Texte intégral
Q - Le Préfet de Corse, B. Bonnet, a fait sa première intervention, samedi, devant l'Assemblée territoriale. Les élus nationalistes lui ont demandé quand il comptait partir ? Quelle est la réponse du ministre de l'Intérieur par intérim ?
- « Le Préfet Bonnet a répondu, d'une voix forte, aux tentatives d'intimidation qu'exprimaient les nationalistes. Il a montré que la politique de l'Etat ne changerait pas. Cette politique, c'est la fermeté, la volonté de rétablir l'Etat de droit en Corse, dans toutes les situations. Et c'est également la volonté de dialoguer, aussi, avec la population, avec les élus de Corse, notamment sur le développement économique de l'île. Déjà, cette politique porte ses fruits - je pense à la saison touristique, qui a été bonne, au redressement économique et à toutes les actions menées dans le contrôle de légalité, le contrôle fiscal. Il faut savoir que l'Etat ne faiblira pas et le Préfet Bonnet mène cette action, je dois saluer à la fois sa détermination, son opiniâtreté et son courage. »
Q - Vous lui avez parlé depuis cette séance étonnante de samedi à l'Assemblée territoriale ?
- « Oui, je l'ai eu hier au téléphone pour le féliciter, le remercier des paroles qu'il avait prononcées au nom de la République. C'est une leçon de république face à ceux qui cherchaient à le déstabiliser. Ceux-là n'ont pas leur place en Corse, et nous ferons tout pour éradiquer le terrorisme. »
Q - Même si ceux-là sont des élus, autrement dit, quand on est élu issu de mouvements terroristes, est-ce qu'on peut dire tout dans une Assemblée territoriale ?
- « On peut être élu et défendre des positions nationalistes. Cela, c'est le débat démocratique, mais on ne peut pas user de violence, d'intimidation, d'agression. Ce n'est pas admissible dans un régime républicain. »
Q - Rappelons les mots forts du Préfet. Il a répondu aux nationalistes : je partirai quand vos amis cesseront de racketter, d'assassiner et de poser des bombes/Les nationalistes sont sortis, et quelqu'un a prévenu le Préfet : votre prédécesseur est reparti entre quatre planches !
- « Cela, ce sont des paroles de voyous, lâches, qui profitent de l'anonymat pour faire ce genre de menaces. Mais le Préfet Bonnet est un homme de grande conviction dans ses missions, et il faut que - il le sait, d'ailleurs - les Corses sachent que l'Etat est entièrement derrière lui, et que nous ne modifierons pas la ligne, qu'il y a continuité. Je crois qu'il y va de l'intérêt de la Corse. »
Q - On dit que les mesures de sécurité essentielles pour lui l'obligent, un peu, à être à l'écart de la population, rendent difficile le contact direct avec les Corses !
- « C'est vrai que des mesures de sécurité ont été prises. On n'oublie pas qu'il y a huit mois, le Préfet Erignac était tué, assassiné lâchement. Ces mesures n'empêchent pas le Préfet Bonnet, et tous ceux qui travaillent avec lui, de recevoir des élus, des représentants de la société corse. Quand je suis allé à Ajaccio et à Bastia, j'ai plutôt ressenti, chez les Corses que j'ai rencontrés, et chez les fonctionnaires qui sont engagés, un soulagement, dans la mesure où il n'y aura pas d'infléchissement. »
Q - On a un peu l'impression que dans la classe politique corse, on compte les points, dans l'expectative, sans trop se mouiller aux côtés du Préfet !
- « Les élus corses adhérent, dans leur grande majorité, à cette politique de rétablissement de l'Etat de droit. Et nous voulons qu'ils coopèrent dans cette voie. »
Q - Ils critiquent la Commission Glavany !
- « Ils critiquent la Commission Glavany, mais cette Commission, je le rappelle, a vu son rapport adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire par les membres de toutes les formations politiques. Donc, c'est une volonté de l'ensemble de la Nation. »
Q - Vous êtes secrétaire d'Etat à l'Outre-mer. Dimanche prochain, quelque 100 000 électeurs de Nouvelle-Calédonie sont appelés à se prononcer, par référendum, sur l'avenir de leur territoire. Il s'agit de ratifier l'accord de main, qui organise un transfert progressif et irréversible de compétences vers la Calédonie, et qui débouchera sur un scrutin d'autodétermination.
