour faire savoir qu’il se passe des choses importantes dans la localité, dans le département, dans l’entreprise avec les communistes à l’initiative. Des communistes qui font de la démocratie le levier pour s’opposer à tous les mauvais coups de la droite et du capital et pour construire, dans un processus transformateur, un autre avenir qui place l’homme et son épanouissement au centre de tout.