Interview de M. Alain Richard, ministre de la défense, dans "Le Figaro" du 27 octobre 1998, sur la réorganisation de la Direction des Constructions navales.

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Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

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Q. : La direction des constructions navales souffre de sureffectif et de surdimensionnement industriel. Quel doit être le rythme des réductions d'effectifs ?

R. : La DCN doit poursuivre ses efforts de productivité et moderniser ses modes de fonctionnement et de gestion. J'ai donc demandé au directeur de la DCN, Rodolphe Greif, de préparer un plan d'entreprise. La méthode de modernisation que j'applique ne consiste pas à annoncer depuis Paris des chiffres de réduction d'effectifs. Le plan d'entreprise va organiser un processus de réforme et va s'appuyer sur une discussion responsable impliquant les cadres, les techniciens et l'ensemble des personnels. C'est à partir de ce projet industriel que nous mesurerons les conséquences éventuelles sur les effectifs.

Q. : Faut-il, à moyen terme, fermer des sites ?

R. : Il n'est pas nécessaire de fermer des sites pour assurer l'efficacité de la DCN. Je crois utile, en revanche, de conforter les établissements dans leur domaine d'excellence, en évitant les doublons et les concurrences stériles entre sites.

Q. : Incapable de passer des alliances du fait de son statut d'administration, la DCN risque d'être marginalisée en Europe. N'est-il pas temps de changer son statut ?

R. : Le Gouvernement a fait son choix : il adaptera la DCN à ses missions et au nouvel environnement mondial dans le cadre du statut actuel. Ce statut permet des évolutions à condition que la volonté d'adaptation existe. La DCN a déjà réussi à nouer des alliances, comme, par exemple, avec le chantier espagnol Bazan pour développer et commercialiser les sous-marins Scorpène ou encore avec le suédois Kockums pour les sous-marins classiques de nouvelle génération. Il faut aller plus loin. Il faudra faire évoluer DCN International, société publique associée à la DCN, afin d'avoir les moyens juridiques et financiers lui permettant de nouer des partenariats équilibrés et adaptés aux plus grands projets,

Q. : La DCN peut-elle continuer de perdre de l'argent sur des contrats civils de diversification (plates-formes offshore...) et à l'exportation ?

R. : J'ai comme priorité de doter la DCN d'une comptabilité analytique et d'outils de gestion fiables. On ne peut bien travailler qu'avec un tableau de bord exact. En outre M. Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons demandé à l'Inspection générale des finances et au Contrôle général des armées d'auditer les contrats dont le résultat apparaît incertain, pour qu'un bilan objectif soit établi. Il est vrai que quelques contrats dégagent des pertes ; il s'agit de contrats anciens. Et je ne crois pas que l'on puisse en tirer des conséquences à l'emporte-pièce pour les futurs contrats. Chaque fois que des dysfonctionnements ont été mis en évidence par des audits, j'ai donné des instructions pour que des mesures correctrices soient prises. Et je veux en tirer profit pour mieux encourager la DCN à l'export ; c'est sa vocation et c'est notre intérêt politique et économique.

Q. : Où en est le projet de construction d'un deuxième porte-avions ?

R. : La loi de programmation 1997-2002 ne prévoit pas la construction d'un deuxième porte-avions, cette question devra donc être étudiée lors des travaux préparatoires de la prochaine loi, sans doute en l'an 2000. Les récentes options britanniques en faveur de l'acquisition de porte-avions devraient nous inciter à considérer l'intérêt d'une coopération.


Réponse du ministre des affaires étrangères à une question de Mme Monique Collange, députée du Tarn (Assemblée nationale)

Processus de paix au Proche-Orient (accord de Wye Plantation du 23 octobre)

Q. : A Wye Plantation, vendredi dernier, la détermination du Président des Etats-Unis et l'engagement du roi de Jordanie ont réussi à débloquer le processus de paix au Proche-Orient. Le Premier ministre israélien et le Président de l'Autorité palestinienne ont signé un accord intérimaire. La France, les pays européens et bien d'autres, se sont réjouis de cette conclusion heureuse. Mais l'échéance des accords d'Oslo sera-t-elle respectée ? La paix a deux ans et demi de retard sur le calendrier qui engage Israël et l'Autorité palestinienne. L'accord du 23 octobre marque-t-il un point final pour la paix ou, au contraire, est-il l'occasion d'un rebondissement, conformément à ce qu'avaient signé Yitzhak Rabin et Yasser Arafat en 1993 ?

Ces derniers mois, la France a beaucoup travaillé avec l'Egypte et les membres de l'Union européenne pour préserver l'espoir de paix. Quel sens donne-t-elle à l'accord intérimaire du 23 octobre dernier ? Quelle suite envisage-t-elle de lui apporter pour restaurer un élan vers la paix ?

R. : Après plus d'un an et demi de blocage, après des mois d'efforts diplomatiques, l'accord de Wye Plantation relance le processus de paix. Les autorités françaises l'ont donc salué immédiatement comme une bonne nouvelle, en soulignant l'opiniâtreté du secrétaire d'Etat américain, l'engagement personnel du Président Clinton et du roi Hussein de Jordanie, malgré son état de santé, de même que – il faut bien le dire – le courage politique et le sens des responsabilités dont ont fait preuve MM. Yasser Arafat et Benyamin Nétanyahou. Je rappelle que l'accord s'est fait sur des propositions qui avaient été transmises il y a sept mois et que l'Autorité palestinienne avait immédiatement acceptées.

Naturellement, ce n'est pas encore la paix, puisque le redéploiement prévu par l'accord ne porte que sur 13 % du territoire, un pourcentage dont on ne connaît d'ailleurs pas le contenu exact. Malgré tout, cela relance la mécanique, cela relance le raisonnement qui a prévalu aux accords d'Oslo, que l'actuel gouvernement israélien contestait dans son principe même, puisqu'il s'agit quand même de paix en échange de sécurité, même si ce n'est pas tout à fait en échange de territoires – c'est une combinaison des deux.

Néanmoins, le chemin à parcourir est encore long puisqu'il faut maintenant s'attaquer à ce qu'on appelle le statut final, c'est-à-dire aux questions également très complexes de Jérusalem, des réfugiés et de la signification politique de l'Etat palestinien, que nous considérons non seulement comme inévitable mais comme étant la seule solution.

Au cours de l'étape à venir, la France sera naturellement toujours présente. Par ses propositions et ses contacts bilatéraux, elle accompagnera de toutes ses forces ce mouvement vers la paix. L'accord de Wye Plantation est une étape, heureuse certes, mais ce n'est qu'une étape.