Interview de M. Louis Viannet, secrétaire général de la CGT, dans "Paris-Normandie" le 9 novembre 1998, sur l'opposition de la CGT à la fermeture des Ateliers et Chantiers navals du Havre (ACH).

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Média : Paris Normandie

Texte intégral

Paris-Normandie : « Votre présence au Havre signifie-t-elle que la fermeture des ACH devient, à vos yeux, un enjeu national ? »

Louis Viannet : « Le devenir des chantiers du Havre est partie intégrante, non seulement du devenir de la construction navale en France, laquelle a pris des coups très durs, mais aussi de l’ensemble des activités maritimes et portuaires. Il est bien évident que si nous devions aller vers un nouvel affaiblissement des capacités de production de la construction navale par la disparition des ACH, c’est l’ensemble de la capacité de production nationale qui serait menacée ».

Paris-Normandie : « Vous ne partagez pas le raisonnement du Gouvernement dans cette affaire ? »

Louis Viannet : « Non seulement nous ne le partageons pas, mais je rappelle que l’argument qui avait été avancé pour justifier la fermeture des chantiers navals de la Ciotat, c’était précisément que, compte tenu de la concurrence effrénée qui se développait à l’échelle mondiale et de la réduction des débouchés, la construction navale n’avait plus de perspectives. Or on est aujourd’hui au même nouveau de commandes qu’il y a vingt-cinq ans, c’est-à-dire au niveau le plus élevé. L’argument ne tirent donc pas ! Pas plus que ne tient celui selon lequel le Gouvernement serait sous le coup de pressions européennes pour cesser l’aide à la construction navale, alors que tous les pays européens concernés aident leur navale. On ne peut accepter l’hypocrisie dans un domaine aussi sérieux ! »

Paris-Normandie : « Et l’argument du poids de l’aide publique à un chantier privé ? »

Louis Viannet : « Je ne comprends pas pourquoi cet argument aurait une valeur à propos des chantiers navals, alors que toutes les mesures d’aides qui sont prises dans le cadre des 35 heures ou celui de l’obsession de la baisse du coût du travail concernent bien des deniers publics accordés aux entreprises du secteur privé. On ne peut pas dire tout et son contraire dans la même argumentation ».

Paris-Normandie : « Comment percevez-vous l’annonce prochaine d’un plan de réindustrialisation pour le port du Havre ? »

Louis Viannet : « Ce serait plus crédible si ces annonces se situaient dans un ensemble cohérent clair et net des relances d’activité de construction et réparation navale. Et de reconquête de marchés… ».

Paris-Normandie : « La présence de Jean-Claude Gayssot, ministre communiste, au sein du Gouvernement est-elle de nature à pouvoir infléchir la position officielle actuelle ? »

Louis Viannet : « Nous ne portons pas de jugement sur l’action du Gouvernement en fonction des appartenances diverses des différents ministres. Nous portons un jugement global sur cette politique… »

Paris-Normandie : « Alors ? »

Louis Viannet : « Alors (silence), le conflit est engagé… »

Paris-Normandie : « Avec de réelles chances de succès ? »

Louis Viannet : « Les seules luttes perdues d’avance sont celles que l’on ne mène pas ! »