Interviews de M. Charles Millon, président du conseil régional de Rhône-Alpes membre de Démocratie libérale et fondateur du mouvement La Droite, dans "Midi Libre" le 7 novembre 1998 et "Minute" le 10, et charte de La Droite, sur les principes et valeurs défendues par La Droite, définie comme "mouvement national d'action politique".

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Circonstance : Congrès constitutif de La Droite à Paris les 7 et 8 novembre 1998

Média : Le Midi Libre - Midi libre - Minute La France

Texte intégral

Midi Libre : Samedi 7 novembre 1998

Midi Libre
– Cette appellation, « La Droite », c’est provocateur ou opportuniste ?

Charles Millon
– C’est tout simple. Il y a une gauche, il y a une droite. La gauche ose s’appeler la gauche, et elle a raison. C’est en se nommant qu’on existe. Eh bien, je dis à la droite, au lieu de vous appeler tout le temps « opposition » ou « majorité », dites qui vous êtes.

Midi Libre
– Ce qui signifie ?

Charles Millon
– Qui vous êtes, non pas par rapport aux autres, mais par rapport aux problèmes des Français. Même si la gauche n’existait pas, nous avons des échelles de valeur, des références que je rappelle dans notre charte. Nous sommes personnalistes, pour des libertés enracinées dans la responsabilité, pour le respect des corps intermédiaires. Nous ne sommes pas pour un État qui gère, administre, dirige, mais qui crée les conditions favorables aux initiatives.

Midi Libre
– Toute une partie de la gauche actuelle ne se retrouverait-elle pas dans ce genre de propositions ?

Charles Millon
– Pas du tout. Un exemple : pour la gauche, une politique culturelle, c’est défini par les collectivités publiques. Pour nous, c’est créer les conditions favorables pour que les expressions culturelles soient portées par les citoyens, comme avec le Chèque Culture en Rhône-Alpes.

Midi Libre
– N’avez-vous quand même pas l’impression que nombre de clivages entre gauche et droite se sont atténués ou déplacés ?

Charles Millon
– Ce qui me frappe dans les grandes démocraties européennes, c’est qu’il y a un vrai choix, un vrai débat. Et qu’en France, durant des années, la droite n’a pas voulu ou pu s’affirmer comme elle le doit. L’effet pervers c’est une montée de l’extrême droite qui a repris ses valeurs en les dénaturant très souvent, et une montée de l’abstention.

Midi Libre
– Deux éléments ont contribué à cette confusion à droite. Le gaullisme et la volonté de gouverner au centre. Lequel vous semble déterminant ?

Charles Millon
– Attention. Gouverner et conquérir le pouvoir sont deux choses différentes. Qu’on soit de droite ou de gauche, quand on arrive aux affaires, on est obligé de se placer au centre. Pour suivre ses engagements et respecter l’opposition. Mais la conquête, elle, se fait par un débat sur les projets de société. Il faut qu’il soit net. Et à l’extrême, je dirai qu’il faut forcer le trait. Sinon, il n’y a pas de choix possible.

Midi Libre
– Vous ne croyez pas que votre projet d’un grand parti de droite signerait l’élimination du gaullisme ?

Charles Millon
– Le gaullisme, ce n’est pas une doctrine, c’est un pragmatisme. Et même si ça déplaît, il est devenu un parti de droite. Le gaullisme est entré dans l’histoire, ce n’est plus une référence politique contemporaine ou alors partagée par tous.

Midi Libre
– On vous reproche de remettre au goût du jour les vieilles valeurs de la droite ringarde, vichyssoise. Etc. Est-ce que vous assumez ?

Charles Millon
– C’est la technique utilisée depuis 1945 pour empêcher la droite de se développer. On parle famille, on dit : « Quoi ! » Vichy. Pareil pour les corps intermédiaires, pareil pour une stricte politique budgétaire. Sauf si on est de gauche. Quand c’est la gauche qui parle, elle réhabilite les mots. La droite a une bataille sémantique à livrer. Il faut être fier de ses valeurs, sinon, mieux vaut les abandonner.

