Texte intégral
P. Lapousterle : Il y avait un rassemblement, hier soir, sur le parvis des Droits de l'homme. C'était à l'initiative de L. Jospin avec des représentants de tous les partis et de centaines d'organisations contre le terrorisme et pour la paix. Vous y étiez, est-ce que c'était un rassemblement qui correspondait à vos espérances ?
D. Vaillant : Bien sûr, à partir du moment où il y a ces drames, ce terrorisme fou en Israël, il était, je crois, légitime et normal que nous prenions cette initiative et, en même temps, que toutes celles et ceux qui veulent le processus de paix se rassemblent sur ce parvis des Droits de l'homme dans le silence. Je veux, de ce point de vue, vous dire tout simplement que les victimes, que ce soit Y. Rabin voilà quelques mois ou que ce soient les victimes en Israël, sont les victimes de l'esprit de guerre. Elles ne sont pas les victimes de l'esprit de paix. Et je pense qu'il faut effectivement de toutes nos forces soutenir les forces démocratiques, progressistes et notamment la démarche de Y. Arafat et de S. Peres pour aller dans le sens de la paix et pas de la guerre. Je n'ai jamais vu des victimes qui ne soient pas des victimes de l'esprit de guerre. Je le dis parce qu'on a tendance, de temps en temps, à entendre ici ou là que ce serait la paix qui serait à l'origine des morts ; c'est la guerre.
P. Lapousterle : Cela dit, le rassemblement d'hier n'empêchera pas les attentats.
D. Vaillant : Écoutez, quand même, j'ai l'impression que assez rapidement on a pris un dispositif complémentaire entre les Palestiniens d'Arafat et le Gouvernement israélien qui permet d'éradiquer un certain nombre de réseaux. Et j'espère qu'effectivement les attentats s'arrêteront et que la paix continuera, l'esprit de paix.
P. Lapousterle : Le président de la République est en Franche-Comté en ce moment, il a voulu rassurer, hier, à Besançon, sur les problèmes que posera la restructuration de l'armée dont il a assuré qu'elle se ferait – je le cite – avec le temps nécessaire et les contreparties qui s'imposent. Est-ce que ce langage vous a rassuré ?
D. Vaillant : Il est normal qu'il le dise. Je constate que, sur la méthode, il a fait une annonce télévisuelle aux Français et que maintenant, pour reprendre son expression, il fait la tournée des « popotes » provinciales pour aller rassurer. Mais je vais vous poser une question, non pas à vous, M. Lapousterle, mais à ceux qui nous écoutent : est-ce que les engagements de J. Chirac, c'est rassurant ? Ça fait moins d'un an qu'il est président de la République, il en a tenu des discours, des engagements, il a voulu rassurer, promettre. Donc j'attends de voir et je pense que les élus les plus directement concernés, les populations les plus directement concernées, attendent de voir. Je crois qu'il faut avoir ce débat sur l'armée française. Il faut l'avoir sereinement, avec tous les éléments. Il faut que ce débat soit public parce que ça concerne les Françaises et les Français et notamment pour leur défense. Concernant les restructurations industrielles et les contreparties, comme il dit, moi j'attends de voir. Parce que, quand il dit « je veillerais », écoutez, on peut douter avec le « je » de J. Chirac.
P. Lapousterle : Vous les auriez faites, ces restructurations. Vous étiez les premiers, au PS, à dire qu'il fallait que l'armée soit remise dans un cadre un peu différent d'avant...
D. Vaillant : Sans doute.
P. Lapousterle : Vous ne pouvez pas en critiquer le principe ?
D. Vaillant : Non, je ne critique pas le principe. D'ailleurs, vous avez vu que la réaction des responsables socialistes a été prudente. Il est clair que les choses ne pouvaient pas rester en l'état. Le problème du budget de la Défense est posé quand on est dans la période de crise où l'on est et qu'il y a manifestement des demandes différentes pour la défense de la France. Donc qu'il y ait des évolutions, bien évidemment. Mais par rapport à la question que vous posiez sur les contreparties, comme dit le président de la République, encore une fois, je ne suis pas comme cela à dire, puisque J. Chirac l'a dit, « c'est acquis ». Vous savez, chat échaudé craint l'eau froide.
P. Lapousterle : Il y a un autre sujet qui est débattu en ce moment et qui est assez important puisqu'il concerne tous les Français. Et vous êtes un peu spécialiste puisque vous le savez, tout le monde vous annonce comme futur ministre de l'Intérieur...
