Texte intégral
R.M.C. - 10 juillet 1989
R. ARTZ : La célébration du Bicentenaire ?
B. MEGRET : Je crois qu'il y a un paradoxe dans cette fête de l'avènement de la République qui prend un tour monarchique, oligarchique et peut être même despotique.
On place la fête sous le signe de la liberté et de l'égalité et l'on voit des barrières des interdictions. Le peuple est chassé des rues derrière des barrières pour voir passer les convois chamarrés des puissants. Il y a là quelque chose de profondément choquant.
Quand il s'agit pour les Socialistes d'assurer la sécurité de leurs propres personnes, on peut s'étonner du sérieux qu'ils mettent en oeuvre, alors que s'il s'agit de la sécurité des simples citoyens, leurs préoccupations tombent d'un coup.
R. ARTZ : Vous dénoncez l'organisation des commémorations ?
B. MEGRET : Je crois que derrière tout cela, il y a une véritable opération de propagande, car le Bicentenaire est pour les Socialistes l'occasion d'essayer de se reconstituer artificiellement une légitimité qu'il ne retrouve plus dans le peuple. Le schéma consiste à dire que 1989 est l'acte fondateur du socialisme. Ce que l'on commémore c'est la légitimité socialiste. C'est une auto-commémoration.
R. ARTZ : Comment faudrait-il commémorer cette Révolution ?
B. MEGRET : Ce n'est pas notre problème. Ce que je constate seulement c'est que cette commémoration fait l'objet d'une véritable imposture. Car les Socialistes commémorent la fin des privilèges. Mais ces privilèges sont dans notre pays immenses. Ce sont même les membres de l'establishment qui en jouissent. On l'a bien vu avec ce projet d'amnistie qui est le summum de privilèges puisqu'il consiste à se placer soi-même au dessus des lois.
De plus, la commémoration est celle aussi de l'avènement de la forme moderne de la Nation. Or les socialistes la mettent en cause en installation sur son sol des communautés étrangères inassimilables qui vont mettre en cause son identité.
R. ARTZ : Vous trouvez moyen de reprendre vos arguments traditionnels ?
B. MEGRET : Mais ce ne sont pas des inventions, ce sont des arguments qui fondent notre nation.
J'ai sous les yeux une citation de J-J ROUSSEAU : « Voulons-nous que les peuples soient vertueux ? Commençons par leur faire aimer la patrie. Mais comment l'aimerons-t-ils si la patrie n'est rien de plus pour eux que pour les étrangers et qu'elle ne leur accorde que ce qu'elle ne peut refuser à personne » (Encyclop. 1755). En d'autres termes, ROUSSEAU préconisait le principe de la préférence nationale. Je rappelle cela au socialiste.
R. ARTZ : Faudrait-il plutôt un consensus, ou bien ces différents points de vue sont-ils nécessaires ?
B. MEGRET : Le consensus n'est pas naturel dans une démocratie. Il n'existe que dans les pays totalitaires. Méfions-nous de ces consensus. Je constate que ce Bicentenaire est un enjeu politique car les socialistes veulent en faire une opération de propagande, alors que c'est en réalité une référence qui met en cause leur action d'aujourd'hui.
R. ARTZ : Les 10 de RENAULT ?
B. MEGRET : C'est une affaire subalterne. Il s'agit de 10 militants de la C.G.T. qui sont des casseurs maniant la barre de fer qui ont été condamnés au pénal.
Le fait que la C.G.T. en fasse son cheval de bataille montre à quel point celle a perdu le sens de sa mission : celle du service des salariés et travaille seulement à la défense de ses propres intérêts d'appareil. Bref, à celle de ses privilèges. On ne peut que se féliciter des décisions du conseil constitutionnel.
R. ARTZ : La contestation de RENAUD. C'est un des messages de la Révolution ?
B. MEGRET : Le droit de l'homme de la Révolution c'est les DDL à la GOUDE : le métissage des cultures et des races. C'était l'Art. 2. Cette manifestation RENAUD n'est que la mauvaise conscience de certains à gauche, qui s'expriment de façon désordonnées et secondaire.
LA LETTRE DE J. M. LE PEN : 15 juillet 1989
Après les récentes élections européennes s'ouvre pour la vie politique française une accalmie relative qui devrait durer plus de deux ans. Porté par ses succès électoraux, le Front National va-t-il savoir mettre à profit ce laps de temps pour se ressourcer et se renforcer ?
Tel sera l'enjeu des mois à venir pour notre Mouvement.