Midi Libre
– La droite n’est ni conservatrice ni réactionnaire ?

Charles Millon
– Pour moi la droite est surtout porteuse de modernité. Dans un monde de réseaux, d’émulation et d’autonomie, ce sont les valeurs de la droite qui portent les réponses.

Midi Libre
– Comment voyez-vous se résoudre la question de la montée de l’extrême-droite ?

Charles Millon
– Je suis pour l’émergence d’une formation politique enracinée dans le peuple. La droite depuis des années ne raisonne qu’en accords d’états-majors, en protocoles d’appareils. L’URC, l’UPF, maintenant l’Alliance. Tout cela est voué à l’échec. Il faut savoir affirmer nos valeurs. Que la droite soit la droite et à partir de là les extrêmes baisseront. »

Minute : 10 novembre 1998

Minute
Quelles raisons vous ont conduit à lancer La Droite ?

Charles Millon
C’est simplement un constat. Un constat de voir une droite qui commençait à s’évanouir et à laisser le champ libre à un combat singulier entre une gauche arrogante et une extrême droite conquérante. Je pense que c’est une confrontation insupportable et il me paraît nécessaire, dans une grande démocratie, d’avoir une alternance entre la gauche et la droite.

Minute
– Les états-majors parisiens du RPR et de l’UDF ont un moment cru qu’il s’agissait d’un coup de bluff. Or cette manifestation confirme votre volonté de dynamiser La Droite : avez-vous l’intention de présenter des candidats à toutes les élections ?

Charles Millon
– Non, puisque le mouvement national d’action politique La Droite n’est pas un parti et qu’il n’a donc pas vocation à présenter des candidats. Il a trois vocations : la première est de modifier le comportement politique, la seconde est d’affirmer une pensée de droite, et la troisième est de faire émerger un grand rassemblement populaire de la droite unie. Nous allons conjuguer tous nos efforts pour que puisse enfin émerger un grand rassemblement populaire de la droite unie qui permettra à la droite de surmonter ses divisions, de retrouver ses convictions et ainsi de retrouver le chemin de la victoire.

Minute
– Ceux qui vous soutiennent pensent que vous avez conclu une sorte d’accord avec le Front national, alors que vous affirmez que ce n’est pas le cas. N’y a-t-il pas un décalage avec vos sympathisants ?

Charles Millon
– Je suis contre le régime des partis, donc je suis contre tous les accords avec des formations. Je suis pour que le peuple de droite puisse reprendre la parole ! Ici, c’est un mouvement qui va donner la parole au peuple de droite afin qu’on l’écoute, qu’on réponde à ses aspirations et qu’on mette en place une structure qui puisse porter et les convictions et les projets.

La Charte de La Droite

Nous citoyens, constitués en mouvement national d’action politique La Droite, avons décidé d’affirmer dans la déclaration fondamentale qui suit, les valeurs du personnalisme, du libéralisme et de la démocratie à partir desquelles nous souhaitons que se construise le rassemblement populaire de la droite unie ; que la vie démocratique de notre pays soit rythmée par une alternance acceptée entre deux grands courants de droite et de gauche ; que les élus du peuple adoptent un nouveau comportement politique fait d’honnêteté, de bienveillance, de modestie et de courage ; qu’émerge une démocratie de la confiance qui rejette l’anathème et l’exclusion pour privilégier un combat politique loyal et courtois, et qui garantisse un meilleur équilibre des pouvoirs et la fin des conflits d’intérêts porteurs de corruption.

Ceux qui ne se reconnaissent pas dans cette déclaration ne pourront trouver leur place dans le mouvement ou s’en excluront. Ceux qui entrent dans le mouvement s’engagent à respecter par leurs actes et leurs paroles les valeurs exposées.

I. Nous affirmons que chaque personne est égale en dignité, quelles que soient sa race, sa religion, ses convictions, sa place dans la société, son sexe ou son âge.

