Texte intégral
Déclaration de Charles MILLON – 10 décembre 1998
J'ai pris acte de la décision rendue par le Conseil d'État.
Celle-ci sert, malheureusement, les appétits de quelques-uns qui espèrent une nouvelle fois créer la confusion en s'attaquant à la Région Rhône-Alpes.
Les premières victimes en sont les habitants de notre région. Ils ne doivent pas être pris en otage pas des manoeuvres politiciennes, dictées par des états-majors.
Quant à moi, fidèle à mon engagement et fidèle à tous ceux qui me font confiance, malgré les débordements de haine qui ont lieu, j'ai décidé de continuer mon combat.
J'annonce donc, qu'avec le soutien de mes amis, je suis de nouveau candidat à la présidence du Conseil Régional, sur la base du seul programme que j'ai proposé en mars dernier aux Rhône-Alpins.
Ce programme répond aux besoins de notre région et il a été approuvé par une majorité d'électeurs.
Il est fondé sur des valeurs que je juge essentielles : la dignité de la personne, l'égalité des chances, le développement de l'initiative et du sens des responsabilités, la liberté, la sécurité, la cohésion sociale et familiale.
Je souhaite avoir le soutien de tous ceux qui ont été élus pour appliquer ce programme, de tous ceux qui jugent ce programme préférable au programme commun de la gauche plurielle, de tous ceux qui refusent la confusion qui naîtrait d'un pacte républicain sans projet.
Que chacun prenne ses responsabilités. Pour ma part, je continuerai d'assumer les miennes, dans la clarté et l'honnêteté.
Je voudrais maintenant évoquer trois points qui me paraissent essentiels :
1 – D'abord, en considérant que l'échange de quelques secondes intervenu lors de la séance du 20 mars a influé sur le résultat du scrutin et que par conséquent il y avait lieu, pour ce seul motif, d'annuler mon élection, le Conseil d'État vient de confirmer de façon éclatante ce que j'ai toujours dit, parce que c'était la vérité aucun accord préalable avec quiconque n'a été conclu avant l'élection du 20 mars.
2 – Ensuite, le bilan de l'action que j'ai mené depuis le 20 mars démontre que j'ai mis en oeuvre le programme sur lequel la majorité régionale avait été élue, sans compromission et sans jamais renier aucune de mes convictions de démocrate. Pour ceux qui l'ignorent encore, la Région Rhône-Alpes a, aujourd'hui, adopté, plus de 98 % des projets proposés, a exécuté 88,7 % du Budget 1998 et a, déjà, engagé des politiques novatrices notamment dans les domaines économiques et éducatifs.
3 – Enfin, la démarche que j'ai initiée le 20 mars dernier n'avait d'autre objectif que de permettre à la droite de s'affirmer sans connivence et sans compromission. Cette démarche a été dénaturée et diabolisée. Or, comme tous les Français, j'observe l'évolution de notre paysage politique et, comme eux, je constate de profonds bouleversements. Ces bouleversements ou changements touchent toutes les familles politiques, y compris le FN. Loin d'avoir été récupéré comme certains l'ont dit, j'ai, dans cette agitation, maintenu le cap.
Devant un tel constat, j'appelle tous mes colistiers du 15 mars à nous rejoindre et à refuser les jeux ambigus.
LE PROGRÈS du 12 décembre 1998.
Le Progrès :
Vous venez de vivre neuf mois difficiles pour la gestion du Conseil régional. Un autre candidat issu de l'opposition RPR-UDF ne permettrait-il pas de retrouver une sérénité propice à un fonctionnement apaisé de la Région ?
Charles Millon :
Mon objectif est de permettre à la Région d'avoir une ambition en référence au programme, adopté par les électeurs. Le 20 mars, j'ai d'ailleurs été élu président sur ce programme qui permet à la Région de continuer son effort d'innovation et d'adaptation. Plus de 90 % des dossiers ont été adoptés et près de 88 % du budget exécuté. Des réformes sont engagées dans nombre de domaines : aide à la création d'entreprise, préparation d'un chèque sports, etc... Un projet de budget tout à fait novateur est prêt. Malgré des perturbations fortes, la région a poursuivi son action. Ma candidature a pour objectif de lui permettre de rester novatrice.
Le Progrès :
Si un autre candidat vous paraît en mesure de mener à bien cette oeuvre, pourriez-vous le soutenir ?
Charles Millon :
S'il y a un élu ou une élue qui puisse porter ce programme et obtenir une majorité sans compromission ni connivence et qui refuse toute alliance contre nature et toute tractation secrète, je ne vois aucun inconvénient à ce qu'il puisse prendre des responsabilités. Je ne suis pas attaché à un poste mais à la mise en oeuvre d'un projet politique.
Le Progrès :
Le doyen d'âge Pierre Gascon peut-il être cet élu ?
