Interviews de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, à France-info le 9 et RTL le 10 juin 1997, sur le délai réclamé par la France pour l'adoption du Pacte de stabilité monétaire, compte tenu du changement de majorité politique.

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Circonstance : Conseil européen à Amsterdam du 16 au 18 juin 1997. Sommet franco-allemand à Poitiers le 13

Média : Emission L'Invité de RTL - France Info - RTL

Texte intégral

Entretien avec "France-info" (Paris, 9 juin 1997)

FRANCE-INFO : Le gouvernement français vient de bloquer à Luxembourg l'adoption du Pacte de stabilité qui devait être approuvé la semaine prochaine au Sommet d'Amsterdam. Pourquoi ?

PIERRE MOSCOVICI : C'est un peu plus compliqué que cela. Je crois qu'il faut d'abord préciser ce qu'est notre attitude de fond par rapport à ce problème pour qu'il n'y ait pas de malentendu.

Nous voulons la monnaie unique. Nous voulons que la monnaie unique se fasse dans les délais. Nous respectons le traité de Maastricht qui a été ratifié par le peuple français. Nous sommes favorables à une stabilité des finances publiques, donc à la réduction des déficits publics.

Mais en même temps, il y a deux éléments nouveaux.

Premier élément nouveau : en Europe, il y a eu deux gouvernements qui ont été désignés récemment, deux gouvernements d'ailleurs socialistes et sociaux-démocrates, en Grande-Bretagne et en France. Et le deuxième élément : nous pensons que l'Europe doit être rééquilibrée, que ce nouvel équilibre doit concerner aussi l'emploi.

Et donc, nous ne refusons pas le Pacte de stabilité mais nous disons que les règlements qui doivent traduire son application ne peuvent pas être acceptés en l'état aujourd'hui.

FRANCE-INFO : Donc, pour être clair, vous ne dites plus tout à fait, comme Lionel Jospin le disait pendant la campagne, que le pacte de stabilité, c'était du super-Maastricht, qui ne nous engageait pas ?

PIERRE MOSCOVICI : Ce qui est exact, et il faut le souligner, c'est que le pacte de stabilité, qui a été ratifié à Dublin, a été adopté postérieurement au traité de Maastricht et que, contrairement au traité de Maastricht, il ne l'a pas été par un débat démocratique devant l'opinion, que ce soit un référendum, ou un débat devant le parlement. Il est clair que la philosophie de ce Pacte de stabilité n'est pas celle que le Parti socialiste aurait souhaitée.

En même temps, c'est la voix de la France qui s'est exprimée dans une négociation internationale. Je crois que le sujet n'est pas là. Nous, nous voulons une évaluation de ce texte. Nous voulons qu'on dise très exactement ce qu'il signifie.

Nous voulons aussi et surtout qu'on le rééquilibre et qu'on le rééquilibre de deux façons.

D'abord, en mettant en place des politiques de coordination des politiques économiques ; faire en sorte que face à la banque centrale, il y ait un pouvoir politique. Cela existe partout et toujours : en Allemagne, en France. Pourquoi la banque centrale déciderait-elle de tout, toute seule ?

Et puis, deuxièmement, nous souhaitons qu'il y ait une véritable initiative de croissance en Europe. Alors, je le redis avec force, nous souhaitons ajouter une dimension pour l'emploi, ajouter une dimension économique, ajouter une dimension politique à l'Europe, donc compléter tout ce dispositif, faire en sorte que l'Europe change de philosophie, qu'elle se fasse à nouveau pour l'emploi, pour la croissance.

FRANCE-INFO : Donc, pour être clair, l'engagement pris par la France à Dublin sur le principe du pacte tient, l'engagement sera honoré, mais on veut ajouter un codicille au Pacte tel qu'il existe ?

PIERRE MOSCOVICI : Pour être tout à fait clair, aujourd'hui nous demandons une évaluation de ce pacte. Nous ne le prenons pas en l'état, nous ne le rejetons pas non plus. Nous ne demandons pas à ce qu'il soit renégocié. Nous insistons beaucoup pour qu'il y ait de nouvelles clauses qui concernent la coordination des politiques économiques et qui concernent une initiative de croissance pour que l'Europe soit, encore une fois, au service de la croissance et de l'emploi.

