Article de M. François Hollande, secrétaire national porte-parole du PS, dans "Vendredi" le 1er décembre 1995, sur la dégradation de la situation économique, le chômage et les grèves du secteur public, intitulé "La Panne".

Prononcé le 1er décembre 1995

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Média : Vendredi

Texte intégral

Face aux mouvements sociaux le gouvernement doit renoncer à ses projets

Depuis plusieurs semaines s'est développée une vague puissante de mouvements sociaux, dont témoignent l'importance des récentes manifestations et l'intensité de la grève, notamment dans le secteur des transports. Le Parti socialiste rappelle sa totale solidarité à l'égard de ces mouvements et appuie la riposte résolue du monde du travail, face aux attaques dont il est l'objet.

Le gouvernement porte rentière responsabilité de cette situation, dans le contexte des bouleversements actuels du libéralisme.

C'est en effet la politique qu'il conduit qui est directement à l'origine de la protestation, à travers la remise en cause de la protection sociale et l'offensive contre le secteur public. Il a, en outre, commis une lourde erreur en affichant, avec mépris et incompétence, des positions irrévocables. Paraissant jouer le pourrissement des conflits, recherchant l'épreuve de force, le gouvernement crée les conditions d'une détérioration du climat social a un moment où l'économie française est en panne.

Le Parti socialiste demande donc au gouvernement de prendre la mesure de la situation et de l'impopularité de sa politique.

Dans cette conjoncture, Il sera favorable à toutes les initiatives qui pousseront le gouvernement à renoncer à ses projets.


Le Bureau national

Le gouvernement Juppé aura donc réussi l'exploit de mettre en quelques jours des centaines de milliers de Français dans la rue : des fonctionnaires aux étudiants, des assurés sociaux aux cheminots sans oublier les femmes. Mais son succès ne s'arrête pas là : la multiplication des grèves dans le secteur public est en passe de se généraliser et de bloquer une grande partie de l'activité du pays. Non content d'un tel bilan, il pousse le zèle jusqu'à recouvrir aux ordonnances et priver ainsi le Parlement et donc les citoyens du débat auquel il pouvait prétendre.

Mais le pouvoir aura dans le même temps mis l'économie en panne.

L'INSSE nous révèle en effet que la richesse nationale ne progresse plus qu'au rythme de 0,2 % depuis deux trimestres consécutifs. C'est-à-dire que depuis le milieu de l'année 1995, date de l'élection de Jacques Chirac, la machine économique s'est grippée. D'abord la production industrielle a diminué de 1,2 % au 2e trimestre et a continué de régresser de 0,1 % au 3e trimestre. Puis la consommation s'est mise, elle aussi, à baisser à partir du 3e trimestre pour finir par s'effondrer en octobre (-4,4 %). Enfin, l'investissement s'est mis à stagner, privant l'économie de toute perspective de reprise.

Ainsi, les décisions du gouvernement Juppé depuis 6 mois auront-elles provoqué, notamment à cause des prélèvements sur les ménages, une quasi-paralysie de l'activité avant même d'ailleurs que la crise sociale d'aujourd'hui ne fasse connaître ses effets.

Le plan Juppé sur la Sécurité sociale intervient donc dans un contexte de ralentissement conjoncturel. Et tout laisse penser que dans le meilleur des cas la croissance ne dépassera pas 2 % en 1996 (contre 2,8 % prévus par le gouvernement) et pourrait même tomber à 1 %. La panne serait alors durable et aurait des conséquences fâcheuses pour les finances publiques puisque les rentrées d'impôts et de cotisations seraient beaucoup plus faible que prévu. Dès lors, le plan de réduction des déficits budgétaire et sociaux se trouvait contrarié et le chômage ne pourrait que confirmer la remontée enregistrée depuis 3mois.

Le gouvernement aura réussi la gageure de mettre en panne à la fois l'économique, les relations sociales et le secteur public. À croire que ce n'est plus le véhicule qui est en cause mais la compétence du conducteur et le choix de sa destination.