Charles Millon :
Ce n'est pas une réponse adaptée car la présidence de la Région n'est pas une question d'âge. C'est une question de conviction et d'engagement de tout un exécutif. Or, un exécutif c'est à la fois un président et des vice-présidents.
Le Progrès :
Êtes-vous le mieux placé pour défendre ce programme alors que 20 de vos colistiers de mars dernier vous ont quittés ?
Charles Millon :
Les faits sont là pour montrer que nous avons appliqué notre programme.
Le Progrès :
Votre élection avec les voix des élus du FN constitue pourtant un handicap pour la Région et les Rhône-alpins dans la mesure où les relations avec les autres collectivités et l'État sont rompues ?
Charles Millon :
Cela n'a jamais handicapé la Région et ses habitants. Si cela handicape les élus de ces autres collectivités ou l'État, c'est leur problème, et je le regrette. La Région pour sa part n'a jamais refusé aucun contact avec ses partenaires habituels.
Le Progrès :
Avec qui espérez-vous être élu ?
Charles Millon :
Avec tous ceux qui sont d'accord avec mon programme.
Le Progrès :
Où les situez-vous ?
Charles Millon :
Où ils veulent.
Le Progrès :
Si des élus FN sont d'accord avec ce programme, acceptez-vous leurs voix ?
Charles Millon :
Je serai élu avec les voix de tous ceux qui soutiennent mon programme.
Le Progrès :
Que répondez-vous à Bruno Gollnisch qui se déclare prêt à vous apporter son soutien si vous prenez l'engagement de ne plus critiquer publiquement le FN ?
Charles Millon :
Je n'envisage ni négociation, ni transaction. Tel avait d'ailleurs déjà été le cas avant le 20 mars comme vient de le reconnaître le Conseil d'État.
Le Progrès :
En quoi le Conseil d'État vous a t-il sur ce sujet donné un blanc-seing ?
Charles Millon :
S'il y avait eu un accord secret préalable, il n'y aurait pas eu échange public lors de l'élection du 20 mars. Et il y aurait eu validation de mon élection. C'est tout le paradoxe.
Le Progrès :
La crise qui déchire le FN constitue-t-elle une chance pour l'opposition ?
Charles Millon :
Les leaders de la droite qui se réjouissent de tensions au sein du FN ne doivent pas croire que les électeurs vont, comme par miracle, tomber dans l'escarcelle de MM. Sarkozy ou Bayrou. Pour redonner confiance à ces électeurs qui ont déserté les partis traditionnels de droite, il faut changer de comportement politique, arrêter les jeux tactiques et donner des réponses de fond aux problèmes angoissants auxquels nous n'avons pas su répondre.
Le Progrès :
Votre mouvement La Droite constitue-t-il une alternative pour ces électeurs égarés ?
Charles Millon :
J'ai l'immodestie de penser que ma démarche permettra effectivement à un certain nombre de ces électeurs de retrouver une espérance.
Le Progrès :
Comme Marc Fraysse, êtes-vous prêt à accueillir les élus FN qui, tourneboulés par la crise actuelle, voudraient vous rejoindre demain ?
Charles Millon :
Il existe deux solutions en démocratie. On peut ostraciser les hommes ou chercher à les convaincre en leur proposant un champ d'action et de militantisme. Si des électeurs ou des élus du Front national, déçus par les querelles partisanes, adoptent la charte de la Droite et se délient de tout engagement et subordination par rapport à un autre appareil, ils ont effectivement la possibilité de venir militer chez nous. La démocratie ne s'honorerait pas de condamner à vie des élus ou des électeurs parce qu'à un moment donné ils se seraient trompé d'embranchement. Le Parlement verrait des bancs se vider si on relevait les origines d'un certain nombre de députés venus de l'extrême droite ou de l'extrême gauche et qui ont su, à un moment de leur vie, renoncer à certains jugements et accepter le respect scrupuleux des valeurs de la démocratie et de la République.
LE FIGARO du 17 décembre 1998.
Le Figaro :
Depuis l'invalidation de votre élection à la tête de la région Rhône-Alpes, les partis de l'Alliance affirment que vous êtes le plus mauvais candidat pour battre la gauche. Pourquoi ne retirez-vous pas votre candidature ?
Charles Millon :
Le 20 mars 1998, les voix qui se sont portées sur mon nom l'ont fait en fonction du projet que j'avais présenté. Depuis lors, 95 % de mes décisions ont été votées, mon budget a été exécuté à 88 %. Je me présente à nouveau, non pour participer à une combinaison d'état-major, mais pour poursuivre la mise en oeuvre de ce projet.
