Déclarations de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, sur l'assistance économique internationale au peuple palestinien à la veille de l'élection dans les territoires, Paris le 9 janvier 1996.

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Circonstance : Conférence ministérielle sur l'assistance économique aux Palestiniens, à Paris le 9 janvier 1996

Texte intégral

Allocution d'ouverture prononcée par le ministre des Affaires étrangères, M. Hervé de Charrette (Paris, 9 janvier 1996)

Monsieur le Président, 
Mesdames et Messieurs les ministres, 
Mesdames, Messieurs, 
Chers amis,

Au nom du gouvernement français, je voudrais tout d'abord vous souhaiter la bienvenue sur les rives de la Seine. Je suis heureux de constater que les pays, les organisations internationales et les institutions de financement invités ont tous répondu positivement et se sont fait représenter à un niveau élevé. Je tiens tout particulièrement à saluer la présence parmi nous du président Arafat, malgré la charge que représente pour lui la préparation des élections qui doivent se tenir dans une dizaine de jours. Le nombre et la qualité des délégations, leur empressement à venir à cette conférence montrent le souci qu'a la communauté internationale d'apporter son appui politique, économique et financier aux premiers pas de l'autonomie palestinienne.

Nous allons aider les Palestiniens à bâtir leur demeure. Les plans de l'édifice ont été donnés par les accords sur l'autonomie, ceux d'Oslo d'abord, ceux de Taba ensuite. Nous devons rendre hommage à tous ceux dont le courage, l'imagination et la persévérance ont permis à ces accords d'être conclus. Je voudrais ici avoir une pensée particulière pour deux hommes qui ont particulièrement œuvré à cette entreprise commune, aujourd'hui malheureusement disparus : M. Holst, ministre des Affaires étrangères du royaume de Norvège et prédécesseur de mon ami Bjorn Tore Godal, ici présent, qui a été le patient et ingénieux architecte des accords d'Oslo, et bien sûr Yitzhak Rabin, soldat et victime de la paix, qui a voulu, guidé, relancé la négociation et la réconciliation. C'est leur action que nous allons, tous ensemble, poursuivre aujourd'hui.

Nous nous sommes réunis pour une conférence de donateurs, et pourtant il s'agit de plus que de cela. Nous allons annoncer tout à l'heure les engagements que nos pays et nos institutions sont prêts à prendre. Nous allons aussi examiner et, pour l'essentiel, soutenir les projets sélectionnés, étudiés et rassemblés grâce à l'excellent travail du groupe consultatif piloté par la Banque mondiale. Mais au-delà de cet appui financier et technique, nous allons dire au peuple palestinien, dix jours avant les élections au Conseil de l'autonomie, que la communauté internationale approuve et soutient le pari sur la paix qu'il a fait en même temps que le peuple israélien. En apportant notre appui tangible, nous allons aussi manifester que la paix ne saurait être durable que si elle est prolongée par la coopération économique et par l'association des pays et des entités concernés dans un projet régional commun. Je suis convaincu, comme sans doute chacun d'entre vous, que l'effort que nous accomplissons en faveur des Palestiniens aura des retombées sur la région tout entière. Le développement économique des territoires palestiniens doit contribuer au développement du Proche-Orient et, au-delà, de l'ensemble méditerranéen, comme l'a montré sa participation active à la conférence euro-méditerranéenne de Barcelone. En apportant notre assistance au développement économique des Palestiniens, nous accueillons parmi nous un nouveau partenaire avec qui nous aurons beaucoup à échanger et qui aura, à son tour, beaucoup à nous apporter.

À l'issue de cette conférence, après les annonces de contributions, les Palestiniens, Israël et les donateurs entérineront la version révisée du plan d'action tripartite. Ce document illustre bien le partenariat qui nous rassemble autour d'un projet commun. Aux efforts des Palestiniens pour adapter les règles de gestion budgétaire, économique, financière, commerciale, communément pratiquées par la communauté internationale vont répondre ceux d'Israël pour favoriser sur le plan administratif, technique et pratique le développement économique des territoires, et ceux de l'ensemble des donateurs pour donner à l'autonomie les moyens de son développement. Deux objectifs vont nous guider : il faut, d'une part, que le budget palestinien trouve les voies d'un équilibre durable ; de l'autre que l'aide internationale se concentre désormais sur les projets de développement.

