Texte intégral
Le Journal du Dimanche : Qu'est-ce qui ne vous plaît pas dans ce projet ?
Nicole Notat : Le gouvernement veut élargir le recours au référendum. Je ne suis pas contre s'il s'agit de mieux associer les Français aux décisions qui engagent leur avenir. Mais je suis inquiète de la formulation présentée au Parlement qui prévoit la possibilité d'organiser des référendums sur « les orientations générales de la politique économique et sociale de la nation ou sur les règles fondamentales sur l'organisation du fonctionnement des services publics ». Voilà une nouvelle définition, très vaste, très imprécise. Et nous n'avons aucune garantie sur ce que le gouvernement met sous cette formulation. Jusqu'alors le référendum était bien défini. On y avait recours sur des questions précises, sur des enjeux qui engageaient très profondément, et durablement, la nation. Alors, si le gouvernement écrit cela maintenant c'est qu'il a des arrière-pensées. Imagine-t-on résoudre les questions de l'avenir de la Sécurité sociale ou du service public par des questions auxquelles on répondrait par « oui » ou « non » ? Sur ces questions il y a des grandes réformes à faire. Mais je dis : attention, casse-cou! On ne peut pas régler ces problèmes sur des coups de dé. Et puis pourquoi le gouvernement a-t-il renoncé au contrôle préalable de la constitutionnalité des lois soumises aux Français ? La commission Vedel le souhaitait pourtant pour « éviter que, par le biais de consultations référendaires provoquées dans un moment de trouble ou de violente émotion peu propice à la réflexion, des données institutionnelles fondamentales ou des libertés ou droits fondamentaux ne soient mis en cause ».
Le Journal du Dimanche : Vous donnez le signal à tous ceux qui vont dire : d'accord pour des référendums s'ils ne nous concernent pas !
Nicole Notat : Non, au contraire. Le pire serait que cette imprécision empêche l'élargissement de la démocratie. Je ne critique pas le référendum, mais l'objet de cette extension. C'est une caricature que de prétendre que nous voulons défendre nos prérogatives. Je suis convaincue que nos organisations, mais aussi les partis politiques, doivent prendre en compte les nécessités d'une démocratie participative. Il faut être novateur dans ce domaine et, pour sa part, la CFDT y travaille. Je réfute le raccourci du débat qui voudrait que nos réactions soient la défense d'une citadelle assiégée. Mais la vraie démocratie nécessite une confrontation organisée et permanente des opinions, des avis et des intérêts collectifs construits et fondés sur une pratique et une expérience quotidiennes. C'est le rôle des corps intermédiaires, que ce soient les associations, les syndicats ou les partis. Et nous avons besoin qu'ils soient plus représentatifs. Le gouvernement ne peut faire fi de cette conception de la démocratie. Je ne dis pas : « non au référendum » par principe, je ne dis pas: « les corps intermédiaires ou rien », je dis : « réfléchissons à la démocratie participative ». Si le gouvernement recourt au référendum pour passer au-dessus des résistances qu'il dénonce, il fait la preuve de sa propre impuissance.
Le Journal du Dimanche : Alors vous êtes contre le référendum sur l'école ?
Nicole Notat : C'est la même chose. Que recouvre-t-il ? Si le gouvernement ou le président aboutissent à un projet de loi, au terme d'un processus de négociation, et qu'il s'agit de le faire ratifier par le peuple pourquoi pas ? Une validation supplémentaire, pourquoi pas ? Mais s'il s'agit d'imposer aux enseignants des réformes impossibles sans référendum, je ne donne pas bien cher de la suite quand il s'agira de les appliquer. Le référendum ne doit pas être un régulateur social au motif que la situation est difficile.