Le Figaro :
Mais vous n'avez pas une majorité de conseillers régionaux derrière vous…
Charles Millon :
En termes de clivages partisans, personne ne peut disposer d'une majorité. La seule façon de gérer la région est celle que j'applique depuis 1988. Je rassemble, au cas par cas, des majorités de projet. Aujourd'hui, je souhaite être élu par une majorité de conseillers régionaux qui préfèrent mon projet à celui de mes concurrents.
Le Figaro :
Le Front national exige, pour vous soutenir une nouvelle fois, que vous vous engagiez par écrit à ne plus attaquer publiquement leur parti. Leur donnerez-vous satisfaction ?
Charles Millon :
L'élection de l'exécutif régional ne résulte pas de compromis, de transactions ou d'accords entre formations politiques. Cette élection se fait sur la base d'une déclaration de candidature qui doit exposer le projet du candidat et de son équipe. Notre démocratie est représentative, et ne reconnaît pas le mandat impératif. C'est pourquoi toute condition posée par tel ou tel est super-fétatoire. Que chacun prenne ses responsabilités et choisisse en conscience le projet qui lui paraît le meilleur pour la région Rhône-Alpes.
Le Figaro :
Depuis des mois, les partis de l'Alliance s'efforcent de se détourner de vous, un à un, l'ensemble de vos colistiers. Ne sont-ils pas prêts d'arriver à leurs fins ?
Charles Millon :
J'ai du respect et de l'amitié pour tous mes colistiers. Je suis convaincu que les choix qu'ils assumeront ne seront pas déterminés par des oukases d'états-majors parisiens qui me paraissent plus préoccupés par la mise à l'écart de ma personne que par l'intérêt de la région Rhône-Alpes.
Le Figaro :
C'est Anne-Marie Comparini qui, parmi vos anciens colistiers, a été désignée par les partis de l'Alliance, pour être leur candidat à la présidence de la région. Que pensez-vous de ce nouvel adversaire ?
Charles Millon :
J'ai personnellement de l'estime et de l'amitié pour Anne-Marie Comparini. Je n'ose imaginer qu'elle se prêtera à un quelconque « arc républicain » qui la verrait élire par les voix de la gauche.
Le Figaro :
Si Alain Mérieux se présentait à la présidence de la région, seriez-vous prêt à vous effacer derrière lui ?
Charles Millon :
Alain Mérieux est mon ami. Toutes les décisions que j'ai été ou que je suis amené à prendre pour la région l'ont été et le sont en complète concertation avec lui.
Le Figaro :
L'implosion du Front national ne condamne-t-elle pas votre stratégie ?
Charles Millon :
Je fais l'analyse inverse. Le mouvement de La Droite, qui compte déjà vingt-cinq mille adhérents, est précisément le lieu de rassemblement de tous ceux qui veulent passer outre ces jeux d'état-major. Tout le sens de mon combat est de privilégier l'électorat par rapport à tous les appareils, tous les électorats par rapport à tous les appareils. Car la montée des extrêmes n'est rien d'autre que le signe clinique de l'abîme qui s'est creusé entre les peuples et les appareils politiques. Dans le passé, nous avons déjà connu l'explosion poujadiste, qui annonçait en réalité la décrépitude de la IVe république. De même, aujourd'hui, les suffrages obtenus par le Front national révèlent la fin d'une époque. Nous sommes en 1957… Les partis de L'Alliance croient profiter de l'implosion du FN et jettent leurs filets de pêche sur les bancs d'électeurs. Ils ne prendront rien dans leurs filets, car, même si le FN disparaît, les problèmes qui ont provoqué son émergence ne disparaîtrons pas.
Le Figaro :
Faites-vous une différence entre Le Pen et Mégret ?
Charles Millon :
J'ai l'impression que leur divergence est davantage la tactique que le projet. C'est pourquoi je demeure fort éloigné de ces querelles, qui me paraissent dérisoires au regard des problèmes des Français.
Le Figaro :
Dans le débat européen qui a commencé, pourquoi avez-vous voté cette révision constitutionnelle imposée par le traité d'Amsterdam, comme les partis de L'Alliance ?
Charles Millon :
Je suis favorable à une Europe au service des nations, contre une Europe bureaucratique qui absorbe les nations. Jusqu'à présent, l'Europe s'est construite autour d'une bureaucratie qui dilue les nations. C'est ce courant qu'il faut absolument inverser.
Le Figaro :
Dans ces conditions, pourquoi me rejoignez-vous pas carrément le combat pour la souveraineté des nations engagé par Charles Pasqua et Philippe de Villiers ?
Charles Millon :
Le débat des souverainistes me paraît dépassé. Autant je crois que l'Europe ne doit pas provoquer la dissolution des nations, autant je crois que l'absence d'Europe conduira à l'amputation des pouvoirs souverains des nations. Cela exige que le principe de subsidiarité soit la pierre angulaire de la construction européenne.