Texte intégral
Vous avez dit Pacifique ?
Seuls les plus naïfs ou les plus cyniques refusaient d’y croire. La reprise des essais nucléaires à Mururoa allait provoquer une autre explosion, sociale cette fois, à Papeete.
L’explosion a eu lieu, d’une façon violente, à la mesure du découragement des militants convaincus d’avoir – de manifestations en marches, de lettres en pétitions – épuisé les moyens d’actions non violents, à la mesure, aussi, du malaise et de la frustration qui rongent tant de jeunes, confrontés à l’échec scolaire et au chômage, alors que les fonctionnaires aux gros salaires roulent en Safrane, et que les banques d’affaires prolifèrent.
Bien sûr, il s’est trouvé des gens, jusqu’au gouvernement, pour en rajouter, comme le ministre de la Défense, affirmant que « la France fait ce qu’elle veut sur le territoire national », ou comme le ministre de l’Outre-mer, jugeant que les émeutes de Papeete n’ont rien à voir avec les essais, niant ainsi l’offense faite aux Polynésiens par un Président arrogant qui, décidément, n’avait rien prévu. Ni la condamnation unanime des autres nations, ni l’impact local de sa décision.
La violence n’a rien réglé. Quelques lampistes des deux camps ont été sacrifiés, ou sont sur le point de l’être. Quant au pouvoir en place, il apparaît provisoirement comme le grand bénéficiaire du retour au calme. Calme précaire, provisoire, malsain, dans l’attente, hostile pour beaucoup, résignée pour d’autres, du deuxième essai.
A moins que Jacques Chirac ne renonce à cette injustifiable folie… Ce qui permettrait aux forces vives des îles de reprendre le travail engagé après l’annonce de la suspension des essais par François Mitterrand il y a trois ans, pour construire « un avenir sans nucléaire ». Car les Polynésiens en ont pris conscience, la contamination par l’argent du nucléaire est bien plus grave encore pour eux-mêmes et pour leurs enfants que le nucléaire lui-même… Education des enfants et des jeunes, formation des cadres, protection de l’environnement, expérimentation d’activités nouvelles (agriculture, artisanat, perliculture, pêche…), d’initiative artisanales et commerciales alternatives, la liste est longue des chantiers à ouvrir. Sans oublier la mise en place d’échanges actifs, économiques et culturels avec les voisins du Pacifique, permettant à la Polynésie de s’ancrer à sa vraie place. Restera aux Polynésiens à décider, par un référendum d’autodétermination, de la nature de leurs futures relations avec la France…