Le nombre et la qualité des délégations rassemblées ici aujourd'hui prouvent l'intérêt et l'engagement croissants que suscite à travers le monde l'autonomie des territoires palestiniens. Il faudra sans doute tenir compte de cet élargissement du nombre des partenaires dans le suivi régulier de l'aide. Les structures existantes, au premier chef le comité ad hoc de liaison, qui a accompli, sous l'impulsion de la présidence norvégienne, un travail remarquable, devront probablement être élargies de manière à représenter de manière plus adéquate l'ensemble des donateurs. Je souhaite que nous réfléchissions aux adaptations nécessaires à l'issue de cette conférence.

Monsieur le Président, chers collègues, Mesdames, Messieurs, nous avons une lourde tâche à accomplir aujourd'hui. Je déclare ouverte la conférence ministérielle sur l'assistance économique aux Palestiniens. Je suis sûr que nous allons faire œuvre utile.


Conférence de presse du ministre des Affaires étrangères, M. Hervé de Charrette (Paris, 9 janvier 1996)

Mesdames, Messieurs, d'abord acceptez nos excuses pour le léger retard que nous avons eu, mais ce n'est pas facile d'interrompre des orateurs qui annoncent une contribution généreuse au développement d'actions dans les territoires palestiniens. Et donc, nous avions sans doute été un peu imprudents dans le timing initial.

Je voudrais, si vous le voulez bien, résumer nos travaux avant de passer la parole aux hautes personnalités qui sont ici présentes. Cette conférence ministérielle sur l'assistance économique au peuple palestinien a été préparée de longue main. Comme vous le savez, c'est une initiative française, mais qui a fait l'objet d'une préparation très approfondie au sein du comité ad hoc de liaison sous la présidence de la Norvège, représentée ici même par son ministre des Affaires étrangères que je salue, M. Godal, et avec le concours d'un certain nombre de pays membres du comité ad hoc de liaison, notamment l'Union européenne, les États-Unis, la Fédération de Russie, le Japon, Israël, l'Autorité palestinienne bien sûr, le Canada, l'Arabie saoudite, l'Égypte, la Jordanie, la Tunisie, la Banque mondiale et le coordonnateur spécial des Nations unies.

Je crois qu'il y avait – et c'était la raison de cette initiative –, il y avait à la fois une grande légitimité et une réelle urgence à donner le signal de la communauté internationale pour contribuer au développement économique des territoires palestiniens.

Le moment était venu d'un signal fort, à quelques jours de l'élection qui se produira sur les territoires palestiniens, le 20 janvier prochain. Ce signal fort a été donné aujourd'hui. Vous savez que le cabinet palestinien avait fait la liste d'un certain nombre de projets qu'il avait approuvés et qui étaient des projets de développement qui lui paraissaient prioritaires et nécessaires pour un montant global de 550 millions de dollars. Bien entendu, il y avait aussi la question de l'équilibre budgétaire de l'Autorité palestinienne, et il y avait d'autres projets. Mais enfin, l'objectif avait été en quelque sorte fixé par ce chiffrage qui nous avait été fourni par l'Autorité palestinienne, 550 millions de dollars.

La vérité est qu'au cours de cette conférence, les pays sont venus très nombreux, plus nombreux que nous ne le pensions, en nombre très important au point d'ailleurs de poser dans cette salle de conférence des problèmes de place assez aigus. Le monde entier a voulu venir et a tenu à être présent : les cinq continents étaient rassemblés autour de ce projet de développement des territoires palestiniens. Et le fait est que le total des crédits annoncés s'élève en définitive ce soir à 865 millions de dollars, chiffre établi sous le contrôle du représentant de la Banque mondiale.

Si on y ajoute les sommes déjà annoncées, mais non encore utilisées, et qui s'élèvent à 500 millions de dollars, c'est donc une somme d'au moins 1 milliard 365 millions de dollars que la communauté internationale s'est engagée aujourd'hui à mobiliser pendant l'année 1996, disons dans la période janvier 1996-mars 1997 au service du développement des territoires palestiniens. Je vous disais qu'il fallait un signal fort, je crois que c'est en effet un signal fort qui a été donné au peuple palestinien par la communauté internationale.

