Texte intégral
Europe 1 - 8 décembre
Karl Zéro : Claude, qu’est-ce que vous dites ?
Claude Goasguen : Secrétaire général tout court de Force Démocrate, pas adjoint.
Karl Zéro : Selon Alain Madelin, il y a trois familles à droite : les gaullistes, les centristes et les libéraux. Alors vous faites partie des trois ensemble ou vous faite partie des trois tours à tour ?
Claude Goasguen : Je fais partie de la famille libérale mais ça signifie qu’il n’y a pas autant de différences qu’on le dit souvent entre ces trois familles et que peut-être le moment est venu de les rapprocher.
Karl Zéro : Donc vous avez le profil idéal du rassembleur pour 2002.
Claude Goasguen : Je n’ai pas dit ça, en tout cas il n’y a pas de différence formelle aujourd’hui, en cette fin de siècle, j’espère que les élections européennes montreront que les trois familles sont capables de s’unir ensemble pour faire une liste commune.
Karl Zéro : Claude ce n’est pas si facile entre un RPR sans Pasqua, une UDF sans Madelin et une Démocratie Libérale sans Robien, on a du mal à s’y retrouver. Est-ce que c’est la recomposition de la droite qui a recommencé ou c’est la décomposition qui continue ?
Claude Goasguen : Non, je crois que nous sommes en train de recomposer une famille politique moderne, différente vraiment de la majorité actuelle, qui réaffirme ses positions, notamment sur les questions de société dont on a été absent très souvent, très longtemps.
Karl Zéro : Vous le regrettez ?
Claude Goasguen : Non seulement je le regrette mais je trouve qu’il y a là certainement l’explication de notre défaite de 1997.
Karl Zéro : Si on s’en tient au seul climat interne, le Front National ressemble de plus en plus alors aux partis de la droite républicaine.
Claude Goasguen : En plus violent, il y a effectivement des affrontements au Front National en ce moment qui montrent bien toute la violence contenue de ce parti ; à quel point d’ailleurs toute l’hypocrisie qui a été de mise depuis dix ans au Front National de se faire passer pour des opprimés, montre bien que tous ces gens étaient d’une férocité entre eux tout à fait égale à la férocité qu’ils manifestaient à l’égard des autres. Je suis presque satisfait que les électeurs du Front National qui souvent ont voté pour eux sans savoir, s’aperçoivent qu’ils ont confié leur destin à une bande sans scrupules. Et je trouve que le jour de l’anniversaire de la déclaration universelle des Droits de l’homme, c’est très significatif de voir le Front National se déchirer à belles dents.
Karl Zéro : Vous avez dit, récemment d’ailleurs, dans Marianne : Le Pen est fort parce que nous lui laissons de l’espace. Cela veut dire que pour récupérer les électeurs du FN, il faut droitiser l’opposition ?
Claude Goasguen : Non, pas la droitiser, mais en tout cas reprendre un certain nombre de thèmes que Le Pen avait défigurés par ses excès, et ce sont notamment les thèmes de société. On a eu pendant très longtemps des silences coupables sur l’immigration qui est un vrai problème et qui n’est pas un problème raciste, qui n’est pas un problème ethnique, il appartient à chaque pays, à un moment de son histoire, de déterminer s’il ouvre ou s’il ferme plus ou moins, ça n’a rien à voir avec la couleur de la peau, on a eu une espèce de complexe qui a donné à Le Pen un champ d’expression excessif considérable, le problème de la sécurité dont on n’a pas parlé pendant longtemps, le problème de la famille qu’on découvre avec le Pacs qui est un sujet de société grave ; quelle va être la structure familiale au début du XXIe siècle. On a fait de l’économie, on a fait de la gestion et on n’a pas parlé des problèmes de quotidienneté et dans ces conditions, Le Pen, avec tous ses excès, a rempli un vide politique, c’est dans ce sens que j’ai dit : on lui a laissé trop d’espace politique, il est temps de revenir là-dessus, de donner une vraie vision de droite, de droite libérale si possible, de la société de demain.
Karl Zéro : Je vais bien vous emmerder un peu. Et Jacques Blanc alors, quelle vision il a ?
