Texte intégral
La lettre confédérale CFTC - 19 mai 1997 - Alain Deleu
La profonde transformation économique et culturelle de notre pays a ouvert une brèche menaçante pour la cohésion sociale. Cette situation requiert désormais des choix forts. C'est pourquoi la CFTC saisit l'opportunité de la campagne législative qui s'ouvre pour interpeller les formations politiques sur les options qui lui paraissent prioritaires.
Pour nous, un maître mot doit guider la politique du future Parlement et du gouvernement : celui de participation.
Ni économie administrée, ni marché aux esclaves, nous voulons une économie humanisée, autrement dit, une économie écologique.
On n'a pas assez voulu faire confiance aux femmes et aux hommes de notre pays. On a cru qu'il suffisait de promettre le bac pour tous pour assurer la promotion sociale. Mais dans le même temps, on acceptait le chômage massif des jeunes, on encourageait les salaires les plus bas et les emplois les plus précaires.
Il est grand temps de parier sur les salariés, et pas seulement sur les chefs d'entreprise et leurs actionnaires. De nombreux salariés s'engageraient davantage pour la réussite de leur entreprise, s'ils étaient mieux associés à ses projets, et si celle-ci s'engageait en retour à favoriser leur propre réussite.
La participation des salariés sous toutes ses formes doit permettre aux entreprises de passer d'une logique de productivité, logique technocratique par excellence, à une dynamique de performance globale reposant sur l'esprit d'équipe et les projets partagés, depuis l’élaboration jusqu'au résultat. D'où la priorité que nous accordons à la CFTC au management, au dialogue social, à la négociation et au contrat, et enfin à un statut enrichi du travail.
Deux grands objectifs sont pour la CFTC inséparables : la volonté de développer l'esprit d'entreprise, sans lequel la nation se sclérose, et l'ambition d'une solidarité adaptée aux nouveaux défis, sans laquelle la communauté nationale se déchirera.
Nos demandes se fondent sur une conception subsidiaire de l'organisation de la vie économique et sociale. À chaque fois que l'on a réduit le champ de la compétence des partenaires sociaux, on a réduit d'autant les chances de reconstruire la cohésion sociale. Il faut sortir des erreurs du passé. L'heure est à l'initiative par la négociation et les corps intermédiaires.
Le retour vers le plein emploi nécessite une puissante action économique. C'est pourquoi la CFTC attend une politique permettant de répondre aux besoins des personnes et des familles, ce qui est une autre manière de rappeler cette évidence trop souvent oubliée, à savoir que les entreprises ont besoin de clients. De même, la France a besoin dans l'Union européenne d'une politique forte de développement industriel, tournée vers la recherche, ainsi que d'un aménagement du territoire qui fasse toute leur place à des services publics de qualité.
Date : 19 mai 1997
Source : La Lettre confédérale CFTC
Il faut s'engager - Jacques Voisin
À la veille de la clôture des inscriptions, à peine le tiers des salariés étaient inscrits sur les listes prud'homales. Les employés doivent pouvoir participer de façon normale à la mise en place des institutions de justice du travail. Nous venons donc d'écrire au ministre du travail et au président du CNPF. Un nouveau délai vient d'être accordé à fin mai pour que les chefs d'entreprise répondent aux obligations de la loi.
Il n'est rien de pire pour la démocratie que le désengagement et l'indifférence.
Il faut donc s'engager et faire vivre le débat pour se placer sur les vrais enjeux. C'est pourquoi, nous venons d'adresser aux formations politiques, les principales questions que la confédération entend poser pour en revenir à l'essentiel. Vous pouvez donc les relayer, dans vos circonscriptions, auprès des candidats.
Pour sa part, notre bureau confédéral qui s'ouvre demain, approfondira la réflexion commencée au congrès sur la place du travail. Il n'est pas vrai que nous assistions à la fin du travail. Au moment où l'entreprise s'accapare tout le temps de vivre, où l'emploi est suspendu au yo-yo de la bourse, où la raison du plus fort est érigée en doctrine économique, il est nécessaire de s'engager pour une participation effective des salariés au projet de leur entreprise et à l’organisation de leur propre travail. Face au désenchantement d'un monde sans orientation la CFTC opposera toujours la volonté des hommes libres à construire un espace de solidarité et de responsabilité.