Naturellement, cela poursuit un objectif précis : changer les conditions de vie du peuple palestinien, lui donner des signes rapides de ce changement et donc cela nous crée, aux uns et aux autres, des devoirs impérieux, le devoir pour les États qui ont annoncé une contribution de faire en sorte qu'elle se traduise dans les faits dans un délai rapide, dans le délai que j'ai indiqué, et, d'autre part, le devoir pour tous ceux qui ont une responsabilité sur le terrain, pour les entreprises, pour les administrations, pour l'Autorité palestinienne inclusivement, de faire en sorte que nous puissions rapidement transformer ces annonces en projets concrets et ces projets concrets en réalité matérielle pour le peuple palestinien.

Enfin, je voudrais dire que, naturellement, cet événement constitue un élément, une étape, une partie intégrante du processus de paix. Ce n'est pas quelque chose qui est à côté du processus de paix, en plus du processus de paix, voire pour l'application du processus de paix ; c'est un élément du processus de paix parce que, comme je l'ai souvent entendu dire par les uns et les autres d'ailleurs, aussi bien par vous-même, M. le Président Arafat, que par les dirigeants israéliens, la paix, c'est le développement. C'est certes des arrangements et des accords, mais c'est aussi, c'est surtout le développement et donc, ce que fait la communauté internationale aujourd'hui a, de ce point de vue, une très grande importance. Je crois qu'en vous ayant dit cela je vous ai dit l'essentiel, persuadé que ceux qui m'entourent le diront beaucoup mieux et compléteront les indications de façon plus précise, plus concrète, et certainement en tout cas utile pour vous. Je vais donc leur passer la parole.


Q. : Pouvez-vous nous dire quels sont les pays ou les organismes qui ont contribué à ce que l'aide principale, prévue de 550 millions de dollars, est devenue 865 millions de dollars ?

R. : Je ne peux pas vous donner le chiffrage complet, c'est d'ailleurs plutôt le président de la Banque mondiale qui pourrait répondre à cette question. Je peux néanmoins vous donner les chiffres les plus importants. J'ai sous les yeux les sept ou huit premiers donateurs : l'Union européenne est en tête avec 120 millions de dollars. Ensuite, l'Arabie Saoudite avec 100 millions de dollars. Puis la Banque mondiale avec 90 millions de dollars. Puis les États-Unis avec 71 millions de dollars, etc.

Je pense que le président de la Banque mondiale est mieux à même que moi de faire des réponses précises à la question qui a été posée.

Q. : Peut-on connaître les conditions émises quant à l'utilisation de ces fonds par l'Autorité palestinienne ?

R. : Je ne crois pas que l'on puisse dire les choses comme cela. Ces fonds ont été annoncés par les différents pays représentés autour de la table ou les différentes institutions en fonction de leurs préoccupations ou de leurs centres d'intérêts. Naturellement, ils s'adaptent aux projets et aux besoins exprimés par l'Autorité palestinienne et lorsque l'un et l'autre se rejoignent, il y a l'expression d'une décision gouvernementale. On ne peut pas dire qu'il y ait de conditions qui soient mises aux uns ou aux autres.

À l'instant, le président Arafat parlait des projets de réglementation en matière d'investissement et de libre concurrence. Il est vrai que dans le communiqué final figure cette référence, où il est indiqué très précisément que l'Autorité palestinienne a marqué son intention de le faire. Ce sont des éléments qui facilitent, plutôt que des conditions. On ne peut pas dire que ce soit une aide conditionnelle. Vous savez, l'abondance des projets et des besoins suffit amplement à répondre aux propositions que les pays donateurs ont faites. Ceci dit, la diversité des opérations est très grande. Cela va du port de Gaza, auquel un certain nombre de pays ont décidé de prêter la main pour qu'il se réalise dans des délais brefs et je sais que le président Arafat est très insistant sur l'urgence du port de Gaza. Vous savez que la France y apporte une contribution importante, mais pas seulement la France, d'autres pays comme l'Allemagne, les Pays-Bas, avec des savoir-faire très spécialisés. Cela vaut aussi pour les financements de personnels de santé ou de l'éducation dont l'urgence s'impose évidemment.

Il y a donc une très grande diversité de projets et il n'y a pas de conditionnalité au sens juridique du terme.