Récemment, un certain nombre de nos courageux militants me confiaient qu'ils étaient un peu las des campagnes électorales consécutives. Quel citoyen engagé dans la vie de la cité ne le serait en effet, dès lors que depuis deux années les consultations électorales n'ont guère cessé ?
Quel militant frontiste, plus sollicité qu'aucun autre, plus convaincu aussi qu'aucun autre de la justesse et du bien-fondé de l'idéal pour lequel il se bat, quel militant donc ne serait pas fatigué par des actions cent fois répétées sur le terrain ces derniers temps ? Ceux-là même qui me faisaient part de leur lassitude me confiaient dans le même temps leurs espoirs de pouvoir s'intéresser de plus près à leur formation politique, autre facette du travail militant.
Un temps pour tout…
Il y a sans doute un temps pour tout, un temps pour coller et un temps pour se former, un temps pour tracter et un temps pour expliquer.
Désormais, en entrant dans une phase politique plus calme, il importe de mûrir, de réfléchir pour répondre aux questions que nous pose l'avenir, en un mot, il importe de redonner au combat des idées la place qu'il doit occuper au coeur du politique.
Dans les mois qui vont suivre, il nous faudra avoir en mémoire ces principes simples qui régissent les rapports nécessaires et complémentaires entre la raison et l'action, la réflexion et la praxis. Dans les sociétés occidentales, la conquête du pouvoir politique passe, comme l'a expliqué le théoricien marxiste Antonio Gramsci, par la conquête du pouvoir culturel.
Société civile et société politique
Ainsi, l'action à court terme, coupée de sa dimension historique et idéologique, est vouée à l'échec. Les idées de Gramsci sont aujourd'hui aisément vérifiables par l'évolution de la pensée politique en France où chacun, à droite comme à gauche, se définit par rapport à des concepts culturels et moraux de gauche : le refus de l'exclusion comme de la différence, la tendance à l'uniformisation et à l'égalitarisme, le culte des valeurs abstraites et utopiques, les Droits de l'Homme, etc. Il y a à présent dans notre pays une concordance entre la majorité politique et la majorité idéologique. Pourtant cette majorité idéologique tend à se lézarder du fait des coups incessants que la droite identitaire porte au corpus idéologique des libéraux-socialistes.
Nous avons pris conscience de la complémentarité exemplaire de la société civile et de la société politique. A ce titre le Front National, sous l'impulsion de Jean-Marie Le Pen, a engagé de façon remarquable l'adéquation de l'action doctrinale à l'action politique. Cependant le travail est de longue haleine, tant il est vrai qu'une doctrine aussi nocive soit-elle, dans le cas de la nouvelle idéologie socialiste, n'est pas discréditée par ses échecs : la faillite des sociétés pluri-éthniques et pluri-culturelles, partout dans le monde, n'a pas suffi à remettre en cause le cosmopolitisme en France !
Un arsenal pour la formation
Il nous faut donc pour gagner être plus forts, peaufiner notre doctrine, répondre à nos adversaires et les confondre ; il nous faut aussi pour gagner nous former à tous les niveaux en vue de toutes les objections. C'est à cet effet qu'a été mis en place le véritable arsenal de formation de l'I.F.N. (Institut de Formation Nationale).
« Entre l'inconvénient de se répéter, et celui de n'être pas entendu, il n'y a pas à balancer », aimait à dire Louis de Bonald ; aussi vais-je profiter de ces quelques lignes pour vous rappeler les grands axes de notre formation interne.
Déjà connues de beaucoup, les Universités d'été rassemblent chaque année dans un cadre de vacances des centaines de responsables frontistes autour de leur Président notamment. A un niveau intermédiaire, plus ou moins décentralisés, des dizaines de stages de formation sont organisés pour les cadres, mais aussi pour tous les militants du mouvement avec la participation de « formateurs nationaux ». Pour le moment, données uniquement à Paris, des conférences du soir sont présentées tout au long de l'année. L'an dernier, elles portaient sur le thème architectonique de l'identité ; l'an prochain elles s'attacheront à mieux faire connaître les grands auteurs et les grandes idées de la pensée nationale. Enfin la revue d'études nationales « Identité » répond à la volonté du F.N. de s'affirmer comme l'expression politique d'un courant de pensée.
Notre stratégie de participation progressive à l'exercice du pouvoir s'appuie, il faut s'en persuader, sur la formation politique de nos cadres, de nos militants et de nos sympathisants. Se battre avec ses idées, pour ses idées, tel doit être pour l'avenir notre raison d'être.