Interview de Mme Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, à France 2 le 2 octobre 1998, sur le changement de direction à l'UNEDIC, l'action de la CFDT pour la réinsertion des chômeurs, et l'annulation de l'accord sur la réduction du temps de travail à EDF.

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Q - À propos de l'Unedic, vous passez le relais. La présidence revient D. Gautier-Sauvagnac, c'est le jeu normal de l'alternance. Mais, tout de même, vous avez décidé de quitter le bureau de l'Unedic, pourquoi ?

– « Parce que je passe le relais – parce que les conditions sont réunies et que c'est bien ainsi – à M. Jalmain, qui est secrétaire national à la CFDT, pour assumer les fonctions que j'assumais personnellement jusque-là, dans ce régime. »

Q - Ça ne veut pas dire que la CFDT se désengage de la gestion de l'Unedic ?

– « Pas du tout. Heureusement, la CFDT ce n'est pas que sa secrétaire générale, c'est beaucoup d'autres responsables heureusement. Et donc voilà. La CFDT reste présente à l'Unedic, avec les responsabilités qu'elle a assumées jusqu'à maintenant. Simplement, il y a un changement de personnes, c'est tout. »

Q - Ceux qui disent que parfois vous avez dû assumer, en tant que présidente de l'Unedic, des décisions qui n'étaient pas forcément les vôtres se trompent ?

– « Non, quand on est présidente à l'Unedic, ce n'est pas être chef d'entreprise. Présidente, c'est animer un conseil d'administration  ; il faut une majorité du conseil d'administration pour prendre des décisions. Donc évidemment que je n'ai pas pris seule ces décisions. Je dirais je ne suis pas insatisfaite du travail qui a été fait à l'Unedic. Je pense que depuis six ans, franchement, la tempête est derrière nous  ; le gros temps est derrière nous. Ce régime était en quasi-faillite quand j'ai pris la présidence. Aujourd'hui, bon, il est sauvé. Je pense que ce régime n'est jamais à l'abri d'un nouveau coup de vent. Mais en tout cas, il est en capacité de faire face aujourd'hui. Et puis de bonnes choses ont été faites : les chômeurs retrouvent des conditions d'indemnisation meilleures qu'en 1992. Aujourd'hui enfin, les mesures actives – c'est-à-dire ces dispositions qui permettent aux chômeurs de, bien sûr, toucher une allocation, mais aussi un travail en même temps qu'une allocation. L'ARPE également. Regardez l'ARPE  ! Il y a six ans, je me souviens des batailles qu'il fallait engager pour que l'Unedic aille sur le terrain de ces dispenses actives. Aujourd'hui tout le monde en est d'accord, je m'en réjouis.

Et puis, un gros chantier et une grosse affaire a eu lieu : c'est qu'aujourd'hui, les chômeurs vont directement à l'Assedic et non plus à l'ANPE pour se faire inscrire. Ils ont en même temps connaissance de leurs droits ; en même temps traitement de leur dossier d'indemnisation. Je crois que cela leur facilite la vie. En même temps, il y a plus de gens qui peuvent être indemnisés. Tout cela dans des conditions où il y a eu plusieurs sites qui ont été ouverts pour favoriser l'accueil des chômeurs, avec aussi, je voudrais le signaler, des personnels dans ce régime qui sont finalement très conscients de leur travail social. »

Q - Les chiffres du chômage du mois d'août n'étaient pas très bons. Il y a surtout une conjoncture internationale qui se dégrade. On l'a vu. Cela vous préoccupe ? Quel pronostic vous portez sur la situation ?

