Texte intégral
La séance est ouverte sous la présidence de Michel Delebarre, assisté de Marie-Noëlle Lienemann.
Le Président : Mes chers camarades, si vous voulez bien progressivement regagner vos places ou vos fauteuils, nous pourrons commencer cette Convention Nationale.
De manière que chacun sache à quoi s'en tenir sur le déroulement de la journée, je vais me permettre de vous indiquer le film des événements.
Normalement, à 10 h 30, ouverture de la Convention.
Jean-Pierre Bel, Secrétaire national aux Fédérations, interviendra sur les résultats.
Henri Emmanuelli, Premier Secrétaire, prendra la parole.
Puis s'ensuivra un débat qui devrait durer un tout petit peu plus d'une heure. Puis, intervention de Lionel Jospin.
Vers 13h30, notre séance de la matinée devrait être levée, sachant que les membres du Conseil national seront convoqués pour 14 heures.
Conseil national jusqu'à 15 heures.
À 15 heures, deuxième ouverture de la Convention Nationale.
Informations données par Lionel sur la direction.
Allocution de clôture.
Objectif : fin des travaux, 16h30. (Applaudissements)
Marie-Noëlle et moi nous estimons donc mandatés pour la fin des travaux à 16h30. (Applaudissements) Très bien ! Vous verrez les conséquences !
Jean-Pierre Bel, tu as la parole. (Applaudissements)
Jean-Pierre Bel : Merci, Michel.
Chers camarades, je me dois donc ce matin de vous donner lecture des résultats de la consultation des militants, mais avant de le faire vous me pardonnerez quelques commentaires.
Il y a huit mois à peine, le pays tout entier découvrait avec surpris un parti politique qui désignait son candidat à l'élection présidentielle au terme d'un processus maîtrisé qui portait en lui la marque de la maturité et de la fraternité retrouvée.
Là où la droite, pendant des mois, s'était étripée avec le succès que l'on sait au sujet d'hypothétiques primaires, le Parti Socialiste, sans que vraiment personne ne s'y attende, donnait l'exemple.
Sans employer les grands mots, nous avons assisté à un fait historique : celui de la prise de parole des militants qui étaient appelés à faire des choix et qui ne s'en privaient pas.
Grâce à la dignité et au sens des responsabilités d'Henri Emmanuelli, grâce à la dimension, à l'énergie et au courage politique de Lionel Jospin, cette désignation allait servir de formidable tremplin à notre candidat, lui conférer une légitimité et une force qui, n'en doutons pas, permit de déjouer les prédictions du moment et d'amorcer le redressement de la gauche, c'est-à-dire de l'espérance dans notre pays.
Aujourd'hui, à l'occasion de ce scrutin, nous avons renoué avec ce lien direct et interrogé chaque militant, qu'il appartienne à la grande section urbaine ou à la petite section rurale, sur ce qu'il souhaitait pour l'avenir du Parti Socialiste. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Vous avez tous en mémoire la surprise du soir du premier tour, la dynamique irrésistible de la campagne et ce résultat qui, s'il ne signifiait pas la victoire, permettait à la gauche de retrouver l'espoir, de regarder les lendemains avec confiance et d'aborder avec sérénité les futurs combats.
Dès le lendemain de l'élection, notre Premier Secrétaire, fait sans précédent, Henri Emmanuelli, proposait lui-même à Lionel Jospin de prendre, s'il l'acceptait, la première responsabilité du Parti Socialiste.
Chers camarades, existe-t-il beaucoup de personnalités capables de transcender les intérêts personnels ou de boutique pour s'effacer ainsi devant l'intérêt collectif de la famille politique à laquelle elles appartiennent ?
Henri Emmanuelli l'a fait, il l'a fait parce qu'il considérait qu'il n'y avait aucun sens à une dualité à la tête de notre organisation, d'un côté celui qui incarnait l'espoir de changement et, de l'autre, le Premier Secrétaire du Parti Socialiste. Il l'a fait parce qu'avant tout Henri Emmanuelli est un militant socialiste qui assume depuis longtemps avec abnégation beaucoup de choses pour le Parti, parce qu'il croit profondément à notre idéal parce que sa vie est tout entière imprégnée de ses convictions et de ses choix, parce que sa vie et son parcours politiques restent pour nous un exemple et une fierté que nous ne sommes pas près d'abandonner. (vifs applaudissements)
À partir de là, Lionel Jospin a, lui, souhaité que sa prise de responsabilité ne puisse s'apparenter à un simple changement d'appareil, mais qu'elle soit voulue, légitimée par tous les militants du Parti Socialiste. C'est, vous le savez, la question n° 1.
En même temps, au moment où nous avons à dire aux Français ce que nous proposons pour affronter les graves problèmes qui sont devant nous, il fallait que nous nous mettions en ordre de marche, que nous procédions à un toilettage de nos structures et de notre fonctionnement, que nous rénovions notre Parti. C'est pourquoi, sous la présidence de Lionel, une Commission Nationale dite de Rénovation s'est mise en place pour rédiger un questionnaire sur ce que chacun d'entre vous, chacun d'entre nous désire pour notre Parti.
Vous le savez, il y avait donc 15 questions qui, si elles ne révolutionnent pas vraiment notre fonctionnement, permettent au Parti de prendre en compte de nouvelles aspirations d'être plus en phase sur notre société et sur notre temps. Je vous donne lecture des résultats de ces 15 questions et je commence donc à la question n° 4, si vous permettez.
Êtes-vous favorable à ce que le Parti Socialiste participe à la constitution d'espaces de coopération avec toutes les forces de gauche et les écologistes autour de discussions sur des thèmes communs et d'actions concrètes sur des objectifs identiques ?
Sur les 102 999 inscrits, il y a du 66 854 votants, c'est-à-dire 64,91 % de participation.
Le "oui" a obtenu 66 662, c'est-à-dire 90,74 %.
Le "non", 1 929 voix, soit 2,89 %.
L'abstention, 4 263, soit 6,38 %.
Question n° 5 : approuvez-vous l'élection des principaux responsables du Parti, Premier Secrétaire National, Premier Secrétaire Fédéral, Secrétaire de section, au scrutin direct et secret par tous les adhérents ?
Sur les mêmes inscrits, il y a eu 67 661 votants, soit 65,69 %.
Le, "oui" a obtenu 55 377, soit 81,84 %.
Le "non", 4 895, soit 7,23 %.
L'abstention, 7 389 voix, soit 10,92 %.
Question n° 6 : approuvez-vous ce nouveau mode de désignation du Conseil Fédéral ? Il était naturellement explicité dans la question.
Sur cette question il y a eu 67 661 votants, soit 65,69 %.
« Oui", 55 377, soit 81,84 %.
« Non", 4 895, soit 7,23 %.
Abstention, 7 389, soit 10,92 %.
Question n° 7 : approuvez-vous ces nouvelles dispositions destinées à faciliter l'adhésion ?
67 487 votants, soit 65,52 %.
56 473 pour le "oui", soit 83,68 %.
5 394 "non", soit 7,99 %.
5 620 abstentions, soit 8,33 %.
Question n° 8 : approuvez-vous la suppression du délai de six mois d'ancienneté pour voter ?
68 426 votants, soit 66,43 %.
38 175 "oui", soit 55,79 %.
23 343 "non", soit 34,11 %.
6 908 abstentions, soit 10,10 %.
Question n° 9 : approuvez-vous la constitution d'organisations thématiques au sein du Parti ?
67 920 votants, soit 65,94 %.
54 660 "oui", soit 80,48 %.
4 460 « non", soit 6,57 %.
8 800 abstentions, soit 12,% %.
Question n° 10 : approuvez-vous 1 inscription dans les statuts de l'objectif de parité hommes/femmes ?
67 953 votants, soit 65,97 %.
50 954 "oui", soit 74,98 %.
7 874 "non", soit 11,59 %.
9 125 abstentions, soit 13,43 %.
Question n° 11 : approuvez-vous la proposition de calculer désormais la représentation des Fédérations sur la base du nombre d'adhérents effectifs ?
67 526 votants, soit 65,56 %.
59 390 "oui", soit 87,95 %.
3 449 "non", soit 5,11 %.
4 687 abstentions, soit 6,94 %.
Question n° 12 : approuvez-vous ces dispositions destinées à abaisser et à harmoniser le prix des cotisations ?
68 011 votants, soit 66,03 %.
60 476 "oui", soit 88,92 %.
2 825 "non", soit 4,15 %.
4 710 abstentions, soit 6,93 %.
Questions n° 13 : approuvez-vous ces mesures tendant à renforcer la participation des sympathisants à l'activité du Parti ?
68 119 votants, soit 66,14 %.
49 780 "oui", soit 73,08 %,
10 802 "non", soit 15,86 %.
7 537 abstentions, soit 11,06 %.
Question n° 14 : approuvez-vous cette proposition de participation plus grande de s je unes à la vie du Parti ?
68 139 votants, soit 66,16 %.
63 344 "oui", soit 92,96 %.
1 439 « non", soit 2,11 %.
3 356 abstentions, soit 4,93 %.
Question n° 15 : approuvez-vous la création de nouveaux organismes associés au sein du Parti ?
68 047 votants, soit 66,07 %.
44 665 "oui", soit 65,64 %.
10 210 "non", soit 15 %.
13 172 abstentions, soit 19,36 %.
Question n° 16 : approuvez-vous la création d'un Comité Économique et Social auprès du Parti Socialiste ?
67 870 votants, soit 65,89 %.
55 638 "oui", soit 81,98 %.
4 507 "non", soit 6,64 %.
7 725 abstentions, soit 11,38 %.
Question n° 17 : approuvez-vous la réalisation d'une Charte éthique qui engage tous les militants du Parti ?
68 061 votants, soit 66,08 %.
60 272 "oui", soit 88,56 %.
2 362 "non", soit 3,47 %.
5 427 abstentions, soit 7,97 %.
Question n° 18 : approuvez-vous la nécessité de clarifier le rôle, la place et la contribution des élus vis-à-vis du Parti ?
68 055 votants, soit 66,07 %.
63 813 "oui", soit 93,77 %.
1 043 "non", soit 1,53 %.
3 199 abstentions, soit 4,70 %.
Chers camarades, vous le voyez, toutes les questions ont reçu une réponse positive, même si certaines ont reçu un accueil plus nuancé dont, je pense, nous devions tenir compte. C'est notamment le cas pour la question n° 8 qui précise les conditions d'adhésion.
J'imagine que nous aurons en mémoire, dans les modalités d'application, les craintes exprimées et les réticences formulées.
Bien sûr, nous avions d'abord dans notre questionnaire à savoir comment – ce n'était pas tout à fait la question – aborder les grandes questions sur lesquelles nous avons à faire des choix clairs, des choix qui soient crédibles et compréhensibles, cela a été dit, préparer l'alternative et pas seulement l'alternance.
Il ne s'agit là que du début de la réflexion qui devra reconstituer notre corps de doctrine, les grands axes des propositions sur la base desquelles nous pourrons dialoguer avec les Français.
C'était la question n° 2 : approuvez-vous la démarche globale et les thèmes qui vous sont proposés pour conduire notre réflexion collective ?
Réponse à la question n° 2 :
68 554 votants, soit 66,56 %.
62 153 "oui", soit 90,66 %.
1 719 "non", soit 2,51 %.
4 682 abstentions, soit 6,83 %.
En ce qui concerne la question n° 3, c'est-à-dire les thèmes à ajouter, il est bien sûr assez difficile à cet instant de faire une synthèse précise qui ne frustre personne et je pense qu'il y aura une Commission « ad hoc" qui aura à se prononcer sur le libellé exact des thèmes retenus. Mais on peut penser, au travers des résultats dont nous disposons, que nous aurons à nous interroger à titre d'exemple sur des questions de société, santé, SIDA, toxicomanie, le contenu des relations sociales et notamment la place du syndicalisme, la laïcité, l'école et l'éducation, qui semblent ne pas avoir trouvé de lieu dans les trois questions précédentes.
Il y a eu aussi, et je me dois de le dire, au travers des réponses à cette troisième question, un souci très affirmé de poursuivre le travail commencé sur la rénovation du Parti. Là aussi, je pense, il reste beaucoup à faire.
Chers camarades, tous les militants ont eu à répondre à la question suivante souhaitez-vous que Lionel Jospin devienne Premier Secrétaire du Parti Socialiste ?
66 354 votants, soit 66,36 % des adhérents du Parti, ce qui est considérable pour pareil exercice.
64 361, soit 94,17 %, ont répondu "oui". (Très vifs applaudissements)
1 417 ont répondu "non", soit 2,07 %.
2 576 se sont abstenus, soit 3,77 %.
Lionel Jospin est donc, par la volonté des militants, élu Premier Secrétaire du Parti Socialiste. (Très vifs applaudissements prolongés)
Pour terminer, mes chers camarades, permettez-moi de dire à. Lionel Jospin que nous sommes tous derrière lui dans la mission difficile qu'H conduira, que nous le savons parce qu'il l'a prouvé, il a toute la capacité pour réussir et que nous ne ménagerons ni nos efforts ni notre enthousiasme, ni mon trouble, ni mon émotion, pour y contribuer.
Permettez-moi de dire aussi à Henri Emmanuelli combien j'ai apprécia la confiance qu'il m'a faite en me désignant à cette responsabilité, que ces mois passés auprès de lui resteront pour moi des moments inoubliables, et que je puis témoigner aujourd'hui comme je le ferai demain de ce que nous lui devons, de ce que lui doit le Parti Socialiste aujourd'hui premier Parti de France.
(Applaudissements)
Merci Henri, bonne chance, Lionel, et à vous tous, mes camarades, courage, détermination, car si nous restons ensemble, j'en suis profondément persuadé, nous retrouvons le moment venu la confiance entre peuple et le chemin de la reconquête. Merci.
(Applaudissements)
Le Président : Merci à Jean-Pierre Bel. Je peux demander à nos amis photographes et cameramen de se répartir peut-être un peu mieux sur l'ensemble du fronton et de ne pas rester debout parce que cela gêne et l'orateur et, je crois, les premiers rangs, et de veiller à ce que les sténotypistes puissent passer lorsqu’elles accèdent ou repartent de leur table ...
(Applaudissements)
Marie-Noëlle Lienemann : Chers camarades, je vais donner la parole à Henri Emmanuelli.
(Applaudissements)
Henri Emmanuelli : Merci, merci… Mes chers camarades, il va falloir que vous teniez toute la journée, et vous tiendrez, je n'en doute pas.
Mes chers camarades, nous sommes réunis aujourd'hui pour marquer finalement le terme d'un processus de transition qui s'achève, et qui s'achève, je crois, dans les meilleures conditions possible, par un vote massif et démocratique des militantes et des militants de notre Parti. Certains pensaient, et me l'ont même fait savoir, que l'on aurait pu aller plus vite ou que les enjeux étant limités, dès lors que depuis le mois de juin j'avais fait à Lionel une proposition qu'après mûres réflexions, il avait accepté et puis aussi parce que les conclusions de la commission de rénovation avaient abouti, je crois qu'on peut le dire, pour l'essentiel à des propositions acceptables pour tout le monde. Les enjeux ne paraissaient pas évidents à tout le monde. Mais je ne partage pas ce point de vue. Parce qu'il fallait qu'il en soit ainsi malgré tout. Parce que je m'étais engagé à ce qu'en définitive, ce soit le Parti qui décide mais aussi parce que de son côté, Lionel avait mis la même condition à la concrétisation de son acceptation pour des raisons qu'a rappelé Jean-Pierre et que je ne reprendrai pas. Parce que c'est notre collectivité toute entière qui, en rupture avec certains égarements du passés, doit désormais décider, c'est le cas aujourd'hui et je m'en félicite.
Jean-Pierre Bel vient de proclamer les résultats du scrutin que nous avions proposé aux militants. Ils sont clairs. L’investiture de Lionel recueille la quasi-totalité des suffrages. Depuis le printemps dernier, depuis le deuxième tour de l'élection présidentielle, depuis le cheminement que nous avions entrepris lors de notre Bureau exécutif, puis ensemble au séminaire de Marne la Vallée, il y avait selon moi un cheminement logique et légitime. La démocratie a parlé et c'est bien ainsi. Je voudrais donc saluer sa nomination, saluer sa victoire et lui souhaiter au nom de vous toutes et de vous tous bonne chance, pour lui, c'est-à-dire bonne chance pour nous, bonne chance pour le Parti socialiste, et j'en suis persuadé, bonne chance pour la France.
(Applaudissements)
Tous ensembles, par notre convention unanime, nous devons féliciter et applaudir notre premier Secrétaire. Nous avons élu celui qui nous dirigera jusqu'au prochain Congrès et nous l'avons fait pour la première fois au suffrage universel.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter si ce n'est qu'il peut me compter sans équivoque au nombre des femmes et des hommes dont à la tête de notre Parti, c'est-à-dire de notre bien commun, il assurera la direction politique. Pour moi, les choses sont simples, elles ne souffrent d'aucune complication, d'aucune retenue, d'aucune arrière-pensée. J’espère qu'il en va ainsi pour la plupart d'entre nous et que chacun est venu ici le cœur tranquille, l'âme en paix et la main tendue.
Tout à l'heure, notre nouveau premier Secrétaire s'adressera à nous pour nous parler de l'avenir, de notre avenir, qui est en définitive la seule chose qui compte. Mais avant de l'évoquer en termes généraux, rassurez-vous, je voudrais dire que si nous pouvons envisager cet avenir avec je crois un certain optimisme, même si nous sommes conscients des énormes difficultés qui se trouvent devant nous, c'est aussi parce que notre situation actuelle constitue je crois avec ses faiblesses évidemment une bonne base pour le renouveau de notre Parti.
En an et demi, mes chers camarades, non seulement nous avons gagné du terrain mais nous avons également évité de devenir un champ de ruines. Nous avons aussi évité les accidents ferroviaires, les errements d'une alliance avec d'autres, que sais-je encore, que l'on nous prédisait jusque dans nos propres rangs.
Vingt ans après Épinay, il faut croire que nous étions trop vieux pour une crise d'adolescence et encore suffisamment jeunes pour éviter celle de la quarantaine qui d'ailleurs aujourd'hui se produit plutôt aux alentours de la cinquantaine. C'est pourquoi riches de nos diversités, riches d'hommes et de femmes qui lorsqu'ils veulent bien travailler tous ensemble, forment probablement la meilleure équipe que compte le monde politique de ce pays. Nous avons su donner une leçon de démocratie à la Droite, consolider le rassemblement de la Gauche avec nos amis, nos alliés communistes et radicaux, organiser en douceur le processus de désignation de notre candidat en redonnant la parole aux militants comme je m'y étais engagé dès le mois de juin 1994, mener une campagne présidentielle pour l'essentiel sans fausse note, ni petites phrases, sans position critique ou distante.