D. Vaillant : Oui je l'ai lu mais je n'y suis pour rien et moi, je veux faire mon travail de socialiste et de parlementaire et de maire, il n'y a que ça qui m'intéresse.
P. Lapousterle : Il y a un avant-projet de loi qui est préparé, en ce moment, par les services de M. Debré, ministre de l'Intérieur, qui prévoit un durcissement assez important des lois Pasqua. Il y a notamment une nouvelle mesure – qui est soumise en ce moment aux différents ministres – qui serait la délivrance de certificats d'hébergements, avec fichier des hébergeants, département par département, pour mieux contrôler l'immigration clandestine d'une part et le statut des étrangers en France d'autre part ?
D. Vaillant : Sur ces sujets-là, encore, je ne comprends pas que le débat parte comme il a l'air de partir : avec, on laisse filtrer des textes, des thèses, des avant-projets et je me méfie encore parce qu'il y a eu les lois Pasqua, elles devaient tout régler et on constate qu'elles ne règlent rien puisqu'on veut aller encore plus loin. J'ai l'impression qu'on est en train de courir derrière le FN. Or chacun sait que ce n'est pas en voulant durcir sans intelligence, sans réflexion, qu'on règle les problèmes. Je pense que le ministre de l'Intérieur et celles et ceux qui travaillent avec lui, au lieu de s'occuper de fichiers, feraient mieux de s'occuper de la police pour redonner un sens à sa mission, une police nationale, républicaine, réorganisée, efficace.
P. Lapousterle : Pourquoi ? Qu'est-ce que vous reprochez à la police en ce moment ?
D. Vaillant : Mais je ne reproche rien à la police. Je constate qu'il y a quand même chez les policiers un vrai malaise, ils sont eux aussi victimes du malaise social. Je crois qu'en matière de motivation et de respect de la police, il y a une vraie difficulté, y compris quand j'entends le président de la République parler de sécurité intérieure à propos de l'armée, je me dis où va-t-on ? Je dis aujourd'hui : attention M. Debré, ne préparez pas des textes sur lesquels nous serons extrêmement vigilants. Il faut faire attention, quand on commence à parler de fichiers concernant des hébergeants. S'il y a des problèmes, il y a des services de police qui sont faits pour cela, qu'ils puissent avoir les moyens de travailler et qu'il faut être efficace. On a vu que, par rapport aux terroristes notamment, la police française savait faire quand elle avait des consignes, des moyens pour travailler et pour faire des investigations. Si on commence à vouloir faire des fichiers, vous savez, après c'est l'autorité administrative qui décide que tel ou tel hébergerait quelqu'un qui... C'est encore une fois une méthode de gouverner qui m'apparaît préoccupante et de toute façon, de ne pas faire d'effet d'annonce. S'il doit y avoir un débat autour de ces propositions, qu'on organise le débat. Mais qu'on arrête de faire des effets d'annonce peur faire plaisir aux électeurs du FN, ce n'est pas comme cela que la droite va les récupérer. Si c'est son souhait, je pense que ce serait une mauvaise cause à défendre.
P. Lapousterle : N° 2 du PS, est-ce que vous pensez que vous allez d'un bon pas au PS ou qu'il faudrait vous presser un peu ? Les deux écoles existent chez vous.
D. Vaillant : Je crois que ce débat sur le rythme est un peu derrière nous parce qu'on a vu le week-end dernier qu'on pouvait avancer solidement, sérieusement, sans tanguer, avec réflexion, débat d'idées et rassemblement. Je crois qu'aujourd'hui, avec L. Jospin, on a un PS qui débat pour pouvoir faire des propositions concrètes, sérieuses, réalistes aux Françaises et aux Français qui ne veulent plus des promesses inconsidérées – on a vu ce que ça donnait avec J. Chirac – mais en même temps...
P. Lapousterle : Les promesses, il y en a eues pour tout le monde, tout le monde a sa part...
D. Vaillant : Oui, sûrement mais je pense que les socialistes tirent la leçon du passé de ce point de vue. Et notre rythme sera celui effectivement qu'on a fixé, tout au cours de cette année, pour préparer les élections législatives. Je constate quand même, y compris en lisant les sondages, que la cote positive du PS, il n'y aucun autre parti qu'il l'a. Je crois que ça démontre que le PS dans sa méthode, sérieuse, responsable, retrouve du crédit dans l'opinion et les élections partielles le démontrent chaque dimanche. Honnêtement, ça donne des raisons d'espérer.