FRANCE-INFO : Mais est-ce qu'il ne s'agit que d'ajouter à ce pacte ou est-ce qu'on peut envisager qu'on va retrancher quelque chose du pacte, tel qu'il existe ?

PIERRE MOSCOVICI : Aujourd'hui, nous n'avons demandé aucun report de la monnaie unique, nous n'avons demandé aucune renégociation de quoi que ce soit. Il faut être très précis. Nous avons demandé un délai, et quoi de plus naturel dans la vie de l'Union européenne dès lors qu'il y a des changements de politique majeurs. Je vous signale quand même que le nouveau gouvernement n'a pas encore prononcé sa déclaration de politique générale. C'est le mardi 19 juin. Et on voudrait qu'avant même cela, nous ayons signé tout un tas de textes qui engagent la France pour l'avenir sur une politique qui a été définie avant les élections ?

Écoutez, très franchement, je crois que ce ne serait pas très sérieux. Nous avons été élus pour changer la politique économique de la France et nous le ferons.

Alors tout cela ne se passe pas si facilement parce qu'on a des partenaires et, ce soir, les quatorze partenaires de la France font savoir qu'ils souhaitent que le calendrier d'Amsterdam soit tenu. Ils demandent à Lionel Jospin de réfléchir. La France est isolée ce soir.

Lionel Jospin réfléchira sans aucun doute, et Dominique Strauss-Kahn lui rendra compte de ce qui s'est passé dans ce Conseil Ecofin.

Mais en même temps, c'est très net en ce qui nous concerne : nous avons demandé un délai, nous voulons procéder à une évaluation. Nous avons tenu aussi à rassurer nos partenaires. La France est dans le calendrier de la monnaie unique ; elle est pour la monnaie unique et elle se fera en 1999 dans les conditions prévues par le traité. Ce qui d'ailleurs est de nature à rassurer à la fois nos partenaires et les fameux marchés financiers qui existent.

Mais nous pensons que pour faire cette évaluation, il faut plus d'une semaine et donc, on ne pourra pas conclure à Amsterdam.

FRANCE-INFO : Donc, quand même sur le calendrier d'Amsterdam, c'est quatorze contre un, ce soir ?

PIERRE MOSCOVICI : Non, je n'ai pas la même interprétation que vous. J'ai lu les déclarations du ministre des affaires économiques allemand, M. Waigel, et de M. Rexrodt aussi. Les deux comprenaient que le gouvernement français avait quand même des contraintes politiques. Un gouvernement qui arrive ne peut pas chausser comme cela les bottes de ses prédécesseurs. Il doit marquer sa différence. Il doit marquer sa nouveauté, il doit marquer un changement. Vous savez, François Mitterrand a été élu en 1981 sur un programme, et un an et demi après, sous la contrainte extérieure, il y a eu un changement de politique. Jacques Chirac a été élu et il y a eu un tournant assez rapide de sa politique. Les Français veulent qu'on tienne les engagements. Et nous tiendrons nos engagements qu'il s'agisse de la monnaie unique, de la politique économique, et de tout ce qui concerne l'emploi, je pense notamment à notre programme « 700 000 jeunes ».

FRANCE-INFO : Vous ne voulez pas quand même donner l'impression que pour son retour ou son arrivée au pouvoir, la gauche en France déclenche une petite crise européenne, dès la veille du prochain sommet ?

PIERRE MOSCOVICI : Il n'y a pas de crise européenne. Il y a une prise de contact qui a été franche, qui a été, à l'occasion, vigoureuse, et dans laquelle nous avons voulu faire comprendre à nos partenaires qu'il y avait un changement de politique en France  c'est normal d'ailleurs, quand il y a un changement de majorité  et en même temps que nous restions tout à fait dans les orientations qui sont dans la logique de l'Union européenne.

La France est inscrite dans l'Union européenne. La France est pour la monnaie unique. Je le répète avec beaucoup de force. La France respecte aussi une certaine culture et stabilité. Mais nous ne sommes pas pour en rajouter. Nous voulons un nouvel équilibre pour l'emploi et ça, ce sera la ligne politique du nouveau gouvernement français.

FRANCE-INFO : Et donc, les quatorze partenaires européens sont priés d'attendre ?

PIERRE MOSCOVICI : Je pense qu'ils ont compris  encore une fois, je n'ai pas tout à fait la même interprétation que vous  que nous étions dans la nécessité d'évaluer profondément ce pacte.