Je crois enfin que nous pouvons dire que c'est au cours de la dernière année que nous sommes véritablement parvenus à oublier le congrès de Rennes et les affrontements stériles qui l'avaient suivi. Cette nouvelle santé – je mets le mot santé entre guillemets – intellectuelle, morale et psychologique de notre Parti, c'était aussi, en tout cas dans mon esprit, la promesse de Liévin. Bien que mon caractère qui est parfois entier me pousse à répliquer aux erreurs ou aux contrevérités que je pouvais entendre, je me suis tu le plus souvent. Et même si cela m'a parfois coûté, c'était la conception que j'avais de la fonction de premier Secrétaire. J'ai essayé d'être l'un des artisans de notre apaisement interne. Il nous permettra de nous débarrasser ou de relativiser les petites guérillas assez mesquines souvent dérisoires que nous avons connues dans le passé, et je crois que tu en seras heureux, Lionel.
En un an, notre Parti est redevenu le premier Parti de France, le pivot incontournable de toute alternance, la formation politique vers laquelle se tourneront les Français lorsqu'ils seront désabusés ou lorsqu'ils auront été trop malmenés par les promesses non tenues ou par les choix faits par la Droite.
La campagne présidentielle est passé par là, la campagne municipale aussi mais j'ai également la faiblesse de penser que l'affirmation de la nécessité d'un coup de barre à Gauche lors du Congrès de Liévin n'y a pas été indifférente. Que les incrédules qui se réjouissent aujourd'hui de ce que le Parti Socialiste soit redevenu le seul parti politique qui a une cote positive dans l'opinion -je dis bien le seul-, aient la curiosité de regarder ce qui s'est passé tout au long de l'année de ce point de vue. Ils pourront constater que déjà, dès la fin de l'année 1994, après le Congrès de Liévin dont, rassurez-vous, je ne fais ni l'alpha ni l'oméga. Il y avait déjà une tonalité politique différente et les choses s'étaient déjà notoirement redressées dans l'esprit de nos compatriotes parce qu'en réalité, ce que j'ai voulu appeler un coup de barre à gauche dont je proclamais la nécessité, était avant tout pour moi, et je crois pour vous, la manière d'exprimer ce qui doit toujours rester nos deux axes fondamentaux : le rassemblement de la Gauche et la priorité au social. Et aujourd'hui plus que jamais, parce que, nous le savons, ce social est fortement menacé. Nous n'avons pas vocation à être uniquement le Parti des salariés, comme on me l'a parfois reproché, bien que pour ma part, je ne l'ai jamais dit, mais si tel pouvait être le cas et même si nous abandonnions 15 à 20 % du salariat à d'autres classifications, je ne m'en plaindrais pas. Imaginez, cela ferait encore plus de 60 % de la population active.
Nous avons beaucoup progressé, mes chers camarades, mais nous n'en sommes pas encore là. En un an, nous avons aussi réaffirmé notre volonté d'une Europe forte, sachant concilier les exigences du marché, celles du bien-être social. Mais nous avons dit aussi, et je pense que nous aurons à le redire, notre inquiétude quant aux évolutions en cours qui font la part belle au marché et réduisent le social et la démocratie à la portion congrue.
Nous avons dit aussi, même si le propos a fait grincer ou a été mal interprété, qu'il fallait politiser le combat intra-européen. Le compromis avec la démocratie chrétienne pour le fonctionnement des institutions européennes est une nécessité, mais en aucun cas cela ne doit signifier que cela devient un compromis politique global.
(Applaudissements)
Si la Gauche européenne, si le Parti socialiste européen ne construit pas et n'impose pas sa vision de la construction européenne, alors vous le verrez, je le crains, et vous êtes nombreux à le savoir, la Gauche française se détachera de l'idéal européen et ira gonfler par amertume, par déception, le front du refus dont l'importance ne cesse de croître et risque de devenir un clivage dangereux dans les années à venir. C'est ma conviction et mon inquiétude. Il faudra être, je le crois, clair dans les mois et les années à venir sur ce sujet-là.
Nous avons aussi sur un autre plan réaffirmé sans discontinuer notre souhait de voir tous les Etats respecter les droits de l'homme et des peuples, les droits des femmes. Et sur ce point, la récente évolution des relations franco-algériennes n'est pas sans provoquer beaucoup d'interrogations et d'inquiétude. Bref, nous avons essayé d'inscrire notre action dans la continuité et la fidélité à nos idéaux. En un an et demi, nous avons organisé une opposition résolue, tout le monde y a participé, à la Droite et aux excès du libéralisme économique mondial qui représente une réelle menace pour le bien-être social.
Entre la culture de gouvernement que nous ne pouvons pas renier et notre devoir d'opposants que nous ne pouvons oublier, nous avons fixé des positions, exprimé des choix, comme l'ont fait d'autres avant nous. Comme nous l'avons fait encore mardi dernier aux côtés des grandes centrales syndicales, nous sommes battus pour la protection des acquis d'un siècle d combats politiques et sociaux, pour le maintien du service public, pour la défense de la Sécurité sociale, pour la laïcité de l'école et de l'État, pour la conquête de nouvelles avancées, de nouveaux droits au bénéfice des plus faibles. La campagne présidentielle a été évidemment l'un des moments privilégiés de ce combat.
Je ne doute pas que cette habitude demeurera la nôtre. La continuité et la fidélité à nos idéaux constituent également une des conditions d'une rénovation authentique.
En un an et demi, et là le sujet est moins vaste, mais il a sa petite importance, nous avons aussi assaini nos comptes. Comme je l'avais déjà fait en liquidant Urba en 1990, et en créant une association de financement, aujourd'hui disparue d'ailleurs puisque la loi a de nouveau changé. Mais je tiens à dire que grâce à la compétence d'Alain Claeys qui a pris cette tâche à bras le corps, et dans des conditions extrêmement difficiles, nous avons évité, en gérant au mieux le pire pour notre Parti, même si cela est une petite considération dont je comprends que le grand public y prête peu d’attention, nous avons sauvegardé l'existence de notre siège sans brader ce patrimoine cher à la mémoire de la gauche et reclassé sans le moindre licenciement plus de 30 de nos permanents. (Applaudissements).
… tout en essayant de maintenir au mieux l'activité de notre organisation.
J'arrêterai là l'énumération. Je ne dirai rien de la mise en place du quart sociétal qui décidément n'est pas facile à mettre en œuvre, et j'espère que la création d'un Conseil Économique et Social connaîtra un meilleur destin. Mais je rappelle que tout de même déjà sur ce plan-là l'essentiel a été fait.
Je ne dirai rien non plus des conditions très difficiles dans lesquelles il a fallu reprendre et assurer la publication de Vendredi.
Pour tout cela d'ailleurs, je remercie l'équipe que j'avais réunie autour de moi, dans un contexte qui, souvenez-vous, n'était pas facile à l'époque, elle n'a pas démérité. Elle a même souvent fait un travail exemplaire au cours d'une année mouvementée et je ne voudrais pas que cela soit oublié.
Pour conclure, je voudrais très rapidement à grands traits évoquer l'avenir. Lionel Jospin, notre nouveau Premier Secrétaire le fera sans doute beaucoup plus longuement tout à l'heure, c'est son rôle. Mais je voudrais dire quand même que je suis persuadé, oui mes camarades, que nous avons besoin de rénover notre Parti, d'être l'élément moteur de la reconstruction de toute la gauche. Parce que c'est sur nous que repose pour l'essentiel la possibilité d'une alternance, voire ce qui serait mieux, d'une alternative, dont je ne vois pas, comme le disait un éditorialiste aujourd'hui, qu'elle se fera à droite, parce que l'alternative de droite dans l'excès du libéralisme économique, Alain Madelin, ce ne sera pas une alternative, ce sera une restauration blanche … (applaudissement) … ce sera un retour au passé. Ce sera le retour au 19ème siècle, ou au 18ème siècle. (Applaudissements).Et je ne sais pas, si les mots ont encore un sens, mais si les mots ont encore un sens, cela ne s'appelle pas une alternative, mais une régression, cela s'est même parfois appelé dans le passé une restauration !
Donc plutôt une alternative, parce que cette alternative que nous avons à construire, mes chers camarades, est indispensable à la survie de la démocratie, à la dignité des femmes et des hommes, à la justice sociale, bref à toutes les valeurs auxquelles nous sommes attachés. Oui, c'est de nous que dépend l'avenir, mais nous savons – oui, nous le savons – que la tâche sera très difficile, parce qu'il existe des réalités nouvelles, parce qu'il existe des mouvements puissants, des évolutions profondes, qui creusent dans l'immédiat des déséquilibres extrêmement dangereux.
La mondialisation de l'économie menace non seulement le bien-être social, mais on peut même parfois se demander si elle ne menace pas tout simplement la nécessité d'avoir des considérations sociales.
Mais elle menace aussi l'exercice réel de la démocratie. Dès lors, vous l'avez remarqué, comme moi, un simple éternuement des marchés retire de fait au citoyen ou à ses représentants, gouvernement, toute liberté de choix.
C'est tout de même une sacrée question pour l'avenir. Est-ce que dans l'avenir les citoyens auront juste le droit de choisir la couleur des uniformes de vigiles ou est-ce qu'ils auront une prise réelle sur les grands choix économiques qui conditionnent les choix sociaux ?
C'est ces questions-là qui sont devant nous et pas simplement la question du bien-être social. Le monde qui se dessine sous nos yeux, nous l'avons tous constaté, favorise inexorablement la montée du chômage, la raréfaction du travail au sens classique du terme, l'exclusion, il progresse à grands pas vers l'inégalité, il tort jusqu'à les rompre un per un la plupart des liens sociaux. Il détruit des identités, des références, sans y substituer d'autres liens de rassemblement, d'autres principes d'organisation, l'obscurantisme avance, l'intégrisme aussi, vous le savez, et lorsque ces deux-là avancent, eh bien en général la raison recule.
Et je pourrais multiplier les exemples.
Bref, un monde se défait sous nos yeux, sans que nous sachions toujours et très bien ce qui va le remplacer. Et c'est donc un immense défi auquel nous sommes confrontés, et une immense responsabilité qui est la tienne Lionel pour relever ce défi avec nous.
Plus que les modalités d'organisation qui ne sont pas à négliger, qui ont leur importance, pour relever ce défi – nous les avons toutes et tous – ce seront les idées qui seront déterminantes, à condition que nous ne confondions pas les idées avec des schémas préalables, ou avec des références obligatoires.
Ce dont nous allons avoir besoin, c'est d'une pensée libre et courageuse qui ne confonde pas les moyens et les objectifs comme c'est souvent le cas. Connaissant notre intelligence individuelle, et collective, comme le rappelait Lionel lors de notre dernier Conseil national, je ne doute pas de la capacité de notre pensée, mais je le dis bien fort, mes chers camarades, le plus difficile ce sera le courage, parce que notre époque en est cruellement dépourvue. Jaurès ne s'y était pas trompé qui plaçait la nécessité de ce courage au début de sa célèbre devise sur la vérité, et à vrai dire, mais peut-être aussi parce que c'est un peu l'émotion, depuis plus de vingt ans que je milite dans cette famille politique dont je suis fier, je n'avais jamais pris autant l'exacte mesure de cet impératif de courage.
Alors, mes camarades, haut les cœurs et courage ! Et bonne chance à la nouvelle équipe qui sera constituée dans cette journée autour de toi, Lionel.
(L'Assemblée debout ovationne Henri Emmanuelli).
La Présidente : Chers camarades, vos applaudissements le disent, Henri Emmanuelli demeure dans notre cœur, dans notre pensée, un des grands Premiers Secrétaires du Parti Socialiste (applaudissements). Mais je voudrais lui dire : merci Henri, et bien sûr appeler à la tribune notre nouveau Premier Secrétaire, Lionel Jospin.
(vifs applaudissements).
Lionel Jospin : Madame la Présidente, Monsieur le Président, chers amis, chers camarades.
Je suis heureux de me retrouver devant vous ce matin, dans cette Convention Nationale du 14 octobre qui fait que vous portez la volonté, l'expression publique de nos militants.
Un débat est prévu, si vous le souhaitez naturellement. Il pouvait avoir lieu maintenant, dès l'intervention d'Henri Emmanuelli, mais j'ai pensé que plutôt que d'intervenir à la fin pour conclure dans un discours général, compte tenu de la nature de cette convention, du fait qu'elle est le point d'orgue d'un mouvement collectif et pour faciliter le débat, si certains d'entre vous veulent s'exprimer, il était peut-être préférable que je parle dès maintenant.
Cette convention nationale, mes chers amis, couronne le vote de nos adhérents, elle achève un processus, et elle ouvre une nouvelle étape.
Le processus qui s'achève, on l'a dit ce matin, nous le savons, est celui d'un changement de leadership, ouvert par la proposition d'Henri Emmanuelli. C'est une première étape d'une rénovation interne de notre organisation dont nous savons bien qu'il faut la poursuivre. Elle s'est appuyée, s'inspirant de la démarche qui avait été la nôtre, pour désigner notre candidat à l'élection présidentielle, sur des méthodes originales dans la vie politique française, et que nous sommes les seuls jusqu'à maintenant à avoir pratiquées avec cette audace, celles de questions directes posées aux adhérents et de réponses qu'ils expriment par leur vote.
La nouvelle étape qui s'ouvre, c'est celle d'un Parti Socialiste qui se rassemble à l'issue d'une grande confrontation démocratique, l'élection présidentielle. Cette élection présidentielle qui fût paradoxalement pour nous à la fois une défaite et un succès. C'est celle d'une formation qui veut dépasser profondément un certain nombre de luttes, et de clivages incertains, qui l'ont marquée mais qui ne s'interdit naturellement pas le débat des différenciations nouvelles.
C'est un Parti qui se tourne vers l'avenir avec une volonté de reconquête indiscutablement, mais aussi avec des interrogations sur son analyse de la société et sa vision du monde contemporain.
Rien de tout cela (ce processus qui s'achève, cette étape qui commence) n'aurait été possible sans un enchaînement d'événements et de décisions, d'abord l'élection présidentielle, c'est un exercice de démocratie en grand que l'élection présidentielle à l'échelle de tout un pays, exercice de démocratie dans lequel le peuple s'exprime directement par le suffrage universel.
C'est vrai, ce système est propre à la France, et la démocratie peut cheminer autrement, à travers d'autres institutions, et vous savez que nous ne l'avions pas approuvé à l'origine. Il est original en Europe, mais il existe en France dans notre pays. Il faut donc que nous soyons capables d'en mesurer la dynamique de masse, parce qu’une élection présidentielle, c'est un phénomène de masse.
La présidentielle, parce qu'elle est une épreuve, est une source de légitimité populaire, tranche souvent des choses. La campagne que j'ai faite, je l'ai faite avec une volonté de synthèse de nos convictions, le risque existait peut-être d'un écartèlement entre une ligne affichée par le PS et un projet politique différent, propre au candidat, cela ne s'est pas produit.
Une dynamique de gauche s'est progressivement mise en marche, dans laquelle chacun a pu trouver sa place, le candidat, les Socialistes, leurs alliés, les citoyens.
Malgré l'échec final, une nouvelle donne politique pour la Gauche est née à partir du deuxième tour de l'élection présidentielle.
Avant, si je peux paraphraser une phrase connue, nous vivions dans la crainte, après nous nous sommes remis à espérer.
L'élection présidentielle d'abord, mais ensuite l'initiative d'Henri Emmanuelli.
Henri Emmanuelli aurait pu vouloir rester et donc rester Premier Secrétaire du Parti Socialiste. Cela n'aurait guère été contesté, et surtout pas par moi. Je le lui avais dit avec la plus grande netteté. Il a préféré une autre solution, une autre attitude. Il a voulu tirer les leçons politiques de l'élection présidentielle. Il a craint peut-être des conflits internes que je n'aurais pas approuvés, il a suggéré un autre leadership.
Il a en autre assumé le processus de transition lente que j'avais souhaité pour que les militants soient consultés et tranchent de ce changement, et donc exercé sa responsabilité ces derniers mois dans un contexte qui n'était forcément pas très facile pour lui.
Pour tout cela, je veux lui dire mon estime, mon respect et ma gratitude.
(Applaudissements)
Naturellement il fallait aussi mon acceptation.
J'ai hésité à accepter. On a toujours peur, et je pense que vous le mesurez parfois dans vos propres vies personnelles ou militantes, d'un retour en arrière, même si je sais bien comme vous que les conditions de cette nouvelle prise de responsabilité sont très différentes de la précédente pour moi.
La peur des contraintes, la vertu que prête aisément l'opinion à ceux qui semblent affranchis des servitudes des partis, pouvaient jouer pour moi dans le sens d'une liberté préservée. Mais il m'a profondément paru impossible de me dérober.
Beaucoup de militants d de militantes socialistes et de gauche n'auraient sans doute pas compris que je me tienne comme à distance. Us m'avaient beaucoup donné, notamment dans la campagne présidentielle, et peut-être avais-je à leur rendre quelque chose, si je le peux. C'est en tous cas ce qui m'a décidé.
Enfin, mes chers camarades, il y a votre engagement.
Je n'avais mis que deux conditions à mon acceptation : une approche consensuelle de la part des responsables, une légitimité donnée par le vote des militants.
L'esprit de consensus a guidé très vite les travaux de la Commission de Rénovation au point qu'elle vous a fait ses propositions, je dirai, de façon collective, même si ensuite chacun a commenté le sens de son approbation ou de sa réserve.
Les débats du Conseil national, en juillet comme en septembre, en ont porté la marque, et le vote des militants qui vient de se faire et dont vous êtes, comme délégués des fédérations, les porteurs a exprimé une volonté très claire.
Le Parti Socialiste vient de donner, comme le disait Jean-Pierre Bel tout à l'heure, un bon exemple, un nouvel exemple de démocratie vivante.
Nous nous sommes tournés vers nos adhérents pour leur poser des questions fortes et directes. Ils nous ont répondu eux-mêmes clairement et positivement. Le taux de participation pour des votes importants, mais sans enjeu, est, me semble-t-il, significatif, surtout si l'on tient compte d'une moindre mobilisation dans quelques grosses fédérations.