Claude Goasguen : Jacques Blanc a une vision qui est tout à fait proche de la nôtre c’est la même, il a accepté d’avoir une majorité avec le Front National, il n’a pour autant accepté de pactiser avec le Front National, il n’y a rien dans l’attitude de Jacques Blanc, que nous suivons de près, qui permet de dire que les thèses de Jacques Blanc soient celles du Front National. Il n’y a pas de Front National dans l’exécutif du Languedoc-Roussillon, il n’y en aura pas, les gens du Front National ont voté pour Jacques Blanc le dernier budget, pour autant ce budget n’est pas un budget Front National, c’est le budget de Jacques Blanc.
Karl Zéro : Et Millon, que pensez-vous de Millon ? Vous pensez qu’il va être invalidé ?
Claude Goasguen : Je ne sais pas, il y a belle lurette que je ne sais plus ce que les conseillers d’État décident en dernière analyse, donc laissons faire les conseillers d’État. Le commissaire du Gouvernement a été dans un sens, il semble que la jurisprudence souvent accompagne la décision du commissaire du Gouvernement, mais sait-on jamais ? Nous verrons.
Karl Zéro : A propos des relations avec le FN, vous disiez l’été dernier : tant que le FN n’aura pas renié les propos racistes et antisémites de Le Pen, il n’y aura pas de discussion possible, la personnalité de Le Pen paralyse tout. Alors est-ce que vous déplorez la purge actuelle anti-Mégret ?
Claude Goasguen : Pas du tout, je trouve que Mégret, Mégret aurait pu, ou quelqu’un d’autre, aurait pu, il y a quelques années, faire cette démarche qu’on appelle à l’italienne ; ça n’a pas été le cas, c’est même le contraire. En réalité ce qui se passe en ce moment, c’est une surenchère dans l’extrémisme, c’est-à-dire le contraire de ce qui s’est passé en Italie et donc, dans ces conditions, je ne vois aucun intérêt à discuter avec un quelconque des protagonistes je mets, pour être clair, M. Mégret et M. Le Pen dans le même sac c'est-à-dire cherchant à diriger un parti qui a cette triste caractéristique dans le monde et pour la France d’être le seul parti raciste et xénophobe qui fasse 15 % des voix. Je voudrais quand même qu’un jour ou l’autre la France retrouve la norme, nous sommes le pays des Droits de l’homme, on célèbre la déclaration universelle, et nous sommes le pays où 15 % de gens votent, peut-être sans le savoir, pour un parti xénophobe.
Karl Zéro : Mais quand Le Pen dit de Mégret qu’il est raciste, vous le croyez ?
Claude Goasguen : Je ne crois rien du tout, M. Le Pen n’est certainement pas bien placé pour accuser de racisme les autres. Je vous le répète, il n’y a pas de différences tangibles entre les deux.
Karl Zéro : Bonnet blanc et blanc bonnet.
Claude Goasguen : Bonnet blanc et blanc bonnet.
Karl Zéro : Pourriez-vous envisager une alliance avec Mégret et ses sbires si jamais ils quittent le Front National ?
Claude Goasguen : Non.
Karl Zéro : Et s’ils viennent faire : toc, toc, Claude, ouvre la porte de DL.
Claude Goasguen : Ils feront toc, toc en pure perte. Je ne crois pas d’ailleurs que ce soit leur intention. Ce que veut Mégret c’est prendre la direction d’un parti en faisant de la surenchère extrémiste, donc c’est une hypothèse d’école et en toute hypothèse, moi je ne serai pas intéressée par une quelconque discussion ni avec Mégret ni avec Le Pen ni avec personne. On ne discute pas en cette fin de siècle avec des gens qui n’ont pas leur place dans la démocratie française parce que la démocratie française c’est celle des Droits de l’homme et que le parti que représentent M. Le Pen et M. Mégret est tout à fait hostile à la conception démocratique française des Droits de l’homme.
Karl Zéro : C’est pour ça qu’en avril dernier vous avez déposé un projet de loi visant implicitement à priver le FN de fonds publics ?
Claude Goasguen : Oui, dans la mesure où je me suis inspiré de la législation allemande sur le bloc de constitutionnalité qui sanctionne les manquements et notamment les propos racistes des dirigeants et qui les sanctionne sur le financement ; cette proposition n’a pas été reprise car les socialistes qui parlent beaucoup du Front National, aujourd’hui en réalité M. Jospin vient de perdre son meilleur allié. Quel est le meilleur allié de M. Jospin ? C’est M. Le Pen car tout ça c’est la triangulaire, tout ça c’est le scrutin majoritaire et au fond la crise du Front National, c’est à M. Jospin qu’elle fait le plus de peine ; et je n’ai pas vu les socialistes secourir ma proposition de loi qui pourtant allait normalement dans le cadre de leurs vues puisqu’elle sanctionnait les propos racistes et xénophobes.
