Interview de Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat à la francophonie et présidente du Conseil régional de La Réunion, à Europe 1 le 25 août 1995, sur sa carrière politique.

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Média : Europe 1

Texte intégral

C. Nay : D'où venez-vous ?

M. Sudre : Je crois qu'on ne me connaît pas parce que je ne suis rentré en politique qu'il y a deux ans. Je ne faisais absolument pas de politique auparavant et c'est vrai que mon parcours est tout ce qu'il y a de plus atypique parce que je ne connais pas d'exemple de quelqu'un qui soit entré en politique et qui ait été élu tout de suite président du conseil régional. D'où je viens ? Il faudrait remonter à bien loin. Il faudrait remonter à l'Indochine où je suis née, où j'ai vécu les premières années de ma vie jusqu'à l'âge de 8 ans. Ma mère était vietnamienne et mon père français. Ensuite je suis arrivée en France pour y vivre les 25 années suivantes où j'ai fait toutes mes études à Marseille. Je dois ajouter que je suis arrivée en France parlant très peu le français et je crois que c'est un point important …

C. Nay : Pour le rapport avec la francophonie ?

M. Sudre : Oui. Ensuite je me suis retrouvée, par hasard et par amour à la Réunion parce que je suivais l'homme qui est devenu ensuite mon mari.

C. Nay : Vous avez fait des études de médecine et vous avez choisi la discipline de l'anesthésie ?

M. Sudre : Oui, je suis anesthésiste réanimateur. C'était une idée que j'avais depuis fort longtemps pour une raison …

C. Nay : Vous avez été marquée par la douleur ?

M. Sudre : Oui, je déteste la douleur sous toutes ses formes …

C. Nay : Pour l'avoir subie vous-même ?

M. Sudre : J'ai été malade et assez gravement malade. Je ne me souviens pas d'avoir souffert énormément mais je me souviens d'avoir côtoyé la souffrance d'autres enfants, c'était en Indochine, c'était à Saïgon. Je trouvais insupportable cette douleur et personne n'est mieux placé qu'un anesthésiste pour lutter contre la douleur.

C. Nay : Vous avez vécu à la Réunion la grande aventure de Radio Free Dom des années 1981. Cette radio libre a changé quoi dans l'île de la Réunion ?

M. Sudre : Lorsque Radio Free Dom a commencé à émettre, le paysage audiovisuel réunionnais était plus que réduit. Il y avait RFO, une chaine de radio, une chaîne de télévision, l'ORTF. La radio commençait à 6 h du matin et se terminait à 10 heures du soir sur la Marseillaise. La télévision commençait à 5 h de l'après-midi et se terminait à 10 heures, 10 h 30 sur la Marseillaise point. Donc, l'aventure de Free Dom ça a été l'ouverture du paysage audiovisuel à la Réunion puisque maintenant il y a 5 chaînes de télévision et une trentaine de chaînes de radio privée.

C. Nay : Là ça avait fait un mini scandale ?

M. Sudre : C'était au moment des événements qui entourait la télévision. La radio s'est faite sans scandale. Pour la télévision, cela s'est fait de façon beaucoup plus difficile tant et si bien que les émetteurs de Télé Free Dom ont été saisis, il s'en est suivi ce mini mai 68 qui s'est passé au Chaudron. À la suite de cela, Télé Free Dom a disparu. C'est ce qui a décidé Camille, qui ne faisait pas de politique, à entrer en politique. Les régionales arrivant, le scrutin de liste pouvait permettre à des petits mouvements d'être présent. Il a mené une liste sans croire réellement qu'il allait avoir un impact tellement extraordinaire et il s'est retrouvé président du conseil régional.

C. Nay : Ce qui a été l'autre étonnement c'est que vous lui succédiez très peu de temps après parce que son élection a été invalidée ?

M. Sudre : Son élection a été invalidée pour cause de compte de campagne, parce qu'on lui a imputé des émissions qu'il animait et on lui a imputé comme publicité. Il était donc rendu inéligible pour un an. Je n'avais guère le choix, nous avions une liste très jeune de politiques, moi-même je n'avais aucune expérience politique mais les gens de Free Dom m'ont demandé de mener leur liste.

C. Nay : C'était en 1993 et vous avez été élue ?

M. Sudre : Au nouvel étonnement de tout le monde, j'ai été élue présidente du conseil régional.

C. Nay : Ça fait un choc, c'est une responsabilité ?

M. Sudre : C'est un changement, c'est certain. Ce sont des responsabilités énormes. Les responsabilités, on les a dans le métier de médecin, on a l'habitude de gérer les situations d'urgence. Mais il est certain que la gestion d'une grande collectivité m'était totalement inconnue. Je suis entrée dans les dossiers, j'ai lu beaucoup et pendant six mois, j'ai appris ce que c'était, Dieu merci j'avais d'excellents services autour de moi. Ils m'ont aidé parce qu'ils ont vu la volonté que j'avais de maîtriser tous ces dossiers, de les gérer.

C. Nay : Le fait extraordinaire c'est que vous vous trouviez ministre de J. CHIRAC pour lequel vous n'aviez pas appelé à voter ?

M. Sudre : Je n'ai pas fait campagne pour J. Chirac mais j'avais fait savoir qu'il était le candidat que je préférais.

C. Nay : Ça c'est passé comment votre nomination ?

M. Sudre : Ça été la surprise totale. On m'a approchée 5 jours avant la formation du gouvernement pour me demander si j'accepterais d'en faire partie si on me le proposait.

C. Nay : Pourquoi on dit oui ?

M. Sudre : Parce que c'est une chance énorme qui ne se présente pas deux fois dans une vie. 

C. Nay : Pour vous même ou pour la Réunion ?

M. Sudre : Pour la Réunion surtout. Vous savez, ça faisait des années que personne ne représentait la Réunion au sein du gouvernement. Depuis M. Debré mais qui était un élu de la Réunion, qui n'était pas réunionnais. Je me considère comme réunionnaise, je vis à la Réunion depuis 20 ans. C'était une chance que je n'avais pas le droit de laisser échapper.

C. Nay : Comment peut-on concilier sa vie de présidente du conseil régional de la Réunion et de ministre qui doit beaucoup voyager ?

M. Sudre : Je vais beaucoup voyager. Je vais aller au moins une fois par mois à la Réunion pour continuer de gérer les affaires de la Région mais avec les moyens modernes de communication, il y a des dossiers que l'on peut gérer de loin. Je vais être à Paris qui sera ma base mais de Paris, je partirai dans le monde entier et j'ai commencé déjà à le faire.