Nous adhérents se sont saisis de l'exercice, ils l'ont trouvé intéressant et utile, ils ont voulu le faire leur.
Le score concernant mon élection à la tête du PS est élevé, je m'en réjouis. Il me confère à la fois légitimité et responsabilité.
Les militants socialistes ont marqué également massivement qu'ils voulaient élire eux-mêmes leur premier responsable, même s'ils souhaitent le faire naturellement à partir d'orientations politiques mises en débat.
Les thèmes sur lesquels nous proposions de travailler et de débattre ont été retenus, et nous aurons à intégrer les suggestions supplémentaires qui nous ont été faites et dont la synthèse est en cours. Notre proposition de dialogue avec les forces de gauche et de progrès a été approuvée.
Enfin quelques questions ont reçu des approbations moins fortes. Elles concernent l'objectif de la parité, question n° 1, la participation des sympathisants, question n° 13, les organismes associés au sein du Parti, question n° 5, et peut-être plus nettement la question du délai de six mois pour pouvoir voter au sein du Parti Socialiste, question n° 8. Les réponses sont positives là aussi, mais moins nettes.
Témoignent-elles d'une certaine frilosité ou d'un attachement profond à une certaine conception du Parti Socialiste ? Je ne trancherai pas, mais je voulais le noter. Nous tirerons en tous cas les conséquences politiques et statutaires de ces décisions dans notre vie interne, dans notre travail de réflexion et dans notre ouverture sur les autres.
Pour mentionner ce point particulier, en ce qui concerne la place des femmes dans les futures échéances électorales, je fixerai comme objectifs ou je vous proposerai d'adopter des objectifs de progression significative du nombre de femmes candidates, mais aussi possiblement élues, élection après élection, démarche utilisée d'ailleurs par d'autres formations socialistes ou social-démocrate.
(Applaudissements)
Je crois en tous cas que nous pouvons être fiers de l'exercice de démocratie que nous venons de conduire une nouvelle fois à l'échelle de tout un parti. J'espère que cela contribuera à la réputation d'une formation, la nôtre, qui est la seule effectivement, comme le disait Henri il y a un instant, à avoir, si j'en juge par les sondages aujourd'hui, une cote positive dans l'opinion.
J'ai vu en tous cas avec plaisir, je dirai presque avec un sourire, que certains observateurs cherchaient du coup à amalgamer des instances différentes, des élections d'une nature en tous points dissemblable, se produisant dans des formations politiques du pays, et à faire comme si les évolutions engagées dans le Parti Socialiste pouvaient ressembler à celles qui se produiraient, paraît-il, dans les partis de la majorité.
Alors je voudrais dire très clairement que si au PS il s'agit bien d'une rénovation, à l'UDF j'ai surtout vu de la confusion, et au RPR de la concentration.
(Applaudissements)
En tous cas, mes chers amis, il n'y a qu'au Parti Socialiste que la base vote, cela est sûr.
(Applaudissements)
Je voudrais maintenant inscrire ce moment d'aujourd'hui dans une histoire plus longue, histoire qui est celle de notre pays, mais qui est aussi celle de notre mouvement.
Nous sommes aujourd'hui, chers camarades, à la fin d'un cycle long ouvert par les combats de la Résistance et les actes fondateurs de la Libération. À la volonté d'alors des peuples de prendre en main leur destin, d'associer la communauté nationale à des objectifs de développement et de justice sociale, a correspondu la mise en place de nouveaux instruments : le Plan, le secteur public, la Sécurité sociale, un droit du travail protecteur, de nouvelles exigences en matière de culture.
Cette démarche n'était d'ailleurs ni nationaliste, ni protectionniste, puisqu'elle s'accompagnait du lancement de la construction européenne et de la création de grands instruments de régulation internationale : l'ONU, le FMI, la BIRD ou le GAT.
Ni la 4ème République, ni le Gaullisme, ni ses premiers successeurs conservateurs, ni les Socialistes bien sûr, après 1981, n'ont remis en cause fondamentalement ce modèle français qui avait d'ailleurs d'autres exemples en Europe.
Certes, au pouvoir nous-mêmes, nous avons senti peser sur nous le poids des dérégulations mondiales, subi parfois les séductions du libéralisme, constaté une certaine dérive de la conception initiale de l'Europe. Mais ce sont les deux gouvernements de cohabitation, celui de M. Chirac, puis celui de M. Balladur, qui ont entrepris pour la première fois un travail de démantèlement systématique économique et social de ce qui avait été acquis depuis la guerre.
Il n'est pas surprenant que l'extrême droite vichyssoise, négatrice de ces valeurs historiques et de cette histoire, soit revenue en force pendant cette période. L'ambivalence de la campagne de Jacques Chirac dans la présidentielle débouche aujourd'hui sur un nouveau pouvoir traversé de contradictions et met en scène un président tiraillé entre la rhétorique sociale gaulliste de M. Seguin opportunément évoquée le temps d'une campagne. Ce M. Seguin aujourd'hui muet et dont on ne voit pas en quoi il pourrait constituer la moindre alternative, lui qui jadis, il y a si peu de temps, était si prolixe –, entre cette rhétorique sociale gaulliste et le conservatisme technocratique traditionnel qui inspire le Premier ministre Alain Juppé, et encore le discours de la réforme libérale et réactionnaire que propose en contrepoint un Alain Madelin écarté du gouvernement.
Mais pour autant, mes chers amis, les contradictions des autres ne nous dispensent pas de nos propres mises à jour.
Nous sommes beaucoup à avoir en mémoire les grands axes du Programme Commun. Nous savons ce que nous avons fait et ce que nous n'avons pas fait quand nous étions au pouvoir. Il nous faut maintenant produire une analyse cohérente de la période qui vient, non pas produire un discours satisfaisant pour les temps d'opposition, mais que nous serions incapables de mettre en œuvre au pouvoir, non pas renoncer à toute audace, à tout changement sous prétexte d'être crédibles en espérant que l'échec de la majorité actuelle nous conduise automatiquement aux responsabilités.
Je plaide pour le réalisme. Mais pour un réalisme de gauche, pour un réalisme qui fait bouger les choses et apporte des réponses à la misère et au chômage, tout en faisant vivre l'économie.
(Quelques applaudissements)
Revenons aussi un instant à l'histoire de notre mouvement politique.
Il y a eu le temps de la fondation, de 1971 à 1981. C'était le temps des idées fortes, des grands projets, des à peu près économiques, des honnêtes illusions. Certaines de nos proclamations d'alors seraient cruelles à relire aujourd'hui.
Il y a eu le temps du pouvoir, avec des coupures bien sûr dans ce pouvoir, de 1981 à 1995. N'oublions pas les réformes faites, les progrès accomplis, mais pas non plus les défaillances, les impuissances et les renoncements que parfois rien n'imposait.
Vient maintenant le temps de la reconstruction et de la conquête.
Il nous faut un instrument, certes, et nous y travaillons, mais il nous faut surtout, à partir des expériences et des matériaux qui sont les nôtres, forger une nouvelle synthèse d'idées et de propositions.
J'ai amorcé ce travail dans la présidentielle, mais nous devons aller plus loin collectivement. C'est en tout cas avec cette volonté que je veux exercer ma nouvelle responsabilité.
Je ne reviens pas à la tête du Parti socialiste comme on prend un pouvoir, mais pour assumer une mission politique. Je vais avec la volonté de faire renaître des débats au sein de notre formation. J'ai toujours eu le goût des idées, la capacité d'écouter les autres, le désir de convaincre. Je ne m'intéresse pas aux jeux de pouvoir ni aux positionnements tactiques, mais je respecte la diversité et la sincérité des convictions.
Je travaillerai avec tous en restaurant l'esprit collectif, un climat de fraternité, l'envie de débattre pour élaborer en commun. C'est là le meilleur de la tradition de gauche, et il nous faut pleinement renouer avec elle.
(Applaudissements)
Je n'ai que faire des délits supposés de la présidentialisation, là n'est pas ma culture, mais j'entends exercer pleinement mon rôle de leader dans le cadre de nos élaborations communes, parce que c'est ce qui a été souhaité par nos adhérents et par vous, et que c'est, me semble-t-il, de notre intérêt collectif.
Le Parti socialiste n'est pas toute la gauche. Des millions d'hommes et de femmes non pas éloignés, mais différents de nous, m'ont fait confiance dans les semaines denses d'une campagne difficile. Je leur dois une fidélité et une liberté de pensée auxquelles je ne veux pas me soustraire.
Mais, je sais que vous comprenez pourquoi il est nécessaire de maintenir ce lien avec eux. Il nous faut, en effet, incarner une alternative et forger les conditions de l'alternance.
Jamais, en effet, mes chers camarades, le contexte politique n'a été si étrange dans le pays. Voilà un Président de la République qui vient tout juste d'être élu et dont on ne sait plus quelle politique il incarne. Voilà un gouvernement qui n'a pas six mois d'existence et qui tourne le dos à la politique annoncée. Voilà un Premier ministre qu'on a présenté comme le plus brillant politique de son camp et qui a perdu en peu de temps l'essentiel de sa crédibilité, non pas, selon moi, pour des raisons qui toucheraient à ses embarras personnels (et je me suis gardé d'exploiter ses difficultés), mais pour des raisons qui concernent les contradictions de sa politique et sa manière de gouverner les hommes. (Applaudissements)
Voilà une majorité écrasante qui devrait se réjouir d'avoir enfin retrouvé la Présidence de la République. Or, elle exhale sa mauvaise humeur, ses états d'âme en même temps qu'elle nous offre le spectacle de ses divisions !
Nous assistons, avec un peu d'effarement il faut bien le dire, à un affaissement du pouvoir sur lui-même, à une crise de confiance dans l'opinion sans précédent par sa précocité et par son intensité.
Mais, cette situation sans précédent renvoie elle-même à une campagne présidentielle sans précédent.
L'équipe rassemblée autour de Jacques Chirac et Jacques Chirac lui-même, ont fabriqué loin des thèmes traditionnels de la Droite, un discours de pure séduction mis au service d'une opération de commando électoral, d'ailleurs conduite avec succès.
Mais, aujourd'hui, tout cela débouche devant nous et devant les français sur un gouvernement impuissant et une opinion désarçonnée, les faits négligés se vengent et la démocratie se rappelle au bon souvenir des démagogues ! (vifs applaudissements)
Même s'il y a à cela quelque justice, nous ne pouvons-nous réjouir d'une telle dégradation dans la mesure où elle atteint aussi le crédit de la France et sème le trouble chez les acteurs de la vie économique et sociale du pays.
Il nous faut donc, mes chers camarades, mes chers amis, tracer des perspectives. Si l'on regarde les données objectives, croissance plus faible, chômage massif, progression des déficits et de l'endettement, menaces terroristes, glissement de l'opinion vers le scepticisme, les perspectives ne sont pas souriantes. Mais, la tâche qui est devant nous, elle, est passionnante. Les Français peuvent revenir vers nous s'ils pensent que nous avons tiré des leçons du passé, s'ils estiment que notre vision du temps présent, les valeurs que nous défendons, surtout les propositions que nous avançons répondront mieux à leurs interrogations et aux problèmes du pays.
Déjà, le score obtenu à l'élection présidentielle n'indiquait-il pas que sans être prêts à nous choisir en 1995, ils s'intéressaient à nouveau à ce que nous proposions et nous redonnaient, à travers moi, une grande partie de notre force ancienne ? Alors, avançons.
Nous allons d'abord nous rassembler, et nous avons commencé à le faire. Peut-être parce que nous sommes las, tous et chacun, des querelles anciennes, parce que nous devons opposer notre unité aux divisions du RPR et de l'UDF. Mais, surtout parce que nous avons un objectif de reconquête, et la perspective d'un travail commun d'élaboration. C'est dans cet esprit de rassemblement que j'ai préparé la nouvelle direction du Parti que, conformément à nos statuts, je présenterai tout à l'heure au Conseil national avant de revenir, si c'est bien prévu, devant vous.
Nous allons rassembler, mais nous allons aussi nous relancer. Bien sûr, le travail n'a pas manqué. Il y a eu la bataille de la campagne présidentielle, les campagnes et souvent les succès des municipales, le bon résultat des sénatoriales et de plusieurs élections partielles cantonales et même d'une législative en en espérant quelques autres.
Nos groupes parlementaires (et je salue ici l'élection de Laurent Fabius à la tête du groupe socialiste à l'Assemblée Nationale) sont actifs malgré le déséquilibre des forces. Le parti et sa direction sortante ont assumé pleinement leurs fonctions, et il était normal qu'Henri rende hommage à ceux qui ont travaillé avec lui. Mais, le moment, tout simplement en raison des circonstances politiques et de ce que nous avons voulu, est venu de relancer la machine. Nous allons le faire ensemble au plan national comme sur le terrain.
Nous allons aussi renouer des dialogues avec les françaises et les français, bien sûr, mais aussi avec les forces vives du pays, économiques, syndicales, associatives, culturelles qui veulent connaître nos propositions et qui veulent nous faire savoir leurs attentes et leurs projets.
Nous souhaitons, je souhaite, que se rassemblent les forces de gauche et de progrès dans notre pays. Cela implique la franchise dans les prises de position, mais aussi le respect des partenaires.
On sait que j'ai été opposé en son temps à un projet d'une fédération PS-Radical et qui, aujourd'hui, me dirait que j'ai eu tort ?
J'ai résisté à la pression qu'on voulait faire peser sur moi depuis ce parti pourtant ami depuis longtemps, au début de la campagne présidentielle. Mais, je suis favorable à une bonne entente entre le parti socialiste et les radicaux de gauche. Il y a quelques semaines, j'ai dit mon scepticisme à l'égard de la ligne dite d'opposition constructive qui était prêtée à la direction du parti communiste. Il me semble que j'avais raison, mais j'ai toujours respecté la sensibilité communiste, reconnu le pluralisme de la gauche et évité toute attitude hégémonique. J'affirme le même respect pour l'apport fait aux idées par le mouvement écologiste ou pour l'existence de courants comme le Mouvement des Citoyens ou les communistes critiques.
Bien sûr, je veux avec vous tous construire une grande force socialiste et je sais qu'elle est indispensable et au rassemblement et à l'alternance, mais je reste attaché à une stratégie de rassemblement des forces de progrès, de rassemblement à gauche.
C'est ainsi que j'ai mené la campagne présidentielle. C'est ce que nous nous efforcerons de faire vivre en proposant à nos partenaires d'explorer avec nous des espaces de coopération.
Nous allons, mes chers camarades, continuer à animer plus que jamais l'opposition.
Quelle est la situation ?
Une opinion internationale hostile à la reprise malencontreuse des essais nucléaires français, un gouvernement en chute libre dans les sondages, des syndicats ulcérés et des chefs d'entreprises mécontents, des banlieues tendues plus que jamais et des marchés financiers circonspects, une politique algérienne ambiguë et risquée, une politique européenne absente, un milieu universitaire et étudiant inquiets, des services publics menacés et montrés du doigt et qui se sont d'ailleurs mobilisés tout récemment pour le dire, une fiscalité alourdie et injuste, une politique de la ville oubliée, une action contre le chômage timide ... Oui, le devoir d'opposition s'impose.
(Applaudissements)
Cette opposition, nous la mènerons au Parlement dans une étroite liaison entre le parti et ses parlementaires. Nous la mènerons dans le pays sur les médias comme sur le terrain avec la volonté d'interpeller le gouvernement, d'éclairer l'opinion, de servir la France.
Nous allons enfin, en tout cas c'est à cela que nous devons consacrer toutes nos forces, retrouver la confiance des français.
Il n'y a pas d'opposition sans propositions. Il n'y a pas de victoire que l'on puisse remporter sans convictions. Nous retrouverons la confiance des français par notre façon d'être, par le comportement de nos responsables, mais aussi par la pertinence de nos propositions.
Nous ne partons pas de rien. Les propositions que j'ai faites aux Français en votre nom ont éveillé un écho pendant la campagne, même si nous n'avons pas gagné, qu'il s'agisse de la réforme des institutions avec le quinquennat, des rapports nouveaux entre le gouvernement et le parlement, de la façon de faire fonctionner collectivement l'institution exécutive, qu'il s'agisse de la lutte contre le chômage avec les propositions de diminution de la durée du travail, avec les grands programmes de création d'emplois, qu'il s'agisse de l'évolution de la protection sociale, qu'il s'agisse de la politique européenne, de la lutte contre la spéculation internationale dont nous parlions tout à l'heure.
Je crois que l'on peut dire que nos approches étaient plus cohérentes que celles que développe aujourd'hui le gouvernement.
Il nous faut donc, avec plus de temps que je n'en ai eu, travailler à nouveau, approfondir nos analyses et préciser nos propositions.
Les trois grands thèmes de réflexion proposés à nos adhérents et approuvés par eux, fournissent à mon sens un bon cadre de travail, parce qu'ils concernent les grandes interrogations, les grandes contradictions de la période.
D'abord, la mondialisation. Elle ne peut être niée ou éludée, mais il faut dire comment l'aborder, quelles régulations proposer hors du cadre national, comment utiliser en même temps le cadre national pour agir, comment poursuivre la construction européenne afin que celle-ci ne soit pas le premier pas vers la dilution dans un espace mondial dérégulé, mais au contraire, un cadre d'organisation de cet espace et un point d'appui pour défendre des acquis, des valeurs et des projets.
Ensuite, la redistribution, comme instrument de justice sociale mais aussi de politique économique.
La coexistence chez nous du chômage, de la précarité de masse et de déficits publics, d'un endettement important, nous oblige à concilier une réflexion de rigueur et de justice.
Il faut donc définir une nouvelle politique économique qui rejette la fuite en avant dans le libéralisme ou le simple retour, qui serait très provisoire, au keynésianisme. Et cela oblige à poser la question de la redistribution dans un pays qui, au cours de ces dernières années, a à la fois accru sa richesse et le nombre de ses pauvres.
Enfin, la question des acteurs publics et de la démocratie.
Là aussi, j'ai avancé des pistes dans ma campagne, dans la façon de nouer le dialogue avec nos concitoyens, dans notre volonté de faire vivre autrement les institutions, de travailler avec le Mouvement associatif et avec les jeunes. Il faut préciser les valeurs, mais aussi les politiques concrètes autour desquelles refonder le pacte républicain et restaurer le sentiment d'appartenance à une communauté de destin.