Karl Zéro : Vous êtes en train de dire que ça arrange bien les socialistes si le FN s’effondre parce que comme ça, ça vous permettra à vous de revenir aux affaires.
Claude Goasguen : Non, au contraire, ça dérange bien les socialistes de voir le Front National s’effondrer car ils n’auront plus la possibilité de jouer ces triangulaires, cette hypocrisie. La loi qui vient en discussion en ce moment sur le conseil des conseils régionaux montre que les socialistes s’arrangent très bien des accords à droite et des triangulaires, tout en protestant, bien entendu, de leur vertu républicaine ; on connaît ça depuis M. Mitterrand ; M. Jospin est, de ce point de vue, l’émule de M. Mitterrand.
Karl Zéro : Vous êtes fielleux.
Claude Goasguen : Non, je ne suis pas fielleux, je suis réaliste.
Karl Zéro : Pendant six mois, vous avez été ministre de la Réforme d’État, de la Décentralisation et de la Citoyenneté, rien que ça. A ce titre, vous deviez mettre en œuvre la charte de la citoyenneté promise par le candidat Chirac en 1995. C’était quoi ce projet ? Qu’est-il devenu ?
Claude Goasguen : Il est devenu peu de chose, je retrouve d’ailleurs beaucoup dans la tonalité du discours de Rennes des propositions de Jacques Chirac en 1995. Je crois qu’il reposait sur une idée formidable et moderne qui consiste à donner au citoyen usager de l’administration, la possibilité de faire des remarques et de contrôler son administration dans sa qualité, c'est-à-dire les heures d’ouverture, la possibilité d’avoir accès à l’information, la critique de l’information. Il y a là tout un comportement citoyen à l’égard de l’administration qu’en France nous n’avons pas. L’État est trop souvent le monarque et le citoyen le sujet. La charte de la citoyenneté c’était renverser cette présomption et dire que le service de l’administration c’était d’abord servir le citoyen et non pas le contraire, le citoyen pas au service de l’administration mais l’administration au service du citoyen.
Karl Zéro : Vous aviez ce beau projet et pourtant vous avez été viré du Gouvernement par Juppé en cinq minutes, au bout de six mois seulement. Depuis vous avez compris ce qui vous était arrivé ou toujours pas ?
Claude Goasguen : Je pense qu’un choix politique a été fait à cette époque et que ce choix politique ne comportait pas des réformes immédiates. On a choisi la rigueur budgétaire, on a choisi de diminuer le nombre de membres du Gouvernement, je n’étais sans doute pas un ministre docile et donc j’ai attendu un peu pour redevenir député, mais pour autant, je n’en ai pas de rancœur à l’égard d’Alain Juppé et je trouve que de toutes façons, si j’en avais, il ne serait pas souhaitable de les dires car c’est unie que l’opposition doit revenir aux affaires.
Karl Zéro : Que pensez-vous des propositions, vous en parliez à l’instant, de Chirac, qu’il a fait à Rennes l’autre jour pour moderniser la vie politique ? Est-ce que c’est le coup d’envoi de sa campagne de 2002 ?
Claude Goasguen : Je ne crois pas, je trouve tout à fait naturel que le Président, de temps en temps, rappelle au Gouvernement qu’il est.
Karl Zéro : Existe.
Claude Goasguen : Non pas qu’il existe car le président de la République est le seul dans les institutions à être élu au suffrage universel direct. C’est donc l’autorité la plus légitime de ce pays, c’est lui qui marque la direction, l’article 5 de la Constitution est formel et par conséquent il est normal que le Président de temps en temps donne la ligne de direction du Gouvernement, quel qu’il soit, de droite ou de gauche, c’est à M. Jospin d’écouter.
Karl Zéro : Quand la droite reviendra aux affaires, vous n’aimeriez pas avoir le portefeuille de l’Éducation ?
Claude Goasguen : Oui sans doute.
Karl Zéro : Vous êtes ancien maître de conférences en droit, ancien recteur d’académie, directeur du centre national d’enseignement à distance.
Claude Goasguen : Inspecteur général. J’ai un goût très particulier pour les problèmes d’éducation. Et voilà l’illustration de problème de société sur lequel la droite a failli un peu dans son discours. Dans la mesure où nous ne nous en sommes pas vraiment occupés, nous avons laissé l’Éducation nationale s’enfermer dans un conservatisme.
