Texte intégral
Messieurs les présidents,
Monsieur le secrétaire général,
Mesdames, Messieurs,
Je suis honoré d’être parmi vous aujourd’hui pour la séance solennelle de clôture de vos congrès nationaux.
C’est avec une joie non dissimulée que je m’adresse à vous.
Je tiens d’abord à me présenter et à vous rassurer. Vous le savez sans doute, je ne suis pas un ancien combattant. Je suis né le 23 août 1944. J’appartiens donc à cette génération privilégiée qui n’a pas connu la guerre.
Je suis conscient de la chance que j’ai eue, comme je suis conscient que c’est grâce à vous que notre continent connaît maintenant la paix.
Un résistant disait un jour à son fils, devant l’église d’Oradour-sur-Glane :
« Ta génération n’a connu ni l’héroïsme, ni le combat, mais elle est chargée de toute la misère passée. T’en souvenir, c’est d’abord donner un sens au martyr… »
Sans des hommes et des femmes comme vous, exceptionnels par leur patriotisme et leur courage, sans votre engagement pour les valeurs de notre pays, pour l’avenir de vos enfants, de nos enfants, pour qu’ils connaissent comme vous un pays démocratique, respectueux des libertés individuelles, sans vous, notre continent serait encore en guerre.
Vous avez fait reculer l’intolérance, la xénophobie, la barbarie. Vous l’avez vaincue.
Je suis pleinement conscient de la valeur de votre engagement. Et le fait que je n’ai pas combattu n’y changera rien : je serai votre plus ardent porte-parole. Je ferai en sorte que l’on n’oublie jamais ce que vous avez fait et ce que notre Nation vous doit.
Jamais notre histoire n’a été aussi sanglante, aussi barbare, que durant ce siècle. Jamais sans doute le combat pour la liberté n’a été aussi difficile.
Mais vous avez gagné. À quel prix ! Il aura fallu six années de guerre, plus de 50 millions de morts dont 11 millions en déportation.
Onze millions d’hommes, de femmes, d’enfants. 11 millions de résistants au nazisme, de Juifs, d’opposants politiques et bien d’autres encore.
La France n’oublie pas l’effroyable machine à broyer les vies et les âmes qui s’est déployée, voici plus de cinquante années, à l’instigation d’une idéologie déshumanisée.
Elle n’oublie pas les déportés, les internés, et les résistants, leur courage et leur martyr.
Aucun d’entre nous ne doit jamais l’oublier, ou pire encore le nier ou en relativiser l’importance.
Ainsi, le 10 juin dernier, les cérémonies commémoratives d’Oradour-sur-Glane étaient perturbées par un professeur d’université négationniste !
Tout en sachant que le combat de ces négationnistes est perdu d’avance, tant les preuves de la tragédie de la déportation sont nombreuses et incontestables, nous devons les empêcher de profiter de l’ignorance de gens peu ou mal informés et ne tolérer aucune de leurs insinuations pernicieuses.
Il ne s’agit pas de les convaincre : ils savent que ce qu’ils disent est faux.
Il s’agit de répondre systématiquement à leurs théories qui n’appelleraient que le mépris si le sujet n’était aussi grave.
Pour cela, je veux être le lien entre les générations…
D’abord, la vôtre. Celle du monde combattant. Celle des résistants qui ont consenti aux plus grands sacrifices pour notre pays.
Ensuite, la mienne. Celle qui, je le répète, vous doit la paix, la liberté, la démocratie.
Et enfin, celle de nos enfants et petits-enfants, qui ne connaissent pas suffisamment ce qu’ils vous doivent et qui ignorent trop souvent votre histoire, qui est notre bien commun.
Il y a quelques jours et c’était d’ailleurs mon premier déplacement, j’inaugurais dans la Drôme une école portant le nom prestigieux de Jean Moulin.
J’ai ainsi pu rappeler devant des centaines de jeunes quel rôle cet homme a joué dans notre histoire.
Cette transmission aux jeunes est essentielle. On nous dit qu’ils sont aujourd’hui perdus, désarmés et qu’ils manquent de modèles et d’idéaux.
Malgré ce que vous faites, puisque nombreux sont ceux qui, résistants, déportés, vont témoigner dans les écoles, collèges, lycées. Je vous en remercie. Grâce à vous, la flamme de la Résistance ne s’éteint pas.
Notre devoir n’est pas terminé. Les idées extrémistes demeurent vivantes, fortes, et trouvent un écho trop vaste. Il faut que nous restions vigilants.
Il y a quelques semaines, un cimetière d’anciens combattants était profané près de Strasbourg. Il y a quelques jours, c’étaient les cérémonies commémoratives d’Oradour-sur-Glane qui étaient perturbées par des révisionnistes.
C’est inacceptable.
L’antisémitisme, la xénophobie ont comme racine profonde l’ignorance. Et c’est contre celle-ci qu’il faut lutter. Je m’y attacherai.
Dans ce domaine, comme dans d’autres, le rattachement des anciens combattants au ministère de la défense pourra être un avantage.
Enfin, je vais conclure, les valeurs de Jean Moulin et ses compagnons : liberté, démocratie, tolérance, solidarité… ce sont aussi les valeurs qui ont ondé l’Union européenne, et qui sont plus que jamais nécessaires à son avenir. C’est pour moi capital.
La plus grande réussite de l’Union européenne, espoir comblé des anciens combattants, aura été la paix. Notre continent connaît enfin une paix durable, après tant de guerres, tant de morts.
Je pense aux millions de morts en déportation. Je pense aux résistants de tous pays, héros et souvent martyrs. Je pense aux soldats des armées en uniforme.
Dans cette construction européenne, les anciens combattants ont joué un rôle majeur. Vous êtes les fondateurs de cette Europe de paix.
Si nos jeunes concitoyens comprennent quels sont les véritables enjeux de l’Europe, alors nous aurons gagné deux fois : contre les fascistes et pour l’avenir, un avenir de paix, de prospérité et d’amitié.
L’enjeu est trop fort pour qu’on y renonce.