Si nous voulons retrouver la confiance des Français, il nous faudra, et ce sont mes derniers mots, répondre à deux exigences :
– dire la vérité,
– donner du sens.
Dire la vérité est la première exigence aujourd'hui. Tout le pays est troublé parce que la dernière campagne présidentielle a vu la victoire de l'illusion politique. (Applaudissements) Aujourd'hui, l'illusion se dissipe, le pouvoir est le premier à en payer le prix, mais les conséquences peuvent être délétères pour toute la vie politique nationale.
Les Français, pour retrouver leurs repères, ont besoin d'un langage de vérité. À nous de le tenir sans renoncer à la volonté d'agir. (Applaudissements)
Donner du sens est la seconde exigence.
On dit que le Gouvernement actuel se heurte à un problème de lisibilité politique (c'est évident !) tant il accumule de contradictions dans ses références et dans son action.
Mais cette question du sens dépasse celle d'une mauvaise communication politique, ou même d'une contradiction entre le discours d'hier et la pratique d'aujourd'hui.
Conquérir la confiance des Français, c'est non seulement leur fixer un cap qui soit clair (et c'est déjà le minimum), mais c'est, face aux incertitudes actuelles, leur proposer une façon de vivre ensemble et un projet pour l'avenir qui provoquent leur approbation raisonnée et qui aient un sens pour eux, individuel et collectif.
Je termine, mes chers camarades, sur une question à la mode ces dernières semaines, celle des rythmes et des échéances.
Vont-ils accélérer ? Les gazettes bruissent de cette interrogation.
Je vous réponds que je n'en sais rien, mais il est clair que ce genre de spéculation n'est pas un bon signe pour le Gouvernement !
Je dirai surtout : ne nous laissons pas tarauder par cette question. Agissons, travaillons, préparons-nous en vue des échéances prévues, parce que c'est l'attitude normale en démocratie.
Serons-nous prêts à ce moment-là ? J'en suis convaincu, si nous travaillons bien.
Serons-nous prêts avant, si les circonstances le veulent ? Eh bien, il le faudra bien.
Alors, commençons à travailler dès maintenant !
Je vous remercie. (Très vifs applaudissements prolongés de la salle, debout)
Le Président : Mes amis, mes camarades, un certain nombre de camarades se sont inscrits dans le débat … (mouvements divers) … J'aime votre enthousiasme !
Puisque vous êtes là, vous êtes venus aussi pour les entendre ! Si vous voulez bien vous asseoir et faire l'effort considérable de restreindre votre enthousiasme après avoir entendu Lionel (c'est difficile, je le comprends !), je pourrai leur donner la parole.
Si François Lecat, délégué de l'Allier, veut venir jusqu'à la tribune, il sera suivi, si elle le souhaite, par Catherine Trautmann.
Les interventions seront bien entendu brèves, chacun le comprend.
François Lecat : Chers camarades, au lendemain de notre vote interne, le peuple de ce pays, le 10 octobre, avec ses pieds, avec son cœur, avec son intelligence, a plébiscité la défense et l'illustration du service public à la française. Si nous ne voulons pas être, à l'instar des Madelin, des Sarkozy, des Puech et autres Juppé, les chiens qui aboient quand la caravane de l'histoire passe, prenons garde à ne pas mesurer l'importance nationale et internationale de cet événement.
Ce qui s'est passé, ce n'est pas seulement une importante grève de la fonction publique et des travailleurs des services publics, c'est l'approbation massive, raisonnée et réfléchie, de couches très larges de la population, d'un mouvement que certains décrivaient comme nécessairement impopulaire et dont des politiciens mal informés sur l'évolution de l'opinion pensaient qu'il allait approfondir le fossé qu'ils imaginent entre secteur public et secteur privé. Depuis des mois, des années bientôt, peut-être depuis Maastricht, ceux qui ne sont pas sourds peuvent entendre monter du peuple tout entier une façon de penser nouvelle ; cette façon de penser nouvelle concerne les régions, les entreprises, elle concerne l'État et les relations internationales, elle nous concerne tous ; cette façon nouvelle de penser n'a pas sa source dans les cénacles des pseudo-experts en finances et en économie, elle est plutôt de la nature de la réflexion de l'enfant de la fable quand il s'écriait : « Le Roi est nu !"
Malgré l'énorme matraquage libéral et européaniste, peut-être aussi à cause de ce matraquage, les citoyens de ce pays commencent à refuser cette fatalité qu'on leur propose de voir disparaître toutes les garanties pratiques de leurs droits d'hommes et de femmes dans une construction européenne qui leur semble plutôt la destruction de la démocratie en Europe.
Le 9 octobre, les socialistes ont voté pour la rénovation de l'outil que constitue le Parti. Souhaitons que cet outil soit vraiment au service des travailleurs qui, le 10 octobre, ont manifesté ou ont été solidaires de cette volonté de défendre le service et la coopération.
Cela demande une pensée libre et courageuse, comme le réclamait tout à l'heure Henri Emmanuelli Nous sommes capables de ce courage et de cette liberté !
(Applaudissements)
Le Président : Merci, François.
Si Catherine Trautmann pouvait venir jusqu'à la tribune pendant que ALCANTARA se prépare, elle a la parole. (Applaudissements)
Catherine Trautmann : Cher Lionel, chers camarades, chers amis, cette Convention qui nous réunit est sans doute historique car, comme cela vient d'être brillamment indiqué par notre ancien Premier Secrétaire et notre nouveau Premier Secrétaire, la réforme des statuts du Parti qui a été proposée par la Commission de Rénovation, l'introduction de la démocratie directe, marque une véritable révolution culturelle. Acteurs ou actrices de cette réforme, nous ne prenons peut-être pas encore l'exacte mesure de ce que signifie, pour un Parti Socialiste né des amours d'une culture ouvrière et d'un idéal républicain, la fin de la culture du mandat.
Bien sûr, on évoque inévitablement dans beaucoup de commentaires les affres qu'a connus le Parti, les luttes intestines de courants dans une atmosphère délétère, la déconsidération durable de notre action auprès de l'opinion, la sclérose d'une pensée moyenne, et on croit que la rénovation a l'immense avantage d'y mettre un terme.
À défaut de faire table rase d'un passé que nous aurions, prodigues, tort de renier, que nous tournions la page ensemble est chose excellente. Mais cela ne peut se comprendre que comme une étape, l'une des premières d'un parcours encore bien long.
Ce parcours doit être, chers camarades, une véritable refondation et là me semble être l'essentiel.
La campagne présidentielle de Lionel Jospin a montré que, dans notre pays, la gauche rénovée pouvait être l'objet de formidables espérances, au point de surprendre d'aucuns parmi nous encore étourdis de la correction des dernières législatives.
Que faire pour ne pas trahir et décevoir ces espérances? Comment s'organiser ? Quelles actions, quels projets proposer ?
Tels sont les enjeux qu'il nous appartient maintenant de travailler.
La tâche est d'autant plus importante et urgente que la droite, le Gouvernement, donnent l'impression de brûler leurs chandelles, de scier la branche sur laquelle ils sont assis. Personne ici ne versera un pleur sur la pantalonnade qu'offre aujourd'hui le pouvoir et dont le "20 heures" donne presque chaque soir un nouvel épisode.
Plus graves sont les impasses sociales, économiques, sociétales, vers lesquelles le Gouvernement engage aujourd'hui notre pays.
On ne fait pas la révolution toutes les semaines, on ne la fait pas pour prendre date d'un nouvel élan, on la fait parce que l'on pressent que les conditions historiques ne permettent plus de continuer comme avant, ne permettent plus de gérer correctement la politique. Et finalement, l'honneur de notre Parti, l'attachement que nous pouvons lui porter, résident bien dans cette capacité collective que nous pouvons avoir, dans notre volonté de transformation, et ceci mérite d'être dit à l'intention de ceux qui pouvaient désespérer de notre Parti. On peut souhaiter que la réforme des statuts qui vient d'être adoptée ouvre la voie vers une véritable décentralisation du Parti, de manière à mieux saisir les mutations contemporaines, de manière à mieux ouvrir le Parti aux réalités locales, celles des luttes sur le terrain, celles des expérimentations dans les réseaux qui nous sont proches.
Trop de citoyens peuvent estimer que la condition, qu'ils vivent, celle de la précarité, celle de l'exclusion, du chômage, de l'intolérance, n'est plus aujourd'hui l'objet suffisamment central de notre projet politique. Ces citoyens ont l'impression que la gauche est parfois trop éloignée de leurs préoccupations pour qu'ils s'y reconnaissent, pour qu'ils y reviennent, pour qu'ils s'y réinvestissent.
La transformation sociale n'est possible que si les règles du partage se modifient, celui du travail, celui de l'environnement, celui de la citoyenneté. Elle doit venir aussi d'en bas et cela sera un combat et non un compromis de salon.
C'est pourquoi il faut que le Parti s'immerge dans la société plutôt qu'il ne se fige dans ses institutions.
Nous devons cesser de raisonner en termes de crise, termes bien inappropriés aujourd'hui pour définir la décomposition d'un ordre ancien et d'autant plus faussement rassurant que l'on s'en éloigne pour définir une aliénation nouvelle à la dimension de sa misère et de ses inégalités.
L'adaptation du Parti aux règles qui sont celles de la démocratie moderne doit nous permettre de mieux comprendre les mutations de notre société, de mieux saisir les éléments nouveaux qui font sens, de se réinterroger sur l'organisation de la cité, le rôle de la nation dans la constitution de l'État, leur dépassement avec l'émergence de l'Europe. Lorsqu'on souhaite quitter le vieux monde, il y a toujours, camarades, du pain sur la planche mais il y a surtout le projet d'un nouvel espoir collectif.
Je voudrais ajouter à ce qui a été proposé dans les actions par la Commission de rénovation, ce que je pense nécessaire de pouvoir ajouter, ce que j'avais appelé un Forum des initiatives.
Pendant la période qui s'ouvre à nous, où nous aurons à la fois un rôle d'opposition mais aussi un rôle de démonstration pour convaincre nos concitoyens, nous devons pouvoir à la fois débattre mais nous devons aussi démontrer que notre parti est riche d'initiatives ; nos collectivités le prouvent tous les jours.
Les résultats des dernières élections municipales sont là pour le démontrer. Nous devons pouvoir crédibiliser nos propositions, expérimenter aussi ce que peut proposer le Parti, être et constituer le terrain permanent, la vitrine en quelque sorte de notre engagement politique mais aussi de notre projet pour les Français.
Lionel, tu m'as proposé d'entrer dans le Secrétariat national. Je t'ai répondu "non", non pas parce que je ne souhaite pas faire partie de ceux qui peuvent porter cette responsabilité collective – je souhaite la porter comme tous les autres avec toi – mais je t'ai expliqué, et tu l'as bien compris, que dans les responsabilités qui sont les nôtres dans nos villes, dans nos quartiers, être maire, être député sont des tâches qui nécessitent aussi la présence dans la quotidienneté.
(Applaudissements)
Nos concitoyens nous attendent aussi sur la rigueur de nos choix et sur notre comportement éthique. (Applaudissements) Notre comportement éthique suppose que nous recherchions moins le pouvoir en termes d'alternance que nous sollicitions la confiance pour avoir le pouvoir d'agir ; c'est celui que l'on attend de nous.
(Applaudissements)
Je crois que si nous respectons cette priorité qui a été définie tout à l'heure de pouvoir amener notre Parti – et moi je serai moins négative sur la mise en place de la parité et le vote qui l'a sanctionnée. 65 % quel progrès dans un Parti où l'on s'étripait, chers camarades, il y a peu, sur les quotas ! – moi qui suis entrée dans mes mandats politiques, comme je le dis souvent, par effraction, si nous pouvons avoir aussi cette solidarité, cette volonté d'avancer ensemble, cette volonté de traduire, y compris dans nos instances, la composition sociale de notre pays, en y joignant cet objectif de décentralisation, je crois que nous serons aussi plus crédibles et que notre projet n'en sera que plus lisible.
Lionel, je voudrais terminer sur un vœu, celui que nous puissions cheminer ensemble avec détermination, volonté, courage, comme le disait aussi Henri Emmanuelli, nous sommes nombreux dans ce pays qui avons cet espoir, qui avons aussi cette fidélité politique car je crois que les victoires ne se gagnent pas au prix du renoncement, elles se gagnent aussi au prix de la fidélité !
(Vifs Applaudissements)
Le Président : La parole est à notre camarade Alcantara puis à Yvette Roudy.
Barthélémy Alcantara : Chers camarades, parce que nous étions la minorité au Congrès de Liévin, je commencerai en remerciant Henri Emmanuelli qui a scrupuleusement veillé à ce que nous ayons tous les droits et les possibilités d'expression et à saluer cette attitude exemplaire qui a permis que cette Convention se passe dans les meilleures conditions. C'est suffisamment rare pour que nous le saluions.
(Applaudissements)
Rénovation, reconstruction, big-bang, les militants et les sympathisants pourraient à juste titre être méfiants face aux bonnes intentions proclamées. Celles-ci se sont souvent traduites par quelques mesures positives mais partielles, suivies de multiples reculs, renoncements et n'ont jamais permis de corriger en profondeur les dérives, insuffisances et dysfonctionnements constatés.
Cependant, la Gauche et le Parti Socialiste ont souvent connu des périodes charnières : défaites, fins de cycle ou, au contraire, unifications où le renouvellement s'impose. Nous sommes à l'évidence confrontés à une telle nécessité.
C'est donc avec l'espoir de voir enfin cette refondation souhaitée prendre corps que nous abordons cette période et que nous reprenons notre discours maintes fois répété, rabâché, depuis notre motion "Agir en socialistes".
Notre Parti doit pleinement assurer la double ambition : construire une alternative et une alternance électorale. Éviter le repli frileux sur nos pratiques internes, œuvrer à la construction de rassemblements, tenir compte des échéances précises mais aussi refuser les dérives, faire un simple appareil à vocation électorale.
Notre choix politique semble clair : un réformisme fort et convaincu. Notre horizon : l'alternance en 1998 au plus tard. Notre réflexion devrait s'articuler sur cette échéance selon la démarche chère à Pierre Mendes-France : des objectifs, des solutions, des échéances. Mais aussi, ce qu'il n'a pas su faire : des leaders, des responsables, des équipes et des militants pour mener le combat politique.
Dans la Commission, nous pensions avoir le temps. 1996-1997 mais à l'éphémère état de grâce succède l'état de désarroi et sans spéculer sur un écroulement du jour au lendemain, le Parti Socialiste se doit de construire rapidement cette force d'alternance.
Soyons francs, nous pensions qu'un débat en profondeur de quelques mois aurait permis de régler les problèmes les plus criants en dépassant les clivages traditionnels et qu'un grand congrès de rénovation aurait rendu le Parti plus opérationnel sans interférer sur les futures échéances électorales.
Une autre orientation a été choisie. Nous l'avons acceptée en Commission parce que l'ouverture, le rassemblement et la rénovation sont nos choix fondamentaux.
Nous nous contenterons de veiller et d'agir pour que les étapes suivantes soient à la hauteur de nos espérances.
Sur le débat de la convention, je me contenterai de faire deux remarques :
Sur les réflexions que j'ai pu entendre dans ma Fédération et dans quelques fédérations voisines, je veux simplement dire que de nombreux militants, n'ont manifesté qu'un intérêt poli, vis-à-vis des thèmes proposés. Ils l'ont d'ailleurs très massivement et courtoisement voté mais avec peu d'enthousiasme et conviction.
Parmi ces militants, nombreux étaient ceux qui souhaitaient que l'on réponde à des questions simples mais où les réponses sont forcément abominablement difficiles : quelle société voulons-nous construire ? Et parce qu'ils ont été très échaudés par la distance entre le dire pré-électoral et le faire post-électoral, ils associaient dans la foulée : quelle société pouvons-nous construire ? Quelle société découle de notre condamnation des inégalités, des privilèges, des injustices ? Quelle traduction concrète à donner aux notions de responsabilité, de justice, d'égalité, de liberté et de citoyenneté renouvelée ?
La réflexion socialiste ne naîtra pas toute neuve et innocente, après neuf mois de débat et de gestation. Elle se doit de tirer les conclusions et les leçons de notre expérience, de montrer notre capacité à trier entre ce qui est devenu une authentique culture de gouvernement et ce qui n'a été qu'une simple culture de renoncement.
En passant au crible l'ensemble des contraintes, il nous faut distinguer ce qui, dans la situation actuelle, n'est qu'une simple contrainte ou pseudo-contrainte liée à l'idéologie ultra-libérale et les véritables contraintes dont toute violation entraînerait un affaiblissement immédiat de notre économie.
En résumé, il faut construire une alternative réelle à la politique de ces dernières années.
La deuxième réflexion est que les militants nous demandent de savoir gérer nos débats en y intégrant le combat politique quotidien, stade prioritaire pour un Parti d'opposition, le Parti Socialiste leur apparaît parfois un peu à la remorque des événements et un peu court sur nos propositions concernant les problèmes de société.
Face à une société plus incertaine, plus complexe, à un électorat plus volatile, une dialectique politique sommaire ne suffit plus. Les discours, politiques sont souvent inaudibles pour des couches entières de la population. De plus en plus, les échéances électorales ressemblent à une partie de chamboule-tout, pour une part croissante de l'électorat, les discours semblables à ces boîtes de conserve vides que l'on renverse tout en sachant qu'on les remplacera par d'autres discours qui paraissent aussi vides de sens.
Nous devons évidemment contrer cette évolution catastrophique. Plus particulièrement, nous retrouvons, comme au siècle dernier, ce Tiers-État précaire, ce prolétariat en action qui, comme l'affirmait déjà Marx, risque d'être disponible pour toutes les aventures et auquel nous devons donner, par le militantisme local, une unité mais aussi par une politique économique et sociale plus offensive un peu d'espoir.
Je terminerai par dire que cette désaffection exige aussi, comme l'a dit Catherine Trautmann, que nous abandonnions parfois les grandes déclarations de principe au profit de l'organisation et de l'action. Pour ce qui nous concerne, répétons-le, nous souhaitons que notre Parti devienne la vitrine des pratiques démocratiques organisationnelles et institutionnelles que l'on entend mettre en place après la prise du pouvoir. Exemplarité des pratiques, développement de la démocratie participative et de la citoyenneté politique.
