Interview de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, dans "Ouest-France" le 5 février 1999, sur la tarification des petites transactions en euros pratiquée par les banques, le projet d'accord de la Poste sur les 35 heures et les effets attendus de la réduction de la taxe professionnelle dans les petites entreprises.

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Intervenant(s) : 

Média : Ouest France

Texte intégral

Question
Les transactions en euros ont révélé une dérive des prix assez surprenante de la part des banques ? Que fait le gouvernement ?

Dominique Strauss-Kahn
L’euro est une réussite collective. Il faut donc qu’il joue au bénéfice de tous. J’ai constaté, comme vous, que la tarification des transactions de petits montants était élevée. J’ai écrit aux banques et à la Banque de France pour leur demander de travailler sur ce sujet afin d’améliorer les dispositifs européens de paiement, rendre les tarifs plus transparents et les maintenir à un niveau modéré. Avec Marylise Lebranchu, je suis très attentif à ces questions. Par exemple, j’ai obtenu dans la loi contre l’exclusion votée l’an dernier que le droit au compte bancaire soit consacré pour protéger les plus défavorisés.

« Certains services bancaires deviendront payants »

Question
La France demeure le champ du « ni-ni », ni tarification des chèques ni rémunération des dépôts. Préparez-vous la sortie de cette spécificité française ?

Dominique Strauss-Kahn
Une très large concertation a été organisée avec les banques et les consommateurs. Cette discussion n’est pas terminée. Elle devrait aboutir à un équilibre : l’introduction d’une possibilité pour les comptes d’être rémunérés et en contrepartie, au-delà d’un certain niveau, le fait que certains services deviendraient payants. Mais cette évolution sera progressive et c’est la négociation entre les banques et les consommateurs qui la déterminera. Pas moi !

Question
Le projet d’accord de La Poste sur les 35 heures peut-il servir de « modèles » pour les entreprises publiques ?

Dominique Strauss-Kahn
Cet accord apparaît effectivement comme un exemple de négociation « gagnante-gagnante ». Mais il ne peut y avoir en matière de réduction du temps de travail un modèle unique, une référence qui constituerait une solution à dupliquer. Le principe c’est de mener une réflexion entreprise par entreprise. Il faut apprécier un accord par rapport à ce qu’aurait été l’évolution de l’emploi en l’absence des 35 heures. A cette aune-là, le volume d’emplois créés à La Poste - 20 000 embauches sur deux ans, dont 6 000 liés directement à la réduction du temps de travail, 2 000 jeunes sous contrat d’apprentissage, réduction de la précarité - est une évolution majeure par rapport à ce qui se faisait.

Question
Où en êtes-vous par rapport à l’accord EDF où l’on évoque une aide de l’Etat de 600 millions ? Le cas SNCF est-il de même nature ?

Dominique Strauss-Kahn
Le projet d’accord envisagé à La Poste repose sur un équilibre économique clair. Grâce au développement de l’entreprise, aux efforts des salariés et à l’impact des réorganisations, l’accord peut être autofinancé. Ni le contribuable ni le client n’auront à être sollicités. Cela constitue également l’un des points positifs, dans la ligne de responsabilité économique qui caractérise la gestion de cette entreprise publique. S’agissant d’autres entreprises publiques, qui ne sont pas sous ma responsabilité ministérielle directe, nous apprécions la situation au cas par cas.

Question
Vous êtes ce vendredi à Nantes. Avec de bonnes nouvelles fiscales pour les entreprises et les Français ?

Dominique Strauss-Kahn
Concernant l'entreprise, la réforme de la taxe professionnelle constitue une manifestation de la politique résolument engagée de baisse des impôts. Elle permettra, dès 1999à 820 000 très petites entreprises de bénéficier d'une baisse, s’élevant en moyenne à 40 % de cette taxe. La baisse pourra être encore plus forte dans les secteurs à forte intensité de main-d'œuvre, comme le bâtiment ou le commerce, où elle pourra dépasser 50 %. Il s'agit donc d'un allégement considérable qui constitue pour les petites entreprises une puissante incitation à l'embauche. Un sondage récent de l'Ifop a ainsi révélé que près des deux tiers des chefs de petites entreprises estimaient que cette mesure allait les inciter à embaucher. Pour le reste, dans le cadre du budget 2000, nous comptons concentrer notre réflexion sur les différents impôts payés par les de ménages pour les simplifier et les alléger. Nous n’en sommes qu'au stade de la réflexion. Le gouvernement n'a rien dit d'autre depuis un mois, et n’en dira donc pas plus. Nous annoncerons nos décisions dans le cadre du calendrier budgétaire habituel.
TP : « Une baisse de 40 % pour les très petites entreprises »

Question
Le dossier de la Seita a-t-il évolué au vu de l’audit. Le PDG vous a-t-il transmis de nouvelles propositions satisfaisantes ?

Dominique Strauss-Kahn
J'attends les conclusions de l’audit. C'est l'affaire de quelques jours. Je suis convaincu qu'elles seront examinées par tous les partenaires - direction, syndicats, élus - avec la plus grande attention. Le souci, dans cette affaire, doit être autant l'emploi et l'aménagement du territoire que l'équilibre économique de l’entreprise.