- « Scrutin qui est prévu dans vingt ans, pour savoir si, à ce moment-là, les Calédoniens franchiront la marche qui correspond au transfert de compétences que la France conservera, c'est-à-dire la Défense, la police, la justice, la monnaie, ce qu'on appelle les compétences régaliennes. »
Q - On sent bien que le oui va l'emporter, dimanche, puisque toutes les parties ont signé. En métropole, aussi, tout le monde s'engage. N. Sarkozy est sur place. Vous appréciez l'attitude de l'opposition ?
- « Sur cet accord de Nouméa, il y a eu un très large consensus au sein de la représentation politique nationale. Le vote de la révision constitutionnelle est intervenu, à Versailles, à 95 %. Donc, la Calédonie est accompagnée par toutes les formations politiques, parce qu'il y a eu dialogue, respect de l'autre, volonté d'aller dans la paix civile, de faire évoluer le territoire. Pas de rupture avec la France. La France sera toujours présente aux côtés des Calédoniens pendant cette période - je tiens à le préciser - mais de travailler ensemble pour la construction d'un pays, et cela, c'est formidable. »
Q - L'enjeu sera de limiter, dimanche, l'abstention, et peut-être même de faire en sorte que Nouméa vote oui. Ce serait un échec si Nouméa votait encore non ?
- « Il faut rappeler qu'en 1988, dernier référendum - c'était un référendum national, mais on s'était prononcé en Nouvelle-Calédonie - le résultat avait été serré là-bas : 57 % de oui, et Nouméa, effectivement, avait largement voté non. A l'époque, c'était le début de la réconciliation, on se souvient de la poignée de mains entre J.-M. Tjibaou et J. Lafleur. Et puis, il y a eu dix ans. En dix ans, beaucoup de choses ont été semées et récoltées. Certes, tout n'a pas progressé au même rythme. Mais ce qui est important, c'est que la Nouvelle-Calédonie a vécu une période de stabilité. L'objectif, dimanche, c'est un résultat qui soit largement supérieur à ces 57 % de 1988, pour montrer que la Calédonie regarde résolument vers l'avenir, avec un destin commun partagé entre toutes les communautés. »
Q - Et si Nouméa vote non, encore, c'est un échec ?
- « Je ne dirai pas que c'est un échec, mais j'espère que les habitants de Nouméa, et notamment les habitants d'origine européenne, les Caldoches, comprendront que c'est un formidable atout que d'avoir ce soutien national, cette présence de la France dans le Pacifique, et puis cette capacité de vivre en paix sur un territoire en plein développement. »
Q - Alors, cet accord repose, quand même, sur une ambiguïté puisque chacun en a sa lecture Le RPCR estime qu'il garantit le maintien de la Calédonie dans la Républiques le FLNKS y voit un pas décisif en direction de l'inéluctable indépendance !
- « Ce sont les Calédoniens qui décideront dans vingt ans, peut-être un peu moins, si le Congrès le décide. Disons entre quinze et vingt ans. Mais entre-temps, les uns et les autres, tous ensemble, auront construit le pays commun, et à ce moment-là, ils décideront. »
Q - Autrement dit, c'est une ambiguïté constructive ?
- « Ambiguïté, non. Chacun est venu avec ses propres convictions. Chacun est venu avec sa vision de l'avenir. Mais que ceux, qui, apparemment étaient séparés, aient décidé, en 1988, de faire un pas ensemble plutôt que de s'affronter - souvenez-vous la violence physique à Ouvéa - et aient décidé de continuer une nouvelle phase, une nouvelle étape, je crois que cela mérite d'être souligné, parce que cela montre que l'esprit de dialogue, c'est ce qui permet de construire. »
Q - Donc, on y met tout cet accord, c'est une auberge calédonienne, et après, on verra dans quinze, vingt ans ?
- « On y met surtout ce que les Calédoniens construiront avec la France. Ce n'est pas à moi de décider à leur place. Dans vingt ans, ils feront le choix. »