Nous approuvons fortement cette proposition de Forum des initiatives et si les 14 questions concernant le Parti ne sont, à l'évidence, qu'une première étape, celles qui posaient le moins de problèmes, les difficultés à venir devront être impérativement et rapidement abordées. En particulier, nous devrons impulser un recul de la cooptation générale de la technocratisation, un recul des manquements à nos valeurs et la Charte éthique doit contenir un code de déontologie et les moyens et sanctions qui en découlent.
Nous avons clairement fait le choix d'adopter une démarche positive et d'aborder cette période importante avec dynamisme. Pour notre part, avec une très large majorité de militants, nous faisons confiance à Lionel Jospin pour rapprocher le dire et le faire, pour renouveler les cadres et les pratiques, pour recréer cette identité politique progressiste cohérente, autour d'un Parti socialiste refondé où nous pourrons, après Jean Jaurès, redire: "entrez, c'est ici la cité des hommes !"
(Applaudissements)
Le Président : merci. La parole est à Yvette Roudy.
Yvette Roupy : Mes chers camarades, l'initiative qui a constitué ces 18 questions posées aux militants a soulevé, nous l'avons tous vu, une très belle mobilisation, qui a montré l'intérêt que les socialistes portent au renouveau de notre Parti. La voie que nous trace Lionel Jospin est bonne et juste, et je pense notamment aux dispositions nouvelles sur l'enregistrement des nouvelles adhésions, ou à l'élection des membres dirigeants par les militants eux-mêmes ou autres dispositions qui représentent effectivement, comme le disait Catherine, une véritable petite révolution culturelle.
La vraie question pour moi est celle-ci, pour faire très court : à quoi sert aujourd'hui un Parti socialiste ?
Pour moi, un Parti socialiste ne peut se limiter à gérer uniquement la répartition d'un certain nombre de sièges entre quelques-uns. Il a une fonction importante, il doit s'occuper des élections, c'est une de ses fonctions, il faut qu'il le fasse avec la conscience que cela doit aussi représenter l'ensemble des militants, et j'en viens là naturellement à la question de la parité je ne serai pas longue car Catherine a dit l'essentiel.
J'ai retenu, Lionel, que tu t'engageais déjà à un progrès significatif à chaque élection. Cela me paraît une démarche pragmatique, sage, qu'il faudra préciser parce que, évidemment, nous savons que la parité sans calendrier, comme disait le Pierre Mendes-France, cela ne signifie pas grand-chose. Mais si nous savons qu'il y a un objectif précis avec une perspective précise là-dessus, tu ne manqueras pas de soutien pour t'aider dans cette voie.
La deuxième fonction d'un Parti est pour moi une mission d'intégration sociale et de reconquête de notre électorat. Nous savons tous que la montée du vote lepéniste est préoccupante, d'autant que ce vote se manifeste maintenant dans des quartiers ou se trouve une bonne partie de ce qui est notre électorat, là où seront les chômeurs de deuxième et troisième génération, les quartiers les plus défavorisés, le retard scolaire, la pauvreté. Il n'est pas trop tard, j'en suis convaincue, pour reconquérir cet électorat. Les maires de gauche qui sont sur le terrain ont cette merveilleuse occasion de constater à chaque instant que l'on peut, par un travail de proximité, effectivement reconquérir ces populations.
Il est bien entendu possible, à travers des politiques de logement, des politiques scolaires pour la petite enfance, de retrouver la confiance sur un vote au moment des municipales, mais cela ne suffit pas, il faut plus, et là nous avons besoin de militants sur place, un peu le travail que faisait autrefois le parti communiste, et que malheureusement aujourd'hui le Front national fait auprès d'eux.
(Applaudissements)
Donc ce travail de proximité, de contacts humains, de parole, d'idée et d'idéal aussi, c'est quelque chose auquel il faudra certainement s'attaquer avec beaucoup de méthode.
La troisième mission que je vois pour le Parti socialiste, c'est une mission de convivialité. Cela va peut-être vous surprendre mais je considère que dans un Parti, on doit trouver une société solidaire, conviviale, fraternelle, amicale. Un parti ne peut pas être un monstre froid. Nous touchons là à notre comportement, au comportement que nous avons les uns envers les autres. Si nous voulons que les Français nous fassent confiance, il faut qu'ils sentent qu'il y a entre nous la plus grande confiance.
(Applaudissements)
La quatrième mission que je verrais, c'est l 'élaboration d'un projet appuyé sur une doctrine pour un socialisme du troisième millénaire. Le fondement du socialisme est simple, même sans avoir fait je ne sais quelle grande école. Le socialisme s'est construit sur une indignation devant les inégalités, sur une indignation devant les injustices pour le refus de l'exploitation de l'homme par l'homme.
Au moment où les inégalités se creusent, où la pauvreté s'accroit, où l'on montre du doigt les faux chômeurs, ou les faux RMIstes, pour justifier les difficultés sociales de notre pays, au moment où montent les intégrismes dans le monde, les socialistes ne peuvent se contenter d'évoquer simplement la démocratie ou la république. Je pense qu'il faut aller plus loin, il faut inventer un socialisme d'aujourd'hui, avec un message qui doit être universel, et nous devons aller au-delà de la France, et proposer aussi une politique active pour les pays du Tiers Monde. Sans cela, les intégrismes grandiront et gagneront encore du terrain.
L'Europe et l'aménagement, la réduction du temps de travail, la garantie d'une certaine qualité de protection sociale, cela aussi, mais c'est la préoccupation de nous tous, j'en suis sûre, devra être approfondi.
Enfin, on ne séduira pas l'opinion et ceux qui nous ont quitté, mais qui sont prêts à revenir – on le sent bien quand on tente de les retrouver, quand on va vers eux –, il faut un peu de rêve et d'audace, de l'imagination, de la détermination, du réalisme, un peu de pragmatisme aussi quand il le faut.
Bref, si nous arrivons à retrouver en nous le goût et la passion pour ces quatre objectifs, alors je crois, j'en suis convaincue, que nous allons rebâtir un Parti de l'espoir et du progrès pour chaque homme et chaque femme de Gauche dans ce pays. C'est tout l'enjeu des mois à venir.
Nous comptons sur toi, Lionel, et tu sais que tu n'es pas seul. Merci.
(Applaudissements)
Le Président : Yvette, merci. La parole est à François Rebsamen.
François Rebsamen : Mes camarades, nous voilà au terme, ainsi que cela a été dit ce matin, d'un processus, et en même temps, nous avons aujourd'hui une nouvelle page importante à écrire, une nouvelle dynamique est née du vote des militants début 1995. Oui, les militants constituent bien le corps vivant du Parti socialiste. On ne souffre pas de les consulter, on ne souffrira pas de les consulter C'est l'absence de démocratie qui tue les partis. Quelle est aujourd'hui la situation dans notre parti, dans le parti socialiste ? Il y a en réalité à l'intérieur du Parti socialiste aujourd'hui deux types de militants. Il y a ceux qui sont depuis fort longtemps dans nos sections, ceux qui sont marqués par le dur exercice du pouvoir, qui ont connu les attentes, les renoncements parfois, les replis, les divisions, mais qui ont, s'ils sont toujours là avec nous, le socialisme figé au corps. Ceux-là savent qu'il ne suffit pas ou plus seulement de s'opposer pour reconquérir le pouvoir dans une perspective de transformation sociale, ils savent que le temps n'est plus au colmatage, ils demandent un projet, ils veulent participer à l'élaboration d'un programme qui ne soit pas seulement concocté par un groupe d'experts. En militants expérimentés, ils ne craignent pas la vraie confrontation d'idées, ils la souhaitent. La vérité, ce qu'ils redoutent par-dessus tout, ce serait le retour du cynisme, d'une certaine forme de cynisme, que les positions d'appareils, les enjeux tactiques ne sclérosent le vrai débat d'idées.
Si nous ne savons pas répondre à leurs demandes, le ressort risque d'être définitivement cassé, et alors, ils pourraient nous quitter. Nous n'avons pas le droit de les décevoir.
Et puis il y a d’autres militants, les nouveaux, ceux qui nous auront rejoints à l'occasion des élections présidentielles, que la dynamique de notre candidat a attirées, et d'anciens qui sont revenus à l'occasion des grands enjeux. Ces militants-là attendent, eux, que le Parti socialiste s'oppose aux coups actuels et futurs que le gouvernement Chirac-Juppé porte aux travailleurs, aux gens modestes et aux acquis sociaux.
Aussi, ainsi que l'a dit Lionel Jospin tout à l'heure, avons-nous aujourd'hui le double et impérieux devoir de répondre à cette demande, de nous opposer et de proposer. Je n'insisterai pas sur le devoir d'une opposition forte, résolue, sans concessions, bien que, peut-être, est-il nécessaire de le rappeler. Plus notre position sera forte, plus notre programme sera à la hauteur des objectifs de transformation sociale que nous devons porter.
Il y a, j'en suis sûr, un lien dialectique étroit entre les deux démarches, la démarche d'opposition et la démarche de proposition. C'est pourquoi, s'inscrivant dans les propos de Lionel Jospin, nous pensons qu'aux trois thèmes de réflexion programmatique que la Commission a proposés aux militants, il faut soumettre un nouveau thème mais préalablement, l'ensemble des sections du Parti socialiste, le même jour, devrait se réunir pour débattre, analyser, répertorier les injustices, les inégalités et les privilèges dans la France d'aujourd'hui. Le même jour, tous ensemble, car cette dynamique est indispensable pour que les militants se réapproprient le débat, tout en ayant le sentiment d'appartenance à une même communauté de destin. Sur ce thème, tous ensemble, car c'est celui qui fonde notre identité, et qui permet tout à la fois de répondre à la double démarche d'opposition et de réflexion. Cela permet de s'opposer car une fois ce travail fait, il sera clair pour les Français que les injustices, les inégalités, les privilèges que les Socialistes, que la Gauche dénoncent, ne sont pas ceux que dénoncent les tenants de la ligne ultra-libérale de Madelin. Pour nous, ce sont bien évidemment, et j'en cite au hasard, les stock-options, les avantages fiscaux croissants accordés aux hauts revenus, les salaires illimités, le cumul emploi-retraite, la précarisation croissante, etc.
Pour Madelin et les ultra-libéraux, ce sont les acquis sociaux, la Fonction publique, le SMIC. On le voit, il faut que les Français le sachent, cela n'est pas toujours clair aujourd'hui. Derrière les mots, se cachent des choses radicalement différentes. Cela nous permettra aussi de proposer, car ainsi nous sera donnée en plus l'occasion de préciser entre nous peut-être les injustices, les inégalités et les privilèges que nous considérons inacceptables dans la société actuelle. Cela orientera notre réflexion programmatique future et, mes camarades, pour établir cette liste, pour répertorier ce mécanisme de privilèges, à qui à faire le plus confiance sinon aux militants ?
Si nous sommes dans l'incapacité d'apporter une réponse politique à l'insatisfaction des Français, si nous ne démontons pas les vrais privilèges, alors ce seront les acquis sociaux qui seront vraiment démantelés.
C'est pourquoi je vous demande de retenir notre proposition. Merci.
(Applaudissements)
Le Président : La parole est à Ahmed Ghayet.
Ahmed Ghayet : Un jeune de Vaulx-en-Velin qui s'exprimait ces jours-ci dans un média disait : « Arrêtez de nous poser toujours les mêmes questions ; par exemple : Face au terrorisme, vous sentez-vous Français ou étranger ? Le problème n'est pas de savoir si je suis Français ou Arabe, mais que je suis pauvre avec “Français” sur mes papiers de chômage et “Arabe” sur ma gueule".
En peu de mots, ce jeune résumait la situation des jeunes des banlieues d'aujourd'hui : chômage, pauvreté, délit de faciès et délit d'adresse, lorsque l'on habite Montfermeil, La Courneuve ou Vaulx-en-Velin.
Comment ne pas constater qu'un fossé se creuse aujourd'hui entre une partie de la société française et une partie de la population immigrée d'origine maghrébine notamment sa jeunesse ? Suspicion, rejet, amalgame, d'un côté, risque de radicalisation de l'autre. Lors de la marche de beurs en 1983, dont je suis issu, la démarche des jeunes issus de l'immigration était celle de la lutte contre le racisme, de la lutte contre l'égalité des droits. Aujourd'hui, les jeunes en sont à se redécouvrir étrangers.
L'immense majorité des gosses de banlieue rejettent la tentation de la violence mais trop souvent laissés seuls face à la délinquance, à la drogue, aux manipulateurs, certains basculent. La vraie question qui mérite d'être posée aujourd'hui en ce qui concerne Kahled Kelkal est de savoir pourquoi et comment ce jeune qui était dans un processus positif, bon élève, issu d'une famille unie, a pu basculer dans la délinquance puis dans le terrorisme. C'est ce mécanisme qui doit nous poser question et qu'il nous faut démonter d'urgence.
Le pouvoir de l'image a fait que la mort de ce jeune de la banlieue est devenue un symbole et lorsqu'on regarde la trajectoire de Khaled on comprend vite que dans sa banalité elle ressemble à celle de milliers d'autres jeunes de nos quartiers. Le Père Christian Deland le résume ainsi lorsqu'il dit en parlant de lui : ce n'est ni un héros, ni une victime, mais tout simplement un jeune de nos quartiers, un fils de nos banlieues, avec sa part d'ombre et sa part de lumière.
En stigmatisant une population, en amalgamant terrorisme-musulmans, beurres, maghrébins, on a poussé une partie de cette jeunesse à assumer cette stigmatisation. En désertant le terrain des banlieues, les organisations de jeunesse, les mouvements d'éducation populaire, les partis politiques ont laissé les jeunes face au vite, vide social, vide culturel, vide idéologique, et identitaire, vide comblé par des tenants de l’obscurantisme.
Pour tous les jeunes en panne de perspectives, une idéologie de rechange doit impérativement constituer une alternative.
Comment faire triompher la citoyenneté, comment replacer ces jeunes dans une trajectoire de réussite, comment lutter contre la relégation qui frappe la population des quartiers populaires, mais aussi comment redonner aux jeunes issus de l'immigration de réelles perspectives de participation politique ?
C'est le défi que doit relever le Parti Socialiste aujourd'hui, ses dirigeants bien sûr, au niveau national, mais il faut faire un signe fort et novateur en direction de ces jeunes, mais aussi et surtout ces élus au plan local. Rien ne pourra se faire sans les élus locaux. Ils doivent offrir une alternative à une idéologie qui, aujourd’hui, ne progresse que grâce au désespoir, permettre à ces jeunes de s'inscrire dans un processus d'intégration, de participation, et de citoyenneté.
(Applaudissements)
Dans la salle : Bravo !
Le Président : La parole est à Claude Fleutiaux, dernier orateur inscrit.
Claude Fleutiaux : Chers camarades, d'abord quelques commentaires sur la consultation des militants, un vote massif, une grande mobilisation, un succès, mais c'est surtout un signe de bonne santé du Parti Socialiste.
Et cela coïncide avec la progressive amélioration de l'image du Parti Socialiste dans l'opinion depuis un an. Amélioration progressive, continue, le processus de désignation de notre candidat à l'élection présidentielle, l'existence d'un choix réel d'une alternative, l'arbitrage militant qui contrastait avec la cacophonie et les divisions de la Droite, tout cela a fortement contribué à cette amélioration.
On a en effet souligné l'effet levier dans cette élection de la désignation de notre candidat. Je crois qu'on peut aussi souligner cet effet pour la revalorisation de notre image, et ceci c'est en contradiction avec les appréciations catastrophiques qui courent sur l'état du Parti, comme si on devait attendre d'une décomposition qu'il faudrait accélérer, qu'elle produise spontanément l'éclosion d'un nouveau Parti, d'une nouvelle doctrine à gauche.
Non ! Nous avons besoin et nous avons un outil en ordre de marche qui travaille, et qui par la force du débat, par le respect de la diversité, qui fait la force et la qualité du Parti Socialiste, débouche sur l'élaboration d'une ligne politique élaborée collectivement, répondant aux attentes de notre peuple, aux attentes du peuple de gauche.
Et la première leçon que l'on peut tirer de la consultation qui vient d'avoir lieu est d'abord là. Il y a un retour en force de l'identité militante, du sentiment d'appartenance à une collectivité politique et de la volonté d'y être acteur.
Nous venons d'accomplir un premier pas dans le sens de la revalorisation du militantisme, il faut aller plus loin. C'est ainsi, je pense, qu'il faut lire le score particulier de la question 8 sur les délais d'adhésion. Impliquer les militants, les laisser décider, ce n'est pas la même chose qu'organiser un sondage d'opinion, mais c'est faire d'un véritable corps électoral particulier que sont les adhérents la source de toute légitimité.
Oui, il y a une réticence des militants à admettre que leurs prérogatives puissent être réduites, alignées sur celles des sympathisants ou des électeurs de gauche. C'est légitime, et c'est une question importante que nous aurons d'autres occasions d'approfondir, car il y a derrière cela deux conceptions différentes du Parti.
Dans un cas, opinion publique, électorat, militantisme, adhésion se confondent, on consulte, on sonde, mais les vraies décisions se prennent ailleurs, elles sont affaires complexes et donc affaires d'experts.
Dans l'autre cas, qui a ma préférence, le militantisme est un rouage essentiel d'un processus d'élaboration collective d'une ligne politique. D'ailleurs l'élection présidentielle a montré une fois de plus qu'il n'y a pas de victoire possible sans un Parti structuré, sans une force militante puissante.
Pour ma part, j’accorde aussi une grande importance aux commentaires libres de la troisième question, parce qu'ils donnent une esquisse de réponse à la question qui nous intéresse, quelle va être, dans les mois à venir, l'attitude du Parti Socialiste sur les grands problèmes qui se posent à notre pays, quelles réponses claires allons-nous apporter ?
Comment allons-nous construire l'alternative à la Droite ?
Et si on en doute encore, les réponses nous rappellent que notre raison d'être c'est et ce sera toujours d'abord le combat pour l'emploi. La mondialisation de l'économie, elle est d'abord vécue comme un rouleau compresseur des emplois, et l'on attend de nous que nous nous opposions à cette logique. Tout discours défaitiste, tout discours qui considère le chômage comme inéluctable est inaudible car inacceptable. Il en est de même des propositions sur la réduction du temps de travail, lorsqu'elle ne se départ pas nettement de la question de la réduction des salaires.
La mondialisation, elle est aussi vécue comme le rouleau compresseur de nos droits sociaux. Je pense, pour ma part, que l'ancrage à gauche, la volonté de résistance au libéralisme, le refus de la déflation salariale, la priorité à la redistribution ont été des positionnements clairs, qui ont largement contribué à l'amélioration de l'image de notre Parti.
