Débat entre MM. Harlem Désir, président de SOS-Racisme et Carl Lang, secrétaire général du Front national, à La Cinq le 27 novembre 1989, sur l'idéologie du Front national concernant le problème de l'immigration et la préférence nationale, et sur l'élection législative partielle à Dreux.

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Média : Emission Duel sur La Cinq - La Cinq - Télévision

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H. DESIR : Il y a une remontée du FN et nous payons à la fois les conséquences des débats un peu trop passionnés et exagérés sur l'affaire du foulard islamique et également à mon sens l'absence d'une véritable politique d'intégration qui fait que, là encore, ce sont les réflexes un peu instinctifs de rejet qui l'ont emporté sur une vision plus raisonnable de la façon dont on peut faire en sorte que Français et immigrés contribuons ensemble à la réussite de la France.

J.C. BOURRET : Est-ce que la poussée du FN c'est un cri d'alarme que les Français lancent au gouvernement qui n'aurait pas une politique cohérente et claire vis-à-vis des problèmes de l'immigration ?

K. LANG : C'est une prise de conscience du peuple français, notre slogan de campagne était "Immigration, ouvrez les yeux". Nous considérons que 1'immigration est une erreur économique, sociale, politique, et aujourd'hui que cette immigration prend des dimensions qui sont de l'ordre d'une migration, de colonisation. Alors c'est une victoire du FN, mais c'est une victoire du peuple français qui entend défendre son identité, son droit à la différence et qui entend rester maître chez lui, parce que le peuple français est chez lui dans ce pays, et nous n'entendons pas que nous devenions des citoyens de seconde zone. Voilà quel est le sens aujourd'hui de ce succès du FN qui en annonce beaucoup d'autres.

J.C. BOURRET : Quand vous entendez le discours de M. Lang, est-ce que c'est un discours qui vous paraît raisonnable ou est-ce un discours raciste pour vous H. Désir ?

H. DESIR : Le discours du FN est un discours raciste, il n'y a aucun doute là-dessus. Derrière la préférence nationale dont il est question, c'est un système de discrimination raciale où l'on empêcherait aux immigrés de bénéficier d'un certain nombre de prestations sociales alors même qu'ils cotisent au même titre que les Français. Après avoir pressé le citron de l'immigration, après s'en être servi pour le développement économique et culturel de la France, la proposition du FN complètement démagogique c'est de rejeter les immigrés. En réalité ce ne sont même pas des solutions, le FN exploite des difficultés de vie réelle d'un certain nombre de populations dans des quartiers où il ne fait pas forcément très bon d'y vivre, où il y a beaucoup de chômage, où il y a des problèmes d'échec scolaire et de délinquance. Le FN n'apporte aucune solution, il ne fait qu'exacerber des tensions entre les gens. La seule conséquence que l'on peut en tirer lorsque l'on est un démocrate, pour le week-end prochain, c'est de tout faire pour faire barrage au FN et donc de voter pour des candidats républicains contre des candidats du FN et faire en sorte qu'il n'y ait pas un seul élu du FN la semaine prochaine à l'Assemblée nationale.

K. LANG : Là où M. H. Désir a raison c'est quand il dit qu'il y a des problèmes d'éducation, quand il dit qu'il y a des problèmes de logement. Mais justement le FN est la seule organisation politique dans ce pays qui apporte des solutions concrètes à tous ces problèmes. Mais dans un pays où il y a près de 3 millions de chômeurs, il n'est plus possible pour le peuple français, pour la société française de porter le poids de cette immigration. Et c'est le sens de la politique du FN que de demander la priorité nationale car les Français sont prioritaires chez eux. Priorité d'accès au travail, d'accès au logement, aux aides sociales, le FN c'est le mouvement du peuple français et M. H. Désir est le collaborateur de la colonisation. Dimanche, il y a un double choix, le choix de la France française, de la résistance nationale face à la mise en place d'une société multiculturelle et pluriethnique qui nous mène à la perte de notre identité, de notre indépendance et de notre liberté, et il y a l'autre choix, celui de la gauche, du PC du PS qui soutiennent très curieusement le RPR et l'UDF, c'est le choix de l'anti-France. Le 2 décembre qui est le jour anniversaire d'Austerlitz, le peuple français doit choisir la voie de la défense nationale.