FRANCE-INFO : L'Europe, ce sont aussi les grands services publics que vous ne voulez plus privatiser. Que se passe-t-il quand il y a eu accord avec la Commission, par exemple pour privatiser Air France en échange d'une recapitalisation de 20 milliards ?

PIERRE MOSCOVICI : Pour le moment, le problème des privatisations est suspendu dans son ensemble. Je veux quand même me faire comprendre et peut-être suis-je contraint du coup de me répéter.

Je crois que nous sommes européens. J'en suis même sûr. Nous allons prendre les dispositions qui s'imposent pour faire en sorte que l'Europe avance. Et en même temps, nous ne sommes pas engagés et je n'accepterai pas qu'on dise que, sous prétexte qu'il y a l'Europe, alors la France ne peut pas mener la politique économique qui doit être la sienne.

FRANCE-INFO : Mais on n'est pas engagé auprès de la Commission sur Air France ?

PIERRE MOSCOVICI : Nous sommes engagés dans la construction européenne, mais nous gardons en même temps notre liberté d'appréciation sur toute une série de dossiers. Encore une fois ce n'est pas une vision libérale de l'Europe qui nous oriente, et ce n'est pas elle qui va nous contraindre à faire une politique inverse de celle que nous voulons mener. Le peuple français a tranché ; il a tranché pour une politique volontariste, pour une politique pour l'emploi. Elle sera appliquée. Nous voulons concilier l'Europe et la France, nous voulons faire l'Europe sans défaire la France. C'était la formule de Lionel Jospin pendant la campagne électorale. Elle demeure aujourd'hui valide, car n'oubliez pas que Lionel Jospin, c'est un homme qui fait ce qu'il a promis.


Entretien avec "RTL" (Paris, 10 juin 1997)

RTL : La France réclame un délai pour l'adoption du pacte de stabilité et de croissance mais est-ce pour l'accepter ou pour obtenir quelque chose ?

PIERRE MOSCOVICI : Il s'agit d'un délai pour l'évaluer d'abord et d'un délai pour obtenir quelque chose : pour obtenir qu'on le complète par deux volets qui sont pour nous extrêmement importants : d'abord, faire en sorte qu'il y ait ce qu'on a appelé un gouvernement économique, ce qu'on peut appeler autrement car l'expression ne plaît pas aux Allemands : la coordination des politiques économiques. Bref, faire en sorte que, face à la Banque centrale, il y ait une véritable autorité politique qui dise ce qu'elle veut. Il faut aussi compléter cette politique de stabilité. Nous ne sommes pas opposés à la stabilité, nous voulons la monnaie unique mais il faut compléter cette politique de stabilité par une politique de croissance, par une initiative de croissance telle que la proposait Jacques Delors au début des années 1990. Il faut faire en sorte que l'Europe aille vers un nouvel équilibre pour l'emploi, pour la croissance, qu'elle ne soit pas uniquement polarisée par la réduction des déficits publics. On vient d'entendre une chronique (chronique de J.-Y. Hollinger, ndlr) qui montrait quelles étaient les conséquences d'une politique entièrement attirée par cela. Nous ne voulons pas la hausse des impôts ni la baisse de l'indemnisation chômage.

RTL : C'est la fin du diktat de la finance et de la Bundesbank et vive la politique ?

PIERRE MOSCOVICI : C'est le retour à une conception politique de l'Europe, effectivement. Mais en même temps, je veux le dire parce qu'il ne faut pas que les choses soient mal comprises, il n'y a pas eu de crise hier ; il y a eu un gouvernement qui arrive, qui dit quelles sont ses priorités, qui indique à ses partenaires qu'il est pour la monnaie unique, dans les délais, qu'il accepte les termes du Traité, qu'il a la culture de la stabilité mais en même temps, qu'il demande aux autres de comprendre à la fois les exigences du calendrier et aussi le changement politique.

RTL : En janvier dernier dans un livre que vous avez intitulé « Plaidoyer pour une autre politique », vous avez écrit, en parlant du pacte de stabilité : ce demi-succès allemand est une défaite française. S'agit-il de gommer cette défaite ?