Karl Zéro : C’est votre ex-patron, François Bayrou qui était là.
Claude Goasguen : François Bayrou a été tout de suite coincé par les manifestations de 1993, la réforme de la loi Falloux qui a cassé toutes les initiatives réformistes de la droite, je regrette, mais il faut vraiment reprendre ce débat car je crois que notre enseignement a besoin d’être réformé en profondeur.
Karl Zéro : Mais vous soutenez Claude Allègre, vous dites qu’il a le mérite d’avoir montré la réalité d’un système dont les ministres de droite comme de gauche n’osaient pas parler jusqu’à maintenant.
Claude Goasguen : Oui, je crois que c’est Allègre, sans doute par hasard, parce qu’Allègre tient un discours de droite au fond quand on y réfléchit, ça gêne d’ailleurs beaucoup de députés socialistes. C’est le moment, en cette fin de siècle, de lever les tabous qui ont fait la force, pendant un demi-siècle de l’Éducation nationale, mais sa faiblesse désormais. Je crois qu’il faut moderniser notre système éducatif et l’adapter à la concurrence et à la conjoncture modernes.
Karl Zéro : Au printemps dernier, vous êtes député de Paris, adjoint au maire, et vous avez participé à la rébellion touboniste contre Tibéri. Quel est le bilan de ce putsch avorté ?
Claude Goasguen : Le bilan c’est que visiblement les Parisiens n’ont pas compris cette agitation qu’ils ont considérée comme malsaine au sein de l’Hôtel de Ville, que nous avons subi tous les coups les plus durs et que je crois que maintenant il faut laisser l’Hôtel de Ville se gérer, je suis dans la majorité municipale, j’y suis retourné, je suis donc un soutien de M. Tibéri. Mais pour autant, je n’ai pas beaucoup d’illusions sur la suite des évènements et je pense que tout ce que nous avons essayé de dire sans succès il y a six mois, il faudra le dire avec succès lors des prochaines élections municipales.
Karl Zéro : C'est-à-dire en soutenant Alain Madelin.
Claude Goasguen : En soutenant le candidat qui sera le mieux à même de porter le changement à Paris, et je pense que pour le moment c’est Alain Madelin, ce n’est pas forcément lui, d’ailleurs il n’a pas décidé d’être candidat. Mais je pense en tout cas que le débat parisien sera un débat national, que vraisemblablement le parti socialiste se prépare lui-même à un débat national avec des personnalités importantes du Gouvernement semble-t-il.
Karl Zéro : On parle de DSK.
Claude Goasguen : Oui on en parle, et je crois que ce n’est pas mal finalement que Paris soit l’enjeu d’un débat national pour le changement.
Karl Zéro : Et Tibéri, il vous a rendu vos délégations et les avantages matériels, la Safrane ?
Claude Goasguen : Moi j’ai refusé la délégation qu’il m’a proposée et je n’ai jamais perdu mes avantages matériels, j’ai perdu quelques membres de mon cabinet. Mais j’ai vu dans la presse beaucoup de choses qui étaient fausses là-dessus, ce qui ne veut pas dire que la période a été particulièrement agréable pour moi comme pour les autres.
Karl Zéro : Votre père est breton et votre mère est corse. Et pourtant, finalement je vous écoute, vous avez plutôt bon caractère. Comment ça se fait ?
Claude Goasguen : C’est une apparence.
Karl Zéro : En fait vous bouillez intérieurement ?
Claude Goasguen : Non je suis assez.
Karl Zéro : Vous pouvez poussez un cri pour vous libérer, un cri primal.
Claude Goasguen : Non, ce n’est pas un cri primal, je suis très attaché à la Bretagne et au midi de la France, je suis un fils de marin.
Karl Zéro : Merci Claude.
10 décembre - RTL
Jean-Marie Lefebvre : Invité de 60 minutes, Claude Goasguen, vice-président et porte-parole de Démocratie Libérale. Bonsoir Monsieur Goasguen.
Claude Goasguen : Bonsoir.
Jean-Marie Lefebvre : Alors la Droite parlementaire se réjouit de la crise au Front National, pour autant pensez-vous que cela vous redonnera une crédibilité auprès des électeurs qui vous ont quitté ?