Date : 19 mai 1997
Source : La Lettre confédérale CFTC
Questions aux formations politiques dans le cadre des élections législatives
Participation
Êtes-vous d'accord pour passer de la logique de la productivité à la dynamique de la performance globale ? Êtes-vous favorables à la participation des représentants des salariés aux décisions stratégiques des entreprises ?
Êtes-vous prêts à leur reconnaître voix délibérative au sein des conseils d'administration ou de surveillance ?
Emploi
Êtes-vous prêt à mettre en place de réels contrôles de l'utilisation et de l'efficacité des exonérations et des aides publiques de soutien à l'emploi ? En ce qui concerne les aides publiques à l'emploi, êtes-vous décidés à vous montrer exigeants sur la nature des emplois et sur l'effort de formation et de qualification fourni par les entreprises ?
Êtes-vous décidés à faire porter les charges sociales davantage sur la valeur ajoutée ou le chiffre d'affaires, et non plus sur la masse salariale ?
Êtes-vous favorables à une taxation sur les produits délocalisés dont le revenu serait destiné aux régions et secteurs touchés par les délocalisations ?
Êtes-vous prêts à renforcer le contrôle administratif de la validité des plans sociaux ? Quelles mesures prendrez-vous pour renforcer le pouvoir de négociation des organisations syndicales pour la recherche de solutions alternatives et de mesures d'accompagnement ?
Êtes- vous favorables au renforcement du rôle de la Chambre spéciale de la juridiction prud'homale dans les licenciements individuels pour motif économique ?
Les jeunes en difficulté ont besoin, pour accéder à l'emploi, de formules adaptées. Êtes-vous cependant déterminés à combattre pour eux le « sous-emploi sous rémunéré » ?
Organisation du travail, temps de travail, nouvelles formes de travail
Êtes-vous prêts, faute d'engagement des partenaires sociaux, à modifier la législation et la réglementation sur l'excès de travail et le temps partiel ?
Accordez-vous une priorité à la création d'emplois par un aménagement négocié du temps de travail permettant de mieux concilier vie de famille, vie associative, loisirs et temps de travail ?
Soutiendrez-vous la démarche initiée par la loi Robien engagement contractuel sur l'ARTT accompagné par l'État et êtes-vous prêt à l'amplifier à destination des jeunes ?
Quelles réponses apporterez-vous aux salariés qui, de plus en plus, travaillent sur objectif ou sur projet ?
Comptez-vous combler le vide juridique, en concertation avec les partenaires sociaux, sur le télétravail, le temps partagé ?
Êtes-vous d'accord pour mettre en place une charte de la sous-traitance, signée par les grands donneurs d'ordre, afin d'assurer aux salariés des sous-traitants un socle de droits sociaux ?
Comment endiguer la progression du « faux travail indépendant » ?
De nombreux travaux sont effectués sans être reconnus, ni rémunérés, car leur rentabilité n'est pas immédiate (cadre de vie, recherche, formation, éducation...). Prévoyez-vous de mieux faire reconnaître ces travaux à rentabilité différée et de leur donner un véritable statut ?
Êtes-vous favorable à une enquête nationale sur l'importance des besoins solvables et non satisfaits existant dans le domaine des services aux personnes ? Comptez-vous impulser des négociations pour que soient mieux reconnus ces emplois et leurs garanties sociales ?
Êtes-vous prêts à obtenir des entreprises qu'elles renoncent à développer la précarité ? Dans cette perspective, pourquoi ne pas allouer à tous les « précaires », la prime bénéficiant aux travailleurs temporaires (la prime de précarité pour CDD est de 6 %, celle des intérimaires est de 10 %) ?
Quelles mesures prendrez-vous pour que les femmes ne soient plus parmi les premières victimes de la flexibilité et pour que « l'égalité professionnelle » entre vraiment dans les faits ?
Êtes-vous déterminés à combattre la misère avec l'ensemble des acteurs politiques et sociaux et à prendre les mesures législatives nécessaires pour lutter contre l'exclusion ?
Comment comptez-vous vaincre le fléau de l'illettrisme ?
Négociation, paritarisme, médiation
Entendez-vous mener les réformes sociales par la voie législative (fonds de pension, rapport Marini...) ou en respectant le rôle premier des corps intermédiaires ? Quelle place attribuez-vous à la démarche contractuelle et à la gestion paritaire ?