PIERRE MOSCOVICI : On ne peut pas revenir éternellement sur le passé mais je ne renie pas fondamentalement ce que j'ai écrit là. Ce qui est vrai, c'est que nous avons accepté le traité de Maastricht  et non seulement nous l'avons accepté mais, à l'époque, ce sont des socialistes qui l'ont négocié. Il a été approuvé par le peuple, même si cela a été une très courte majorité. Mais je crois que les Français n'ont jamais été saisis des décisions du sommet de Dublin. Ils ne l'ont pas voté par référendum et le Parlement n'en a pas été saisi. Et je crois que ce n'était pas ce que nous pouvions faire de plus opportun. La voix de la France s'est exprimée. Elle a été engagée. Nous ne demandons pas la renégociation de ce Pacte mais nous demandons qu'on y ajoute du sens, de la politique et une volonté d'aller vers une Europe de la croissance et de l'emploi.

RTL : Le président de la Commission européenne, Jacques Santer, a-t-il tort de venir jeudi à Paris dans l'esprit de régler un compromis pour que ce Pacte puisse être quand même adopté à Amsterdam lundi prochain ?

PIERRE MOSCOVICI : Il faut que toutes les consultations nécessaires aient lieu aujourd'hui. Lionel Jospin, comme le président de la République d'ailleurs, voient le Premier ministre néerlandais qui est le président en exercice de l'Union européenne. M. Santer sera là jeudi, M. Blair sera là demain. Vendredi, il y a un sommet franco-allemand. Tout cela est très utile, mais je crois quand même que, dans notre esprit, les choses sont assez claires. Si nous demandons une évaluation, c'est que nous pensons qu'elle prendra un peu plus d'une semaine. Nous ne voulons pas nous contenter d'avoir deux paragraphes dans une résolution, nous voulons qu'on nous donne un vrai délai. Quoi de plus normal ? Un gouvernement vient d'être élu en France - d'ailleurs il y en a eu un qui vient d'être élu aussi en Grande-Bretagne. Il arrive le 1er juin, il n'a pas encore fait sa déclaration de politique générale qui est prévue le 19 juin et on voudrait qu'auparavant, il ait signé plusieurs textes qui reprennent des politiques qui ont été faites avant lui. Je crois que c'est tout à fait compréhensible, normal, simple.

RTL : Où sont les alliés de la France en Europe ? Tout le monde dit : « bien sûr, il faut créer de l'emploi, faire en sorte que l'emploi soit la priorité » mais Tony Blair, par exemple, dit : « d'accord priorité à l'emploi mais par la flexibilité », c'est-à-dire l'inverse de ce que vous préconisez.

PIERRE MOSCOVICI : Ce n'est pas exactement, effectivement, notre conception. En même temps, c'est vrai qu'il dit aussi « priorité à l'emploi ». Je crois qu'aujourd'hui, doit commencer en Europe un vrai débat, qu'on doit tenir compte du changement politique ou du changement de l'équilibre politique en Europe. Aujourd'hui, ce sont les sociaux-démocrates qui représenteront la majorité des pays de l'Union. A eux de se concerter entre eux, à eux aussi d'arriver à définir une position commune, à eux d'en convaincre les autres. Je crois qu'aujourd'hui, il n'y a pas de sujet tabou.

RTL : Mais sur les remèdes, à Malmö, la semaine dernière, Lionel Jospin paraissait un peu isolé au milieu des sociaux-démocrates ?

PIERRE MOSCOVICI : Lionel Jospin, je crois, s'est tout à fait entendre par les leaders sociaux-démocrates. Il leur a dit : nous, nous continuons, nous sommes pour la monnaie unique, nous acceptons les disciplines qu'elle impose ; nous sommes, en plus, pour la monnaie unique à temps, j'insiste, en 1995  pas de report, pas de renégociation mais en même temps, nous voulons très clairement qu'elle soit mise au service de l'emploi et de la croissance et donc nous sommes favorables à un rééquilibrage de l'Europe. Et je crois que ce message a été entendu.

RTL : Le sommet franco-allemand de vendredi à Poitiers sera-t-il l'occasion de cette « opération vérité » que vous souhaitiez lorsque vous étiez dans l'opposition ?

PIERRE MOSCOVICI : Ce sera le début d'une « opération vérité ». D'abord, c'est très important parce que ce sera la première rencontre dans leurs fonctions actuelles, entre Helmut Kohl et Lionel Jospin.

RTL : N'est-ce pas un peu tardif. D'habitude, la première rencontre d'un nouveau Premier Ministre français, c'est avec un allemand ?

