Interview de M. Georges Sarre, président délégué du Mouvement des citoyens, dans "L'Evénement du Jeudi" le 26 novembre 1998, sur les régularisations des "sans-papiers" et sur la position de Mme Dominique Voynet sur la politique de l'immigration du gouvernement.

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Texte intégral

Gérard Miller. - Ces temps-ci, on vous entend beaucoup sur l'immigration. Vous avez mangé du lion ?

Georges Sarre. - Mes prises de position sont les mêmes, mais le ministre de l'intérieur étant en convalescence, mes déclarations sont davantage relayées.

G. M. - Quatre-vingt mille immigrés viennent d'être régularisés…

S. R. - Convenez que ce n'est pas rien : la plus forte régularisation depuis 1982 !

G. M. - Mais les 60 000 qui restent sur le carreau, vous pensez qu'ils vont repartir ?

G. S. - S'ils ont épuisé tous les recours fondés en droit, oui, ils repartiront. Nous ne pouvons qu'être sensibles au sort individuel de tel ou tel immigré, mais la question de l'immigration, il faut la prendre dans sa globalité.

G. M. - Ils se sont fait connaître, ils ont fait confiance à la gauche…

G. S. - Qui pouvait croire de bonne foi, pendant la campagne électorale, que nous allions régulariser automatiquement tous ceux qui en feraient la demande ? Nous avons aujourd'hui une loi, elle est fondée sur des critères mûrement réfléchis et discutés, et nous ne l'appliquerions pas ! Un étranger était récemment interviewé à la télévision : à l'entendre, il vivait en France depuis plusieurs décennies. C'est faux, c'est impossible, justement parce qu'il y a des critères justes, pour les célibataires comme pour les autres.

G. M. - La crise italienne vous conforte-t-elle dans votre fermeté ?

G. S. - Bien sûr. On voit ce qui se passe quand un pays régularise sans critères, le monde arrive de partout, c'est catastrophique. Cela crée, aux frontières, une situation ingérable.

G. M. - Vous craignez vraiment de déclencher l'apocalypse en faisant preuve d'un peu plus d'humanité.

G. S. - Ecoutez, certains parlent de 200 000 clandestins supplémentaires en France. Dans tous les cas, les 60 000 seraient régularisés demain matin, dans les huit jours qui suivent, il y en aurait le double ou le triple qui se précipiteraient dans les préfectures. Sans parler de tous ceux qui sont dans leur pays et qui sauteraient dans le premier bateau venu. Vouloir régulariser tout le monde, c'est ne pas connaître les flux migratoires.

G. M. - Les Algériens bénéficient-ils d'un sort particulier ?

G. S. - Je vous le confirme. Personne ne voudrait faire repartir en Algérie des gens susceptibles d'être soumis au couteau des tueurs intégristes.

G. M. -Pourquoi avez-vous fustigé Dominique Voynet, qui souhaitait débattre de tout cela ?

G. S. - C'est très clair : il faut débattre avant, il faut débattre pendant, et le plus largement possible, mais une fois que la décision est prise, que la loi est votée, c'est une démarche antirépublicaine pour un membre du gouvernement que de s'y opposer. Or le Mouvement des citoyens a pour objectif de refonder la République. Ce qu'on accepterait pas d'un gamin de 13 ans qui bafouerait la loi, on ne peut quand même pas l'accepter d'un membre du gouvernement !

G. M. - Selon vous, Voynet a subi la « mauvaise » influence de Cohn-Bendit ?

G. S. - Oui, l'arrivée de Cohn-Bendit est pour une part importante dans ses déclarations. Il y a concurrence entre eux et Dominique Voynet, craignant que Cohn-Bendit n'occupe un peu trop d'espace en s'engageant dans une direction qu'on peut qualifier de gauchiste, a décidé de courir derrière lui.

G. M. - Vous ne l'avez pas à la bonne, Cohn-Bendit…

G. S. - Je souhaite que ses idées apparaissent pour ce qu'elles sont. Cohn-Bendit est un européiste libéral convaincu.

G. M. - Style Madelin ?

G. S. - Leur style est totalement différent : l'un, plus brouillon ; l'autre, plus raide. Mais, sur le fond, je ne vois pas de différence.

G. M. - A terme, quel effet Cohn-Bendit aura-t-il sur les Verts ?

G. S. - L'hypothèse la plus probable, c'est qu'il entraînera leur désintégration.

G. M. - Vous préférez Pasqua, que votre mouvement a écouté sur le traité d'Amsterdam avec une sympathie certaine.

G. S. - Charles Pasqua et moi ne siégeons pas sur les mêmes bancs, mais civiliser les moeurs politiques n'est pas pour autant une mauvaise chose, surtout en période de cohabitation. Et puis il serait bon que tous les républicains fassent en sorte que les européistes cessent de marquer des points.

G. M. - On n'en est pas encore à un ticket Chevènement-Pasqua, mais une suite est-elle prévue ?

G.S. - Aucune suite dans l'immédiat. Cela dit, l'avenir appartient à tout le monde.