II. Nous affirmons que la Nation rassemble des personnes liées entre elles dans le temps par une communauté de destin et d’appartenance, détentrices à ce titre de droits et de devoirs, et qui exercent leur liberté en assumant des responsabilités dans le souci du bien commun, à la différence des individus mus par l’indépendance, les intérêts particuliers et le souci de soi.

III. Nous affirmons que l’autonomie physique, morale et matérielle de la personne est une condition fondamentale de sa dignité. Toute personne doit pouvoir vivre des fruits de son travail et assurer la subsistance de sa famille. Le rôle de l’État n’est pas d’assujettir les personnes en difficulté mais de les aider à recouvrer leur autonomie en ne leur portant assistance que lorsque la solidarité au sein de la communauté est insuffisante.

IV. Nous affirmons que toute personne, quelle que soit son appartenance, doit respecter les lois de la République. La loi n’a pas à légitimer des droits particuliers ni à donner satisfaction à des besoins individuels ou corporatistes. Expression de la volonté générale, elle doit au contraire favoriser un équilibre de vie en communauté en posant certaines contraintes à nos libertés et en protégeant les personnes les plus faibles.

V. Nous affirmons que nul ne peut être mis en accusation, jugé et condamné, de quelque façon que ce soit, s’il n’a pas commis un acte interdit par la loi. Toute mise en cause personnelle ou déclaration ne respectant pas le secret de l’instruction et la présomption d’innocence, quelles qu’en soient la raison et la forme, est contraire aux droits de la personne.

VI. Nous affirmons que la garantie de la liberté exige autant d’initiative que possible et autant d’État que nécessaire, toute personne doit être libre d’entreprendre ou de passer contrat. La mission de l’État n’est pas de se substituer à l’initiative privée mais de garantir l’égalité des chances et de créer les conditions favorables à la création de richesses et à l’épanouissement de la personne.

VII. Nous affirmions que la sûreté est la première garantie des libertés et la condition essentielle à l’épanouissement de la personne. Le devoir de l’État est d’assurer sur tout le territoire, sans exception, la sécurité physique des personnes, ainsi que la protection et la conservation de leurs droits et de leur patrimoine.

VIII. Nous affirmons que l’impôt destiné à financer la dépense publique doit être également réparti entre toutes les personnes en fonction de leur capacité contributive. Toute personne doit pouvoir vérifier, par elle-même, le bon usage des deniers publics et s’assurer que la contribution et la dépense publiques ne font pas obstacle aux initiatives créatrices de richesse et à la propriété.

IX. Nous affirmons que la propriété est un droit essentiel pour garantir l’autonomie des personnes et favoriser la responsabilité. Nul ne peut être privé de tout ou partie de sa propriété sans son consentement. L’expropriation n’est possible que si elle est juste et constitue le seul moyen de sauvegarder le bien commun ; que si elle est efficace, ne décourage pas les personnes de devenir propriétaires, et ne va pas à l’encontre des intérêts de ceux que la loi entend protéger.

X. Nous affirmons que notre démocratie a besoin de s’appuyer sur des structures intermédiaires suffisamment fortes pour que la vie en communauté trouve son équilibre sans recourir toujours à la loi. La poursuite du bien commun relève d’abord des communautés que sont la famille, l’école, l’entreprise, l’association et la commune, plus proches de la personne, en vertu de la subsidiarité, l’État ne doit intervenir que lorsque ces communautés ne sont pas en mesure d’exercer seules leurs responsabilités.

XI. Nous affirmons que la démocratie implique la participation des citoyens. Leur mobilisation suppose que des règles de transparence et de gouvernance clarifient le fonctionnement des institutions, notamment des partis politiques.

XII. Nous affirmons l’autonomie des collectivités locales car elles sont plus proches des personnes et des territoires. L’État doit restituer les responsabilités qu’elles peuvent assumer par elles-mêmes et leur reconnaître le droit d’expérimenter diverses solutions nouvelles et spécifiques. La Nation délègue à l’autorité politique européenne, au sein de laquelle elle est représentée, uniquement les responsabilités qu’elle n’est plus en mesure d’assumer seule.