PIERRE MOSCOVICI : Nous sommes en cohabitation, mais Helmut Kohl et Lionel Jospin se sont parlés longuement vendredi dernier, des contacts ont été pris avec l'entourage d'Helmut Kohl et je crois que les messages nécessaires ont été passés. Mais rien ne remplace le contact physique et, en plus, ce sera un contact dans le cadre d'un sommet, donc le chancelier pourra rencontrer tous les ministres du gouvernement, concernés par les affaires européennes. Et je crois qu'il peut comprendre tout à fait les exigences de la France. Les français ont voté pour une conception un peu exigeante de la politique. Pour nous et pour Lionel Jospin, une campagne électorale, ce n'est pas le moment où on est gentil, pour faire l'inverse le lendemain. Il y a eu un changement de majorité, c'est pour changer de politique.

RTL : Le chancelier Kohl peut-il accepter que les critères ne soient pas scrupuleusement remplis ?

PIERRE MOSCOVICI : J'entendais parler de « Monsieur 3 %. ». Je crois qu'Helmut Kohl le comprend, je crois que l'Allemagne a elle-même des difficultés à les atteindre. Pour ce qui nous concerne, il va y avoir un audit des finances publiques et nous verrons en fonction de ces audits quelles sont les marges de manœuvre. Mais là encore, je veux que les choses soient claires : la France veut que la stabilité des finances publiques soit respectée, elle veut réduire les déficits, elle ne conteste pas le critère mais, en même temps, nous souhaitons pouvoir mener la politique pour laquelle nous avons été élus. Donc, nous ne ferons pas l'inverse de ce pour quoi nous avons été élus.

RTL : Ne croyez-vous pas le moment venu de dire que les 3 %, il n'est pas possible de les atteindre et que 3 %, c'est suicidaire dans une période où la croissance n'est pas au rendez-vous ?

PIERRE MOSCOVICI : Ma conviction est très simple. Je pense que les finances publiques françaises ne sont pas en bon état. Je pense que l'audit le révélera et, à partir de ce moment-là, il faudra construire un budget de façon réaliste, c'est-à-dire qui tienne compte de nos objectifs et notamment de la volonté de créer 700 000 emplois, qui est un engagement. Et effectivement, ce n'est pas pour nous un chiffre talmudique.

RTL : Le président Chirac avait dit : « la France tiendra ses engagements européens, j'y veillerai ». Il n'y a pas de contradiction avec la politique actuellement suivie par le gouvernement ?

PIERRE MOSCOVICI : Aucune et d'ailleurs je veux rappeler, à propos des fameux critères, que pour ce qui me concerne, j'ai lu le traité : on peut tout à fait l'interpréter en tendances. Quand Théo Waigel dit qu'il ne connaît qu'un chiffre, 3 %, il veut dire aussi qu'il peut y avoir des décimales après la virgule.

RTL : Mais si lundi prochain, il n'y a pas d'adoption de ce pacte à Amsterdam, il sera difficile de prétendre que ce sommet aura été un grand succès pour le président de la République. Y aura-t-il respect des engagements de la France ?

PIERRE MOSCOVICI : À ce sommet d'Amsterdam, il y a un autre dossier très important qui est la conférence intergouvernementale qui doit modifier l'équilibre institutionnel de l'Europe, qui doit aussi introduire du social et de l'emploi dans le traité. Je crois que cela progresse et notre volonté n'est en rien de bloquer la construction européenne. À Amsterdam, il y aura des résultats concrets et je pense qu'on va pouvoir s'expliquer honnêtement.

RTL : Vous ne croyez pas aux vertus de la crise pour faire progresser l'Europe ?

PIERRE MOSCOVICI : Elle viendra peut-être. Quand nous demandons un délai, c'est aussi pour ajouter quelque chose. Nous ne sommes pas juste en train de dire : encore une semaine, Monsieur le bourreau.

RTL : La crise ne vous fait-elle pas peur ?

PIERRE MOSCOVICI : Nous voulons l'éviter. Nous ne sommes pas là pour provoquer une crise. Nous sommes là pour faire avancer l'Europe mais nous sommes là aussi pour que nos amis européens tiennent compte de nos priorités nationales : aller vers l'Europe sans défaire la France, c'était le slogan de Lionel Jospin pendant la campagne. Encore une fois, ce slogan sera la ligne du gouvernement.