Texte intégral
Olivier Mazerolle
Les Allemands veulent l’abolition des contrats de traitement de déchets nucléaires avec la France : comment va-t-on se défendre ?
François Hollande :
« Les Allemands ont parfaitement le droit, en fonction des engagements électoraux qu’ils ont souscrits auprès de leurs électeurs, d’abandonner le retraitement nucléaire ou même filière nucléaire. Cela fait partie des choix de souveraineté. En revanche, ils ont signé – le gouvernement Allemand pas celui-là, mais des prédécesseur, des entreprises allemandes surtout – des accords, des contrats. Et ces contrats, notamment avec des entreprises françaises, doivent être respectés, ou alors il doit y avoir des indemnisations qui doivent être données aux grandes entreprises françaises qui sont justement concernées par le retraitement ».
Olivier Mazerolle
Est-ce que cette affaire ne vas pas être une nouvelle source de discorde au sein de la majorité plurielle, car on sent que les Verts français sont plutôt proches des Verts allemands plutôt que solidaires avec la position française ?
François Hollande :
« Oui, mais les Verts sont français, ici en France – presque tous -, donc il est normal qu’ils soient attentifs, bien sûr, à défendre leurs idées en matière de nucléaire, mais aussi à ce que les entreprises françaises ne soient pas lésées. Je pense qu’ils comprendront très bien ce raisonnement. Les Allemands ont parfaitement le droit d’abandonner tel ou tel élément de la filière nucléaire, mais lorsqu’il y a des intérêts français qui sont concernés, lorsque des contrats sont rompus il doit y avoir indemnisation, il doit y avoir négociation. Et si on peut même aider les Allemands pour aller plus loin dans leur politique énergétique, on le fera, mais sans que cela ne nous porte tort ».
Olivier Mazerolle
Le Premier ministre a parlé, l’autre soir sur TF1, de sécurité. On a entendu une tonalité différente de celle du ministre de l’Intérieur : pourquoi ? Il fallait une correction ou c’est une distribution de rôles ?
François Hollande :
« « Je crois que chacun est dans son rôle. Le ministre de l’Intérieur, J.P. Chevènement, a tout à fait raison d’insister sue ce qu’est sa compétence : c’est-à-dire la prévention, la dissuasion, la sanction. Et notamment, lorsqu’on met en évidence la montée d’une forme de délinquance de mineurs, je crois qu’il fait des propositions qui méritent d’être regardées. Le rôle du Premier ministre est de dire : oui, il faut agir sur ce terrain-là : la sanction, la répression notamment chez les mineurs, l’éloignement. Mais, en même temps, il est le Premier ministre, et il doit aussi prendre en globalité d’une politique. Et c’est pourquoi – il a raison – il faut insister sur la politique de l’emploi, la politique de la ville, de la politique de la prévention ».
Olivier Mazerolle
Sur des points concrets on a entendu de vraies différences : lorsque J.P. Chevènement réclame l’application des textes qui permettent la suspension du versement des allocations familiales aux familles de délinquants, le Premier ministre dit : non, je n’y crois pas.
François Hollande :
« Il dit : cela va se discuter ».
Olivier Mazerolle
Non, il dit : je n’y crois pas.
François Hollande :
« Il a raison de ne pas y croire sur un point : lorsqu’il y a un enfant qui est dans une famille en difficulté, suspendre les allocations familiales de cette famille n’est pas de nature à la remettre nécessairement dans la prospérité et dans la stabilité. Mais lorsque J.P. Chevènement dit – et je crois que, là, il doit suivre – que lorsqu’il y a , non seulement une responsabilité des parents – ils n’ont pas fait leur travail de surveillance et d’éducation – mais en plus une complicité, car cela arrive aussi – au départ on utilise les enfants à des fins de délinquance -, oui , il doit y avoir sanction, et y compris par cette voie-là ».
Olivier Mazerolle
On a eu le sentiment que le mot « sauvageon » ne vous avait pas plu ?
François Hollande :
« Parce que je crois qu’en cette matière, il faut éviter de mettre l’accent sur telle ou telle expression. Parce qu’il ne s’agit pas de poursuivre des jeunes, il s’agit de poursuivre, jeunes ou moins jeunes qui se conduisent mal et qui aboutissent à de la délinquance. Il ne s’agit pas ici de mettre à l’index telle ou telle catégorie de la population ».
Olivier Mazerolle
Vous aviez déjà fait en sorte que C. Allègre tente de se réconcilier avec les professeurs. Vous êtes le normalisateur de la majorité ?
François Hollande : »
« « Normalisateur » est un mot horrible, cela s’apparente aux périodes soviétiques où, vous savez, il y avait des normalisateurs qui essayaient de mettre tout le monde dans la même ligne. Je n’ai pas du tout cette ambition. Moi, je suis un facilitateur : j’essaye de faire comprendre à chacun qu’on peut arriver au même résultat sans trop se fâcher ».