Claude Goasguen : Oh, ce n’est pas tout à fait comme cela que les choses se présentent, nous on regarde avec stupéfaction la crise du Front National, de voir que quinze ans de respectabilité apparente aboutisse à cette violence extraordinaire. Et vraiment, entre Mégret et Le Pen je dois dire qu’il n’y a pas l’once d’une différence idéologique, sur les idées en tout cas ils sont d’accord. Ils sont tous les deux les propagateurs d’une idéologie dont la France ne veut pas.
Jean-Marie Lefebvre : Donc, quelles vont être les conséquences ? Il est un peu tôt pour en juger.
Claude Goasguen : Il y a une conséquence en tout cas qui apparaît très nettement, c’est que les Socialistes et Monsieur Jospin, viennent de perdre en Monsieur Le Pen, leur épouvantail allié, je dirais qui a fait la force du Parti socialiste, et encore à ces dernières élections. Ce qui veut dire que s’éloigne le mirage de triangulaires éternelles, s’éloigne le mirage de l’épouvantail que l’on agite en disant à la Droite : « surtout ne ressemblez pas à cet épouvantail ». Je crois que c’est surtout Monsieur Jospin qui, aujourd’hui, est le plus mis à mal par la crise du Front National. Quant à nous, j’espère que les électeurs qui ont fait confiance au Front National pendant de longues années, réaliseront qu’ils se sont fourvoyés, que la Droite est en train de reprendre de sa vigueur, de son unité, elle est capable d’exprimer l’alternance, sa différence avec la Gauche et que j’espère que certains d’entre eux reviendront d’où ils étaient venus d’ailleurs, pour la plupart.
Jean-Marie Lefebvre : Mais c’est précisément, à ces électeurs, est-ce que vous êtes en mesure de leur dire aujourd’hui : « Les partis de Droite ont changé, qu’ils ont un programme, qu’ils sont en mesure de répondre aux problèmes de société » ?
Claude Goasguen : Écoutez, c’est très simple, il faut que la Droite soit la Droite et qu’elle s’oppose à la Gauche. Nous n’avons pas suffisamment parlé des problèmes de société, nous avons certainement commis un certain nombre d’erreurs. Je crois que la Droite est sur la voie du redressement et que ça doit normalement donner confiance à ceux des électeurs qui craignaient de voir la pensée unique s’installer pour des décennies dans ce pays.
Journaliste : Est-ce que si Bruno Mégret l’emportait, est-ce qu’un jour vous pourriez envisager un rapprochement ?
Claude Goasguen : Oh, alors, absolument pas car Bruno Mégret et Le Pen se font une surenchère d’extrémisme pour reprendre la structure en faux du Front National. Par conséquent, qu’ils se débrouillent.
Jean-Marie Lefebvre : Et comment est-ce que vous expliquez, vous, cette guerre des chefs ?
Claude Goasguen : Eh bien, je l’explique parce que le masque est tombé, ce sont des militants qui sont des militants extrêmement violents, ils n’ont absolument aucun goût ni aucune pratique de la démocratie, ce parti était en réalité un trompe-l’œil. Des militants d’extrême droite s’affrontent pour le reste du pouvoir, je crois que le Front National est touché par la renaissance de la Droite, je crois que beaucoup d’électeurs du Front National ont compris l’an dernier qu’ils avaient en réalité contribué très largement à l’élection de Monsieur Jospin et que les masques tombent, parce que désormais Monsieur Le Pen qui est vieillissant ne veut absolument pas d’un dauphin qui est arrogant.
Jean-Marie Lefebvre : Alors, autre chose Claude Goasguen, approuvez-vous la décision de Charles Millon de se représenter à la présidence de la région Rhône-Alpes ?
Claude Goasguen : Eh bien, c’est son droit le plus absolu, je note d’ailleurs que depuis quelques heures, les candidats se multiplient, ce qui n’est pas bon signe, car… Ce qui n’est bon signe pour personne et en tout cas pas pour la Droite qui ne doit pas perdre la région Rhône-Alpes.
Jean-Marie Lefebvre : Alors, quel est le meilleur candidat de Droite ?
Claude Goasguen : Le meilleur candidat sera celui qui sera désigné par les conseillers régionaux élus ensemble sur des listes communes qui représentent le RPR, l’UDF et Démocratie Libérale. Ce qui serait souhaitable c’est que d’abord ils se réunissent, ce qu’ils ne font plus depuis plusieurs mois et qu’on en finisse avec cette fracture qui a pris d’ailleurs une ampleur nationale et une division nationale. Nous sommes à l’heure du rassemblement, nous ne sommes plus à l’heure de la division. Donc, multiplier les déclarations sans concertation avec les autres, n’est pas une bonne mesure.