H. DESIR : C'est une aberration. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble de l'apport de l'immigration à l'histoire de notre pays, Marie Curie qui était polonaise, Yves Montand, Isabelle Adjani. Lorsque M. Lang et le FN disent que c'est par la préférence nationale dans le logement qu'on va améliorer la vie dans les quartiers, c'est-à-dire en disant que l'on affecte  les appartements prioritairement aux Français, c'est par ce genre de mécanisme que l'on fabrique les ghettos. Lorsque l'on empêche les familles étrangères d'être logées au même titre que les familles françaises sur des critères sociaux parce qu'elles ont besoin d'avoir accès au logement HLM, on les repousse dans un certain nombre de zones où plus personne ne veut aller. Dans un premier temps, on dit « on est bien entre soi », « on est bien entre Français », et puis on s'aperçoit que l'on fabrique un ghetto, et il suffit de voir ce qui se passe dans les villes américaines ou dans les villes anglaises pour savoir que c'est la pire des solutions et que cela débouche sur des sociétés explosives. Ce ne sont pas des solutions. C'est de la démagogie où l'on entretient la peur des gens, pour essayer de faire des voix. Le racisme est devenu une marchandise électorale dans la boucle de M. Le Pen et de ses complices.

K. LANG : Vous ne comprenez rien à ce que nous disons. Le FN n'a aucune idée raciste. Le FN entend défendre l'intérêt et l'identité du peuple français. Ce qui est très différent. Depuis 15 ans l'immigration n'a cessé de se développer. Il a fallu attendre le rapport paru dans "Le Monde" du responsable international sur les problèmes d'immigration pour s'apercevoir qu'il y avait 150 000 immigrés supplémentaires chaque année dans notre pays, plus 80 000 naissances étrangères. C'est-à-dire qu'en France, aujourd'hui, le nombre d'immigrés augmente d'un million tous les 4 ans. Or ceci n'est plus possible. Il était possible d'intégrer, d'assimiler quelques centaines de milliers de personnes mais non pas des millions.

H. DESIR : Moi j'ai proposé à M. Le Pen depuis très longtemps de débattre devant les Français de ces problèmes d'immigration ; je constate que jusqu'à présent il le refuse et qu'il m'envoie ses sous-fifres...

K. LANG : Il y a une différence entre J.-M. Le Pen et H. Désir, c'est que J.-M. Le Pen est un élu du peuple français alors que M. Désir ne représente qu'un groupe de pression au service du PS. Alors il est bien évident que J.-M. Le Pen ne débattra pas avec vous.

Q/ Il y a, M. Lang, une grande divergence d'analyse ; mais est-ce que vous vous respectez en tant qu'homme l'un et l'autre et est-ce que vous seriez prêts par exemple à vous serrer la main en direct ?

K. LANG : Moi je respecte H. Désir tout à fait ; je ne suis pas certain que la réciproque soit vraie ; mais nous n'avons pas la même vision de la société, de la nation. M. Désir défend une vision sociale de type multiculturel, moi j'entends défendre l'intérêt du peuple français en priorité. Alors nous sommes tout à fait opposés sur nos idées, sur l'avenir.

H. DESIR : Moi je vais répondre à votre question. Ici on n'est pas au cinéma ; l'enjeu c'est, dans la ville de Dreux, de savoir si les habitants de cette commune vont pouvoir se promener dans leur ville en toute sécurité ou si comme à l'époque où M. Stirbois était chargé de la sécurité, ils vont être en permanence terrorisés. Alors moi je ne m'amuse pas pour les plaisirs des caméras de télévision à serrer la main de gens qui (brouhaha) ... la haine raciale.

K. LANG : Quand François Scandier, un militant du FN, est assassiné par un immigré vous ne descendez pas dans la rue, alors que (inaudible) tous les médias et vos amis du PS.

H. DESIR : Est-ce que si un Breton commet un crime, vous considérez tous les Bretons comme des criminels ? Est-ce que si à La Trinité-sur-Mer un marin fait une bêtise, vous dites que tous les marins de La Trinité sont des criminels ?

Q/ Je constate que ni l'un ni l'autre n'avez voulu serrer la main de votre adversaire. Il y a matière à un duel sur la Cinq.