– « Comment ne pas être préoccupée par cette folie des marchés mondiaux. Je crois que si les libéraux à tout crin n'ont pas aujourd'hui la démonstration que le libéralisme débridé, non seulement ça a ses limites, mais c'est lourd de risques et de menaces, la démonstration est faite. Je trouve que c'est cher payé mais la démonstration est faite. Donc il est vraiment grand temps de mettre de l'ordre dans cette économie mondiale, de l'orienter, de la diriger. Il est temps que ce système financier international, le système monétaire lui aussi, se discipline ; qu'on y mette des règles pour, qu'en particulier la volatilité des capitaux, en particulier de ces capitaux spéculatifs qui cherchent du rendement à court terme, contre l’intérêt même du développement des entreprises, contre l'intérêt de l’économie réelle, tout cela ne peut plus durer ! Je crois qu'il est temps que les gouvernements, que les institutions internationales prennent les moyens d'agir. »

Q - Question sur la vie interne de la CFDT : vous avez une aile gauche qui s'est beaucoup manifestée avec, notamment le mouvement « Tous ensemble ». Comment gérez-vous cette aile gauche ? Dans une interview, récemment, vous disiez : « Elle ne représente pas la culture et les valeurs de la CFDT, mais c'est suffisamment grave pour que le- congrès s'en préoccupe » ?

– « À la CFDT, comme je crois dans toutes les organisations syndicales, bien sûr, nous fonctionnons sous les règles de la démocratie, heureusement. En démocratie, cela veut dire qu'il y a bien évidemment des gens qui ont le droit d'être en accord ; pas en accord ponctuellement, globalement. Cela c'est la vie démocratique et évidemment je souhaite que ce soit la loi à la CDFT. Mais là, nous avons été confrontés à une situation, c'est vrai, inédite – dont j’espère que tout cela va rentrer dans l'ordre –, qui est la constitution d'une tendance. Et cela, c'est effectivement pas du tout la culture de la CFDT, parce que tout simplement ce type de fonctionnement fige le débat, il paralyse les structures dans leurs possibilités d'avancer vers des synthèses plus collectives, plus majoritaires. Eh bien un congrès arrive, il est là, bien sûr, pour faire son travail. C'est-à-dire que ce sont les syndicats qui ont la parole. Ce sont les syndicats qui vont avoir à dire quelle CFDT ils veulent pour demain ? Qu'allons-nous faire aussi de notre bilan positif, car ce bilan est positif. Voilà. Donc c'est un congrès qui tombe à point. »

Q - Vous souhaitez que tous ensemble rentrent dans le rang ?

– « Non, c'est à eux de savoir ce qu'ils veulent faire à l'intérieur de la CFDT ; comment ils veulent se situer. »

Q - L'accord EDF-GDF qui avait été signé par la CFDT et qui a été dénoncé par FO et la CGT puis annulé en justice : cela vous exaspère franchement, non ?

– « Oui, c'est exaspérant parce qu'on ne comprend pas comment on peut arriver à de telles absurdités et à un tel ridicule. Je ne vois pas ce qui au nom de la défense des acquis… parce que j'ai cru comprendre que la CGT, Force ouvrière, avaient attaqué cet accord au nom de la défense... »

Q - Un accord qui permet d'embaucher des jeunes ?

– « Qui permet d'embaucher des jeunes, qui permet à des salariés qui ont envie de quitter l'entreprise de le faire, qui permet à des salariés qui sont dans l'entreprise aujourd'hui de fonctionner sur du temps choisi, du temps partiel – vous savez ce fameux temps partiel qui est détestable quand il est imposé mais qui est appréciable quand il est choisi. Voilà ce qui s'est passé à EDF. Tout cela sont des avancées sociales et au nom de la défense des acquis, on en vient à saccager les nouvelles avancées sociales. J'avoue que je n'y comprends rien... »

Q - C'est une vision sectaire de la CGT ?

– « Non, je crois que c'est incontestablement un style de syndicalisme qui n'est pas le nôtre, que cela s'apparente un peu à des apprentis sorciers et à des pyromanes. Je crois que maintenant la situation est délicate à EDF car moi, je n'imagine absolument pas que les salariés regardent cette affaire en regardant sans rien dire le retour en arrière. Il n'est pas possible de revenir en arrière il faut donc trouver des solutions. Le Gouvernement peut en prendre un certain nombre, l'entreprise avec peut-être des négociations à rouvrir. En tout cas, il est inconcevable dans rester là où on en est. »

Q - Vous avez rencontre B. Thibault le futur patron de la CGT, vous en pensez quoi ?

– « Pas encore, mais j'espère que ce sera bientôt fait. »