Jean-Marie Lefebvre : Mais est-ce que Charles Million est le meilleur candidat de la Droite selon vous ?
Claude Goasguen : Ce sont les Conseils régionaux qui le diront. Ce que je peux dire moi comme porte-parole national, je sais bien que Monsieur Million vient de faire des réflexions assez désagréables d’ailleurs sur les états-majors, c’est bien les conseils régionaux locaux qui vont décider, mais dans une épure suivante. Je crois qu’il est impossible de continuer à entrevoir la moindre compromission avec le Front National d’une part. Et d’autre part, je crois qu’il serait mauvais pour la région Rhône-Alpes et pour la politique française qu’il y ait un Front Républicain. Par conséquent, cela impose à nos conseils régionaux de se mettre d’accord sur un candidat sans exclusive mais dans cette épure politique que je viens de tracer.
Jean-Marie Lefebvre : Alors dernière question Claude Goasguen, avec Jean Tibéri, les bisbilles, enfin on a l’impression que ce n’est pas tout à fait terminé, Démocratie Libérale se réjouit d’une diminution d’impôts locaux annoncée par le maire de Paris, mais en précisant tout de même, c’est le coup de pédale (Phon), que la décision de Monsieur Tibéri démontre la justesse et la pertinence des idées défendues par votre mouvement.
Claude Goasguen : Eh bien oui, je trouve que la mesure qui a été prise par Jean Tibéri est une mesure libérale, c’est une bonne mesure, elle va permettre aux contribuables parisiens de moins payer d’impôts et en même temps, elle va permettre sans doute de mieux gérer les services publics municipaux, c’est une bonne décision et Démocratie Libérale et moi-même d’ailleurs qui, en même temps, je suis adjoint au maire de Paris, m’en félicite.
Jean-Marie Lefebvre : Donc toujours derrière Jean Tibéri ?
Claude Goasguen : Absolument, nous sommes dans la même majorité municipale, même si de temps en temps il y a quelques frictions.
Jean-Marie Lefebvre : Claude Goasguen merci.
RMC - 17 décembre
P. Lapousterle
Les États-Unis ont frappé cette nuit en Irak : est-ce que vous soutenez, à Démocratie Libérale, l’action américaine, ou participez-vous aux réserves exprimées par Paris, voire la condamnation exprimée par certains pays ?
Claude Goasguen
- « Je crois que nous sommes tout à fait sur la même ligne que la déclaration, semble-t-il commune, qui a été faite au niveau de la France. On aurait pu aller plus loin dans la recherche de solutions diplomatiques. Cela étant, il faut bien reconnaître que l’erreur a été commise il y a quelques années en maintenant S. Hussein au nom d’un équilibre géopolitique dans une région instable. On a maintenu un dictateur dont personne n’est capable de maîtriser les pulsions politiques et les intérêts politiques internes. Car Saddam Hussein se sert du peuple irakien. Nous pensons que ce n’est pas une bonne solution, dans tous les cas de figure, que de garder quelqu’un qui est un dictateur. Je crois que tout ce qui se passe aujourd’hui est probablement la suite d’une erreur à la fin de cette guerre : celle d’avoir gardé ce régime. »
P. Lapousterle
Est-ce que ce n’est pas un peu gênant que l’attaque intervienne précisément à quelques heures du début du processus de destitution du Président américain ? Ce n’est pas un soupçon qui pèse ?
Claude Goasguen
- « D’après ce que l’on sait, la procédure a peu de chance d’aboutir. Donc, je ne vois pas pourquoi le Président des États-Unis, qui doit compter aussi bien que moi les voix au Sénat, se serait amusé à déclencher cette opération internationale lourde, grave pour les populations pour retourner Dieu sait quelle majorité il a déjà ! »
P. Lapousterle
Ce n’est pas un peu ennuyeux pour Paris d’être en cohabitation précisément à ce moment-là ? Ce n’est pas un peu gênant ?