Mes chers camarades, en ce qui concerne le mouvement de grève de mardi dernier, il faut en souligner l'ampleur, le succès. Il faut aussi en souligner l'adhésion de l'ensemble de la population car il y a défense du service public mais il y a aussi pour l'opinion publique, disons par mouvement de fonctionnaires interposé, expression d'une profonde inquiétude, rejet de l'évolution de notre société présentée comme inéluctable, qui se caractérise par une aggravation sans précédente des inégalités, inégalités de revenus, comme inégalités de patrimoine. On atteint des sommets que certains services publics qui atténuaient ou corrigeaient ces inégalités, sont aujourd'hui mis dans l'impossibilité de les corriger.
Il en est de même de certaines inégalités constatées entre générations. Caricaturant un petit peu on pourrait dire qu'on constate qu'on a d'un côté des retraités qui vivent plutôt normalement, et des jeunes qui semblent porter tout le poids de la crise et cette situation-là ne pourra pas durer très longtemps.
Prenons garde, car les inégalités se creusent, cela crée des tensions fortes, que seul le discours contre l'exclusion ne peut pas masquer, l'exclusion n'est d'ailleurs pas un phénomène à part, elle est le prolongement de cette réalité sociale et les Français le savent bien.
Prenons garde aussi sur la protection sociale et sur le système de santé. Il y a quand même un problème de fond qu'on ne peut pas continuer à ignorer, c'est qu'on ne peut pas continuer à faire cohabiter un système libéral de médecine avec un financement collectif de la santé, et qu'il faudra bien un jour choisir entre la défense de notre protection sociale, sa pérennité et les intérêts médicaux corporatistes.
(Applaudissements)
Je crois que dans les mois qui viennent, nous allons assister à une montée des luttes sociales, et à un combat politique et social fort, un véritable bras de fer pour savoir qui paie le prix de la mondialisation, et la question qui se pose pour nous est là : où est notre camp ? Avec qui on pousse ? On ne pourra pas jouer les arbitres, il nous faudra choisir clairement notre camp, et c'est celui des salariés. Il y a aussi, mes chers camarades, un certain nombre de problèmes de société : drogue, sida, et je me permets d'évoquer au passage parmi le registre des promesses non tenues par le candidat Chirac, cette décision qui vient d'être prise de réduire la contribution de la France à l'OMS ou à l'UNICEF.
Il y a aussi les questions de sécurité. On pense sauvent, à ce sujet, aux banlieues ou au terrorisme mais il y a des phénomènes qui doivent aussi nous inquiéter : la situation en Corse, la situation dans le sud de la France, dans certaines villes du sud de la France. Quand la presse évoque des règlements de comptes mafieux, des activités mafieuses au grand jour : le racket, la loi du silence, cela doit inquiéter aussi les Socialistes.
Mes chers camarades, je reviens, pour ma conclusion, à ce qui est l'essentiel : c'est le redressement que nous entreprenons, que nous avons commencé d'entreprendre de notre parti, qui doit se poursuivre et il faut nous souvenir toujours que ce redressement n'est possible que lorsque les socialistes se dressent avec détermination contre la logique du marché et du libre-échange.
(Applaudissements)
Le Président : Merci, Claude. Je lève la séance de la Convention Nationale pour cette matinée. Je rappelle : 14 heures, réunion du Conseil national, je suppose, dans cette même salle, et 15 heures, reprise de la Convention nationale.
(Après-midi)
La séance est ouverte sous la présidence de Michel Delebarre.
Le Président : Mes camarades, merci d'avoir fait en sorte que nous puissions commencer notre Conseil national à l'heure que nous avions fixée, c'est-à-dire 14h40 très exactement !
(Rires)
J'appelle à la tribune Henri Emmanuelli, Marie-Noëlle Lienemann, Pervenche Pérès et Yvette Davant.
Je demande à Michèle Sabban de venir nous rejoindre à la tribune. Merci. Les membres du Conseil national étant réunis, celui-ci peut être ouvert pour ses débats.
Je donne la parole à Lionel Jospin, Premier secrétaire.
Lionel Jospin : Mes chers camarades, nous nous réunissons donc maintenant en Conseil national. La salle n'est évidemment pas très commode pour notre instance. Mais c'était plus simple de se réunir ici pour reprendre ensuite la Convention. J’espère que vous accepterez ces conditions un peu inhabituelles. L'objectif de ce Conseil national, c'est naturellement de vous présenter, de vous proposer la nouvelle direction nationale.
Vous savez que les conditions du processus que nous avons engagé de la transition politique que nous sommes en train d'achever, transition qui se faisait sans congrès. Et c'était normal, même si j'ai entendu un point de vue différent exprimé ce matin en plénière par l'un d'entre nous, Barthelemy, je crois, que les conditions donc de cette transition sans congrès ont pour conséquence le maintien en l'état du Conseil national qui résulte des choix, des orientations et des répartitions du Congrès de Liévin et du maintien en l'état du Bureau national. Encore que sur ce point je vous ferai des suggestions.
Cela a également pour conséquence le fait que les directions fédérales restent aussi naturellement en place jusqu'à un prochain congrès dont nous n'avons nullement d'ailleurs jusqu'ici évoqué la date.
J'ai donc fait porter l'essentiel de ma réflexion et de mon travail au cours de ces derniers jours sur le Secrétariat National, puisque c'était l'instance qui à l'évidence autour de moi pouvait être modifiée.
Mais en même temps je me suis permis, pour des raisons politiques et symboliques que vous comprendrez, je pense, d'élargir ma réflexion au Bureau national sous une forme que je vous indiquerai.
Je veux, bien que ce ne soit pas mon rôle, moi aussi rendre hommage au travail qui a été accompli par la direction précédente.
Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit à propos du Premier secrétaire. Mais je veux dire aussi, puisque par rapport au secrétariat passé, un certain nombre de modifications importantes vont intervenir, que je mesure l'investissement qui a été celui de ceux ou de celles d'entre vous qui y ont participé, même si un certain nombre de ceux-là ne vont pas conserver leurs responsabilités.
Mon souci était dans ce Secrétariat d'assurer à la fois une continuité et un renouvellement.
Cette continuité, vous la constaterez notamment à travers un certain nombre de postes significatifs, et le renouvellement, il était à l'évidence nécessaire parce que c'était dans la logique même de ce changement.
Ma deuxième préoccupation était d'associer – et quand je dis la deuxième, c'est dans l'ordre où j'ai inscrit cela sur ma feuille très vite, mais dans mon esprit c'était en réalité la première en ordre d'importance – l'ensemble des forces du Parti telles qu'elles se sont déterminées, parfois à l'occasion du dernier Congrès, mais aussi souvent à travers d'autres sédimentations politiques dont nous pouvons garder le souvenir.
Associer donc l'ensemble des forces du Parti à cette direction pour que chacun puisse s'y sentir représenté.
Avoir une équipe décidée à travailler, et cela ce sera un problème important parce que je sais bien qu'un certain nombre de nos responsables ont d'autres mandats, d'autres responsabilités. Mais il sera pourtant nécessaire qu'ils consacrent à leur action d'animation le temps indispensable. Donc en tant que Premier secrétaire, j'y veillerai, je dirai même que c'est une condition de mon engagement personnel.
Une équipe plutôt rajeunie, diverse, mais soudée, c'est-à-dire engagée par une volonté de travailler ensemble qui s'est exprimée pendant toute cette période, à travers tous les pores du Parti, à chaque niveau de responsabilité.
Et puis assurer une représentation sérieuse, non pas à la hauteur de l'objectif que nous nous sommes désormais tracé par le vote sur la parité, mais une représentation sérieuse des femmes dans ce Secrétariat.
Je voudrais vous dire, et l'une d'entre vous ici y a fait allusion ce matin dans son intervention, je pense à Catherine Trautmann, qu'il y a des personnalités, des camarades que j'aurais bien aimé avoir dans ce Secrétariat et qui n'y seront pas. Je pense parmi bien d'autres – je ne veux pas évoquer une liste trop nombreuse, parce qu'en plus, si j'évoquais une liste trop nombreuse, ceux qui y sont finalement pourraient se dire : Ah ! Bon, mais alors pourquoi y suis-je ? Psychologiquement ce ne serait peut-être pas très bienvenu – je pense, parce que cela a été évoqué, par exemple à Martine Aubry, à Catherine Trautmann justement ou à Jean- Marc Ayrault, mais parmi bien d'autres.
Ceux-là, éventuellement d'autres, mais assez peu en réalité, n'ont pas pu accepter en raison d'autres charges qui étaient les leurs.
Je me suis moi-même suffisamment exprimé, notamment dans ma campagne, contre l'excès du cumul des mandats pour ne pas comprendre les arguments qui m'ont été donnés. Et moi-même, d'ailleurs, je n'ai pas de responsabilités majeures. Je n'ai pas la responsabilité d'une collectivité territoriale importante. J'ai des mandats d'élu, de terrain, ils sont nécessaires pour nous tous, mais je peux me consacrer effectivement à cette tâche.
Je comprends donc les raisons qui m'ont été données, mais en même temps, je les regrette un peu. J'aurais bien aimé, éventuellement, avoir telle ou telle personnalité pour ce qui concerne les femmes, plus particulièrement, justement parce que ce débat a lieu. C’est vrai qu’elles sont parfois plus scrupuleuses que les hommes, plus modestes … (quelques mouvements divers, applaudissements) … et qu’elles ne s'estiment pas avec cette espèce d'aisance avec laquelle les mâles considèrent qu'ils peuvent très bien passer d'une grande Mairie, d'un mandat important, à des responsabilités dans le Parti. Cela ne les gêne pas, ils estiment avoir le talent nécessaire, et je suis de ceux-là naturellement, j'imagine, encore que, comme vous avez vu, j'ai modéré mes ambitions dans d'autres champs.
Les femmes ne sont pas comme cela. Elles disent qu'elles veulent accomplir pleinement et vraiment leur tâche. Je le comprends parfaitement, mais je voudrais quand même faire remarquer à quelques-unes d'entre elles, et amicalement aux deux que j'ai citées, qu'en même temps, si les femmes qui, par leur talent, la reconnaissance qui a accompagné leur action, les mandats qui sont les leurs, les choses qu'elles ont commencé à accomplir ou les promesses qu'elles représentent, n'acceptent pas de passer par-dessus ces contraintes, ces difficultés, comme quelques hommes le font volontiers. Cela veut dire aussi qu'un mouvement d'engagement des femmes dans l'action politique ne va peut-être pas aussi loin qu'il pourrait aller et n'a peut-être pas la même force symbolique.
En ce qui concerne le Bureau national qu'il n'est pas question de changer, je vous proposerai qu'un certain nombre de camarades y soient invités. D'ailleurs, certains d'entre eux ont accepté auprès de moi des missions de réflexion, et le fait qu'ils les aient acceptées témoigne, je pense aussi, d'une autre façon symbolique et emblématique, de l'engagement de tous dans la démarche qui est aujourd'hui engagée.
En ce qui concerne ceci, sans que la composition du Bureau national telle qu'elle résulte des votes ou des répartitions du Congrès récent soit modifiée, je souhaiterais qu'un certain nombre de personnalités soient invitées au Bureau national, donc y viennent si elles le souhaitent, un peu à l'image de ce qui, après 1988, avait été instauré. Par exemple, un certain nombre de membres de Gouvernement ne devenaient pas forcément membres du Bureau exécutif, n'y avaient pas été élus, mais avaient été invités à y participer. J'ai été de ceux-là avec plusieurs autres, et c'est au fond un peu à l'image de cela que l'on pourrait agir, ce qui permettrait à certaines personnalités d'être présentes dans nos débats pour nous apporter leur concours.
Ce pourrait être le cas de Martine Aubry qui j'ai citée, Jacques Delors qui accepterait en outre auprès de moi une mission de réflexion sur le thème suivant : avenir du travail et nouveaux modèles de développement, puisque ce sont des questions sur lesquelles il réfléchit dans d'autres cadres. Jack Lang, qui souhaite réfléchir … (murmures) … faire une mission … Ils sont humoristes ! Jack Lang dont je souhaite qu'il accepte une mission que l'on pourrait intituler « Réflexion prospective", c'est-à-dire une réflexion sur les phénomènes de long terme (murmures). Je tiens compte de ce que l'on me propose, et je pense qu'en outre, réfléchir à très long terme, au-delà des périodes de 5, 10 ans, est utile. (Rires et applaudissements) …
On aurait dû faire cela avant le déjeuner parce que vous me paraissez quand même un peu joyeux et impertinents ! Michel Rocard … (mouvements divers) … S'il vous plaît ! Sinon je vais être plus rapide, comme cela, les choses se feront plus vite !
Michel Rocard donc qui travaillera auprès de moi sur les contacts avec le monde intellectuel. Dominique Strauss-Kahn, qui sera chargé de mission. Laurent Fabius qui, de toute façon désormais, vient au Bureau exécutif en tant que Président du Groupe socialiste à l'Assemblée nationale, à qui j'avais proposé avant que cette responsabilité ne lui échoit qu'il nous rejoigne aussi et participe à nos travaux. Henri Emmanuelli, qui est membre du Bureau exécutif, a accepté de réfléchir auprès de moi sur les problèmes de la redistribution qui sont une des questions centrales que nous avons évoquées ce matin. Michel Delebarre, Président du Conseil national par vos soins, reste par ailleurs Président du groupe des experts.
J'en viens maintenant au Secrétariat national.
En ce qui concerne le Secrétariat national, une décision a été prise par les militants, c'est celle qui concerne le Premier secrétaire.
Le Secrétariat national pourrait se composer de la façon suivante :
Daniel Vaillant, Coordination-Élections.
Jean-Pierre Bel, Fédérations.
Alain Bergougnoux, Formation.
Frédérique Bredin, Culture, Médias, et quand je pense aux médias, c'est toute l'évolution des moyens d'information, des moyens de communication, ce n'est pas la presse au sens des contacts avec la presse.
Jean-Christophe Cambadelis, Relations Extérieures.
Alain Claeys, Trésorerie.
Jean-Louis Cottigny, Entreprises.
Harlem Désir, Relations avec le Mouvement Social.
Laurence Dumont, Droits de l'Homme.
Pierre Guidoni, Relations Internationales.
Elizabeth Guigou, Questions Sociales.
Sylvie Guillaume, Femmes ... Droits de la Femme, je regardais comment cela s'intitulait dans le Secrétariat précédent, et cela m'a paru bien, mais cela peut se modifier.
Adeline Hazan, Problèmes de Société.
François Hollande, Porte-Parole Presse.
Pierre Moscovici, Études.
Véronique Neiertz, Problèmes de la Ville.
Bernard Roman, Animation et Innovation Interne.
Manuel Valls, Communication.
Quand je dis « communication", c'est ce que l'on entendait jadis par propagande, campagnes nationales. C'est ce que cela veut dire, ce n'est pas le secteur de la Communication.
Voilà, mes chers camarades quel est le Secrétariat national que je vous propose.
Enfin, en ce qui concerne les responsables nationaux ou les délégués nationaux du PS, dont je crois d'ailleurs (mais je parle sous le contrôle d'Henri avec qui je n'ai pas eu le temps de vérifier ce point) qu'ils ont, pour beaucoup, traversé le dernier Congrès, c'est-à-dire qu'ils venaient de l'équipe antérieure (au sens large) et qu'ils ont continué leur tâche, pour moi, ils sont là, et c'est donc à moi de voir avec eux où ils en sont, ce qu'ils souhaitent, ce qu'ils veulent faire.
Par conséquent, je ne change pas les choses de ce point de vue, mais je prendrai contact avec eux, ou ils prendront contact avec moi, de façon que l'on voie comment les choses se présentent. Pourtant, dès maintenant, je voudrais donner les noms de trois délégués auprès du Premier secrétaire, indépendamment de l'équipe que j'aurai à constituer (et je suis simplement là au début de ma réflexion) : Gérard Le Gall, qui suivra les études politiques. Ahmed Ghayet, qui suivra les problèmes de l'intégration et du contact avec la jeunesse issue de l'immigration, dossier que je considère comme tout à fait important à beaucoup d'égards et Vincent Peillon, qui à mes côtés acceptera une mission de réflexion sur les débats contemporains.
Voilà, mes chers camarades, l'essentiel de ce que je voulais vous dire, propos que je reprendrai peut-être sous une forme raccourcie devant la Convention Nationale, si vous le jugez souhaitable.
Le Président : Mes camarades, selon les statuts, la Direction du Parti est élue par le Conseil national sur proposition du Premier secrétaire.
Vous venez d'entendre les propositions du Premier Secrétaire. Mon intention est de les soumettre au vote du Conseil national. Vous avez normalement été dotés, en entrant dans cette salle, d'un petit carton rouge.
Ceux qui sont d'accord pour adopter les propositions du Premier secrétaire l'expriment en levant la main et leur carton.
Je vais demander à ceux qui sont contre de l'exprimer en levant la main, ce qui me permettra d'y voir plus clair.
Ceux qui s'abstiennent ? … Je vois 2 abstentions. Ceux qui ne prennent pas part au vote ? Merci.
Cher Lionel, je pense que le Conseil national, à la quasi-unanimité (je ne dois pas me tromper de beaucoup), a adopté les propositions présentées par le Premier secrétaire.
(Applaudissements)
Mes camarades, avant de suspendre pour quelques minutes et de relayer par la Convention, il y a une demande de ratification de candidature qui doit être présentée au Conseil national et adoptée par celui-ci.
Il s'agit de candidatures suite aux élections sénatoriales de Xavier Dugoin, député RPR, et de Michel Pelchat, député UDF, dans l'Essonne. Dès lors, deux législatives partielles doivent se dérouler simultanément dans les 2ème et Sème circonscriptions de l'Essonne.
La procédure d'appel à candidatures internes a été décidée et mise en œuvre par la Fédération. Les Assemblées générales de circonscriptions se sont tenues le mercredi 11 octobre pour la Sème circonscription et le jeudi 12 octobre pour la seconde circonscription, sous la présidence fédérale.
Dans les deux cas, l'unanimité s'est faite, pour la 5ème circonscription, sur notre camarade Jean-Marc Saligne comme titulaire et Pierre Guyard comme suppléant, pour la seconde circonscription, sur notre camarade Élisabeth Doussin comme titulaire et Jean-Marc Aurillac comme suppléant.