Que comptez-vous faire pour que l'organisation de la construction du droit contractuel – interprofessionnel, branche, entreprise soit respectée ?
Êtes-vous favorables au développement de la médiation dans les conflits ? Êtes-vous prêt à faciliter la négociation de « contrats de paix et de progrès social » et la mise en place de structures paritaires de médiation dans les branches et les entreprises pour prévenir les conflits sociaux ?
Salaires
Êtes-vous prêts à prendre un engagement clair pour le respect du Smic, à confirmer le principe « à travail égal, salaire égal » et à défendre le niveau des minima conventionnels égal au ½ plafond de la sécurité sociale ?
Politique familiale
Êtes-vous prêts à développer, dans la durée, une politique familiale globale, fondée sur un· statut social parental et le libre choix, à partir des engagements de la loi de 94 et des travaux largement inexploités de la récente conférence famille ?
Éducation
La question de l'orientation est tout à fait essentielle. Le contrat d'orientation doit être entièrement restructuré pour jouer son vrai rôle.
Êtes-vous favorables au développement d'une formation en alternance de qualité, qui associe les acteurs de la formation et les entreprises dans un double tutorat professionnel ?
Êtes-vous favorables au développement des expériences de découvertes de milieux de travail au cours de la scolarité en collège et lycée, et jusqu'au niveau universitaire ?
Êtes-vous décidés à achever la réalisation de la parité professionnelle pour les personnels de l'enseignement sous contrat ?
Protection sociale
Un consensus national semble s'établir autour d'une cotisation sociale généralisée, TVA sociale (cotisation sur la valeur ajoutée), CSG élargie... Quelles en sont pour vous les principales modalités ?
Prévoyez-vous d'étendre les cotisations maladie des retraités ?
Êtes-vous prêts, à maintenir une participation des entreprises dans le financement de la branche Famille ?
Le régime général Vieillesse a été beaucoup sollicité, depuis plusieurs réformes de financement de la Sécurité sociale. Croyez-vous souhaitable et possible que les régimes particuliers de retraites puissent être mis à leur tour à contribution ?
L'assurance maladie universelle constitue-t-elle un progrès social réel ? N'y a-t-il pas un risque de voir s'instaurer une couverture sociale minimum, l'initiative privée assurant le complément ? Y a-t-il compatibilité entre assurance maladie universelle et régimes spéciaux ?
Quel sens donnez-vous au paritarisme dans la gestion de la protection sociale ?
Comptez-vous prendre des dispositions qui assureraient l'ouverture du droit à la retraite pleine et entière après 37,5 ans de cotisations ?
Entendez-vous soutenir la gestion et le contrôle paritaire des dispositifs d'Épargne retraite ? Êtes-vous décidés à renforcer et à favoriser les dispositifs de retraites complémentaires en prenant appui sur les principes de la répartition et de la solidarité entre générations ?
Êtes-vous prêts à élargir le champs d'application de la prestation spécifique dépendance ?
Économie
Comment envisagez-vous donner un nouveau dynamisme à l'économie ?
Une politique salariale dynamique ne vous paraît-elle pas l'un des instruments privilégiés pour répondre à cet objectif ?
Comptez-vous utiliser l'outil budgétaire et le levier de la fiscalité pour engager des stratégies macroéconomiques plus volontaristes et offensives ? Si oui, par quel moyen ?
Europe
Êtes-vous partisan de faire figurer, dans le texte du traité de l'Union européenne, des critères sociaux ainsi que la préconise, depuis longtemps, le mouvement syndical européen (emploi, protection sociale...) ?
Êtes-vous déterminés à promouvoir la construction d'un droit conventionnel européen ?
Le Comité d'entreprise européen ayant aujourd'hui un rôle d'information, ne devrait-on pas lui reconnaître un rôle consultatif ?
Estimez-vous que la mise en place de l'euro doit intégrer le maximum de pays ? Dans quelles conditions (application des critères de convergence) ? Quelles conditions mettez-vous pour que le rapport Franc/Euro ait des effets favorables sur l'emploi ?
L'Europe prévoit de se doter des outils d'une politique économique commune : quelle politique comptez-vous conduire au plan économique et social ? L'euro, pour quoi faire ?
La CFTC refuse que la future Banque centrale soit déconnectée du pouvoir politique. Comment lui imposer le respect dans ses missions de paramètres sociaux tels que l'emploi ?