Q. : Il n'y a pas de condition de transparence d'utilisation des fonds ?

R. : Cette opération est sous la responsabilité du comité ad hoc de liaison.

Le président de la Commission – nous avons un coprogramme qui a été distribué aux donateurs. Cela couvre, par exemple, 130 millions de dollars pour l'adduction d'eau, l'électricité, les transports, le logement dans la bande de Gaza, l'éducation… voilà tout ce que l'on a fourni aux donateurs et nous, nous avons préparé les projets portant sur ces sujets. Nous avons des indications émanant des différents donateurs qui nous disent à quels projets ils voudraient allouer des fonds.

Donc, il y aura un pays qui allouera 20 millions de dollars pour une infrastructure, 20 millions de dollars pour l'éducation… Nous, ce que nous faisons, à ce stade, c'est de calculer les montants dont on dispose pour chaque projet et voir si ces sommes sont supérieures ou inférieures. Nous sommes satisfaits parce que nous avons un total de 800 millions de dollars pour couvrir des projets qui représentent 550 millions de dollars. Les sommes qui ont été promises aujourd'hui l'ont été sans restriction. C'est pourquoi je suis parfaitement à l'aise, il y a beaucoup d'argent, peut-être allons-nous découvrir que certains projets sont sous-financés et que d'autres projets sont sur-financés, auquel cas nous nous adresserons aux donateurs et nous dirons : nous voudrions que de l'argent soit transféré de ce projet à un autre projet. C'est dans la nature des choses de ce que nous faisons. Mais, ce qui est important aujourd'hui, c'est que la somme totale a dépassé nos prévisions.

Q. : Pourriez-vous préciser votre pensée ? Lorsque vous dites que la conférence est un signal fort pour les élections, est-ce que cela veut dire que la communauté internationale et la France veulent cautionner par cette conférence l'élection du président Arafat ?

R. : C'est extrêmement simple. Je crois qu'il fallait en effet, au moment où le peuple palestinien va se rendre aux urnes et choisir, pour la première fois de son histoire, ses dirigeants, il était extrêmement important, dans cette étape décisive, que la communauté internationale apporte un signal fort qui soit la marque de sa détermination à accompagner les progrès que connaît le peuple palestinien, qui exprime au passage la conscience aiguë que nous avons que le processus de paix, ce ne sont pas simplement les aspects politiques, très importants, essentiels, c'est aussi le développement économique, social et humain. Cette détermination arrive au bon moment, au moment où, en effet, les Palestiniens vont exprimer dans l'urne leur décision et leur choix. Pour le reste, les citoyens, comme partout, sont libres de faire ce qu'ils veulent. Personnellement je dois dire que je ne verrais pas de désagrément à ce que les Palestiniens affirment leur confiance au président Arafat. Cela me ferait un plaisir personnel, mais ce n'est pas pour cela qu'ils vont voter.


Propos à la presse du ministre des Affaires étrangères, M. Hervé de Charrette (Paris, 9 janvier 1996)

Q. : Monsieur le ministre, quel était finalement l'objectif politique et économique de cette conférence et quel bilan en dressez-vous ?

R. : C'est une conférence très importante à laquelle la France a consacré beaucoup d'efforts depuis plusieurs mois. Nous voulions en effet qu'à cette phase du processus de paix, alors que l'accord intérimaire a été conclu, qu'il se met en place, que les territoires palestiniens soient progressivement évacués par les Israéliens, que nous sommes maintenant à quelques jours des élections qui vont donner à l'Autorité palestinienne la légitimité de la démocratie, nous pensons que c'est le moment en effet de donner un nouvel élan à l'aide économique à la Palestine pour qu'elle puisse se développer et sortir de l'extrême pauvreté, pour ne pas dire de la misère dans laquelle elle se trouve. Voilà la signification.

Q. : Quelles sont les priorités économiques d'aujourd'hui dans les territoires palestiniens telles que vous les a exposées M. Arafat ?