Claude Goasguen
- « Écoutez, sur la politique internationale il n’y a pas de cohabitation : c’est le Président de la République qui mène la politique de la France à l’extérieur, et je pense que le Premier ministre qui revendique beaucoup de choses dans son combat de cohabitation quotidien avec le Président de la République ne va pas aller jusqu’à dire qu’il est le représentant de la France à l’égard des pays étrangers. »
P. Lapousterle
C’est la prérogative du Président de la République ?
Claude Goasguen
- « Cela fait partie non seulement du domaine réservé, mais à ma connaissance la Constitution ne souffre pas d’interprétation divergente dans ce domaine. Je trouve tout à fait normal qu’il y ait accord, de ce point de vue, de cohabitation avec le Premier ministre et le Président de la République. »
P. Lapousterle
Retour en France. L’Alliance a montré ses limites ces deux derniers jours, incapable d’adopter une stratégie commune sur un problème aussi important que la succession de M. Millon à la région Rhône-Alpes. Est-ce que ce n’est pas un combat suffisamment important et national pour que l’Alliance montre sa solidarité ?
Claude Goasguen
- « Rappelons ce qui s’est passé, parce que les déclarations successives des uns et des autres, semble-t-il, brouillent l’esprit des électeurs et de l’opinion. Lorsqu’il y a eu les élections régionales, les partis de l’Alliance, les partis constitutifs ont obtenu le meilleur score. »
P. Lapousterle
Égal.
Claude Goasguen
- « Enfin, mathématiquement le meilleur. Nous avons eu 61 élus et la gauche 61 élus. Par le bénéfice du doyen d’âge nous avions normalement des droits à revendiquer la présidence de la région Rhône-Alpes. Cette situation n’a pas changé, et nous sommes normalement en droit de revendiquer cette région qui appartient par les électeurs de l’Alliance à l’Alliance. Qu’est-ce que nous avons vu ? Une situation un peu rocambolesque, créée par des initiatives personnelles qui ont mal tourné, puisque l’élection a été annulée. Et qu’est-ce qui se passe ? A un moment où le Front national est en train d’imploser, à un moment où nous avons une gauche qui, dans la pluralité, devient tellement forte qu’elle ressemble terriblement à un éclatement potentiel, à un moment donc, où les partis de l’Alliance ont à l’égard de l’opinion une responsabilité d’unité car ils peuvent constituer dans les jours qui viennent ce pôle de fermeté et de stabilité que cherche désormais la France… »
P. Lapousterle
Alors pourquoi M. Bayrou avant…
Claude Goasguen
- « … A ce moment-là, nous voyons se multiplier des initiatives en Rhône-Alpes : une première candidature de Charles Millon - on s’y attendait. Une deuxième candidature, il y a quelques jours, provoqué par l’UDF qui nous propose une dame - très compétente sans doute -, mais qui nous met devant le fait accompli. Alors, moi, je dis très simplement : respectons la voix des électeurs. Moi, je n’ai jamais accepté les compromissions avec l’extrême droite, je n’accepterai pas non plus que les Verts, qui ont déclaré qu’ils voteraient dès le premier tour pour Mme… »
P. Lapousterle
Pour votre camp ?
Claude Goasguen
- « … Oui ! - Soient les arbitres de la situation. Tout cela est une cuisine qui n’est pas très bonne. »
P. Lapousterle
Quelle est la solution ?
Claude Goasguen
- « La solution est de respecter les électeurs, et sans doute de voter pour le doyen d’âge qui est normalement celui qui est investi de la légitimité. Moi, je vous dis que l’Alliance n’est pas une auberge espagnole, c'est-à-dire qu’on n’y vient pas comme cela avec son paquet pour dire Madame untel ou Monsieur untel est candidat, acceptez ! Ou bien, on ne me dit pas par la même occasion : je ne suis pas favorable à une liste parce que la tête de liste ne me plaît pas. Tout cela doit être rectifié dans les jours qui viennent. »
P. Lapousterle
Quelle est votre priorité : faire battre Millon, ou conserver la région à droite ?
