Interview de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, dans "L'Evénenement du jeudi" le 26 novembre 1998, sur son action et ses méthodes de travail à la tête du ministère de la culture

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Média : L'évènement du jeudi

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Edj : La critique de votre action sous-tend un regret de l'ère Lang. Comment pouvez-vous vous démarquer de cet encombrant prédécesseur ?

Catherine Trautmann : J'aurais aimé succéder directement à Jack Lang. Ma tâche aurait été très certainement plus facile. Mais voilà, les quatre années qui se sont passées entre son départ et mon arrivée ont correspondu à une dégradation importante des moyens d'action du ministère de la Culture. Dossiers maltraités ou pas traités du tout, réduction considérable des crédits, le passif de cette période est très lourd. Il m'a fallu reprendre tous les dossiers à l'abandon que mes prédécesseurs avaient soigneusement laissé de côté. Et puis, que voulez vous, le problème aujourd'hui n'est plus de construire la BNF, mais bien de la faire fonctionner. Je trouve ce travail parfois austère, car j'ai, moi aussi le goût de la fête. Alors je travaille avec passion pour que les festivités qui marqueront le changement de siècle et de millénaire laissent un souvenir inoubliable.

Edj : On vous accuse aussi d'immobilisme.

C.T. : Ceux qui m'accusent d'immobilisme le font soit par ignorance, soit par malveillance. Au-delà du redresse ment budgétaire, j'ai engagé une réforme en profondeur du ministère et des instruments de la politique culturelle. On conteste les orientations de ces réformes mais pas leur réalité. Que la politique culturelle ne soit plus conduite en fonction des réseaux relationnels et des clientèles mais selon des principes clairement établis, voilà un changement radical qui ne fait pas plaisir à certains qui se croyaient indéfiniment abonnés aux aides publiques. Je mène par ailleurs des actions de démocratisation culturelle qui ne procèdent pas de l'incantation mais de l'action en profondeur.

Edj : On vous reproche aussi votre manque de concertation.

C.T. : Soyons concret et prenons deux exemples. Dès août 1997, j'ai indiqué mon intention de réduire la part de la publicité sur les télévisions publiques et d'organiser celles-ci en un groupe efficace. Je l'ai redit très clairement en avril 1998 à la fin d'un cycle de concertation de deux mois avec l'ensemble des professionnels. Dire qu'il n'y a pas eu de concertation est donc abusif. Second exemple, la charte des missions de service public du spectacle vivant. Elle a été rendue publique en mars dernier ? Depuis elle a été discutée par tous les professionnels. Une très longue concertation qui produira ses effets en 1999.

Edj : Êtes-vous trop « gestionnaire » ?

C.T. : Je suis gestionnaire car, lorsque que vous travaillez avec l'argent de tous les Français, il est pour le moins légitime de se demander si cet argent est bien employé et à quelles priorités il doit servir. Je crois être réellement à l'écoute des artistes et j'en rencontre un très grand nombre dans toutes les disciplines. Certains sont célèbres, d'autres pas. C'est sans doute une véritable audace pour un ministre de la Culture : consacrer du temps et de l'argent à ceux dont la presse ne parle pas.

Edj : On reproche au gouvernement d'être peu sensible aux problèmes de la culture. Votre action est-elle handicapée par ce contexte ?

C.T. : C'est mal connaître Lionel Jospin que de croire qu'il ne s'intéresse pas à la culture. Si le budget de la culture progresse à nouveau, c'est grâce à son appui. Et c'est son accord qui va permettre qu'un nouvel équilibre dans le financement des télévisions publiques facilite l'ouverture du plus populaire des moyens de diffusion à toutes les formes de création.