R. : Ce n'est pas à nous de décider quelles sont les priorités, c'est aux responsables palestiniens, c'est au peuple palestinien. Ces priorités sont très variées, parce que les besoins sont immenses. Je peux vous en donner une très précise : le président Arafat est très attaché à ce que soit réalisé enfin le port de Gaza. Il a raison, parce que tant que le port de Gaza n'est pas construit et qu'il n'y a pas un aéroport à Gaza, mais Gaza, c'est une prison, on ne peut pas en sortir et donc, si on produit de l'activité économique, je ne parle même pas du sort des populations, si on produit de l'activité économique, on ne peut pas la vendre à l'extérieur, comme on ne peut pas importer. Donc la réalisation de ce port, qui sera une œuvre à la fois française, allemande, néerlandaise notamment, va se faire, les travaux ont déjà commencé, nous allons accélérer le processus. Mais il y a d'autres sujets, comme le besoin de constituer un réseau hospitalier de bonne qualité ou comme la nécessité d'avoir des enseignants capables d'élever, d'éduquer les petits enfants palestiniens. Donc, le champ de l'action est formidable. J'allais oublier l'eau qui est évidemment essentielle pour le développement de l'agriculture en Palestine.

Q. : Et qu'est-ce qui garantit enfin, M. de Charette, que les sommes promises durant cette conférence vont être effectivement décaissées ?

R. : Il y a deux sujets : premièrement, est-ce que l'argent va effectivement être décaissé ? Franchement, il n'y a pas de raison d'accuser les pays qui annoncent qu'ils mettent dix millions de dollars sur la table, qu'ils ne vont pas le faire, que c'est de la pure propagande, je ne le crois pas. Par contre, ce qui est vrai, c ‘est qu'il peut y avoir un délai entre le moment où on l'annonce et le moment où cela se réalise, parce que les projets eux-mêmes ne vont pas assez vite. Donc, nous avons demandé les uns et les autres, que tout le monde se mobilise, les pays donateurs, mais aussi l'administration palestinienne qui doit mettre au point des projets réalisables rapidement, les techniciens, les entreprises, bref tout le monde doit se mettre autour de la table pour donner un élan fort à ce développement économique.

Il y a aussi une deuxième question qui nous est souvent posée qui intéresse la transparence, c'est-à-dire est-ce qu'on est bien sûr que cet argent va au bon endroit, qu'on ne se fait pas piéger, comme cela arrive quelquefois dans l'actualité, qu'on croit donner de l'argent pour les pauvres, et qu'en réalité, on le retrouve dans la poche de quelques personnes qui en profitent, pour elles ? Eh bien là, je peux vous dire qu'il y a des procédures sous le contrôle de la Banque mondiale, qui sont des contrôles extrêmement stricts, extrêmement sérieux et jusqu'à présent, on n'a pas eu de problème, mais naturellement, nous continuerons à être vigilants, parce qu'il s'agit de l'argent public donné par des pays qui, par ailleurs, se plient à des règles de discipline budgétaire pour ce qui les concerne et qui ont toutes les raisons de demander que cette même rigueur, cette même discipline soit appliquée par tout le monde, y compris par la Palestine.

Q. : Monsieur le ministre, est-ce que la réussite de cette conférence va redonner à la France un nouvel élan dans le processus de paix au niveau politique ?

R. : En tout cas, prenez clairement conscience que la France est tout à fait décidée à être très présente au Proche-Orient, au Moyen-Orient et dans toute la Méditerranée et qu'elle considère que le point où l'on en est du processus de paix, c'est une phase où elle est très personnellement concernée. Cela intéresse, comme vous le savez, particulièrement le Liban et la Syrie.

Q. : Est-ce que la France va être associée à la construction du port de Gaza ?

R. : La France sera associée à la construction du port de Gaza parce que c'est un projet qui a été décidé par les autorités palestiniennes et pour lequel la France va fournir 50 millions de francs. C'est une somme très importante pour un énorme projet, naturellement, qui coûte beaucoup plus cher que cela, et dans lequel il y a aussi les contributions allemande et hollandaise, qui sont de même importance et je répète que, vous le verrez, ce sera un élément structurant, c'est-à-dire absolument décisif dans le désenclavement de la bande de Gaza.

Q. : Est-ce qu'il y a d'autres projets auxquels les entreprises françaises vont participer ?

R. : Laissez les choses se faire, mais naturellement lorsque la France apporte une aide, elle a bien l'intention qu'aussi cela permette à nos entreprises d'être présentes et de développer leur participation. Nous allons d'ailleurs les y aider.