La Convention fédérale du 13 octobre à Évry a validé l'ensemble à l'unanimité.
Il est demandé à notre Conseil national de se prononcer et je vous propose de valider les candidatures qui nous sont proposées.
Êtes-vous d'accord ? Vous l'exprimez en levant vos cartons ? Ceux qui sont contre ? Ceux qui s'abstiennent ou ne prennent pas part au vote ? Merci beaucoup pour l'Essonne.
Lionel Jospin : Mes chers camarades, je voudrais préciser un dernier point.
D'abord, Henri et moi avons pensé que la passation politique s'était faite dans le Conseil national, que la passation personnelle s'était faite dans son bureau, entre nous deux, et que nous ne voyions pas d'intérêt à une passation qui se ferait au siège du Parti Socialiste. Donc, ne vous en surprenez pas, nous l'avons décidé d'un commun accord (c'était d'ailleurs davantage, si l'on peut dire, l'idée d'Henri, en tout cas l'initiative est venue de lui, mais j'ai tout à fait approuvé cela), c'est comme cela qu'on souhaite le faire et on peut vous le dire pour qu'il n'y ait pas d'interprétations.
C'est la première chose.
Deuxième chose, et je m'adresse aux membres du Bureau national. Je ne souhaiterais pas tenir le Bureau national mercredi. En effet, parce que je respecte des règles de principe, parce que je respecte plus encore les fonctions quand elles sont exercées. Je n'ai naturellement pris aucun contact, je n'ai pas commencé à regarder les problèmes qui existent, la vie du Parti, etc., tant que je n'étais pas en responsabilité, et donc j'ai besoin de passer tranquillement un peu de temps, si c'est nécessaire avec l'aide d'Henri, pour arriver, m'installer, regarder les problèmes tels qu'ils existent, et puis réfléchir un peu aux propositions de travail que nous aurons ensuite à engager.
Par conséquent, le Bureau exécutif dès mercredi, pour moi, c'est trop tôt et je souhaite que le Bureau exécutif ait lieu seulement la semaine suivante.
Par contre, je pense souhaitable (je le dis donc à l'intention des membres du Secrétariat national) que le Secrétariat national, lui, se réunisse dès cette semaine, parce qu'il a justement à se mettre au travail et il faut qu'un certain nombre de Secrétaires nationaux nouveaux (il en est quand même un certain nombre dans ce Secrétariat) puissent prendre les contacts nécessaires et que moi-même je puisse réunir cette équipe.
Donc, je proposerai volontiers de réunir le Secrétariat national mercredi, puisque généralement le mercredi est un jour où, de toute façon, nous sommes tous là, et peut-être pourrait-on faire cela, si ça peut vous convenir, le mercredi matin.
Il n'y a pas d'objection de la part des membres du Secrétariat national ici présents ?
… Bien. Donc, disons …
Daniel Vaillant : 9h30.
Lionel Jospin : 10 heures, c'est plus raisonnable.
Voilà ce que je voulais vous dire, pour votre information puisque, là, il ne s'agit pas du Conseil national.
Le Président : Merci Lionel. Si vous voulez bien, nous allons donc lever la séance du Conseil national. Nous nous donnons dix minutes de battement simplement et la Convention Nationale, à 15h20 au plus tard, se réunit dans cette même salle.
Le Président : Je donne la parole à notre Premier secrétaire, Lionel Jospin.
Lionel Jospin : Mes chers camarades, c'est au Conseil national que revient, selon nos règles, la responsabilité de recevoir les propositions du Premier Secrétaire en ce qui concerne sa Direction et d'approuver cette Direction.
Néanmoins, comme nous étions réunis en convention nationale, que vous êtes délégués des fédérations, c'est-à-dire les représentants des militantes et des militants qui ont participé avec quelle force au processus qui se clôture aujourd'hui par l'élection d'une nouvelle Direction, d'un nouveau Secrétariat national, il nous a paru qu'il n'était pas possible que le Conseil national se réunisse et que vous repartiez chez vous en que]que sorte pour apprendre le lendemain dans les journaux la composition de la nouvelle Direction.
C'est donc dans un souci d'information que nous avons souhaité revenir devant vous pour vous présenter cette nouvelle Direction pour information.
Le Conseil national a approuvé à l'unanimité, moins deux abstentions, les propositions que je lui ai faites.
En ce qui concerne le Secrétariat national, après que le poste de Premier secrétaire ait été attribué en quelque sorte par le vote des militants, le secrétariat national aura donc la composition suivante :
Daniel Vaillant, Coordination - Élections.
Jean-Pierre Bel, Fédérations.
Alain Bergougnioux, Formation.
Frédérique Bredin, Culture, Médias.
Jean-Christophe Cambadelis, Relations Extérieures.
Alain Claeys, Trésorerie.
Jean-Louis Cottigny, Entreprises.
Harlem Désir, Relations avec le Mouvement Social.
Laurence Dumont, Droits de l'Homme.
Pierre Guidoni, Relations internationales.
Elisabeth Guigou, Questions Sociales.
Sylvie Guillaume, Femmes, Droits des Femmes.
Adeline Hazan, Problèmes de Société.
François Hollande, Porte-parole Presse.
Pierre Moscovici, Études.
Véronique Neiertz, Problèmes de la Ville.
Bernard Roman, Animation et Innovation Interne.
Manuel Valls, Communication.
Par ailleurs, j'ai souhaité qu'un certain nombre de personnalités, de camarades soient invités au Bureau national du Parti, puisque le Conseil national, Bureau national, les Directions fédérales hérités du dernier Congrès n'ont pas à être changés … nous ne sommes pas dans une procédure de Congrès … j'ai donc souhaité que sans que les compositions formelles soient modifiées quelques personnalités soient invitées à participer à nos travaux au Bureau national.
Elles ont accepté, et le Conseil national a accepté également.
Il s'agirait de Martine Aubry, Jacques Delors qui auprès de moi effectuera un travail de réflexion sur l'avenir du travail et le nouveau modèle de développement, Henri Emmanuelli, membre du Bureau exécutif naturellement qui réfléchira auprès de moi sur les problèmes de redistribution.
Jack Lang, invité au Bureau exécutif, interviendra sur ce que nous avons appelé ensemble « réflexion prospective". Michel Rocard, invité au Bureau exécutif pour les contacts avec le monde intellectuel. Dominique Strauss-Kahn, chargé de mission auprès de moi, invité au Bureau Exécutif. Laurent Fabius, Président du Groupe Socialiste à l'Assemblée nationale est donc à ce titre de toute façon invité au Bureau exécutif, mais dont j'avais souhaité qu'il nous rejoigne aussi avant qu'il ne prenne cette responsabilité pour participer à nos travaux. Michel Delebarre reste Président du Groupe des Experts.
Quant à Pierre Mauroy, il est membre titulaire du Bureau national – j'ai dit Bureau exécutif, pardonnez-moi, c'est le vieux qui saisit le neuf ! – et naturellement dans sa fonction de Président de l'Internationale Socialiste, il est pour notre formation politique et pour moi-même un point d'appui et un conseil précieux.
Enfin les responsables nationaux et les délégués nationaux qui existent dans le Parti et qui d'ailleurs pour la quasi-totalité d'entre eux avaient, si j'ose dire, traversé le dernier congrès ayant souvent été mis en responsabilité antérieurement dans une autre direction, conservent leurs fonctions. Et il me revient de discuter avec eux, avec tel, tel ou tel, en fonction de ce qu'ils veulent faire ou ne pas faire, de telle ou telle évolution possible, mais ce n'est pas un problème de principe. Dès maintenant, je voudrais vous informer, comme je l'ai fait pour le Conseil national, que j'aurai en tout état de cause, indépendamment de l'équipe que je mettrai en place autour de moi pour mon cabinet. Bien que je n'aime pas beaucoup ces termes surtout au Parti, trois délégués auprès du Premier secrétaire : Gérard Le Gall pour les études politiques, Ahmed Ghayet pour l'intégration et les contacts avec la jeunesse issue de l'immigration, Vincent Peillon pour la réflexion sur les débats contemporains.
Voilà donc l'essentiel des informations que je voulais vous donner à la suite du Conseil national.
Vous pouvez constater que c'est dans un esprit de rassemblement de l'ensemble des forces du Parti, dans un souci de continuité, mais aussi de renouvellement avec la volonté d'une représentation féminine significative et avec aussi l'espérance, je dirai même la certitude, d'avoir une équipe de travail soudée et solidaire, que j'ai fait ces propositions au Conseil national qui les a acceptées.
Chers Camarades, je me suis exprimé longuement ce matin. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire que j'improvise un nouveau discours ce soir.
Je voudrais simplement vous dire qu'après les décisions prises il y a un instant par le Conseil national, l'ensemble de notre dispositif est arrêté. Nous allons poursuivre une action qui vient de loin. Et je suis moi-même l'héritier ou le fils de militants et militantes de la Gauche et du Parti Socialiste, d'une histoire qui a été incarnée avec force à partir de 1971 par François Mitterrand, d'une histoire qu'il nous convient de prolonger, d'ancrer davantage dans l'histoire de notre pays, de renouveler aussi afin que notre message prenne en compte les problèmes du siècle, reste adapté aux difficultés qu'affrontent notre pays et notre peuple.
C'est à ce travail que je vous invite. C'est à ce travail que la direction nouvelle consacrera ses forces. C'est à cette mission, pour reprendre mes termes de ce matin, que je veux, avec vous tous et fort de votre confiance, de votre soutien, me consacrer. Je vous remercie et je laisse la parole au Président.
(Applaudissements)
Marie-Noëlle Lienemann : Chers Camarades, notre Convention est achevée. Bon travail à tous ! Bonne chance à la nouvelle Direction et à Lionel !
Date : vendredi 29 septembre 1995
Source : Vendredi
Pour une ligne politique
Dans ce numéro, rassemblé dans un cahier spécial, la commission de rénovation présidée par Lionel Jospin présente les dix-huit propositions relatives à l'avenir de notre parti, sur lesquelles se détermineront les militants, en section, le 9 octobre prochain. Ayant participé à leur élaboration, il va sans dire que je les approuve toutes, y compris la première. Leur concrétisation, leur application permettront – j'en, suis certain – d'améliorer le fonctionnement de notre parti, de consolider l'équilibre démocratique sur lequel il est bâti, tout en offrant un certain nombre de garanties au débat, à l'expression de chacun. Garanties primordiales aussi bien pour notre unité que pour de futurs rassemblements.
Mais au-delà des modifications de statuts, davantage que les changements d'homme, c'est l'état d'esprit dans lequel nous effectuerons ces mutations qui constitue le véritable pari, l'enjeu essentiel à mes yeux, des prochains mois. La démarche que nous adoptons aujourd’hui doit être sincère, authentique, afin de permettre à nos Idées, aux idées socialistes, de se faire mieux entendre, débarrassées des vieilles querelles, des affrontements stériles, de toutes ces scories qui n'avaient qu'un lointain rapport avec la politique et sont venus, au fil des années, polluer notre discours Jusqu'à le rendre incompréhensible. Car ce que les Français et les Françaises écouteront demain, ce seront nos propositions créatrices, innovantes, porteuses d'espoir ; ce qu’ils jugeront, ce sera notre comportement, notre éthique car ce mot va bien au-delà du simple rapport entre le pouvoir et l'argent et recouvre d'autres réalités quotidiennes, d'autres valeurs, dont nous sommes encore loin.
C'est à ces aspirations, à ces souhaits, à ces revendications qu'il nous faudra répondre en démontrant que nous avons compris ce qui fait ta différence entre un rassemblement de circonstances voué uniquement à la conquête du pouvoir et un parti politique, incarnation d'une ligne, d'une orientation choisie et menée dans la clarté.
Demain, il nous faudra, si nous voulons vivre, nous souvenir que, contrairement à ce qui s'est produit dans un passé récent, les socialistes et leurs dirigeants doivent être fidèles aux orientations qu'ils ont prônées, défendues et votées. Demain, Il faudra que nous soyons soucieux de faire prévaloir notre esprit collectif et solidaire, plutôt que tel ou tel point de vue particulier aussi brillant et médiatisé soit-il. C'est au respect de cet engagement que je travaillerai dès le 15 octobre, avec vous, parmi vous. C'est à la construction de cette alternative qui voit plus loin que l'alternance que Je consacrerai dorénavant mes efforts.
Henri Emmanuelli
Les idées : débat et dialogue
Un parti de débat
Chacun en convient : la rénovation du mouvement socialiste sera d'abord celle de ses idées, de son projet, de ses propositions. Nos valeurs comme nos références doivent de façon permanente être confrontées à l'évolution du monde et aux bouleversements de notre société.
De la qualité du débat que nous saurons mener entre nous, mais aussi avec nos partenaires et plus largement avec les Français, dépendra la levée d'une nouvelle espérance à gauche, la crédibilité d'une alternative et la possibilité d'une alternance.
Notre histoire vient à l'appui de cette ambition : chaque fois que le Parti socialiste est parvenu à faire émerger des idées nouvelles à travers des débats parfois contradictoires en son sein, et a réussi à capter les aspirations de la société grâce à un dialogue avec les citoyens et ceux qui les représentent, le succès fut au rendez-vous.
C'est cette dynamique qu'il faut recréer, en ouvrant la réflexion collective sur les grandes questions que se posent les Français. Il ne peut s'agir, dans l'année qui vient, d'épuiser tous les sujets. La phase d'élaboration programmatique s'ouvrira le moment venu et l'actualité nous imposera, par ailleurs, de réagir aux grands thèmes du moment.
La démarche que nous vous proposons consiste donc à animer un débat politique cohérent sur la durée en faisant participer, largement et en amont, les militants aux choix qui seront les nôtres et en favorisant toutes les formes de dialogue possibles avec les autres.
Les thèmes
Plutôt que d'aborder de façon successive plusieurs grands thèmes sectoriels au risque de segmenter la réflexion, il est suggéré d'adopter une démarche globale permettant de relier les questions les unes aux autres et de mieux préparer la phase programmatique qui suivra.
Trois grands débats pourraient être, dans cet esprit, organisés :
1. La place de l’Europe et de la France face à la mondialisation
Depuis une décennie, le mouvement de mondialisation s’est encore accéléré et s'est étendu à de nombreux domaines de la vie économique et sociale. Dans le même temps, l'Europe s'est élargie sans renforcer son identité. La France vit difficilement cette transition et s'interroge sur la place comme sur la pérennité de ses références historiques et de son modèle social. Il nous revient, comme socialistes, de préciser à la fois notre conception de l'ordre mondial, notre vision d'une Europe régulatrice et la responsabilité qui incombe à notre nation. Il nous sera alors plus simple de fixer les moyens d’atteindre nos objectifs en matière d'emploi et de redistribution.
2. La redistribution
La justice sociale est au cœur du message socialiste. Elle doit désormais être étendue à toutes les formes de la vie sociale (les richesses, le savoir, le territoire, le travail …). Mais il faut aussi repenser les mécanismes, les financements et s'interroger sur l'ampleur des objectifs. À travers la redistribution, ce sont l'emploi, la protection sociale, l'éducation, la fiscalité, l'aménagement du territoire, les inégalités de développement qui seront notamment appréhendés. Au terme de ce débat, nous pouvons mieux préciser la responsabilité qui revient à chacun des acteurs publics et quelle est notre vision de la République.
3. Les acteurs publics et la démocratie
La construction européenne comme la décentralisation ont fait perdre à l’État une part de ses attributions, au risque d’ailleurs de provoquer opacité et dilution de la responsabilité.
Parallèlement, les instruments traditionnels de la démocratie se sont affaiblis (Parlement, partis, syndicats …). De nouveaux acteurs sont nés dans la sphère sociale et humanitaire qu'il faut prendre en compte.
Il appartient aux socialistes d'ouvrir à nouveau la réflexion sur nos institutions, notre organisation territoriale, le partage du pouvoir et sur la citoyenneté.
La démocratie sera en effet au cœur des propositions que nous ferons aux Français. Cette démarche n'interdit nullement qu'un autre thème soit proposé à la discussion. C'est pourquoi nous laissons chaque adhérent libre de formuler la suggestion qui lui paraîtra la plus appropriée à notre exercice collectif. Cette consultation permettra de mieux connaître le caractère prioritaire de certaines préoccupations.
La méthode
Même si le temps nous est fortement compté, la plus grande liberté doit présider à l'organisation de nos débats ; cela vaut à la fois pour leur préparation et pour leur conclusion.
Il convient en effet d'associer à cette réflexion tout ce que notre parti compte de richesses (militants, responsables associatifs, syndicalistes, experts, élus …) et bien entendu tous les partenaires qui regardent dans notre direction. À chaque occasion, les initiatives locales doivent être valorisées.
Quant à la forme finale que revêtiront ces débats, elle peut être multiple : convention nationale, colloque, forum ouvert à d'autres partenaires, sans qu'aucune formule ne soit exclusive des autres.
Un parti de dialogue
Le Parti socialiste constitue la première force de gauche dans notre pays. Cela lui confère à l'évidence des responsabilités et, notamment, celle d'œuvrer au rassemblement.
Il n'appartient pas au PS de prescrire une modalité ou un calendrier de discussions à des partenaires qui décident souverainement de l'évolution de leur propre démarche. Mais nous ne partons pas de rien : les Assises de la transformation sociale ont démontré qu'un débat était possible et même souhaité par la totalité des forces de gauche et des écologistes. L'élection présidentielle a fourni l'occasion au premier tour et, encore davantage au second, de rapprochements utiles. Le scrutin municipal a prouvé que la gauche unie avec les écologistes pouvait offrir localement une alternative démocratique à une droite qui entendait détenir tous les pouvoirs. Sur le terrain, le combat contre la reprise des essais nucléaires indique par exemple qu'une mobilisation de toutes ces forces est possible.
Afin de donner un sens et un prolongement à ces rencontres et à ces initiatives, nous proposons à nos partenaires l'ouverture "d'espaces de coopération".
Afin de respecter la liberté de chacun, ces espaces : pourraient prendre des formes différentes et être selon les cas :
– des lieux de confrontation sur des thèmes qui concernent la vie des Français et qui peuvent être discutés de manière conjointe et contradictoire avec nos partenaires, à l'occasion de plusieurs rencontres ;
– des instruments de coopération sur les combats ou sur les actions communes que les forces de gauche et les écologistes veulent engager en fonction de l'actualité ;
– des champs de convergence pour des acteurs de la vie publique qui recherchent des solutions politiques en vue de la prochaine alternance.