Claude Goasguen
- « Conserver la région à droite. Sans ambiguïté, sans combinaison électorale avec la gauche, ni avec le Front national. Nous pouvons le faire à condition que, sur le terrain, tout le monde y mette du sien. Ceux qui ne le feront pas porteront les responsabilités d’une éventuelle défaite - aussi bien, je dois dire, du côté de C. Millon que du côté de l’UDF. Mais j’espère que, dans les semaines qui viennent, la raison triomphera. Ce n’est pas seulement un problème local, c’est un problème national. Je crois que c’est la crédibilité de l’Alliance, à un moment stratégique de la politique française, qui est en cause dans cette élection de Rhône-Alpes. »
P. Lapousterle
M. Millon, c’est une personne dont vous désirez qu’il ne soit plus président de la région Rhône-Alpes ?
Claude Goasguen
- « Je suis de ceux qui n’ont jamais porté de jugement personnel à l’égard de C. Millon. Nous avons été hostiles, à Démocratie libérale, à ce qui a été fait. Cela étant, je ne considère pas C. Millon comme un compagnon de route du Front national. Cela étant aussi, je souhaiterais que C. Millon, de temps en temps, ne se prenne pas pour le San-Sébastian de la droite qui serait frappé par les états-majors nationaux. Nous ne faisons pas d’exclusive, mais c’est un peu lassant d’être constamment en accusation. »
P. Lapousterle
Est-ce que vous désirez qu’il ne soit plus président de la région Rhône-Alpes ?
Claude Goasguen
- « Je ne désire rien du tout. Je souhaite que les élus du conseil régional de Rhône-Alpes désignent un candidat, et que ce candidat soit élu - et vraisemblablement le doyen, puisque c’est lui qui doit passer. Je souhaite conserver la région Rhône-Alpes à l’Alliance et à la droite."
P. Lapousterle
Sans Monsieur Millon ?
Claude Goasguen
- « Avec M. Millon ou sans M. Millon. C’est lui qui prendra cette décision. Moi, je dis que je ne veux pas que cette région bascule à gauche. »
P. Lapousterle
Le Conseil d’État a demandé quelques jours pour complètement d’enquête pour l’annulation des Bouches-du-Rhône.
Claude Goasguen
- « J’ai vu que, dans certains cas, l’annulation vient vite et, dans d’autres cas, elle est plus lente. »
P. Lapousterle
C’est dû à quoi ?
Claude Goasguen
- « Je trouve qu’il y a des instructions qui sont quand même un peu longues, un peu suspectes pour être tout à fait claires. Sans remettre en cause cette institution noble qu’est le Conseil d’État, néanmoins je trouve qu’il y a un peu deux poids et deux mesures. »
P. Lapousterle
Vous pensez que la présence de M. Guigou…
Claude Goasguen
- « Ah, je n’accuse personne ! Je me garderais bien d’accuser Mme Guigou. Nous verrons. En tout cas, je souhaite que la clarification soit donnée rapidement, et qu’on puisse procéder à des élections dans les Bouches-du-Rhône. Cela sera d’ailleurs très intéressant d’un point de vue politique, à un moment où le Front national est en difficulté, que de compter les voix des uns et des autres. »
P. Lapousterle
A propos du Front national, est-ce que si, par hasard, les gens qui seraient exclus par M. Le Pen venaient frapper votre porte, est-ce que vous les accepteriez ?
Claude Goasguen
- « Jamais. Je dois dire que nous sommes accablés par le spectacle donné par les querelles féroces au sein du Front national. Et nous voyons bien qu’au niveau idéologie les idées sont les mêmes. Et ce sont les idées, en politique, qui comptent et pas les personnes. »
P. Lapousterle
Vous approuvez l’augmentation des minima sociaux décidée par L. Jospin : est-ce que c’est ce qu’il fallait faire ?
Claude Goasguen
- « Il y a une situation très dure qui a créé cela. Ceci étant ce n’est pas une politique. L’augmentation régulière et annuelle des minima sociaux en fin d’année comme un cadeau du Père Noël, je dois dire, montre l’impéritie de la politique sociale du Gouvernement. Il n’y a pas de politique d’ampleur. On s’enfonce dans une crise en estimant que, définitivement, il y a un certain nombre de nos concitoyens qui sont destinés pour les uns à avoir l’augmentation du Smic, les autres à avoir l’augmentation du RMI. Ce n’est pas un signe de bonne santé politique. Je trouve que le Gouvernement fait preuve d’une absence cruelle d’imagination dans le domaine social depuis quelques mois. »
P. Lapousterle
Cela a l’avantage de rendre service à des personnes qui en ont besoin ?
Claude Goasguen
- « Bien sûr, cela n’est pas remis en cause. Mais vous savez ce que voudraient ces personnes ? C’est trouver un emploi, et de ce point de vue la politique de l’emploi du Gouvernement, je l’attends toujours : j’en entends beaucoup parler dans les discours à l’Assemblée, mais je ne vois rien venir. »