Q. : Dans les territoires autonomes, quels sont les autres projets dans lesquels la France va s'investir ?

R. : Beaucoup de projets. Des projets intéressant l'eau, l'irrigation, des projets éducatifs, des projets sanitaires, et des projets urbains et d'aménagement du territoire en Cisjordanie. Nous serons très présents et à la mesure de notre contribution. Il faut savoir que la contribution française sera d'environ 250 millions de francs si on y inclut la part qui sera donnée par l'Union européenne, mais financée en réalité par les contributions françaises : 250 millions de francs, 50 millions de dollars, cela fait de la France l'un des gros contributeurs, l'un des pays qui s'engagent. Je crois que nous avons raison de nous engager dans une partie du monde où nous avons de très grands intérêts, où nous avons des amis très chaleureux, aussi bien les Palestiniens que l'État d'Israël, et où je crois que se joue une partie du destin de l'humanité.

Q. : Les Palestiniens sont-ils arrivés mieux préparés avec des projets bien concrets ?

R. : Ils ont beaucoup travaillé et ils ont fait un travail très sérieux avec le concours de la Banque Mondiale. Ils sont arrivés avec 550 millions de dollars de projets sinon prêts, en tout cas clairement exprimés, analysés, étudiés. Il faut en effet progresser parce que si on a des projets flous, cela met du temps de les réaliser parce qu'il faut d'abord les finaliser, les préciser, faire des plans et ça traîne.

Q. : Un autre aspect du processus de paix qui est en cours, c'est le rapprochement entre Israël et la Syrie. Demain mercredi, Warren Christopher commence une navette dans la région. Est-ce que la France peut contribuer à ce rapprochement ? Vous-même, vous allez partir la semaine prochaine…

R. : Vous savez que les discussions entre Israéliens et Syriens ont commencé à proximité de Washington, à Wye Plantation, il y a maintenant une petite quinzaine de jours. M. Barak, le ministre des Affaires étrangères israélien, est venu à Paris à l'occasion de la conférence sur l'aide aux Palestiniens. Nous nous sommes rencontrés longuement et naturellement, il m'a donné des informations sur le déroulement de ces travaux. Je vais moi-même en Syrie et au Liban la semaine prochaine et je dirais que tous ces contacts, toutes ces discussions sont autant d'occasions de faire le point ensemble, de rapprocher nos informations et nos analyses. Ces analyses nous disent pour l'instant que les discussions avec la Syrie sont engagées dans la bonne voie. Ceci dit, il ne faut pas non plus faire preuve d'un enthousiasme excessif, tout cela est compliqué et prendra certainement du temps.

En tout cas, sachez que la France s'intéresse beaucoup à cette nouvelle étape du processus de paix en ce qu'elle concerne la Syrie avec le Liban, deux pays avec lesquels nous avons des liens d'amitié très anciens.

Q. : Est-ce qu'on peut s'attendre à une déclaration de principes prochainement ?

R. : Je crois que c'est encore un peu tôt pour dire les choses comme cela. Les discussions sont sérieuses mais les problèmes le sont aussi. Il faudra, par conséquent, un peu de temps.

Q. : Est-ce que dans le cadre de l'assistance économique aux Palestiniens, l'argent attribué au budget de fonctionnement de l'administration palestinienne n'aurait pas dû être plus important ?

R. : Je ne crois pas. Je crois qu'il est tout à fait souhaitable et sain que la communauté internationale s'efforce de faire en sorte que les règles de bonne gestion budgétaire soient appliquées dans les territoires palestiniens comme ailleurs. Nous avons accepté l'idée que dans la première phase, celle de la mise en place des nouvelles autorités, il y ait un besoin de financement plus important que les recettes budgétaires ou fiscales de l'Autorité palestinienne. Mais, progressivement, il faut s'acheminer vers les mêmes règles que nous appliquons en France et qui nous obligent progressivement à retourner à l'équilibre budgétaire.

Q. : Mais on a déjà dit que les appels d'offre par exemple faits par les Palestiniens manquaient de transparence. Tout à l'heure, on a compris qu'il n'y avait pas d'exigence particulière de la part de la communauté internationale…

R. : Vous avez tort de dire cela. Il y a un suivi très attentif de la part de la Banque mondiale, de même que le comité ad hoc de liaison. Ce sont autant de moyens de suivre les choses de façon la plus précise et la plus nette possible.