Le parti : démocratie et ouverture
Les résultats de l’élection présidentielle et des élections municipales ont montré que l'avenir de la gauche passe aussi par la rénovation et le renforcement du Parti socialiste.
Il nous faut traduire, au niveau de notre formation politique, le mouvement qui est né avec ces élections. Le Parti socialiste a vocation à devenir un lieu de large rassemblement, ouvert et attractif, apte à accueillir toutes celles et tous ceux qui se sont engagés à nos côtés ces derniers mois. C'est le sens des propositions qui vous sont faites : préserver ce qui est bon, retrouver ce qui l'était et dont nous nous sommes éloignés, changer ce qui ne va pas. À chacun d'entre vous de décider.
Une démocratie plus vivante
a) L’élection au suffrage direct du premier responsable national, des premiers responsables fédéraux et locaux
Le Parti socialiste a connu ces dernières années une succession de crises politiques au sommet qui ont menacé gravement son équilibre et sa stabilité.
Il n'est pas possible de prétendre aujourd'hui reconstruire une grande force de gauche sans donner à ses principaux responsables la légitimité et la durée pour mener cette action.
Il est admis par tous que le droit de vote individuel et secret des militants est désormais la référence indispensable, à l'image du droit de vote des citoyens. Elle doit nous guider pour l'élection des premiers responsables du parti à tous les niveaux.
Dans le même temps, il convient de renforcer la dimension délibérative de notre parti, de retrouver le sens du débat collectif qui s'est affaibli ces dernières années. Il s'agit d'assurer la stabilité des équipes de direction mais aussi la libre délibération collective. Nous ne voulons ni de la dérive plébiscitaire, ni de la dérive des courants.
C'est pourquoi, parallèlement à la désignation des principaux responsables par tous les militants, le lien entre le choix des responsables et le débat d'orientation politique est naturellement maintenu.
Concrètement, le déroulement du congrès sera le suivant :
– débat sur les contributions, puis les motions d'orientation, vote à bulletin secret des militants en section sur les textes ;
– tenue des congrès fédéraux, puis du congrès national ;
– appel à candidatures pour l'élection du Premier secrétaire national (dans le congrès), du Premier secrétaire fédéral (dans la fédération), du Premier secrétaire de section (dans la section) ;
– quelques jours après le congrès national, convocation dans chaque section d'une assemblée générale. Chaque adhérent votera à bulletin secret :
– pour élire le Secrétaire de section,
– pour élire le Premier secrétaire fédéral,
– pour élire le Premier secrétaire national.
b) La composition du Conseil fédéral
Afin d'obtenir une meilleure représentativité de cette instance, il est proposé de rechercher de nouvelles modalités permettant, au prochain congrès, de calquer la composition du Conseil fédéral sur celle du Conseil national :
– 2/3 de membres représentant les motions nationales d'orientation,
– 1/3 de membres représentant les sections (mise en place d'un collège).
Un parti plus accueillant, plus ouvert, plus représentatif
Notre parti est, depuis les dernières consultations électorales, redevenu le premier parti de France en nombre de voix. Mais il ne compte que trop peu d'adhérents. Même si les caractéristiques de la vie politique française ne sont pas favorables à la constitution de partis politiques de masse, notre objectif doit être d'intégrer des dizaines de milliers de nouveaux adhérents. Cela est possible : d'une part, en facilitant l’adhésion, d'autre part, en renforçant la capacité d'attraction politique qui est la nôtre.
Faciliter l’adhésion
Il convient de lutter contre les lenteurs, les blocages et les tentations de repli sur soi qui, trop souvent, découragent celles et ceux qui veulent nous rejoindre.
Les propositions suivantes doivent contribuer à améliorer la procédure d'adhésion.
Toute personne désirant adhérer doit pouvoir le faire rapidement et dans la section de son choix, devant une assemblée générale de section. Si dans un délai d'un mois et demi la demande d'adhésion est restée sans réponse, l'adhésion deviendra automatique, sous réserve du versement de la cotisation. Au niveau national, comme au niveau fédéral, les bureaux des adhésions seront réactivés sans pour autant organiser un collège d'adhérents directs au niveau de ces deux structures.
Le bureau national, comme les bureaux fédéraux doivent informer la section de rattachement dans un délai de huit jours au maximum.
Les droits de l'adhérent doivent être les mêmes pour tous. Aussi, le délai actuel de six mois d'ancienneté nécessaire pour voter est supprimé. Tout adhérant ayant payé ses cotisations votera sans délai. Dans un souci de transparence et afin d'assurer la régularité du scrutin, la direction de la section établira une liste électorale, consultable par tous les militants et transmise à la fédération quinze jours avant la date du vote.
Encourager la réflexion thématique
Le Parti socialiste doit pouvoir répondre à des aspirations diverses. C'est pourquoi il ne peut plus exister un modèle unique d'adhésion mais, au contraire, une pluralité d'expressions de l'engagement qui corresponde à l'évolution de la vie actuelle.
Notre organisation doit se doter de structures de réflexion et d'action thématiques ouvertes à l'ensemble des adhérents. Dans cet esprit, la relance des grandes commissions nationales du parti est une priorité.
Une autre voie est de permettre la constitution, auprès des fédérations, de sections thématiques et professionnelles en liaison avec tes commissions nationales et selon des modalités à fixer.
Aller vers la parité hommes/femmes
À l'heure où les femmes occupent de plus en plus de place dans la société et exercent, pour beaucoup d'entre elles, une vie professionnelle, il n'est pas acceptable qu'elles soient marginalisées dans la vie politique. Seulement 5 % de femmes siègent au Parlement.
Le Parti socialiste, qui a pourtant adopté depuis longtemps le système des "quotas", n'est pas épargné par cette situation.
Dans ce domaine, le décalage entre les intentions et la pratique reste préoccupant. Il faudra y veiller avec beaucoup plus de résolution que par le passé, de façon à ce que la proportion de femmes augmente très sensiblement dans les assemblées élues, et ceci quel que soit le mode de scrutin.
Au-delà, la revendication de la parité apparaît comme un objectif mobilisateur susceptible de faire avancer la cause des femmes et la démocratie. Nous proposons donc que cette perspective figure désormais dans nos statuts.
Parallèlement, le parti se doit d'encourager les initiatives existantes, comme l’"Assemblée des femmes", ou à venir, comme l'organisation d'États généraux des femmes.
Des fédérations représentées en fonction du nombre effectif de leurs adhérents
Jusqu'à présent, les fédérations étaient représentées en fonction du nombre de cartes achetées au niveau national. Des décalages importants pouvaient exister entre ce nombre et le nombre réel d'adhérents, entraînant des disparités artificielles dans la représentation des fédérations au niveau national et particulièrement dans les congrès.
Nous proposons de calculer désormais, sous le contrôle de la trésorerie, cette représentation sur le nombre d'adhérents effectivement constaté au niveau national dans chaque fédération.
À cet effet, un fichier national mis à jour en permanence par le biais de l'informatique sera tenu.
Un parti plus accueillant, plus ouvert, plus représentatif
Abaisser et harmoniser le prix des cotisations
Le prit et la disparité des cotisations entre sections et fédérations constituent un frein à l'adhésion. Le prix de la carte vendue dans les sections sera très fortement baissé et le prix de base pratiqué dans les sections sera le même partout.
Le montant de la cotisation payée par l’adhérent d la section sera établi en fonction des revenus. Une attention particulière sera portée au montant de la cotisation des adhérents aux revenus modestes. Un tarif dégressif sera envisagé pour les adhérents d'une même famille, en fonction des revenus familiaux.
De même, tout adhérent d’une centrale syndicale ou une association partageant nos valeurs de progrès social, pourra bénéficier d'un abaissement de sa cotisation en fonction de ses revenus.
Afin d'aider les fédérations et les sections à supporter cet effort, un nouveau système de redistribution entre le national et les fédérations sera mis en place, le prix des cartes vendues aux fédérations étant fortement abaissé.
Parallèlement, le parti organisera progressivement une décentralisation des moyens matériels ou techniques en direction des échelons fédéraux dans certains domaines comme la formation par exemple.
Enfin, le fonctionnement de la Caisse de redistribution nationale en faveur des fédérations sera revu selon des critères objectifs, à préciser.
Mieux associer les sympathisants
Les sympathisants, nombreux, qui partagent nos idées et nos combats électoraux hésitent souvent à adhérer. Tout ce qui permettra un franchissement devra être recherché. Toutefois, il restera toujours des sympathisants à l'extérieur du parti. Il est souhaitable que les sections, les fédérations et le parti traitent mieux cette mouvance.
Nous proposons qu'à chaque niveau les sympathisants soient associés à nos débats en fonction de leur nature.
Ils devront avoir, non seulement le droit à l'expression mais aussi au vote, à l'exception des votes d'orientation du congrès, des votes de désignation des instances dirigeantes et des votes d'investiture aux différentes élections.
Un fichier des sympathisants sera constitué au niveau des sections, des fédérations et du siège national.
Si le parti se dote, comme cela est souhaitable, de structures de services (formation, documentation, activités culturelles et touristiques, échanges internationaux, action humanitaire…), les sympathisants pourront y accéder.
Ouvrir le Parti socialiste aux jeunes
Le dynamisme et l'enthousiasme dont les jeunes ont fait preuve, particulièrement lors de l'élection présidentielle, montrent à quel point notre parti se doit d'être attractif à leur égard. L'adhésion au MJS, indépendamment de celle au parti, constitue un moyen d'expression spécifique mais aussi un lien avec le PS.
Nous proposons que ce lien soit renforcé en permettant à chaque adhérent du MJS qui en fait la demande de devenir de plein droit membre du Parti socialiste, sans cotisation supplémentaire.
Développer les organismes associés
Nombre de nos concitoyens témoignent chaque jour d'un engagement associatif sans qu'il se concrétise par un engagement politique. La création d'organismes associés, à l'initiative des socialistes mais ouverts sur l'extérieur, permettrait d'agir dans des domaines tels que la lutte pour un meilleur environnement, l'action humanitaire, la lutte contre le racisme …
Ces organismes permettraient d'allier un engagement direct dans la société et l'élaboration d'une réflexion dans le Parti socialiste. Cette convergence entre l’action et la réflexion permettrait également d'inciter des sympathisants et des personnalités extérieures à rejoindre le parti en adhérant.
Créer un Comité économique et social consultatif auprès du PS
La création d'une structure d’étude, d'expertise et de suivi sur les questions économiques et sociales a été souhaitée dans le passé. Une première avancée a déjà été recherchée avec la mise en place du quart sociétal au Conseil national.
Nous proposons de franchir une nouvelle étape avec la mise en place d'une vraie structure de concertation et de réflexion, susceptible de rassembler les nombreuses compétences ou expériences (syndicalistes, responsables associatifs, responsables d'institutions publiques…) qui ne manquent pas au PS ou dans sa proximité.
Un fonctionnement plus fraternel, plus transparent, plus efficace
Un parti vigilant sur l’éthique et les comportements
Le parti a beaucoup souffert d'un certain nombre de dérives individuelles ou collectives. Cela vaut pour le non-respect de nos règles internes. Un parti de militants, démocratique, ne peut tolérer ces manquements. Il convient de restaurer un réel civisme interne, de faire vivre la fraternité et la solidarité entre socialistes à quelque niveau que ce soit.
Par ailleurs, le Parti socialiste a besoin d'établir une véritable charte éthique (notamment pour ses élus) afin que la transparence, le respect des lois, particulièrement celles sur le financement de l'activité politique votées à l'initiative des socialistes, soient assurés par tous, militants comme élus.
Préciser la place et le rôle des élus
Il est souhaitable que les élus soient davantage associés à la vie interne du parti comme il convient que les élus soient disponibles pour celui-ci et rendent régulièrement compte de leur travail aux militants.
Les militants doivent pouvoir être également consultés pour les choix effectués dans l'exercice des responsabilités électives ou exécutives (collectivités territoriales, Parlement, Gouvernement).
La question du cumul des mandats a fait l'objet de propositions dans le cadre de l'élection présidentielle afin de limiter le cumul de fonctions exécutives avec le mandat de parlementaire ou une fonction ministérielle. Ces propositions restent d'actualité, devraient faire l'objet d'une proposition de loi et inspirer nos pratiques internes.
Par ailleurs, la FNESR et les UDESR devront retrouver leur rôle d'impulsion, de coordination et de contrôle des élus, avec l'appui du Parti. Il n'est pas acceptable que certains élus ou certains groupes prennent des positions qui engagent notre collectivité toute entière, de façon isolée et sans débat.
La FNESR devra également s'employer à fournir aux élus des services indispensables dans le cadre de la décentralisation (information, formation, documentation, expertises, prestations de service…). Cela suppose que les initiatives dispersées qui ont été prises dans ces domaines soient regroupées et coordonnées.
Par ailleurs, le problème des cotisations des élus se pose. Les cotisations des élus représentent aujourd'hui une source de financement qui n'a jamais été réellement rationalisée.
Nous proposons que chaque élu rétribué verse une cotisation unique aux associations de financement du parti (soit nationale, soit fédérale) qui s'appliquera à l'ensemble des indemnités effectivement perçues suivant un barème unique.
Les associations de financement reverseront aux différentes structures la part qui leur revient.
Les propositions adoptées à l'issue de cette consultation qui impliquent des modifications statutaires s'appliqueront dès le prochain congrès, à l'exception de celles concernant le vote des nouveaux adhérents qui s'appliquera immédiatement.
Question n° 1 : Souhaitez-vous que Lionel Jospin devienne Premier secrétaire du Parti Socialiste ?
Oui Non Abstention
Question n° 2 :
Oui Non Abstention
Question n° Approuvez-vous la démarche globale et les thèmes qui vous sont proposée pour conduire notre réflexion collective ?
Oui Non Abstention
Question n° 3 : Quels thèmes souhaitez-vous ajouter à ceux qui vous sont proposés ?
Question n° 4 : Êtes-vous favorable à ce que le Parti socialiste participe à la constitution d’"espaces de coopération" avec toutes les forces de gauche et les écologistes autour de discussions sur des thèmes communs et d’actions concrètes sur des objectifs identiques ?
Oui Non Abstention
Question n° 5 : Approuvez-vous l’élection des principaux responsables du Parti (Premier secrétaire national, Premiers secrétaires fédéraux, Secrétaires de section) au scrutin direct et secret par tous les adhérents ?
Oui Non Abstention
Question n° 6 : Approuvez-vous ce nouveau mode de désignation du Conseil fédéral ?
Oui Non Abstention
Question n° 7 : Approuvez-vous ces nouvelles dispositions destinées à faciliter l’adhésion ?
Oui Non Abstention
Question n° 8 : Approuvez-vous la suppression du délai de six mois d’ancienneté pour voter ?
Oui Non Abstention
Question n° 9 : Approuvez-vous la constitution d’organisations thématiques au sein du Parti ?
Oui Non Abstention
Question n° 10 : Approuvez-vous l’inscription dans les statuts de l’objectif de parité hommes/femmes ?
Oui Non Abstention
Question n° 11 : Approuvez-vous la proposition de calculer désormais la représentation des fédérations sur la base du nombre d’adhérents effectifs ?
Oui Non Abstention
Question n° 12 : Approuvez-vous ces dispositions destinées à abaisser et à harmoniser le prix des cotisations ?
Oui Non Abstention
Question n° 13 : Approuvez-vous ces mesures tendant à renforcer la participation des sympathisants à l’activité du Parti ?
Oui Non Abstention
Question n° 14 : Approuvez-vous cette proposition de participation plus grande des jeunes à la vie du Parti ?
Oui Non Abstention
Question n° 15 : Approuvez-vous la création de nouveaux organismes associés au sein du Parti ?
Oui Non Abstention
Question n° 16 : Approuvez-vous la création d’un Comité économique et social auprès du PS ?
Oui Non Abstention
Question n° 17 : Approuvez-vous la réalisation d’une charte éthique qui engage tous les militants du Parti ?
Oui Non Abstention
Question n° 18 : Approuvez-vous la nécessité de clarifier le rôle, la place et la contribution des élus vis-à-vis du Parti ?
Oui Non Abstention
Mode d’emploi
La Commission nationale chargée d'élaborer des propositions pour la rénovation du parti, présidée par Lionel Jospin, a rendu compte de ses travaux devant le Conseil national du 23 septembre 1995.
C'est désormais aux adhérents du Parti Socialiste de se prononcer sur le texte de synthèse qui en reprend les enjeux et de répondre à 18 questions concernant aussi bien la direction du Parti socialiste, le choix des thèmes prioritaires de réflexion collective, que les modifications de notre fonctionnement et organisation interne.
Ce cahier central de huit pages est donc entièrement consacré aux propositions soumises au vote des militants qui aura lieu le lundi 9 octobre 1995 (la date du mardi 10 octobre, initialement choisie, coïncide avec la journée nationale d'action des fonctionnaires) et à la préparation de la Convention nationale du samedi 14 octobre 1995.
Ce numéro spécial « Vendredi" est diffusé à tous les adhérents, des numéros supplémentaires ont été adressés aux fédérations à destination des nouveaux adhérents non encore recensés dans le fichier national. Le scrutin se déroulera donc simultanément dans toutes les sections le lundi 9 octobre de 17 heures à 23 heures.
Nouveauté : la liste d’émargement doit recenser tous les adhérents dûment présentés en assemblée générale de section avant le 26 septembre 1995. En effet, sur proposition de la Commission nationale, le Conseil national du 23 septembre a pris acte de l’application immédiate de la proposition n° 8 concernant la suppression du délai de 6 mois d’ancienneté. Le Conseil national autorise ainsi, pour des raisons politiques, l’anticipation immédiate des probables modifications statutaires concernant le délai entre l’adhérent au parti et la participation aux différents scrutins internes.
Il est possible de régulariser ses cotisations au moment même du vote. Tous les adhérents qui répondent à ces conditions et qui sont à jour de leurs cotisations au 30 septembre 1995 peuvent voter dans la section dont ils sont membres.
Le vote est personnel et secret, chaque votant doit se prononcer au moyen du bulletin de vote récapitulatif proposé à la fin de ce cahier spécial. Il est bien sûr conseillé de répondre aux questions au fil de la lecture du texte. Pour la question n° 3, qui porte sur le choix des thèmes de débat, qui pourront aboutir à une réflexion spécifique et collective du parti, il est suggéré de limiter à une, deux ou trois propositions maximum la réponse.
Bon travail !