Olivier Mazerolle
Le Premier ministre croit que les 35 heures vont se développer cette année ? On voit que cela crée surtout des emplois dans le secteur public ?
François Hollande :
« Qu’il y ait des accords dans le secteur public, je les ai souhaités ! Vous ne pouvez pas à la fois dire : il faut que les entreprises privées aillent dans la négociation, trouvent des accords, et puis pour le secteur public, lui, regarder. Là, le secteur public a rejoué son rôle de modèle : puisque tout le monde doit s’engager, eh bien c’est à EDF, c’est à Air France – demain, je l’espère à la SNCF, à La Poste – de montrer l’exemple ».
Olivier Mazerolle
Vous connaissez beaucoup d’entreprises du secteur privé qui, comme EDF, pourra mettre 550 millions pour créer des emplois avec les 35 heures ?
François Hollande :
« Il va y avoir des aides pour toutes les entreprises, qu’elles soient privées ou publiques. Ce qui m’a extrêmement frappé, j’ai rencontré ces derniers jours des organisations patronales : le Medef, et hier les artisans du bâtiment. Vous savez que le Medef n’était pas enthousiaste par rapport aux 35 heures, c’est le moins que l’on puisse dire ! Ils avaient fait campagne contre le thème et contre la loi. J’ai entendu – c’est pourquoi j’ai été extrêmement attentif, j’ai même été prêt à lui faire l’accolade, si c’était nécessaire – de la bouche même de M. Seillière que, finalement, les 35 heures cela avait remis du dialogue social, qu’il y a 100 branches sur 200 qui discutent en ce moment et que, effectivement, il y avait une démocratie sociale qui apparaissait, et qui pouvait même aboutir à des créations d’emplois. Quand j’entends de la bouche même des entreprises que, finalement, c’est les 35 heures sont un moyen de modifier l’organisation du travail, de produire mieux et créer des emplois, moi, je vous dis : les 35 heures, cela a été une grande réforme, ce sera une grande réforme ».
Olivier Mazerolle
Pour que M. Seillière soit aussi souriant cela veut dire que vous lui avez annoncé que vous alliez abandonner quelque chose ?
François Hollande :
« Rien, je crois qu’il espérait – tout le monde vit dans l’espoir de quelque chose ou de quelqu’un – qu’en vantant le dialogue social il n’y aurait pas de deuxième loi. Et je lui ai fait observer que s’il n’y avait pas eu la première loi, celle qui a engagé le processus des 35 heures, il n’aurait pas eu de dialogue social et que, maintenant, la deuxième loi doit éviter que certains accords ou certains projets d’accord utilisent trop les heures supplémentaires. Là-dessus, je crois qu’il n’a pas forcément adhéré à mon propos, mais en tout cas il l’a compris ».
Olivier Mazerolle
Pas de Pacs en vue entre le PS et le Medef ?
François Hollande :
« Non, ce n’est pas à l’ordre du pour. En tout cas, cela n’empêche pas : vous n’êtes pas obligés de vous pacser pour vous parler ».
Olivier Mazerolle
Vous allez siéger où, l’année prochaine ? A Strasbourg ?
François Hollande :
« Je suis élu à l’Assemblée nationale. Vous savez, je tiens beaucoup à ma circonscription, beaucoup à mon rôle national, et je serai d’abord député de la Corrèze ».
Olivier Mazerolle
Quand même, L. Jospin dit : « F. Hollande serait un excellent candidat comme tête de liste du Parti socialiste ».
François Hollande :
« Redites-le ! Redites-le, parce qu’on ne m’a jamais fait autant de compliments ! »
Olivier Mazerolle
J.M. Ayrault dit : « c’est notre candidat naturel ». Avec de tels parrains !
François Hollande :
« Quand on dit du bien de vous, quand on vous sollicite vous n’êtes jamais insensibles. Mais en même temps il y a des règles, et donc nous réfléchissons à tout cela. Et nous engagerons cette procédure fin janvier ».
Olivier Mazerolle
Vous préparez vos électeurs ?
François Hollande :
« Ah, j’y tiens beaucoup, et j’y serai demain. Je pars à l’instant, et j’y serai demain aussi, parce que le Président de la République vient présenter ses vœux à la population, et je suis forcément là ».
Olivier Mazerolle
Vous préparez un au revoir ?
François Hollande :
« Non, ce n’est pas mon genre : je ne suis ni pour les adieux, ni pour les au revoir. Mais à un moment tout s’arrête ».
Olivier Mazerolle
Les chevènementistes seront sur la liste PS ?
François Hollande :
« Là on revient à des choses très sérieuses. Moi, je souhaite – puisque le Verts et le Parti communiste ont décidé de faire leurs listes -, qu’il y ait un rassemblement de la majorité plurielle qui reste – c’est-à-dire socialistes, Radicaux, Mouvement des citoyens – et j’y travaille ».