Interview de M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, dans "Ouest-France" du 21 novembre 1998, sur la crise financière en Asie et au Japon et son impact sur le commerce extérieur français.

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Média : Ouest France

Texte intégral

Ouest-France
Un certain nombre d'experts pensent que l'on a touché le fond de la crise financière internationale. C'est votre avis?

Dondoux
Je collectionne les affirmations pour les confronter à la réalité dans six mois. Je suis pour ma part, plutôt dubitatif. Je pense même que la crise est plutôt devant nous que derrière.

Ouest-France
Pourquoi?

Dondoux
Parce que le Japon ne va pas s'en sortir aussi facilement qu'on le dit. Certes, les Japonais sont assis sur un tas d'or, mais ce qui me frappe, c'est qu'ils adoptent dans la crise le même comportement que mes électeurs cévenols. Ils thésaurisent, ils ont peur de dépenser. Il faut qu'ils reprennent confiance. Or le contexte est difficile: il y a chez eux l'équivalent de dix Crédit Lyonnais à résorber. La mutualisation de ces pertes n'est pas entrée dans les idées. On annonce tout le temps de nouveaux plans de relance : mais tant que les Japonais douteront, la machine ne repartira pas.

Ouest-France
A-t-on, aujourd'hui, une mesure précise de l'impact des crises asiatique et russe sur l'économie française ?

Dondoux
Au niveau mondial, cela représente une amputation de 4 % du commerce international, c'est-à-dire 230 milliards de dollars. La faible implication de la France dans ces pays – l'Asie représente 7 % de notre exportation – nous protège relativement. Au total, nos exportations vers l'Asie pourraient reculer d'environ 20 milliards de francs en 1998 par rapport à 1997 qui avaient été une année faste avec 110 milliards de ventes. Ce tassement de l'excédent commercial se traduira par une contribution négative à la croissance, qui pourrait être de l'ordre de 0.4 %.

Ouest-France
Les grands contrats qui alimentent une bonne part de nos échanges sont-ils en péril?

Dondoux
En 1998, on a engrangé plus de grands contrats (métros, etc.) qu'en 1997 ; mais la réalisation de ces grands contrats risque de prendre plus de temps...

Ouest-France
Il n'y a pas eu finalement « d'envahissement » des produits asiatiques en France et en Europe ?

Dondoux
Contrairement à ce que l'on pense, il y a eu une montée sensible en volume des importations en provenance de ces pays. Je sais bien que cela peut mettre en difficulté certaines industries françaises ; mais c'est en absorbant les produits d'Asie que l'on peut relancer la machine. La solution pour nous c'est la fuite en avant dans la technologie pour que la France ait toujours une longueur d'avance.

Ouest-France
Que conseillez-vous aux PME un peu déboussolées par les incertitudes du moment ?

Dondoux
Quand vous exportez, il faut avoir la même mentalité que lorsque vous louez votre maison. Il faut louer à quelqu'un qui peut payer. Cela signifie qu'il faut jouer l'Europe et les États-Unis. Ce qui ne veut pas dire ne plus faire d'affaires ailleurs. Ainsi, c'est peut-être le moment d'acheter des actifs peu chers en Asie. Ils seront rentables à moyen terme.

Ouest-France
La Russie, il faut la « fuir » ?

Dondoux
Pour le moment, les Russes traversent de grandes difficultés. Mais c'est un grand peuple. Ils se remettront à produire. La Russie reste un pays qui a un énorme potentiel.